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14/11/2018 | FRANCE | N°17-20062

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2018, 17-20062


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1232-6 et L. 1132-1 du code du travail dans leur rédaction alors en vigueur ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée à compter du 15 février 2006 en qualité de personnel navigant commercial, par la société Air Méditerranée, ayant pour activité le transport aérien de passagers, a été licenciée le 8 octobre 2012 pour absences répétées désorganisant l'entreprise ; que la société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 15 févr

ier 2016, M. Y... étant désigné ès qualités de mandataire liquidateur ;

Attendu que pour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1232-6 et L. 1132-1 du code du travail dans leur rédaction alors en vigueur ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée à compter du 15 février 2006 en qualité de personnel navigant commercial, par la société Air Méditerranée, ayant pour activité le transport aérien de passagers, a été licenciée le 8 octobre 2012 pour absences répétées désorganisant l'entreprise ; que la société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 15 février 2016, M. Y... étant désigné ès qualités de mandataire liquidateur ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt relève que la lettre de licenciement fait état de la désorganisation engendrée par les absences de la salariée et de l'impossibilité, compte tenu des caractéristiques de son poste et du caractère inopiné de ces absences, de procéder à son remplacement temporaire dans des conditions qui ne permettent pas toujours de garantir le bon fonctionnement du service ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'est insuffisamment motivée la lettre de licenciement qui ne mentionne pas expressément, outre la perturbation du fonctionnement de l'entreprise, la nécessité du remplacement du salarié absent en raison de son état de santé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile condamne M. Y..., ès qualités, à payer à Me A... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me A..., avocat aux Conseils, pour Mme X....

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence d'avoir débouté celle-ci de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE Mme X..., qui avait été recrutée à compter du 15 février 2006 en qualité de personnel navigant commercial par la société Air Méditerranée a été licenciée par lettre recommandée du 8 octobre 2012 en raison de ses absences répétées qui désorganisaient l'entreprise ; que son employeur invoque ses arrêts de travail pour maladie totalisant 44 jours en 2011 et 71 jours en 2012, mais tous de courte durée et positionnés sur ses périodes de mission, et plus précisément en 2011 sur 9 fins de semaine, et en 2012 sur 15 fins de semaine, les congés scolaires de Noël et du mois de février, la fin de semaine prolongée de l'Ascension, puis les congés d'été du 25 juillet au 3 août correspondant à des périodes d'intense activité pour le transport aérien de passagers par une compagnie charter qui doit répondre à la demande de ses clients ; qu'il ajoute que cette succession d'arrêts de travail ne couvrait que les périodes pendant lesquelles Mme X... était de service, et qu'ainsi la fraude ne peut être écartée ; qu'en outre la société Air Méditerranée n'était informée de ses absences qu'au dernier moment de sorte qu'elles étaient imprévisibles, et qu'enfin elle ne recevait qu'irrégulièrement les justificatifs de ses absences, ignorant de ce fait leur durée minimale ; que Mme X... ne conteste en aucune façon ses absences sur lesquelles elle ne fournit aucune explication ; qu'elle ne dément pas leur caractère soudain et répétitif, et pas davantage le fait qu'elles survenaient précisément les jours où elle était de service, s'abstenant de surcroît de produire aux débats le moindre avis d'arrêt de travail ; que pour prétendre son licenciement abusif, elle rappelle tout d'abord n'avoir jamais fait l'objet d'avertissement ou de sanction disciplinaire pendant ses six années de travail au sein de la société Air Méditerranée jusqu'à sa convocation, le 28 août 2012, à l'entretien préalable ; que cependant son employeur justifie lui avoir adressé le 5 janvier 2011 une lettre recommandée avec accusé de réception signée conjointement par le responsable des personnels navigants commerciaux et la directrice des ressources humaines ainsi rédigée : « Madame, Une nouvelle fois, nous constatons que vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail le 10 novembre 2010. A ce jour nous avons toujours reçu aucun justificatif de votre absence. Nous vous mettons en demeure de justifier cette absence dans les meilleurs délais. Nous vous rappelons que vous êtes tenue au respect des dispositions du règlement intérieur en vigueur dans notre société et vous demandons à l'avenir de vous y conformer. Au-delà, nous sommes au regret de constater que vous ne tenez aucun compte de nos courriels vous demandant régulièrement d'apporter des justificatifs de vos absences des 11 octobre, 21 et 22 septembre, des 23 au 27 août, du 1er juin et des 11 au 14 février 2010. Nous portons donc à votre connaissance que si vous persistez à adopter une attitude consistant à ne pas nous adresser des justificatifs de vos absences, nous serions contraints d'envisager des mesures disciplinaires à votre égard » ; qu'il est ainsi établi qu'avant l'engagement de la procédure de licenciement, Mme X... avait déjà été rendue destinataire de nombreuses correspondances électroniques de relance pour obtenir la justification de ses absences, puis d'une mise en demeure en la forme recommandée avec accusé de réception, avec rappel du règlement intérieur, sous peine de mesures disciplinaires ; que la salariée prétend ensuite que son licenciement serait intervenu alors que le climat social de l'entreprise était tendu et que celle-ci connaissait des difficultés économiques, ainsi qu'en ont témoigné plusieurs salariés dont elle verse les attestations aux débats ; que si la société Air Méditerranée reconnaît que les difficultés économiques n'étaient pas nouvelles dans le secteur des compagnies aériennes et qu'un plan social pour l'emploi avait été mis en place en 2012, celui-ci n'avait été basé que sur des départs volontaires, de sorte que le licenciement de Mme X... ne saurait être qualifié de licenciement économique déguisé, aucun des témoins cités par l'intimée ne l'ayant au demeurant attesté ; que Mme X..., suivie en cela par le conseil de prud'hommes, prétend enfin son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse à défaut de preuve rapportée par son employeur que ses absences perturbaient l'entreprise, alors que des solutions temporaires étaient possibles pour assurer son remplacement, et que la société Air Méditerranée ne démontre pas avoir recruté définitivement pour une durée indéterminée un salarié à la suite de son licenciement ; que les plannings d'activité des personnels navigants doivent être établis suffisamment à l'avance pour pouvoir leur être communiqués trois semaines avant leur vol ; que le code de l'aviation civile et les accords d'entreprise prévoient des conditions strictes en matière de remplacement, et notamment que les jours de repos positionnés de 48 heures, 72 heures ou 96 heures consécutives, ne peuvent être modifiés par la compagnie sauf accord du navigant, et qu'en tout état de cause aucune modification ne peut intervenir moins de 24 heures avant la nouvelle heure de convocation du personnel navigant commercial ; qu'il s'ensuit qu'en cas d'absences soudaines et répétées de Mme X..., le service de planification se trouvait régulièrement bloqué pour assurer son remplacement et devait s'en remettre uniquement à la bonne volonté de ses collègues, alors que l'activité des personnels navigants commerciaux est par nature très astreignante et qu'il ne peut leur être imposé des contraintes supplémentaires ; qu'en outre, si le poste de Mme X... n'était pas d'une qualification élevée, il correspondait cependant à des fonctions tout à fait spécifiques qu'il n'était pas aisé de faire assurer temporairement par d'autres salariés, dont la disponibilité était déjà réduite non seulement du fait de leur propre service, mais encore de leur positionnement sur différentes bases géographiques ; que dans ces conditions, pour ne disposer que d'un effectif très limité d'agents disponibles à un même instant, alors que l'activité de transport aérien impose des délais impératifs dont le non-respect implique des conséquences financières particulièrement importantes, la société Air Méditerranée se trouvait nécessairement confrontée à de grandes difficultés et à la désorganisation de son service de programmation pour assurer dans l'urgence le remplacement de la salariée ; qu'enfin, la société Air Méditerranée a saisi un cabinet de recrutement afin de pourvoir au remplacement de Mme X... à la suite de son licenciement ; qu'en dépit de ses difficultés économiques, tenant notamment à la perte de l'organisateur de voyages Fram qui était son principal client et à la mise en place d'un plan social pour l'emploi, elle a pourvu le poste de Mme X... dans le cadre de la priorité de réembauche dont bénéficiaient certains personnels navigants commerciaux, de sorte que son remplacement a été effectif ; qu'elle en justifie par les recrutements effectués dans ces conditions de M. Stephan B... et de Mme Laurence C..., tous deux engagés en qualité d'employés au service du personnel navigant commercial ; que dans ces conditions, il importe d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes et de dire le licenciement de Mme X... parfaitement justifié au regard de la désorganisation engendrée dans l'entreprise par ses nombreux arrêts maladie ; qu'il convient dès lors de débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS, D'UNE PART, QU' une désorganisation de l'entreprise liée à des absences répétées ou durables du salarié ne peut être retenue lorsque la procédure de licenciement intervient alors que les absences litigieuses ont cessé ; qu'il résulte des constatations opérées par les juges du fond (cf. arrêt attaqué, p. 2, in fine et p. 3, alinéa 3), que la dernière absence de Mme X... a pris fin le 3 août 2012 et que le licenciement a été notifié à celle-ci le 8 octobre 2012 ; qu'en considérant que le licenciement de la salariée était justifié par une cause réelle et sérieuse, alors même qu'elle constatait que les absences reprochées à la salariée avaient cessé le jour du licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.1232-1 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE seules les embauches survenues antérieurement au licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci peuvent être prises en compte pour justifier le licenciement du salarié absent ; que si elle a constaté que, dans le cadre de la priorité de réembauche dont ils bénéficiaient, M. B... et Mme C... avaient été engagés pour remplacer Mme X... (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 4), la cour d'appel n'a pas précisé à quelle date ces embauches étaient intervenues ; qu'en ne précisant pas la date de ces embauches, circonstance essentielle à la solution du litige, la cour d'appel a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1232-1 du code du travail ;

ALORS, ENFIN, QUE la lettre de licenciement fixe les limites du débat ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement ne faisait pas mention de la nécessité pour l'employeur de procéder au remplacement définitif de Mme X..., ni du fait que celle-ci n'avait produit aucun avis médical pour justifier ses absences ; qu'en se fondant néanmoins sur ces deux éléments pour affirmer que le licenciement de Mme X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse (cf. arrêt attaqué, p. 6, alinéa 2 et p. 7, alinéa 4), la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et a violé l'article L.1232-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-20062
Date de la décision : 14/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 27 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 nov. 2018, pourvoi n°17-20062


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.20062
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