LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 17-81.398 FS-P+B
N° 2547
FAR
13 NOVEMBRE 2018
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
DECHEANCE et rejet sur les pourvois formés par M. Jean-Michel X..., Mme Sophie Y...,et La clinique Saint-François, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 3 février 2017, qui, pour harcèlement moral, a condamné les deux premiers à 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 octobre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, MM. Straheli, Cathala, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de Lamarzelle, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Croizier ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Durin-Karsenty, les observations de la société civile professionnelle THOUVENIN, COUDRAY et GRÉVY et de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, de la société civile professionnelle DE NERVO et POUPET, de la société civile professionnelle DIDIER et PINET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Croizier ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi formé par Mme Sophie Y... :
Attendu que Mme Y... n'ayant pas constitué avocat ou déposé son mémoire dans le délai prévu à l'article 584 du code de procédure pénale, il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du même code ;
II - Sur les autres pourvois formés :
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme Myriam A..., embauchée en qualité d'assistante de direction par la clinique Saint-François (la clinique) à compter du 13 février 2006, a porté plainte le 6 novembre 2009 pour harcèlement moral ; que le procureur de la République a fait citer directement devant le tribunal correctionnel, M. X..., directeur général, et la clinique comme civilement responsable ; que Mme Y..., responsable des ressources humaines, a été citée directement par Mme A... devant ladite juridiction, qui a joint les procédures ; que M. X... a été relaxé, Mme Y... ayant été condamnée et la clinique mise hors de cause ; que Mme Y... a formé appel, le ministère public a formé appel principal à l'encontre de M. X..., appel incident contre Mme Y..., et la partie civile, appel en ce qui concerne l'action civile ;
En cet état :
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 222-33-2 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de harcèlement moral à l'encontre de Mme A... et l'a condamné à une amende de 3 000 euros, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros à la partie civile à titre de dommages-intérêts, outre une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;
"aux motifs que M. X... a été cité pour avoir commis un harcèlement moral à l'égard de Mme A... en refusant des contacts de collaboration directe, en proférant des paroles agressives et humiliantes et en exerçant une surveillance très étroite sur son emploi du temps ; qu'il déclarait, entendu le 16 septembre 2010, qu'il avait obtenu un DESS d'administration des entreprises en 1998 et un DECF en 2004 ; qu'il était marié depuis le 17 juin 2006 et avait trois enfants, de 10, 12 et 17 ans ; qu'il était propriétaire de son logement, acquis avec un emprunt qu'il remboursait à hauteur de 1 200 euros par mois ; qu'il exerçait depuis 2004 la profession de directeur de clinique privée ; qu'il avait quitté ce domaine d'activité en rejoignant, le 1er juin 2010, en qualité de directeur de projet, une société sise à Paris ; qu'il expliquait sur les faits, que Mme A... était déjà en poste quand il avait été nommé directeur de la clinique ; qu'elle lui avait fait part des difficultés qu'elle avait eues avec son ancienne collègue de travail ; que les accusations qu'elle dirigeait contre lui-même le stupéfiaient ; qu'il n'avait jamais fermé la porte de son bureau pour l'empêcher de rentrer ; qu'il lui était arrivé de lui demander de mentionner par mails ses moments de pauses mais uniquement pour couper court à des rumeurs de laxisme de sa part ; qu'il ne l'avait jamais insultée ; qu'il ne lui avait jamais lancé de dossiers à la figure ; qu'il n'avait pas constaté une dégradation de son état de santé ; qu'il ne se rappelait plus si son salaire avait été bloqué, ni si ses heures supplémentaires avaient été impayées ; qu'il ne l'avait à aucun moment "placardisée", et était très affecté par tous les reproches qui lui étaient faits ; qu'il a confirmé ces déclarations aux audiences du tribunal et de la cour ; que sur ce, l'infraction qui lui est reprochée est suffisamment caractérisée au vu des témoignages suivants :
- M. Luc B... : que M. Luc B..., directeur adjoint de la clinique, déclarait le 16 décembre 2009 :
"M. X... avait au départ de bonnes relations avec Mme A... mais il y a eu rapidement des attitudes et des gestes d'agressivité verbale envers elle, voire d'humiliation, il lui criait dessus, il l'insultait. Il lui envoyait des documents au visage quand ça n'allait pas. Il la faisait attendre pour rien à la fin de son service. M. X... voulait savoir quand elle partait déjeuner et quand elle revenait et tout ça par mail car il ne voulait pas lui parler. M. X... fermait à clé la porte communicante de leurs bureaux respectifs. Il ne répondait pas quand Mme A... tapait à la porte. Il n'ouvrait que pour lui dire de lui envoyer des mails si elle avait envie de lui parler" ; que M. Luc B... attestait également, le 26 août 2008 : "Au bout de quelques mois, j'ai constaté que M. X... était un personnage pervers, il manipulait les gens, pratiquait l'humiliation en permanence, était coléreux, et Mme A... s'est retrouvée rapidement sous les feux de sa méchanceté et de son harcèlement (...). Par son attitude immonde, et inhumaine, il a fait partir la directrice des soins, le chef de bloc, le responsable qualité, le pharmacien, et moi-même, directeur adjoint de 30 années d'ancienneté ainsi sans compter un nombre important de personnels soignants ; qu'il parlait à Mme A... brutalement, la terrorisait par une attitude agressive, sans parler de mots grossiers. Quand un document ne lui plaisait pas, il entrouvrait la porte de son bureau en lui jetant au visage le dossier avec pour seule explication "C'est de la m..." Régulièrement, il attendait le soir, au moment où elle allait partir, pour lui demander d'attendre car il avait besoin d'elle. Il en profitait pour s'absenter dans les services sans la prévenir. Il en revenait entre 1/2 heure et 3/4 d'heure plus tard et lui confiait une tâche à faire immédiatement. A chaque fois, cette tâche aurait pu lui être confiée dans la journée, voire même quelques jours auparavant" ;
- Mme Françoise C... : que celle-ci, retraitée après avoir été aide-soignante dans la clinique, déclarait le 1er février 2010, au sujet de M. X... : "Celui-ci a fait installer un verrou entre la porte du bureau de la direction et celui de Mme A... Ils ne se parlaient plus que par messagerie interposée et elle m'a montré des messages où elle indiquait qu'elle allait déjeuner et qu'elle était revenue avec les horaires" ; qu'elle « pleurait beaucoup. Elle avait maigri. J'ai appris son départ après qu'elle ait eu un congé maladie" ;
- Le docteur T... : que ce dernier, qui avait travaillé dans la clinique, attestait, le 9 juin 2008 : "Je peux témoigner des excellentes qualités professionnelles et relationnelles de Mme A... (...) A partir de septembre 2007, elle m'a régulièrement fait part des difficultés relationnelles qu'elle rencontrait avec le directeur : coups de colère, dossiers jetés, portes claquées, propos agressifs" ;
- Mme Hélène D... : que celle-ci, assistante maternelle, déclarait le 3 février 2010 : "Mme Y... a changé de bureau et d'étage. Mme A... allait mieux avec le bureau pour elle seule. M. X... est arrivé à la clinique. Au début, je pense que l'entente était cordiale. Elle a rapidement déchanté. Au fur et à mesure il ne lui a plus confié de missions ni de responsabilités. Il la surveillait de près (...) Je voyais Mme A... qui me disait qu'elle envoyait des mails à X... en permanence pour annoncer son arrivée quotidienne à la clinique et ses prises de repas" ; "Je la voyais pleurer souvent. Elle fumait énormément. Elle était très stressée. Vous m'apprenez qu'elle a eu une maladie de peau due au stress. Cela ne m'étonne pas. Nous avons été nombreux à souffrir de la même chose, moi-même, M. B..., M. E... le pharmacien, Mme U..., chef de bloc. Nous avons tous perdu notre boulot à cause de lui (...) M. X... est un manipulateur et un pervers, une sorte de "killer" à sa façon" ;
- Mme Marie-Claude F... : que celle-ci, réceptionniste, déclarait le 14 décembre 2009 : "Mme A... m'a dit, concernant M. X..., qu'il ne communiquait que par mails et qu'elle en faisait un à son départ pour déjeuner et un à son retour de celui-ci ( ) Mme A... était tendue et stressée, cela se voyait" ;
- Jacky G... : que celui-ci, agent d'entretien, déclarait le 15 décembre 2009 : "J'ai connu Mme A..., seule dans son bureau, Mme Y... étant déjà montée à l'étage (...) Je l'ai vue pleurer plusieurs fois dans les couloirs ou du moins elle avait les yeux tellement rouges qu'elle avait dû beaucoup pleurer. Elle ne disait jamais rien sur son travail, cependant, quand je la voyais dans cet état, je la questionnais sur cela. Elle disait juste "J'en ai marre", mais ne se confiait pas précisément sur ce qui se passait" ;
- Mmes Valérie H..., Marine I... et M. Hervé J... : que Mmes C... et H..., ainsi que M. Hervé J..., ont décrit l'état de stress et de souffrance dans lequel se trouvait Mme A... en l'attribuant également au comportement de M. X... (cf-supra) ; que le prévenu a fait valoir, assisté de son avocat, que Mme A... était une personne procédurière ; qu'elle avait ainsi rédigé une attestation de sept pages à l'encontre d'une employée de l'entreprise, Mme K..., qui avait finalement été licenciée ; qu'une véritable collusion, par ailleurs, existait entre la plaignante et certaines des personnes qui avaient témoigné telles que Mmes D..., et K... et M. B... ; que cependant, il ressort de la procédure que Mme A... a expliqué de façon convaincante, à l'audience de la cour, dans quel contexte elle avait été amenée par M. X... à mettre par écrit ce qu'elle savait de Mme K... ; qu'elle a également indiqué, sans être contredite, qu'elle n'avait pas établi d'autre attestation à l'égard d'une autre personne de la clinique ; que le prévenu n'a pas recueilli de témoignage défavorable à la plaignante ; qu'il n'a pas produit non plus, d'attestation approuvant le comportement qu'il avait d'une manière générale à l'égard de son personnel ; que Mme A... a été la seule personne dont il ait exigé qu'elle l'informe systématiquement de ses heures d'arrivée, de départ, et de ses temps de prises de repas ; qu'il y a lieu, au vu de l'ensemble de ces éléments, de réformer le jugement déféré en retenant la culpabilité de M. X... ; que sur la sanction, son casier judiciaire ne mentionne pas de condamnation ; qu'il y a également lieu de prononcer à son encontre une amende de 3 000 euros, nullement excessive au regard de ses ressources ;
"1°) alors que la preuve du harcèlement moral incombe à la partie poursuivante et ne saurait résulter des seules déclarations de la plaignante non corroborées par des témoignages directs des faits allégués, sauf à méconnaître le principe de la présomption d'innocence ; que pour infirmer le jugement qui avait relaxé M. X... au bénéfice du doute, la cour d'appel se fonde exclusivement sur les déclarations de la plaignante pourtant fermement contestées avec constance par le prévenu, ainsi que sur des témoignages indirects de personnes se bornant à reproduire les confidences qu'elles avaient recueillies de la plaignante sans qu'aucune de ces personnes n'ait constaté personnellement et directement les faits allégués ; qu'en condamnant ainsi le prévenu sur le fondement de témoignages indirects sans avoir relevé le moindre élément objectif de nature à corroborer les déclarations de la partie civile, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
"2°) alors que la preuve du harcèlement moral incombe à la partie poursuivante et ne saurait résulter de témoignages mensongers, établis en collusion avec la plaignante ; que Mme A... date elle-même le début des agissements reprochés à M. X... à un incident intervenu le 23 octobre 2007 ; qu'il résulte pourtant des pièces de la procédure que M. B... a quitté la clinique Saint-François les 2 octobre 2007, de sorte qu'il lui était nécessairement impossible d'être témoin des agissements qu'il rapporte ; qu'en justifiant néanmoins la culpabilité de M. X... sur le fondement de faits rapportés par un témoin dont il est établi qu'il ne pouvait les avoir personnellement et directement vus et sans tenir compte de la collusion entre ce témoin et la plaignante pourtant expressément dénoncée par le prévenu sur le fondement d'attestations croisées réciproques intervenues entre ces derniers dans le cadre de leurs procédures prud'homales respectives les opposant à la clinique Saint-François, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;
"3°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'il résultait des pièces produites par la clinique Saint-François à l'appui de ses conclusions que Mme A... avait produit une attestation en faveur de M. Eric B... le 27 juin 2008 et une attestation en faveur de Mme Hélène D... le 10 mars 2010, dans leurs procédures respectives devant le conseil des prud'hommes de Chartres ; qu'en justifiant néanmoins la condamnation de M. X... sur le fondement des motifs selon lesquels Mme A... avait "indiqué, sans être contredite, qu'elle n'avait pas établi d'autre attestation à l'égard d'une autre personne de la clinique", la cour d'appel n'a pas également justifié sa décision puisqu'il ressort au contraire des éléments de procédure soumis aux débats que Mme A... avait bien établi d'autres attestations à l'égard d'autres personnes de la clinique ;
"4°) alors que la charge de la preuve de la culpabilité du prévenu incombe à la partie poursuivante et que le doute profite à l'accusé ; que pour entrer en voie de condamnation du chef de harcèlement moral à l'encontre de M. X..., la cour d'appel affirme que ce dernier n'a pas recueilli de témoignage défavorable à la plaignante, et qu'il n'a pas non plus produit d'attestation approuvant le comportement qu'il avait d'une manière générale à l'égard de son personnel ; qu'en statuant ainsi et sans avoir même pris en considération les courriers de la présidente de la clinique rejetant vigoureusement les allégations de Mme A... à l'égard de M. X..., quand il est établi qu'il n'appartient pas au prévenu de faire la preuve de son innocence, la cour d'appel a inversé les règles gouvernant la charge de la preuve et méconnu le principe de la présomption d'innocence, privant de ce fait sa décision de toute base légale ;
"5°) alors que le délit de harcèlement moral ne saurait être confondu avec l'exercice, même autoritaire, du pouvoir d'organisation et de contrôle d'un supérieur hiérarchique ; qu'en déduisant l'existence de faits de harcèlement moral de la simple constatation que M. X... exigeait de Mme A... qu'elle l'informe systématiquement de ses heures d'arrivée, de départ et de ses temps de prise de repas, sans caractériser en quoi cette exigence destinée à éviter toute contestation à la suite de réclamations de Mme A... quant à des heures supplémentaires prétendument effectuées, excédait l'exercice du pouvoir d'organisation et de contrôle d'un supérieur hiérarchique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"6°) alors que les agissements répétés de harcèlement doivent avoir pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel du salarié victime ; qu'il résulte des déclarations de la partie civile, telles que rappelées par l'arrêt attaqué que Mme A... avait développé "outre des maux de tête et des maux de ventre qu'elle avait déjà quotidiennement, un granulome annulaire sur les avant-bras, les poignets et les jambes, diagnostiqué par une biopsie du 30 juillet 2007, soit une maladie de peau inesthétique et très douloureuse, assortie de vives sensations de brûlure, liée au stress et sans traitement à ce jour" ; que la cour d'appel a par ailleurs confirmé la condamnation de Mme Y... du chef de harcèlement moral à l'encontre de Mme A... ; qu'en déclarant le délit de harcèlement moral caractérisé à l'encontre de M. X... sur le seul fondement des attestations de témoins décrivant la situation de stress et souffrance dans laquelle Mme A... se trouvait, sans avoir même recherché à distinguer, selon les périodes visées à la prévention, si ce stress lié aux agissements de Mme Y..., était également imputable aux agissements de M. X..., et sans qu'aucune attestation médicale n'ait établi que le granulome annulaire dont elle souffrait était lié au stress, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour la clinique Saint-François pris de la violation de l'ancien article 1384, alinéa 5, du code civil, des articles 222-33-2 et 222-44 du code pénal, de l'article L. 1152-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que la clinique était civilement responsable de M. X... en application de l'article 1384, alinéa 5, du code civil ;
"aux motifs que sur la culpabilité de M. X... ; que M. X... a été cité pour avoir commis un harcèlement moral à l'égard de Mme A... en refusant des contacts de collaboration directe, en proférant des paroles agressives et humiliantes et en exerçant une surveillance très étroite sur son emploi du temps ; qu'il déclarait, entendu le 16 septembre 2010, qu'il avait obtenu un DESS d'administration des entreprises en 1998 et un DECF en 2004 ; qu'il était marié depuis le 17 juin 2006 et avait trois enfants, de 10, 12 et 17 ans ; qu'il était propriétaire de son logement, acquis avec un emprunt qu'il remboursait hauteur de 1 200 euros par mois ; qu'il exerçait depuis 2004 la profession de directeur de clinique privée ; qu'il avait quitté ce domaine d'activité en rejoignant, le 1er juin 2010, en qualité de directeur de projet, une société sise à Paris ; qu'il expliquait, sur les faits, que Mme A... était déjà en poste quand il avait été nommé directeur de la clinique ; qu'elle lui avait fait part des difficultés qu'elle avait eu avec son ancienne collègue de travail ; que les accusations qu'elle dirigeait contre lui-même le stupéfiaient ; qu'il n'avait jamais fermé la porte de son bureau pour l'empêcher d'entrer ; qu'il lui était arrivé de lui demander de mentionner par mails ses moments de pauses mais uniquement pour couper court à des rumeurs de laxisme de sa part ; qu'il ne l'avait jamais insultée ; qu'il ne lui avait jamais lancé de dossiers à la figure ; qu'il n'avait pas constaté une dégradation de son état de santé ; qu'il ne se rappelait plus si son salaire avait été bloqué et si ses heures supplémentaires avaient été impayées ; qu'il ne l'avait à aucun moment "placardisée" et était très affecté par tous les reproches qui lui étaient faits ; qu'il a confirmé ces déclarations aux audiences du tribunal et de la cour ; que l'infraction qui lui est reprochée est suffisamment caractérisée au vu des témoignages suivants :
- M. Luc B... : que M. Luc B..., directeur adjoint de la clinique, déclarait le 16 décembre 2009 : "M. X... avait au départ de bonnes relations avec Mme A... mais il y a eu rapidement des attitudes et des gestes d'agressivité verbale envers elle, voire d'humiliation. Il lui criait dessus, il l'insultait. Il lui envoyait des documents au visage quand ça n'allait pas. Il la faisait attendre pour rien à la fin de son service. M. X... voulait savoir quand elle partait déjeuner et quand elle revenait et tout ça par mail car il ne voulait pas lui parler. M. X... fermait à clé la porte communicante de leurs bureaux respectifs. Il ne répondait pas quand Mme A... tapait à la porte. Il n'ouvrait que pour lui dire de lui envoyer des mails si elle avait envie de lui parler" ; que M. Luc B... attestait également, le 26 août 2008 : "Au bout de quelques mois, j'ai constaté que M. X... était un personnage pervers, il manipulait les gens, pratiquait l'humiliation en permanence, était coléreux, et Mme A... s'est retrouvée rapidement sous les feux de sa méchanceté et de son harcèlement" (...) Par son attitude immonde et inhumaine, il a fait partir la directrice des soins, le chef de bloc, le responsable qualité, le pharmacien, et moi-même directeur adjoint de trente années d'ancienneté ainsi sans compter un nombre important de personnels soignants. Il parlait à Mme A... brutalement, la terrorisait par une attitude agressive, sans parler des mots grossiers. Quand un document ne le lui plaisait pas, il entrouvrait la porte de son bureau en lui jetant au visage le dossier avec pour seule explication "C'est de la M..." Régulièrement, il attendait le soir, au moment où elle allait partir, pour lui demander d'attendre car il avait besoin d'elle. Il en profitait pour s'absenter dans les services sans la prévenir. Il en revenait entre 1/2 heure et 3/4 d'heure plus tard et lui confiait une tâche à faire immédiatement. A chaque fois cette tâche aurait pu lui être confiée dans la journée, voire même quelques jours auparavant" ;
- Mme Françoise C... : que Mme Françoise C..., retraitée après avoir été aide-soignante dans la clinique, déclarait le 1er février 2010, au sujet de M. X... : "Celui-ci a fait installer un verrou entre la porte du bureau de la direction et celui de Mme A... Ils ne se parlaient plus que par messagerie interposée et elle m'a montré des messages où elle indiquait qu'elle allait déjeuner et qu'elle était revenue avec les horaires" ; "Elle pleurait beaucoup. Elle avait maigri. J'ai appris son départ après qu'elle ait eu un congé maladie" ;
- Le docteur T... : que le docteur M. Bertrand T..., qui avait travaillé dans la clinique, attestait le 9 juin 2008 : "Je peux témoigner des excellentes qualités professionnelles et relationnelles de Mme A... (...) A partir de septembre 2007, elle m'a régulièrement fait part des difficultés relationnelles qu'elle rencontrait avec le directeur ; coups de colère, dossiers jetés, portes claquées, propos agressifs" ;
- Mme Hélène D... : qu'Hélène D..., assistante maternelle, déclarait le 3 février 2010 : "Mme Y... a changé de bureau et d'étage. Mme A... allait mieux avec le bureau pour elle seule. M. X... est arrivé à la clinique. Au début je pense que l'entente était cordiale. Elle a rapidement déchanté. Au fur et à mesure il ne lui a plus confié de missions ni de responsabilités. Il la surveillait de près (...) Je voyais Mme A... qui me disait qu'elle envoyait des mails à X... en permanence pour annoncer son arrivée quotidienne à la clinique et ses prises de repas" ; "Je la voyais pleurer souvent. Elle fumait énormément. Elle était très stressée. Vous m'apprenez qu'elle a eu une maladie de peau due au stress. Cela ne m'étonne pas ; Nous avons été nombreux à souffrir de la même chose, moi-même, M. B..., M. E... le pharmacien, Mme U... chef de bloc. Nous avons tous perdu notre boulot à cause de lui (...) M. X... est un manipulateur et un pervers, une sorte de "killer" à sa façon" ;
- Mme Marie-Claude F... : que Mme Marie-Claude F..., réceptionniste, déclarait le 14 décembre 2009 : "Mme A... m'a dit concernant M. X... qu'il ne communiquait que par mails et qu'elle en faisait un à son départ pour déjeuner et un à son retour de celui-ci" (...) Mme A... était tendue et stressée, cela se voyait" ;
- M. L... G... : que M. Jacky G..., agent d'entretien, déclarait le 15 décembre 2009 : "J'ai connu Mme A... seule dans son bureau, Mme Y... étant déjà monté à l'étage (...) Je l'ai vu pleurer plusieurs fois dans les couloirs ou du moins elle avait les yeux tellement rouges qu'elle avait dû beaucoup pleurer, Elle ne disait jamais rien sur son travail cependant quand je la voyais dans cet état je la questionnais sur cela. Elle disait juste : "J'en ai marre" mais ne se confiait pas précisément sur ce qui se passait" ;
- Mmes Valérie H... M... I... et Hervé J... : que Mmes C... et H..., ainsi que M. J..., ont décrit l'état de stress et de souffrance dans lequel se trouvait Mme A... en l'attribuant également au comportement de M. X... (cf. supra) ; que le prévenu a fait valoir, assisté de son avocat, que Mme A... était une personne procédurière ; qu'elle avait ainsi rédigé une attestation de sept pages à l'encontre d'une employée de l'entreprise, Mme K..., qui avait finalement été licenciée ; qu'une véritable collusion, par ailleurs, existait entre la plaignante et certaines des personnes qui avaient témoigné, telles que Mmes D... et K..., et M. B... ; que cependant qu'il ressort de la procédure ; que Mme A... a expliqué de façon convaincante, à l'audience de la cour, dans quel contexte elle avait été amenée par M. X... à mettre par écrit ce qu'elle savait de Mme K... ; qu'elle a également indiqué, sans être contredite, qu'elle n'avait pas établi d'autre attestation à l'égard d'une autre personne de la clinique ; que le prévenu n'a pas recueilli de témoignage défavorable à la plaignante ; qu'il n'a pas produit non plus d'attestation approuvant le comportement qu'il avait d'une manière générale à l'égard de son personnel ; que Mme A... a été la seule personne dont il ait exigé qu'elle l'informe systématiquement de ses heures d'arrivée, de départs, et de ses temps de prises de repas ; que Mme Sophie Y... et M. X... ayant agi dans le cadre de leurs fonctions, la société Nouvelle clinique Saint-François est civilement responsable de ses préposés en application de l'article 1384, alinéa 5, nouvel article 1242, alinéa 5, du code civil ;
"1°) alors que la clinique Saint-François soutenait que les déclarations de Mme A... n'avaient pas de valeur dès lors qu'elle n'avait fait aucun usage des procédures lui permettant de dénoncer un éventuel harcèlement moral puisqu'elle n'avait alerté ni la direction, ni les représentants du personnel, ni le médecin du travail qui l'avait déclarée apte sans aucune observation durant toute la période incriminée ; que la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre à ce moyen ;
"2°) alors que la clinique Saint-François faisait valoir qu'il était impossible de s'appuyer sur le témoignage de Mme D... dans la mesure où elle n'avait pu être témoin d'aucun des faits dont elle faisait mention puisqu'elle était affectée au service de stérilisation dont elle ne pouvait sortir dans un autre étage que celui où travaillait Mme A... ; qu'elle ajoutait que Mme D... avait quitté la clinique du 10 mars 2007, de sorte qu'elle ne pouvait témoigner des faits commis par M. X... courant 2007 jusqu'au 21 mai 2008 ; que la cour d'appel ne pouvait s'appuyer sur ce témoignage sans répondre à ce moyens décisif de la demanderesse ;
"3°) alors que l'action publique des délits se prescrivant par six années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise, il incombe aux juges du fond de préciser la date à laquelle a été commis chacun des faits caractérisant les éléments matériels et intentionnels du délit qu'ils retiennent ; que la cour d'appel s'est abstenue de dater les faits de harcèlement moral qu'elle a retenus contre les prévenus mettant ainsi la Cour de cassation dans l'impossibilité de s'assurer qu'ils n'étaient pas prescrits ;
"4°) et alors en tout cas que la cassation à intervenir sur le pourvoi formé par M. X... emportera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré la clinique civilement responsable de son préposé" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour retenir le délit de harcèlement moral à l'encontre de M. X..., l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance et de contradiction, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie mais n'était pas tenue de répondre au détail de l'argumentation du prévenu et de la clinique, a apprécié souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et des témoignages contradictoirement débattus et a caractérisé à l'encontre de M. X... des agissements répétés ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de Mme A... susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et a ainsi justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour la clinique Saint-François, pris de la violation de l'ancien article 1384, alinéa 5, du code civil, des articles 222-33-2 et 222-44 du code pénal, de l'article L. 1152-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que la clinique était civilement responsable de Mme Y... en application de l'article 1384, alinéa 5, du code civil ;
"aux motifs propres que sur la culpabilité de Mme Sophie Y... : l'infraction reprochée est suffisamment caractérisée au vu des témoignages suivants :
- Mme M... N... : que Mme M... N..., cadre de santé depuis 1994 dans la clinique, écrivait dans une attestation du 2 avril 2008 : "Mme Myriam A... a subi des brimades et des réflexions désagréables et méprisantes de la part de Mme Y... (refus systématique de communiquer avec Mme A... dans le cadre de ses fonctions, aucune transmission des dossiers dont Mme A... était chargée, obligation de passer systématiquement par la direction générale pour que Mme A... puisse avoir accès aux informations qui lui étaient nécessaires pour gérer ses dossiers. Mme Y... dénigrait continuellement Mme A... auprès de l'ensemble de ses collègues) ; d'autre part, j'ai toujours travaillé de façon très professionnelle et très agréable avec Mme A... qui a toujours pris en charge avec une grande rigueur et une grande efficacité (...) l'ensemble des dossiers que j'ai été amenée à gérer avec son aide ..." ;
- Mme Bénédicte O... : Mme Bénédicte O..., pharmacien dans la clinique, attestait le 28 mai 2008, en évoquant Myriam A... : "J'ai pu constater à plusieurs reprises la qualité et le sérieux de son travail (...) Les documents conçus par elle-même (... ) ont toujours été remis dans les meilleurs délais, étaient toujours très précis (...) J'ai également pu constater son aptitude à travailler avec l'ensemble des professionnels de santé avec des qualités relationnelles et professionnelles saluées par l'ensemble des praticiens et du personnel qui lui ont toujours témoigné le plus grand respect, malgré les nombreux problèmes auxquels elle devait faire face, du fait, entre autres, de la mésentente avec sa collègue de bureau, qui occupait avec elle-même le bureau et fait installer un paravent entre elles (...) J'avais également été vraiment perturbée par l'attitude de sa collègue de bureau lorsque M. B... appela Mme Myriam A... et que sa collègue se mit à crier sur elle en lui disant qu'elle lui interdisait de passer devant elle et devant son bureau et qu'elle était priée à l'avenir de passer par la porte extérieure du bureau" ;
- Mme Virginie K... : que Mme Virginie K..., cadre de santé dans la clinique, attestait : "Avant son arrivée, Mme Y... exprimait déjà son mécontentement quant au recrutement de Mme A..., et ce sans explication. Mme Y... a demandé à M. P..., directeur, de lui mettre un paravent entre elles deux partageant un bureau commun, "afin de ne pas la voir" ; "Dès son arrivée, Mme A... a subi de la part de Mme Y... des attitudes désagréables avec parfois des propos désobligeants ; en plein hiver, malgré la demande de Mme A..., Mme Y... laissait celle-ci ouverte, sans chauffage, dans le bureau, prétextant qu'elle avait trop chaud !!! Lorsqu'elles sortaient ensemble du bureau, Mme Y... claquait volontairement la porte au nez de Mme A..." ; "Mme Y... refusait systématiquement de manger à midi avec Mme A..., et nous devions la surveillante du bloc et moi-même nous mettre entre les deux personnes afin que Mme Y... ne tienne pas de propos désagréables pendant le repas" ; "Sans cesse Mme Y... critiquait Mme A... et refusait que nous travaillions ensemble, bloquant même l'accès à certains dossiers. Nous ne pouvions avoir des relations avec Mme A... sans que Mme Y... se permette de nous faire des réflexions, la critiquant personnellement de façon véhémente : elle se plaisait à colporter mensonges et calomnies à son sujet : par exemple elle parlait de Mme A... en la traitant de "gouine", critiquant sa tenue vestimentaire, disant ouvertement qu'elle désirait qu'elle parte de la clinique, ne supportant pas sa rémunération (car sensiblement identique à la sienne) et ce, tous les jours, chaque fois qu'elle la croisait" ; "Mme Y... admettait que professionnellement Mme A... travaillait de façon remarquable mais elle ne le supportait pas car elle ne pouvait rien lui reprocher d'un point de vue professionnel" ;
- Mme Hélène D... : que Mme Hélène D..., assistante maternelle, à l'époque préparatrice en pharmacie, déclarait : "J'ai constaté de la part de Mme Y... des réflexions désobligeantes envers Mme A... La fenêtre était souvent ouverte l'hiver par Mme Y... Un paravent a été installé entre les deux bureaux et le bruit courrait que Mme Y... l'avait fait installer pour ne plus voir le visage de Mme A..." ;
- Mme Joëlle Q... : que Mme Joëlle Q..., employée administrative, déclarait le 20 janvier 2010, en évoquant Mme A... : "Je la rencontrais à la photocopieuse, à la cafétéria. Cependant elle ne parlait pas beaucoup et ne se plaignait pas directement à moi. Par contre, je voyais que son état de santé moral semblait se dégrader" ;
- M. R... : que M. R..., responsable de l'entretien, déclarait : "Je certifie avoir démonté un tube d'éclairage (style néon) sur chaque appareil (4) sous la responsabilité de Mme Y..., collègue de travail de Mme A..., travaillant ensemble dans la même pièce qui se trouvait tout en longueur. A savoir que le bureau de Mme Y... était près de la fenêtre et le bureau de Mme A... se trouvait séparé par un paravent et l'obligeait à travailler avec une lampe de bureau" ;
- Mmes C... , Valérie H... et M... I..., MM. J... G... :
- Mme C... : que Mme C... était aide-soignante dans la clinique, Mmes Valérie H... et M... I... amies d'enfance de la plaignante, M. J... son compagnon et père de ses deux filles, M. G... agent d'entretien, Mme F... standardiste ; que ces témoins confirmaient les dires de la plaignante, dans des attestations souvent détaillées, et décrivaient la situation de stress et de souffrance dans laquelle elle se trouvait, tout en les rattachant également â la période vécue avec M. X... ; que M. G... indiquait "Je l'ai vu pleurer dans les couloirs ou du moins elle avait les yeux tellement rouges qu'elle avait dû beaucoup pleurer" ; que Mme C... confirmait qu'elle pleurait beaucoup et avait maigri ; que Mme F... témoignait de son stress ; que Mmes H... et I..., ainsi que M. J... attestaient de sa souffrance morale, de la maladie de peau qu'elle avait elle-même décrite : "Je souffre toujours d'un granulome annulaire, syndrome provoqué par le stress. Certaines plaques sont apparues et se sont étendues (...) il n'existe pas de traitement" ; qu'il y a lieu, au vu de l'ensemble de ces témoignages, de confirmer le jugement déféré sur la culpabilité de Mme Sophie Y... ; sur la sanction, que son casier judiciaire ne mentionne pas de condamnation ; qu'il y a lieu, en tenant compte de ses charges et de ses ressources et en confirmant le jugement déféré, de prononcer à son encontre une peine d'amende de 3 000 euros ; que Mme Y... et M. X... ayant agi dans le cadre de leurs fonctions, la société Nouvelle Clinique Saint-François est civilement responsable de ses préposés en application de l'article 1384 alinéa 5, nouvel article 1242, alinéa 5, du code civil ;
"et aux motifs adoptés que Mme A... et Mme Y... avaient à l'origine, partagé un même bureau et que la seconde avait fait dresser un paravent, afin d'isoler leurs deux espaces de travail, ce qui avait pour effet de plonger dans la pénombre le lieu où travaillait Mme A..., et que cette semi-obscurité était accentuée par une modification de l'éclairage, effectuée à l'initiative de Mme Y... (témoignage de M. R..., employé à l'entretien) ; que l'installation d'une telle séparation, ainsi que ses conséquences, était confirmée par M. Eric B..., directeur adjoint, par Mme C..., déléguée syndicale, par Mme D..., aide-préparatrice employée à la pharmacie, ou encore par Mme K..., cadre de santé ; que le cloisonnement matériel, voulu par Mme Y... (témoignage de Mme K...), pouvait, aussi bien, répondre à un besoin de confidentialité et ne pas receler d'intention malveillante - bien que selon Mme K..., Mme Y... eût exigé cet écran "pour ne pas voir" (Mme A...) - mais que, sans insister plus que de raison sur certaines manifestations d'énervement qui semblaient avoir tendance à se reproduire (comme de crier volontiers en s'adressant à la plaignante, ou de lui claquer la porte au nez) cette initiative s'accompagnait de faits et d'attitudes, dont la victime était systématiquement Mme A... (en ne retenant que ceux qui peuvent être imputés sans ambiguïté à la prévenue) :
- la fenêtre du bureau était ouverte en permanence, durant l'hiver et quelle que fût la température extérieure, par Mme Y..., sans que celle-ci cherchât recueillir l'accord de Mme A... (témoignage de Mlle O..., pharmacienne, et de Mme K..., cadre de santé) ;
- Mme Y... refusait que Mme A... fit usage de la cafetière, qui était mise à la disposition du personnel de la direction ;
- Mme Y... interdisait Mme A... de passer devant elle pour se rendre dans le bureau contigu, occupé par le directeur-adjoint (témoignages de Mme O... et, indirectement, de M. B...), - Mme Y... perturbait, par des propos tenus voix haute, les communications téléphoniques professionnelles de Mme A... (témoignage, il est vrai par oui-dire, de M. B...) ;
- Mme Y... adoptait couramment une attitude de dénigrement sans nuances envers le travail de Mme A... et gênait celle-ci dans l'accomplissement de ses tâches, l'empêchant notamment d'avoir accès certains dossiers (témoignage de Mme O...) ;
que Mme N..., cadre de santé, acceptait de témoigner, en ces termes : "Myriam A... a subi des brimades et des réflexions désagréables et méprisantes de la part de Mme Y... : refus systématique de la part de Mme Y... de communiquer avec Mme A... dans le cadre de ses fonctions, aucune transmission des dossiers dont Mme A... était chargée, obligation de passer systématiquement par la direction générale pour que Mme A... puisse avoir accès aux informations qui lui étaient nécessaires pour gérer des dossiers. Mme Y... dénigrait continuellement Mme A... auprès de l'ensemble de ses collègues" ; que ces divers éléments, pris individuellement, seraient de gravité variable, mais que force est de noter leur réitération dans le temps, pour certains sur une période de deux ans et trois mois, et le fait qu'au-delà de la critique, même acerbe, expression intempestive mais passagère d'une mésentente, leur accumulation visait sans ambiguïté à gêner volontairement leur victime dans sa tâche, à rendre pénibles ses conditions de travail, et à pousser Mme A... vers un changement d'attributions, ou plus clairement vers la démission (témoignage de Mme K..., selon laquelle Mme Y... "disait ouvertement qu'elle désirait qu'elle (Mme A...) parte de la clinique... et ce tous les jours, chaque fois qu'elle la croisait") ; que les éléments constitutifs d'un harcèlement (des actes malveillants, répétés dans une volonté de nuire) sont donc réunis en l'espèce ;
"1°) alors que la clinique Saint-François soutenait que les déclarations de Mme A... n'avaient pas de valeur dès lors qu'elle n'avait fait aucun usage des procédures lui permettant de dénoncer un éventuel harcèlement moral puisqu'elle n'avait alerté ni la direction, ni les représentants du personnel, ni le médecin du travail qui l'avait déclarée apte sans aucune observation durant toute la période incriminée ; que la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre à ce moyen ;
"2°) alors que la clinique Saint-François faisait valoir que l'attestation de Mme O... utilisée contre Mme Y... n'avait aucune valeur dans la mesure où elle ne citait pas le nom de cette dernière, évoquant seulement le comportement d'une collègue de travail ; que la cour d'appel ne pouvait s'appuyer sur ce témoignage sans répondre à ce moyens décisif de la demanderesse ;
"3°) alors que l'action publique des délits se prescrivant par six années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise, il incombe aux juges du fond de préciser la date à laquelle a été commis chacun des faits caractérisant les éléments matériels et intentionnels du délit qu'ils retiennent ; que la cour d'appel s'est abstenue de dater les faits de harcèlement moral qu'elle a retenus contre les prévenus mettant ainsi la Cour de cassation dans l'impossibilité de s'assurer qu'ils n'étaient pas prescrits" ;
Attendu, de première part, que la responsabilité de la clinique, dont Mme Y...était la préposée, est engagée en application des règles de droit civil, qui régissent les relations entre le commettant et le préposé, fondées sur les dispositions de l'article 1384, alinéa 5 ancien, devenu l'article 1242, alinéa 5, dudit code, et dont il résulte en substance que pèse une présomption de responsabilité du commettant du fait de son préposé, sauf à ce que le premier démontre que le second a agi sans autorisation, à des fins étrangères à ses attributions, et s'est placé hors des fonctions auxquelles il était employé (Ass. plén., 17 juin 1983, pourvoi n° 82-91.632, Bull. crim. 1983, Ass. plén., n° 8) ;
Attendu, de seconde part, que la faute pénale du préposé, dont résulte la faute civile au sens des textes précités, ne peut plus être contestée par le commettant, fût-ce à l'occasion d'un procès ayant pour objet la seule action civile, lorsqu'elle constitue le fondement d'une condamnation pénale devenue définitive ;
Attendu que le harcèlement moral imputé à Mme Y... a été établi par les dispositions sur sa déclaration de culpabilité, qui sont irrévocables par suite de la déchéance du pourvoi ;
Que, par voie de conséquence, la clinique, dont la responsabilité civile est engagée de ce fait, s'il lui est loisible d'invoquer une cause d'exonération de sa responsabilité en établissant que ce préposé s'est placé hors des fonctions auxquelles il était employé, n'est plus recevable à contester l'existence de la faute commise par ce dernier ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour la clinique Saint-François, pris de la violation de l'ancien article 1384, alinéa 5, du code civil, des articles 222-33-2 et 222-44 du code pénal, de l'article L. 1152-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que la clinique civilement responsable de ses deux préposés en application de l'article 1384, alinéa 5, du code civil ;
"aux motifs que Mme Sophie Y... et M. Jean-Michel X... ayant agi dans le cadre de leurs fonctions, la société Nouvelle Clinique Saint-François est civilement responsable de ses préposés en application de l'article 1384 alinéa 5, nouvel article 1242, alinéa 5, du code civil ;
"1°) alors qu'en application l'ancien article 1384, alinéa 5, du code civil, l'employeur est civilement responsable des dommages causés aux tiers par ses salariés dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'il peut être exonéré de cette responsabilité en cas d'abus de fonctions du salarié, lequel suppose la réunion des trois conditions cumulatives que le préposé ait agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; que la cour d'appel ne pouvait retenir que les prévenus avaient agi dans le cadre de leurs fonctions et engager la responsabilité civile de la clinique en tant que commettant en se contentant de relever que Mme Y... et M. X... avaient agi dans le cadre de leurs fonctions, sans constater, ce que contestait la clinique, s'ils avaient agi en application des directives expresses de leur employeur, ou répondu à l'une de ses exigences ou bien encore si celui-ci avait manqué de vigilance ;
"2°) alors que le jugement doit être motivé ; qu'en déclarant que les prévenus avaient agi dans le cadre de leurs fonctions, la cour d'appel n'a pas fourni la moindre raison de fait ou de droit à sa décision" ;
Attendu que pour déclarer la clinique civilement responsable de ses préposés, en application de l'article 1384 alinéa 5, devenu l'article 1242, alinéa 5, du code civil, l'arrêt, après avoir analysé le contexte et les circonstances dans lesquelles la partie civile a été l'objet d'un harcèlement moral sur son lieu de travail de la part de Mme Y..., responsable des ressources humaines, et de M. X..., directeur général, retient que ces derniers ont agi dans le cadre de leurs fonctions ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que le commettant ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'à la triple condition que son préposé ait agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
1 - Sur le pourvoi formé par Mme Y... :
LA DECLARE déchue de son pourvoi ;
2 - Sur les autres pourvois :
LES REJETTE ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à Mme A... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2 000 euros la somme que la clinique Saint-François devra payer à Mme A... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale pour le surplus des demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize novembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.