LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, par acte du 30 mai 2005, l'association Mouvement international pour les réparations (le MIR) et l'association le conseil mondial de la diaspora panafricaine ont assigné l'Etat devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France aux fins d'obtenir une expertise pour évaluer le préjudice subi par le peuple martiniquais et une provision destinée à une future fondation ; que plusieurs personnes physiques se sont jointes à cette action ; qu'à l'occasion du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt refusant d'accueillir les demandes, le MIR a, par mémoires distincts et motivés, présenté deux questions prioritaires de constitutionnalité, dans les termes suivants :
1°/ Les dispositions de la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, en ce qu'elles ne prévoient ni ne permettent l'indemnisation des faits d'esclavage, dont elles reconnaissent rétroactivement l'illicéité en les qualifiant de crime contre l'humanité portent-elles atteinte au principe constitutionnel de répression des faits d'esclavage et au principe fondamental reconnu par les lois de la République ayant le même objet, ainsi qu'au principe constitutionnel de responsabilité, au droit à un recours juridictionnel effectif, au principe d'égalité devant la justice et au principe de dignité prévus par les articles 1er, 4, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?
2°/ Les dispositions de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, en ce qu'elles ne prévoient aucune exception au délai de prescription quadriennal en faveur des créances indemnitaires résultant de l'engagement de la responsabilité de l'Etat au titre des faits d'esclavage dont il a été l'auteur, portent-elles une atteinte injustifiée et disproportionnée au principe constitutionnel de répression des faits d'esclavage et au principe fondamental reconnu par les lois de la République ayant le même objet, ainsi qu'au principe constitutionnel de responsabilité, au droit à un recours juridictionnel effectif, au principe d'égalité devant la justice et au principe de dignité garantis par les articles 1er, 4, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?
Mais attendu que la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit, par suite, être revêtue d'une portée normative ; que, si la loi du 21 mai 2001 tend à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, une telle disposition, ayant pour seul objet de reconnaître une infraction de cette nature, ne saurait être revêtue de la portée normative attachée à la loi, de sorte qu'elle ne peut être utilement arguée d'inconstitutionnalité ; que la première question est irrecevable ;
Attendu, s'agissant de la seconde question, que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, applicable au litige, n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu, en premier lieu, que cette question n'est pas nouvelle ;
Et attendu, en second lieu, que la question ne présente pas un caractère sérieux en ce que l'instauration d'un délai de prescription particulier, susceptible d'interruption et de suspension, prévoyant notamment que la prescription ne court pas contre celui qui ne peut agir ou ignore sa créance, qui n'a ni pour objet ni pour effet de priver le créancier de son droit d'obtenir l'indemnisation de son préjudice, répond à un objectif d'intérêt général et n'introduit aucune distinction injustifiée de nature à priver les justiciables de garanties égales ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE IRRECEVABLE la question prioritaire portant sur la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité ;
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé le huit novembre deux mille dix-huit par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.