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07/11/2018 | FRANCE | N°17-21778

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 novembre 2018, 17-21778


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 mai 2017), que M. Y... a été engagé en qualité d'ingénieur de laboratoire le 1er juillet 2008 par la société TC Land expression et a accepté un contrat de sécurisation professionnelle le 7 décembre 2012, avant de recevoir une lettre de licenciement pour motif économique le 11 décembre 2012 ; que contestant le bien-fondé de la rupture, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire

que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 mai 2017), que M. Y... a été engagé en qualité d'ingénieur de laboratoire le 1er juillet 2008 par la société TC Land expression et a accepté un contrat de sécurisation professionnelle le 7 décembre 2012, avant de recevoir une lettre de licenciement pour motif économique le 11 décembre 2012 ; que contestant le bien-fondé de la rupture, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article 16, alinéa 1er, du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour dire le licenciement économique dépourvu de cause réelle et sérieuse, en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement externe, la cour d'appel a retenu que l'employeur n'avait pas joué un rôle actif dans le reclassement au sens des articles L. 1233-4 du code du travail, 32 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 et 26 de l'accord collectif du 1er décembre 1987 ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres énonciations que les moyens oralement présentés à l'audience étaient ceux développés par les parties dans leurs écritures et qu'il n'en résultait pas que le salarié, qui invoquait un manquement de l'employeur au regard de l'article 7 de l'accord du 1er décembre 1967 et des articles 11-3° c, 11-3° d, 25 alinéa 2 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, ait entendu se référer à l'article 26 de l'accord collectif du 1er décembre 1987, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que s'il résulte de l'article 32 de la convention collective du 6 avril 1956 que les entreprises amenées à envisager des licenciements pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours doivent appliquer les dispositions de l'accord collectif du 1er décembre 1987, cet accord du 1er décembre 1987 « relatif à la procédure de licenciement pour motifs économiques et à l'emploi », en vigueur depuis le 1er février 1988, est un accord collectif non étendu ; qu'il s'en suit que cet accord ne s'impose qu'aux entreprises adhérentes aux organisations patronales qui en sont signataires ; qu'en énonçant dès lors que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement externe, en ce qu'il n'avait pas joué le rôle actif exigé par l'article 26 de l'accord collectif du 1er décembre 1987 en vigueur le 1er février 1988, sans rechercher si la société TC Land expression était adhérente à l'une des organisations patronales ayant signé l'accord, la cour d'appel a violé l'article 26 de l'accord du 1er décembre 1987, ensemble l'article 32 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique ;

3°/ que si l'article 26 de l'accord du 1er décembre 1987 énonce que l'employeur doit jouer un rôle actif, il n'impose pas le respect de démarches particulières, telles que l'organisation d'entretiens individualisés au cours des mois suivants la rupture ou de proposition de formation complémentaire ; que partant, en énonçant que la société TC Land expression avait méconnu son obligation de reclassement externe en ne réalisant pas de telles démarches, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4du code du travail, l'article 32 de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, et l'article 26 de l'accord du 1er décembre 1987 ;

4°/ que seule l'absence de saisine de la commission paritaire de l'emploi constitue un manquement à l'obligation préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse ; que dès lors, en décidant que « si le licenciement de M. Y... a bien été précédé, en l'espèce, de la consultation des délégués du personnel et de la saisine des organisations syndicales et de la commission de l'emploi, force est de constater que la société ne rapporte nullement la preuve de ce qu'elle a réellement effectué une recherche personnalisée », pour en déduire que le licenciement économique était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail, l'article 32 de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, ensemble l'article 26 de l'accord du 1er décembre 1987 ;

5°/ que la société TC Land expression démontrait dans ses écritures d'appel avoir joué ce rôle actif, en ayant eu de nombreuses initiatives (« Contact a été pris par lettre du 24 octobre 2012, pour explorer toutes les possibilités d'emploi, auprès d'une vingtaine de sociétés proches géographiquement, dans les départements de Loire Atlantique et Vendée. L'une des sociétés contactée, la société Clean Cells a dès le 31 octobre 2012 confirmé son intérêt pour cinq postes. (
) Et grâce à son intervention auprès de plusieurs sociétés locales de sa connaissance, plusieurs salariés ont été reçus en entretien dans une perspective d'embauche. » ;
mise en place « des outils facilitant la mise en contact avec des entreprises du secteur (permettre une inscription à des sites internet dédiés aux métiers des activités pharmaceutiques, à la bourse d'emploi du LEEM etc). » ; qu'il en ressortait que la société TC Land expression avait bien respecté son obligation de reclassement externe ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions pourtant déterminantes du litige et en se bornant à énoncer que « l'envoi de la lettre circulaire en date du 12 octobre 2012 à diverses entreprises afin de les inviter à faire connaître les postes disponibles ne (constituait) pas à elle seule une recherche suffisante de reclassement au sens des dispositions légales et conventionnelles susvisées », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis à son examen, que la société, dans le cadre de son obligation de reclassement, n'avait pas procédé à une recherche personnalisée et que le salarié avait été tenu à l'écart des démarches de l'employeur, la cour d'appel a pu retenir qu'il avait manqué à son obligation de reclassement ; que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche et qui, nouveau, comme mélangé de fait et de droit, et par conséquent irrecevable en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société TC Land expression aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société TC Land expression.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir dit que le licenciement de Monsieur Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'avoir, en conséquence, condamné la société TC LAND EXPRESSION au paiement de la somme de 22.000 euros à titre de dommages-intérêts sur ce fondement,

Aux motifs que le licenciement économique ne peut, selon l'article L1233-4 du code du travail, être prononcé que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi de même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient et dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que lorsqu'un accord ou une convention collective impose à l'employeur projetant un licenciement économique de rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, le non-respect de l'obligation de rechercher des reclassements hors de l'entreprise préalablement au prononcé des licenciements a pour effet de priver de cause réelle et sérieuse les licenciements prononcés ; que la convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 étendue par arrêté du 15 novembre 1956 stipule en son article 32 consacré au licenciement économique que "des entreprises amenées à envisager des licenciements pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de 30 jours doivent appliquer les dispositions de l'accord collectif du 1er décembre 1987, annexé à la présente convention collective et informer la commission paritaire de l'emploi des industries et de santé en application de l'accord collectif du 20 avril 2006. " ; que l'accord collectif du 1er décembre 1987 en vigueur le 1er février 1988 prévoit en son article 26 qu'outre l'action menée par l'Anpe et l'Apec pour les cadres et la commission de l'emploi de l'industrie pharmaceutique, l'entreprise doit également jouer un rôle actif dans ce reclassement ; que si le licenciement de Monsieur Y... a bien été, précédé, en l'espèce, de la consultation des délégués du personnel et de la saisine des organisations syndicales et de la commission de l'emploi, force est de constater que la société ne rapporte nullement la preuve de ce qu'elle a réellement effectué une recherche personnalisée, l'envoi de la lettre circulaire en date du 12 octobre 2012 à diverses entreprises afin de les inviter à faire connaître les postes disponibles ne constituant pas à elle seule une recherche suffisante de reclassement au sens des dispositions légales et conventionnelles susvisées ; que en effet, dans la mesure où l'appelant n'a pas été avisé, personnellement, des démarches de l'employeur et n'a eu aucun entretien avec la direction, son délégataire ou un organisme compétent en la matière, au cours des mois suivants la rupture, ni de proposition de formation complémentaire pour favoriser son reclassement, il est établi que la direction de l'entreprise n'a pas joué le rôle actif exigé de l'employeur ; que la Cour considère, en conséquence, contrairement aux premiers juges, que la société a manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement de Monsieur Y... est en conséquence sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé ; que Monsieur Y... avait quatre années et demie d'ancienneté au moment de la rupture du contrat de travail et était alors âgé de 31 ans ; qu'il justifie avoir retrouvé un emploi stable après une période chômage ; que son salaire moyen mensuel était de 3.512€ ; qu'en considération de ces éléments, le préjudice subi par le salarié du fait de la rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail sera réparé par l'octroi de la somme de 22.0006 à titre de dommages-intérêts ;

Alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 alinéa 1er du Code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour dire le licenciement économique dépourvu de cause réelle et sérieuse, en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement externe, la Cour d'appel a retenu que l'employeur n'avait pas joué un rôle actif dans le reclassement au sens des articles L.1233-4 du Code du travail, 32 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 et 26 de l'accord collectif du 1er décembre 1987 ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres énonciations que les moyens oralement présentés à l'audience étaient ceux développés par les parties dans leurs écritures et qu'il n'en résultait pas que le salarié, qui invoquait un manquement de l'employeur au regard de l'article 7 de l'accord du 1er décembre 1967 et des articles 11-3° c, 11-3° d, 25 alinéa 2 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, ait entendu se référer à l'article 26 de l'accord collectif du 1er décembre 1987, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Alors, d'autre part, subsidiairement, que s'il résulte de l'article 32 de la convention collective du 6 avril 1956 que les entreprises amenées à envisager des licenciements pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de 30 jours doivent appliquer les dispositions de l'accord collectif du 1er décembre 1987, cet accord du 1er décembre 1987 « relatif à la procédure de licenciement pour motifs économiques et à l'emploi », en vigueur depuis le 1er février 1988, est un accord collectif non étendu; qu'il s'en suit que cet accord ne s'impose qu'aux entreprises adhérentes aux organisations patronales qui en sont signataires; qu'en énonçant dès lors que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement externe, en ce qu'il n'avait pas joué le rôle actif exigé par l'article 26 de l'accord collectif du 1er décembre 1987 en vigueur le 1er février 1988, sans rechercher si la société TC LAND EXPRESSION était adhérente à l'une des organisations patronales ayant signé l'accord, la Cour d'appel a violé l'article 26 de l'accord du 1er décembre 1987, ensemble l'article 32 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique;

Alors, en outre, subsidiairement, que si l'article 26 de l'accord du 1er décembre 1987 énonce que l'employeur doit jouer un rôle actif, il n'impose pas le respect de démarches particulières, telles que l'organisation d'entretiens individualisés au cours des mois suivants la rupture ou de proposition de formation complémentaire ; que partant, en énonçant que la société TC LAND EXPRESSION avait méconnu son obligation de reclassement externe en ne réalisant pas de telles démarches, la Cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail, l'article 32 de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, et l'article 26 de l'accord du 1er décembre 1987 ;

Alors, en tout état de cause, que seule l'absence de saisine de la commission paritaire de l'emploi constitue un manquement à l'obligation préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse ; que dès lors, en décidant que « si le licenciement de Monsieur Y... a bien été précédé, en l'espèce, de la consultation des délégués du personnel et de la saisine des organisations syndicales et de la commission de l'emploi, force est de constater que la société ne rapporte nullement la preuve de ce qu'elle a réellement effectué une recherche personnalisée », pour en déduire que le licenciement économique était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail, l'article 32 de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, ensemble l'article 26 de l'accord du 1er décembre 1987 ;

Alors, enfin, très subsidiairement, que la société TC LAND EXPRESSION démontrait dans ses écritures d'appel (p.18) avoir joué ce rôle actif, en ayant eu de nombreuses initiatives (« Contact a été pris par lettre du 24 octobre 2012, pour explorer toutes les possibilités d'emploi, auprès d'une vingtaine de sociétés proches géographiquement, dans les départements de Loire Atlantique et Vendée. L'une des sociétés contactée, la société CLEAN CELLS a dès le 31 octobre 2012 confirmé son intérêt pour 5 postes. (
) Et grâce à son intervention auprès de plusieurs sociétés locales de sa connaissance, plusieurs salariés ont été reçus en entretien dans une perspective d'embauche. » ;
mise en place « des outils facilitant la mise en contact avec des entreprises du secteur (permettre une inscription à des sites internet dédiés aux métiers des activités pharmaceutiques, à la bourse d'emploi du LEEM etc). » ; qu'il en ressortait que la société TC LAND EXPRESSION avait bien respecté son obligation de reclassement externe ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions pourtant déterminantes du litige et en se bornant à énoncer que « l'envoi de la lettre circulaire en date du 12 octobre 2012 à diverses entreprises afin de les inviter à faire connaître les postes disponibles ne (constituait) pas à elle seule une recherche suffisante de reclassement au sens des dispositions légales et conventionnelles susvisées », la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-21778
Date de la décision : 07/11/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 19 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 nov. 2018, pourvoi n°17-21778


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.21778
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