LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 mars 2017), que Mme Y... a été engagée par la société Entreprise sanitaire alréenne ambulances (ESA ambulances) en qualité de secrétaire ; que la société ESA ambulances a été placée en redressement judiciaire par décision du tribunal de commerce du 25 avril 2012, puis en liquidation judiciaire le 7 novembre 2012, M. A... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur ; que la salariée a été licenciée pour motif économique par M. A... par lettre du 20 novembre 2012 ;
Attendu que le mandataire liquidateur fait grief à l'arrêt de fixer à diverses sommes la créance de dommages-intérêts de la salariée sur la liquidation de la société ESA ambulances pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; qu'en cas de liquidation judiciaire d'une entreprise appartenant à un groupe, l'AGS ne garantissant la créance de rupture du contrat de travail qu'à la condition que celle-ci soit prononcée dans les quinze jours du jugement de liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire, tenu de tenter de reclasser les salariés avant de prononcer leur licenciement, ne dispose que de très peu de temps et d'aucun moyen juridique de pression sur les sociétés du groupe qui n'apporteraient pas leur concours, ou ne l'apporteraient pas de bonne foi ; qu'il s'ensuit que l'obligation de reclassement qui incombe au liquidateur judiciaire de l'entreprise lui impose d'interroger les autres sociétés du groupe sur les postes disponibles en leur sein, et de recueillir leur réponse, sans avoir à procéder à des recherches plus approfondies au sein de ces sociétés ; que, pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme Y..., la cour d'appel retient que M. A..., ès qualités, ne pouvait se satisfaire des réponses négatives apportées à sa demande par trois sociétés du groupe, et qu'il aurait dû procéder à une recherche plus sérieuse et effective des possibilités de reclassement, notamment par une vérification plus approfondie de la situation réelle des autres sociétés du groupe restées in bonis, toutes dirigées par M. B... qui avait été d'ailleurs gérant de la société ESA ambulances, recherche qui aurait permis l'identification au sein de la société Ambulances Bretagne Sud, entreprise du groupe de reclassement permettant une permutation du personnel, d'un poste disponible en rapport avec les compétences de la salariée licenciée ; qu'en statuant ainsi, quand, en l'état du délai très court dont il disposait légalement pour procéder au licenciement, M. A..., ès qualités, a satisfait à son obligation de reclassement en questionnant les trois entreprises du groupe auquel appartenait la société ESA ambulances, sur les possibilités de reclassement du salarié, et en recueillant leurs réponses négatives, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2°/ que pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme Y..., la cour d'appel retient que M. A..., ès qualités, ne pouvait se satisfaire des réponses négatives apportées à sa demande par les trois sociétés du groupe, et qu'il aurait dû procéder à une recherche plus sérieuse et effective des possibilités de reclassement, notamment par une vérification plus approfondie de la situation réelle des sociétés du groupe restées in bonis, recherche qui aurait permis l'identification au sein de la société Ambulances Bretagne Sud, entreprise du groupe de reclassement permettant une permutation du personnel, d'un poste disponible « en rapport avec les compétences de la salariée licenciée » ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que le poste disponible au sein de la société Ambulances Bretagne Sud était un poste d'ambulancier, et que Mme Y... était secrétaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3°/ que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; qu'en cas de liquidation judiciaire d'une entreprise, même appartenant à un groupe, le liquidateur judiciaire satisfait à l'obligation de reclassement qui pèse sur lui, en interrogeant de nombreuses entreprises, extérieures au groupe, exerçant une activité proche de celle de l'entreprise en liquidation judiciaire, sur les possibilités de reclassement des salariés au sein de leurs effectifs ; que, pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme Y..., la cour d'appel retient que M. A..., ès qualités, ne pouvait se satisfaire des réponses négatives apportées à sa demande par les trois sociétés du groupe auquel appartenait la société ESA ambulances ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait M. A..., ès qualités, il avait satisfait à son obligation de reclassement en questionnant dix-neuf entreprises extérieures au groupe, exerçant la même activité que la société ESA ambulances, sur les possibilités de reclassement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les registres d'entrée et sortie du personnel n'étaient produits que pour deux des sociétés du groupe et qu'il existait au sein du groupe de reclassement, à la date du licenciement, un emploi disponible d'ambulancier qui n'avait pas été proposé aux salariés ambulanciers également licenciés, la cour d'appel, faisant ainsi ressortir que le mandataire liquidateur n'établissait pas l'absence de poste disponible au sein des sociétés du groupe, a pu en déduire, sans être tenue de se livrer à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que le mandataire liquidateur avait manqué à son obligation de reclassement, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. A..., ès qualités, et le condamne à payer à Mme Y... la somme de 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. A..., ès qualités,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé à 16.500 € la créance de dommages-intérêts de Madame Y... sur la liquidation de la société ESA AMBULANCES pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 1233-4 du code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; les lettres adressées aux entreprises consultées ne mentionnant que l'intitulé des postes occupés par les salariés concernés par le projet de licenciement, Madame Y... fait plaider que le mandataire liquidateur a manqué à son obligation de recherche loyale, sérieuse et effective de reclassement en ne procédant pas à des recherches individualisées prenant en compte la situation des salariés concernés ; s'il est admis qu'en cas de liquidation judiciaire le liquidateur puisse n'être pas tenu de procéder à des recherches individualisées de reclassement, cette exception à l'exigence d'une recherche précise et personnalisée ne se justifie que dans l'hypothèse où est établie l'absence de poste disponible, dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise qui permettent la permutation d'emplois ; or, les éléments de l'espèce ne permettent pas à la cour de se convaincre de l'absence de poste disponible : le liquidateur a accepté, sans réserve, ni examen, la réponse apportée, pour 3 sociétés, le jour même de son courrier de question, soit le 14 novembre 2012, par Monsieur B..., gérant des sociétés du groupe, plus diligent à conclure négativement qu'à produire les registres du personnel de ses sociétés ; l'examen du registre du personnel d'une (la société AMBULANCES BRETAGNE SUD) des deux seules sociétés pour lesquelles ce registre a été produit fait apparaître qu'un ambulancier a été engagé dans les temps du licenciement, le 4 décembre 2012 ; une recherche sérieuse et effective des possibilités de reclassement, notamment par une vérification plus approfondie de la situation réelle des autres sociétés du groupe restées in bonis, toutes dirigées par Monsieur B... qui avait été d'ailleurs gérant de la société ESA AMBULANCES aurait permis l'identification au sein de la société AMBULANCES BRETAGNE SUD, entreprise du groupe de reclassement permettant une permutation du personnel, de ce poste disponible en rapport avec les compétences de la salariée licenciée ; à défaut de recherche sérieuse réelle de reclassement, le licenciement est dépourvu de cause économique, et il convient d'allouer à Madame Y..., qui justifie avoir bénéficié de l'allocation de sécurisation professionnelle pour 55,28 € par jour à compter du 7 décembre 2012 et pendant un an, la somme de 16.500 € en réparation de l'entier préjudice résultant de ce licenciement » (arrêt pp. 6 et 7) ;
ALORS QUE 1°) le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; qu'en cas de liquidation judiciaire d'une entreprise appartenant à un groupe, l'AGS ne garantissant la créance de rupture du contrat de travail qu'à la condition que celle-ci soit prononcée dans les quinze jours du jugement de liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire, tenu de tenter de reclasser les salariés avant de prononcer leur licenciement, ne dispose que de très peu de temps et d'aucun moyen juridique de pression sur les sociétés du groupe qui n'apporteraient pas leur concours, ou ne l'apporteraient pas de bonne foi ; qu'il s'ensuit que l'obligation de reclassement qui incombe au liquidateur judiciaire de l'entreprise lui impose d'interroger les autres sociétés du groupe sur les postes disponibles en leur sein, et de recueillir leur réponse, sans avoir à procéder à des recherches plus approfondies au sein de ces sociétés ; que, pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame Y..., la cour d'appel retient que Maître A... ès qualités ne pouvait se satisfaire des réponses négatives apportées à sa demande par trois sociétés du groupe, et qu'il aurait dû procéder à une recherche plus sérieuse et effective des possibilités de reclassement, notamment par une vérification plus approfondie de la situation réelle des autres sociétés du groupe restées in bonis, toutes dirigées par Monsieur B... qui avait été d'ailleurs gérant de la société ESA AMBULANCES, recherche qui aurait permis l'identification au sein de la société AMBULANCES BRETAGNE SUD, entreprise du groupe de reclassement permettant une permutation du personnel, d'un poste disponible en rapport avec les compétences de la salariée licenciée ; qu'en statuant ainsi, quand, en l'état du délai très court dont il disposait légalement pour procéder au licenciement, Maître A... ès qualités a satisfait à son obligation de reclassement en questionnant les trois entreprises du groupe auquel appartenait la société ESA AMBULANCES, sur les possibilités de reclassement du salarié, et en recueillant leurs réponses négatives, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
ALORS QUE 2°) pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame Y..., la cour d'appel retient que Maître A... ès qualités ne pouvait se satisfaire des réponses négatives apportées à sa demande par les trois sociétés du groupe, et qu'il aurait dû procéder à une recherche plus sérieuse et effective des possibilités de reclassement, notamment par une vérification plus approfondie de la situation réelle des sociétés du groupe restées in bonis, recherche qui aurait permis l'identification au sein de la société AMBULANCES BRETAGNE SUD, entreprise du groupe de reclassement permettant une permutation du personnel, d'un poste disponible « en rapport avec les compétences de la salariée licenciée » ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que le poste disponible au sein de la société AMBULANCES BRETAGNE SUD était un poste d'ambulancier, et que Madame Y... était secrétaire (arrêt, p. 2), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
ALORS QUE 3°) le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; qu'en cas de liquidation judiciaire d'une entreprise, même appartenant à un groupe, le liquidateur judiciaire satisfait à l'obligation de reclassement qui pèse sur lui, en interrogeant de nombreuses entreprises, extérieures au groupe, exerçant une activité proche de celle de l'entreprise en liquidation judiciaire, sur les possibilités de reclassement des salariés au sein de leurs effectifs ; que, pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame Y..., la cour d'appel retient que Maître A... ès qualités ne pouvait se satisfaire des réponses négatives apportées à sa demande par les trois sociétés du groupe auquel appartenait la société ESA AMBULANCES ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait Maître A... ès qualités (conclusions, pp. 4 à 7), il avait satisfait à son obligation de reclassement en questionnant dix-neuf entreprises extérieures au groupe, exerçant la même activité que la société ESA AMBULANCES, sur les possibilités de reclassement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.