LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1235-3 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 1er février 1979 par l'association le Fonds d'assurance formation Martinique aux droits de laquelle vient l'association Opcalia Martinique en qualité de conseiller formation pour exercer au dernier état de la relation contractuelle les fonctions de directrice du fonds, Mme A... a été licenciée par lettre du 10 octobre 2012 ;
Attendu que pour dire que la procédure de licenciement est régulière, l'arrêt retient que la procédure exigée pour licencier la salariée suppose l'intervention du conseil d'administration, que dans le cadre de la réunion du conseil d'administration exceptionnelle tenue le 11 septembre 2012, les décisions suivantes ont été prises : "Mesure proposée par le conseil : engagement d'une procédure de licenciement pour faute avec convocation à entretien préalable et notification de mise à pied conservatoire pendant le temps de la procédure. Cette proposition est validée à l'unanimité des membres présents et représentés. Le président fait appeler la directrice et un courrier lui notifiant la mise à pied conservatoire et la convocation à entretien préalable lui est remis en mains propres avec signature de décharge", qu'auparavant sont retracés tous les griefs reprochés à son encontre, qu'il n'y a manifestement pas d'irrégularité de procédure et que le président est bien habilité à engager la procédure de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que selon la délibération exceptionnelle du 11 septembre 2012, le conseil d'administration s'était borné à valider l'engagement de la procédure de licenciement et la convocation de la salariée à un entretien préalable au licenciement avec notification d'une mise à pied conservatoire et qu'il n'était pas établi que le conseil d'administration avait pris la décision de licencier ou remis au président un pouvoir à cet effet, de sorte que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la procédure de licenciement est régulière, le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette les demandes de la salariée au titre d'un licenciement abusif, l'arrêt rendu le 9 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;
Condamne l'association Opcalia Martinique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association Opcalia Martinique et la condamne à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme A...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme A... de sa demande tendant à ce que son licenciement soit déclaré dénué de cause réelle et sérieuse et à ce que l'association Opcalia Martinique soit condamnée à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, et au titre du droit individuel à la formation ;
1) AUX MOTIFS QUE l'auteur du licenciement doit être habilité à le prononcer, sous peine de voir le licenciement qualifié de sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la procédure exigée supposait l'intervention du conseil d'administration ; que lors de sa réunion exceptionnelle du 11 septembre 2012, le conseil d'administration a pris les décisions suivantes : « Mesure proposée par le conseil : engagement d'une procédure de licenciement pour faute avec convocation à entretien préalable et notification de mise à pied conservatoire pendant le temps de la procédure. Cette proposition est validée à l'unanimité des membres présents et représentés. Le président fait appeler la directrice et un courrier lui notifiant la mise à pied conservatoire et la convocation à entretien préalable lui est remis en mains propres avec signature de décharge » ; qu'auparavant étaient retracés les griefs reprochés à Mme A... ; qu'il n'y a manifestement pas d'irrégularité de procédure et que le président était bien habilité à engager la procédure de licenciement ; que la demande d'invalidation sur ce fondement sera rejetée ;
ALORS QU'aux termes du statut du personnel d'Opcalia, les cadres sont licenciés par le conseil d'administration ; qu'en se bornant à relever que la procédure supposait l'intervention du conseil d'administration et que le président de l'association avait, par délibération du 11 septembre 2012, été habilité à « engager la procédure de licenciement », sans constater que le conseil d'administration ait donné pouvoir au président de mener la procédure de licenciement à son terme et d'adresser à la directrice la lettre de licenciement, ni pris lui-même collégialement la décision de licencier Mme A..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 1232-6 et L.1235-3 du code du travail ;
2) ET AUX MOTIFS QUE le grief relatif à la demande de ne pas prélever l'ATD sur le mois de juillet 2012 ne suffirait pas à justifier le licenciement d'une salariée ayant 33 ans d'ancienneté, d'autant que les précédents présidents avaient eu l'occasion de faire droit à ce type de demande, et que du fait de la réponse négative du président actuel, la demande n'a pas été acceptée ; que s'agissant des griefs relatifs à l'« absence de mise en place d'outils de base de gestion », lors du conseil d'administration du 1er février 2012 il a été débattu des « axes stratégiques pour 2012 », et a été prévu notamment : Pour le 1er trimestre 2012 : - de repenser l'organisation interne avec audit d'Opcalia national, - de réactualiser les fiches de poste, - de présenter un organigramme, - d'établir des tableaux de bord trimestriels, Pour le 2ème trimestre 2012 (notamment) : - la mise en place de l'évaluation du personnel avec l'aide à prévoir d'un consultant, - la mise en place d'un cahier de procédures ... ; que par courrier du 22 juillet 2012, le président a attiré l'attention de la directrice sur la non-réalisation des objectifs précédemment évoqués dans la réunion du conseil d'administration de février 2012, et qu'au moment du licenciement, ces outils de gestion de base censés être connus d'une directrice ayant une ancienneté de plus de 20 ans n'étaient toujours pas produits ; que cette carence, dans la mesure où elle avait été relevée, nécessitait au moins pour une part, vu l'ampleur de la tâche, un début d'exécution par la directrice, ce que manifestement elle ne démontre pas ; que les attestations produites par Mme A..., élogieuses sur son travail et ses qualités humaines ne peuvent suffire à contrebalancer cette défaillance qui justifiait le licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
ALORS QU'il appartient aux juges du fond de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement ;
que Mme A... faisait valoir que le président, M. Z..., lui avait, dès sa nomination en juillet 2011, manifesté « une vive hostilité » en raison de son supposé parti pris dans le conflit relatif à la présidence ayant éclaté entre le collège patronal et le collège salarié du conseil d'administration de l'association après les désignations de mars 2009, qu'il lui reprochait, en outre, d'avoir dénoncé sa situation de cumul ou d'avoir refusé d'embaucher sa nièce ; que la salariée affirmait que la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre « en représailles », que le président, « avide d'en découdre », s'était servi d'un « prétexte » et que son licenciement avait été guidé par des « considérations subjectives » ; qu'en omettant d'examiner, comme elle y était invitée, si les véritables raisons de son licenciement n'étaient pas étrangères aux faits énoncés dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de fondement légal au regard des articles L. 1232-6 et L.1235-3 du code du travail.