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31/10/2018 | FRANCE | N°17-86660

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 octobre 2018, 17-86660


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. A... X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de BASTIA, en date du 3 octobre 2017, qui a rejeté sa demande de libération conditionnelle et fixé à deux ans le délai pendant lequel il ne pourra présenter une nouvelle demande d'obtention de cette mesure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 septembre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, con

seiller rapporteur, M. Moreau, Mme Slove, MM. Stephan, Guéry, conseillers de la chambre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. A... X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de BASTIA, en date du 3 octobre 2017, qui a rejeté sa demande de libération conditionnelle et fixé à deux ans le délai pendant lequel il ne pourra présenter une nouvelle demande d'obtention de cette mesure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 septembre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Slove, MM. Stephan, Guéry, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Wallon ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller de LAROSIÈRE de CHAMPFEU, les observations de la société civile professionnelle MARLANGE et DE LA BURGADE, de la société civile professionnelle DELVOLVÉ et TRICHET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Wallon ;

Vu les mémoires, en demande et en défense, produits ;

Attendu que M. X..., né en [...] , a été condamné, le 8 décembre 1962, à la réclusion criminelle à perpétuité pour violences à magistrat ou fonctionnaire ayant entraîné la mort, cette peine ayant été commuée en vingt ans de réclusion criminelle, le 13 juillet 1971 ; que M. X... a été placé en libération conditionnelle, le 7 novembre 1977 ; que, pendant l'exécution de cette mesure, le 22 décembre 1979, il a commis un vol avec arme au cours duquel il a tué trois vendeuses d'une grande surface ; que, le 18 janvier 1980, il a tué le propriétaire d'une maison, sa fille de douze ans et un voisin venu leur porter secours ; qu'il a été condamné, pour ces faits, à la réclusion criminelle à perpétuité, par arrêt de la cour d'assises du Var, le 14 juin 1983 ; qu'alors qu'il exécutait cette peine, il a présenté, le 26 avril 2016, une demande de libération conditionnelle, qui a été rejetée, par jugement du tribunal de l'application des peines de Bastia, en date du 6 juillet 2017, cette décision lui ayant interdit de présenter une nouvelle demande de libération conditionnelle pendant un délai de deux ans ; que M. X... a fait appel de ce jugement ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 712-13, 729, 730-2-2°, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du 6 juillet 2017 du tribunal de l'application des peines de Bastia ayant rejeté la demande de libération conditionnelle de M. X... et dit que celui-ci ne pourrait pas déposer de nouvelle demande avant l'expiration d'un délai de deux ans ;

"aux motifs que M. X... a été condamné le 14 juin 1983 par la cour d'assises du Var à la réclusion criminelle à perpétuité pour assassinat, homicide volontaire, vol avec arme ; que M. X... qui est né le [...] est actuellement âgé de 84 ans ; que l'article 729 du code de procédure pénale in fine dispose que lorsque le condamné est âgé de plus de soixante-dix ans, les durées de temps d'épreuve prévues par les alinéas précédents ne sont pas applicables et la libération conditionnelle peut être accordée dès lors que l'insertion ou la réinsertion du condamné est assurée, en particulier s'il fait l'objet d'une prise en charge adaptée à sa situation à sa sortie de l'établissement pénitentiaire ou s'il justifie d'un hébergement sauf en cas de risque grave de renouvellement de l'infraction ou si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public ; que, par ailleurs, l'article 730-2-2° du même code prévoit que s'agissant d'une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité, la libération conditionnelle ne peut être accordée qu'après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, rendu à la suite d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues et assortie d'une expertise médicale ; que le 14 juin 1983, M. X... a été condamné par la cour d'assises du Var pour avoir commis le 22 décembre 1979 un vol avec arme au préjudice d'une grande surface à [...] et tué au cours de celui-ci trois jeunes employées de ce commerce et assassiné le 18 janvier 1980 le propriétaire d'une villa à [...] ainsi que sa fille âgée de douze ans et un voisin venu porté secours à ceux-ci ; qu'il était à époque de ces faits en libération conditionnelle depuis le 9 novembre 1977 suite à une précédente condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité relative au meurtre d'un garde-pêche à [...], cette condamnation ayant fait l'objet d'une commutation de peine en vingt ans de réclusion criminelle le 13 juillet 1971 ; que le casier judiciaire de l'intéressé porte aussi trace de trois autres condamnations, la première pour port et transport sans motif légitime de munitions ou d'armes de la 1re ou 4e catégorie le 14 avril 1961, la seconde pour outrage à magistrat ou juré dans l'exercice de ses fonctions le 6 juillet 1962 et la troisième en date du 23 juillet 1965 pour évasion par bris de prison ou évasion ; qu'il résulte de la synthèse socio-éducative établie par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) de la Haute-Corse, en date du 30 mars 2017, que le condamné fait preuve d'une bonne capacité physique hormis un problème auditif, est complètement adapté à la détention, lit beaucoup (essentiellement la bible), tient sur les faits toujours le même discours, soutient que son procès n'a été qu'à charge et qu'il est "innocent comme le christ" ne manifeste aucune empathie envers les victimes, s'emporte très vite, s'énerve aussi bien verbalement que physiquement avec une grande intolérance à la frustration ; que le conseiller en probation indique aussi que le condamné a renoué les liens avec son ex épouse et que bien que bénéficiaire d'une pension de retraite de 700 euros par mois, il a cessé les versements volontaires aux parties civiles depuis le mois de février 2014 pour, selon les déclarations du condamné, financer ses frais de prothèse auditives ; que, quant à la synthèse pluridisciplinaire, en date du 7 décembre 2016, effectuée à la suite du placement du condamné en observation au centre pénitentiaire sud francilien, elle précise que M. X... s'est figé dans des modes extrêmement rigides excluant toute remise en cause, que son absence de prise en compte de l'autre et sa mise à distance des affects semblent inquiétants, que malgré l'âge, le risque de récidive apparaît toujours présent et que la poursuite de la détention reste la meilleure garantie de prévention même si elle ne fera vraisemblablement que conforter le condamné dans l'image de victime qu'il s'est construite ; qu'enfin, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté de Marseille a le 22 février 2017 émis un avis favorable à la libération conditionnelle du condamné sous condition d'un placement sous surveillance électronique mobile en prenant en compte l'âge de celui-ci, la longueur de la détention, le caractère inexistant des perspectives d'évolution ; que cela dit, force est de constater que M. X... a été condamné à deux reprises à la peine maximale de la réclusion criminelle à perpétuité, que les faits à l'origine de sa deuxième condamnation ont été commis alors qu'il était sous le régime de la libération conditionnelle, que ceux-ci ont notamment causé la mort de trois jeunes femmes et d'une fillette de douze ans en l'espace de quelques semaines et ont eu un retentissement considérable, que celui-ci n'a pas su accomplir un travail sur lui-même et reste dangereux ; que les avis psychiatriques se rejoignent en effet pour considérer que le risque de récidive demeure actuel et que le condamné compte tenu de son positionnement et de son fonctionnement psychique n'est pas accessible à un traitement ; qu'il apparaît ainsi qu'un placement sous surveillance électronique ne saurait être de nature à garantir la protection de la société et celle de victimes potentielles, que de plus les faits commis sont présents dans les esprits et la libération du condamné de nature à raviver le grave trouble à l'ordre public causé par ceux-ci ; qu'en cet état, le jugement rendu par le premier juge doit être confirmé en toutes ses dispositions ;

"alors que la juridiction de l'application des peines ne peut statuer sur une demande de libération conditionnelle présentée par une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité sans tenir compte d'un avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, rendu à la suite d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues et assortie d'une expertise médicale ; qu'en rejetant la demande de M. X..., sans s'expliquer sur « l'expertise médicale » qui aurait assorti l'évaluation pluridisciplinaire de dangerosité, en application de l'article L. 730-2,2° du code de procédure pénale, la chambre de l'application des peines n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 712-7, 712-13, 729, 730-2-2°, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du 6 juillet 2017 du tribunal de l'application des peines de Bastia ayant rejeté la demande de libération conditionnelle de M. X... et dit que celui-ci ne pourrait pas déposer de nouvelle demande avant l'expiration d'un délai de deux ans ; que sans motiver sa décision de dire que M. X... ne pourrait pas déposer de nouvelle demande de libération conditionnelle avant l'expiration d'un délai de deux ans ;

"alors que l'interdiction faite à une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité de présenter une nouvelle demande de libération conditionnelle dans un délai déterminé, doit être motivée ; que la chambre de l'application des peines ne pouvait donc confirmer le jugement du tribunal de l'application des peines en ce qu'il avait dit que M. X... ne pourrait présenter une nouvelle demande avant l'expiration d'un délai de deux ans, sans motiver sa décision sur ce point" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour confirmer le rejet de la demande de libération conditionnelle et l'interdiction faite au condamné de présenter une nouvelle demande tendant au prononcé de la même mesure pendant deux ans, la chambre de l'application des peines énonce qu'il résulte de la synthèse socio-éducative établie par le service pénitentiaire d'insertion et de probation que M. X... se prétend innocent des faits pour lesquels il a été condamné, qu'il ne manifeste aucune empathie envers les victimes, qu'il a cessé les versements volontaires qu'il effectuait auprès des parties civiles, qu'il s'emporte très vite et s'énerve verbalement et physiquement avec une grande intolérance à la frustration ;

Que l'arrêt relève que la synthèse établie par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, effectuée après un placement du condamné en observation dans un centre pénitentiaire spécialisé, conclut que M. X... s'est figé dans des modes extrêmement rigides, excluant toute remise en cause, que son absence de prise en compte de l'autre et sa mise à distance des affects sont inquiétants, que le risque de récidive est toujours présent et que la poursuite de la détention reste la meilleure garantie de prévention ;

Que les juges retiennent que les avis psychiatriques se rejoignent pour considérer que le risque de récidive demeure actuel et que le condamné, compte tenu de son fonctionnement psychique, n'est pas accessible à un traitement ; qu'ils ajoutent que le placement sous surveillance électronique ne saurait être de nature à garantir la protection de la société et celle de victimes potentielles, la remise en liberté du condamné étant de nature à raviver le grave trouble à l'ordre public causé par les faits commis, encore présents dans les esprits ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance et relevant de son appréciation souveraine, la chambre de l'application des peines, qui a pris en considération l'avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, a justifié sa décision de rejeter la demande de libération conditionnelle présentée par M. X... et de fixer à deux ans le délai pendant lequel il ne pourra présenter une nouvelle demande tendant au prononcé de cette mesure, sans encourir les griefs allégués aux moyens, lesquels ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. A... X... devra payer à M. Guy Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un octobre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-86660
Date de la décision : 31/10/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'application des peines de la Cour d'appel de Bastia, 03 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 oct. 2018, pourvoi n°17-86660, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.86660
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