LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-
M. A... Z... ,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 31 mai 2017, qui, pour travail dissimulé, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de l'arrêt, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 septembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Cathala, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller Cathala, les observations de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE, BUK-LAMENT et ROBILLOT, la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER ;
Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Z... a dirigé, en France, une entreprise individuelle de transport, inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 3 mai 2010 ; qu'après deux contrôles routiers réalisés en 2010 et en 2011 par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, le procureur de la République a ouvert une enquête préliminaire à la suite de laquelle il a fait citer M. Z... devant le tribunal correctionnel du chef susvisé ; qu'il a été reconnu coupable et a été condamné aux peines précitées ; que M. Z... et le ministère public ont relevé appel du jugement ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-1 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Z... à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs que la peine de six mois d'emprisonnement assorti du sursis prononcée par les premiers juges constitue un avertissement nécessaire et suffisant, l'intéressé n'ayant pas d'antécédent judiciaire ;
"alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en se bornant, pour prononcer une peine d'emprisonnement avec sursis à l'encontre de M. Z..., à faire état de son absence d'antécédent judiciaire, sans s'expliquer sur sa personnalité et sa situation personnelle non plus que sur la gravité des faits, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-20, alinéa 2, du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Z... à une peine d'amende de 10 000 euros ;
"aux motifs que considérant la durée des agissements réprimés, le profit évident qu'en a tiré l'intéressé et le nombre de salariés concernés, il y a lieu de porter le montant de l'amende prononcée à 10 000 euros, cette somme étant compatible avec la situation plutôt florissante de la société concernée et les revenus qu'elle annonce ;
"alors que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; qu'en prenant en considération, pour condamner M. Z... à amende de 10 000 euros, les revenus de la société qu'il dirige au lieu de prendre en compte ses propres revenus ainsi que ses charges, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que pour confirmer partiellement le jugement entrepris qui a prononcé une peine d'emprisonnement avec sursis et une amende, l'arrêt énonce que la peine de six mois d'emprisonnement assortie du sursis constitue un avertissement nécessaire et suffisant, l'intéressé n'ayant pas d'antécédent judiciaire ; que les juges ajoutent que considérant la durée des agissements réprimés, le profit évident qu'en a tiré l'intéressé et le nombre de salariés concernés il y a lieu de porter le montant de l'amende prononcée à 10 000 euros, cette somme étant compatible avec la situation plutôt florissante de la société concernée et les revenus qu'elle annonce ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, dès lors qu'elle a estimé que l‘emprisonnent avec sursis était justifié par la personnalité du prévenu et que son niveau de ressources pouvait être déduit de celui de son entreprise qu'il exploite en nom personnel, la cour d'appel n'encourt pas les griefs allégués;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, alinéa 2, et 132-1, alinéa 3, du code pénal, L. 244-5 du code de la sécurité sociale, L. 8224-3 du code du travail, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale [reproduire ici le moyen] ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné son affichage dans le hall d'entrée des locaux de l'Urssaf de Bourgogne ainsi que sa publication dans la presse locale aux frais du contrevenant en application de l'article L. 244-5 du code de la sécurité sociale ;
"aux motifs qu'il y a lieu d'ordonner l'affichage du présent arrêt ans le hall d'entrée des locaux de l'Urssaf de Bourgogne ainsi que la publication de celui-ci dans la presse locale aux frais du contrevenant en application de l'article L. 244-5 du code de la sécurité sociale ;
"1°) alors que les peines complémentaires d'affichage et de publication de la décision prévues par l'article L. 244-5 du code de la sécurité sociale ne peuvent être prononcées qu'en cas de condamnation pour l'une des contraventions mentionnées par les articles L. 244-1 à L. 244-4 du même code et non en cas de condamnation du chef du délit de travail dissimulé ; qu'en ordonnant l'affichage de sa décision dans le hall d'entrée des locaux de l'Urssaf de Bourgogne ainsi que sa publication dans la presse locale en application de l'article L. 244-5 du code de la sécurité sociale après avoir déclaré le prévenu coupable de travail dissimulé, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés ;
"2°) alors qu'en cas de condamnation pour travail dissimulé, seul l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal, peut être ordonné ; qu'en ordonnant l'affichage de sa décision dans le hall d'entrée des locaux de l'Urssaf de Bourgogne ainsi que sa publication dans la presse locale après avoir déclaré le prévenu coupable de travail dissimulé, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés ;
"3°) alors qu'en matière correctionnelle, toute peine, fût-elle prononcée à titre de peine complémentaire, doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en ordonnant l'affichage de sa décision dans le hall d'entrée des locaux de l'Urssaf Bourgogne ainsi que sa publication dans la presse locale sans motiver cette peine complémentaire au regard de la gravité des faits, de la personnalité du prévenu et de sa situation personnelle, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;
Vu les articles L. 244-1 et L. 244-5 du code de la sécurité sociale et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que selon les textes du code de la sécurité sociale, en vigueur à l'époque des faits, l'employeur ou le travailleur indépendant qui ne s'est pas conformé aux prescriptions de la législation de sécurité sociale, est poursuivi devant le tribunal de police qui peut ordonner que le jugement de condamnation soit publié, intégralement ou par extraits, dans les journaux qu'il désigne, et affiché dans les lieux qu'il indique, le tout aux frais du contrevenant ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré M. Z... coupable de travail dissimulé du 30 juin 2009 au 30 juin 2010 pour certains salariés et du 30 juin 2010 au 1er janvier 2011 pour d'autres, a ordonné l'affichage de la décision dans le hall d'entrée des locaux de l'Urssaf de Bourgogne et sa publication dans la presse locale aux frais du contrevenant en application de l'article L. 244-5 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que ledit article ne prévoit la répression que de contraventions dont le prévenu n'a pas été déclaré coupable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Que cette cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire;
Sur la demande présentée au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale :
Attendu que les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel ; que la déclaration de culpabilité de M. Z... étant devenue définitive, par suite du rejet de ses premier, deuxième et troisième moyens de cassation, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande du défendeur ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 31 mai 2017, mais en ses seules dispositions relatives à l'affichage et à la publication de la décision, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Fixe à 2 500 euros la somme que M. Z... devra payer à l'Urssaf de Bourgogne au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente octobre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.