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24/10/2018 | FRANCE | N°17-21941

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 octobre 2018, 17-21941


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'invoquant la non-conformité aux normes sanitaires de l'eau distribuée dans la commune de Saint-Bonnet- de-Bellac où ils résident, M. et Mme Y... ont, par acte du 23 septembre 2015, assigné la société Veolia eau-compagnie générale des eaux (la société), chargée de la gestion de la station de traitement des eaux, en réparation de leur préjudice ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de retenir que l'action contractue

lle engagée par M. et Mme Y... n'est pas prescrite à compter du 18 septembre 2010 et de...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'invoquant la non-conformité aux normes sanitaires de l'eau distribuée dans la commune de Saint-Bonnet- de-Bellac où ils résident, M. et Mme Y... ont, par acte du 23 septembre 2015, assigné la société Veolia eau-compagnie générale des eaux (la société), chargée de la gestion de la station de traitement des eaux, en réparation de leur préjudice ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de retenir que l'action contractuelle engagée par M. et Mme Y... n'est pas prescrite à compter du 18 septembre 2010 et de la condamner à leur payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts correspondant au coût de l'eau minérale ou de source achetée au cours des cinq dernières années, alors, selon le moyen :

1°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ; qu'il en va ainsi notamment de l'action tendant à engager la responsabilité contractuelle d'un cocontractant à raison de la violation des obligations résultant d'un contrat à exécution successive ; qu'en jugeant que M. et Mme Y... étaient recevables à invoquer pour la première fois le 23 septembre 2015 la responsabilité contractuelle de la société à raison de la non-conformité de l'eau fournie aux normes de qualité légales et réglementaires, après avoir elle-même constaté qu' « en achetant de l'eau minérale dès 1999 pour pallier une eau qu'ils considéraient non conforme, ils avaient connaissance des faits permettant d'exercer l'action », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article 2224 du code civil ;

2°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ; qu'il en va ainsi notamment de l'action tendant à engager la responsabilité contractuelle d'un cocontractant à raison de la violation des obligations résultant d'un contrat à exécution successive ; qu'en retenant, pour juger que M. et Mme Y... étaient recevables à invoquer pour la première fois le 23 septembre 2015 la responsabilité contractuelle de la société à raison de la non-conformité de l'eau fournie aux normes de qualité légales et réglementaires, alors même qu'elle relevait qu' « en achetant de l'eau minérale dès 1999 pour pallier une eau qu'ils considéraient non conforme, ils avaient connaissance des faits permettant d'exercer l'action », que le contrat de fourniture d'eau était un contrat à exécution successive, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant en violation de l'article 2224 du code civil ;

3°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que, selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières de prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ; que la cour d'appel a considéré, pour indemniser M. et Mme Y..., que « la société Veolia eau tenue à une obligation de résultat est responsable et doit indemniser l'usager pour l'ensemble de la période concernée dans la mesure où il est établi plusieurs non conformités au cours des années 2011, 2013 et 2014 » ; qu'en retenant, néanmoins,, pour déclarer que l'action de M. et Mme Y..., intentée en 2015 pour des faits dont ils avaient connaissance depuis 1999, n'était pas prescrite, que « le contrat de fourniture d'eau est un contrat à exécution successive qui peut engendrer un dommage en cours d'exécution » de sorte que « M. et Mme Y... sont recevables à agir sur le fondement de l'article 2224 du code civil pour les cinq années précédant les écritures du 23 septembre 2015 », quand elle avait constaté, par les motifs précédemment évoqués, que l'obligation de la société devait être prise dans son ensemble pour toute la période concernée, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le contrat de fourniture d'eau était un contrat à exécution successive, la cour d'appel a retenu, par des motifs exempts de contradiction, que la responsabilité de la société devait être appréciée au fur et à mesure de l'exécution de celui-ci et en a déduit, à bon droit, que M. et Mme Y... étaient recevables à agir en réparation de leur préjudice pour la période de cinq ans précédant leur demande ;

Et attendu que, sans considérer que l'obligation souscrite par la société était indivisible, elle a souverainement estimé que la preuve était rapportée de la non-conformité de l'eau distribuée pour l'ensemble de la période considérée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article R. 1321-2 du code de la santé publique ;

Attendu que, pour la condamner à payer à M. et Mme Y... une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la société avait distribué une eau non conforme aux limites et aux références de qualité fixées par arrêté ministériel ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi les résultats des analyses qu'elle retenait n'étaient pas conformes à ces limites de qualité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Veolia eau-compagnie générale des eaux à payer à M. et Mme Y... une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 11 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Veolia eau-compagnie générale des eaux

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que l'action contractuelle engagée par Monsieur et Madame Y... n'est pas prescrite à compter du 18 septembre 2010 et D'AVOIR condamné la société VEOLIA EAU à verser à Monsieur et Madame Y... la somme de 2 800,00€ à titre de dommages et intérêts correspondant au coût de l'eau minérale ou de source achetée sur les 5 dernières années, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, et à verser à Monsieur et Madame Y... une somme de 2 500,00€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « sur la prescription :Indiquant qu'ils avaient dû acheter des bouteilles d'eau minérales depuis 1999 en raison du goût désagréable et de la couleur saumâtre de l'eau et qu'ils avaient eu connaissance d'une décision du tribunal d'instance de Limoges du 10 février 2014 condamnant la société VEOLIA EAU à indemniser un consommateur pour non-respect des normes sanitaires de la qualité de l'eau alimentaire, Monsieur et Madame Y... ont fait assigner la société VEOLIA EAU en indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle par acte du 12 décembre 2014 et puis délictuelle par conclusions signifiées le 18 septembre 2015 ; que dans son jugement frappé l'appel, le tribunal de grande instance de Limoges, en prenant pour point de départ de la prescription soit la date de cessation de la consommation d'eau en 1999 (lorsque Monsieur et Madame Y... résidaient à titre secondaire dans leur maison) soit à compter de 2004 (date de leur domiciliation à titre principal), a considéré l'action prescrite tant sur un fondement contractuel que sur le fondement délictuel ; que cependant, dès lors que le contrat de fourniture d'eau est un contrat à exécution successive qui peut engendrer un dommage en cours d'exécution, Monsieur et Madame Y... sont recevables à agir sur le fondement de l'article 2224 du Code civil pour les cinq années précédant les écritures du 23 septembre 2015 au terme desquelles ils se sont fondés sur la responsabilité contractuelle, date à laquelle peuvent perdurer des anomalies sur la qualité de l'eau qui peuvent entraîner un dommage ; que l'action est prescrite pour la période antérieure puisque en achetant de l'eau minérale dès 1999 pour pallier une eau qu'ils considéraient non conforme ils avaient connaissance des faits permettant d'exercer l'action » ;

ET QUE sur le fond : « La société VEOLIA EAU est liée par un contrat d'affermage à la SIDEPA de la Gartempe ; qu'aux termes des articles 1-3, 1-5 et 6-4 de ce contrat, le délégataire VEOLIA est responsable de la qualité de l'eau et des dommages causés et doit prendre toute mesure nécessaire ; qu'il convient donc de déterminer si la qualité des eaux distribuées par la station de Beissat postérieurement au 18 septembre 2010 est non conforme aux limites de qualité et aux références de qualité sur la commune de [...] ; que parmi les nombreuses analyses de contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine pratiquées par le ministère de la santé sur la période postérieure au 15 septembre 2010 communiquées par Monsieur et Madame Y... seules les analyses dont le prélèvement a été fait sur la commune de [...] peuvent être retenues, les autres analyses réalisées dans d'autres communes ne permettant d'établir avec certitude la preuve d'un défaut de l'eau livrée à [...], les résultats des analyses pouvant varier d'une commune à l'autre ; que sept analyses relatives à la commune de [...] sont produites :
1/ Date de prélèvement 7 juillet 2011 à 11 h 45 : « 'Eau ne respectant pas les exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. Légère contamination bactériologique nécessitant un renforcement de la désinfection avant distribution'.
Respect des références de qualité : non' ».
2/ Date de prélèvement 30 mai 2013 à 10 h 00 « ''Eau ne respectant pas les exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. Légère contamination bactériologique nécessitant un renforcement de la désinfection avant distribution'.
Respect des références de qualité : non' ».
3/ Date de prélèvement 28 octobre 2013 à 14 h 30 « 'Eau non conforme aux exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. DESINFECTION INSUFFISANTE.
Respect des références de qualité : non' ».
4/ Date de prélèvement 29 septembre 2014 à 11 h 50 « ''Eau non conforme aux exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. DESINFECTION INSUFFISANTE.
Respect des références de qualité : non' ».
5/ Date de prélèvement 2 octobre 2014 à 15 h 15 « ''Eau non conforme aux exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. DESINFECTION INSUFFISANTE.
Respect des références de qualité : oui' »
6/ Date de prélèvement 6 octobre 2014 à 12 h 20 « 'La présence d'une flore interférente lors de l'analyse a empêché la détection des coliformes totaux. Un recontrôle bactértiologique a été réalisé.
Respect des références de qualité : oui ».
7/ Date de prélèvement 7 octobre 2014 à 15 h 15 « ''Eau non conforme aux exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. DESINFECTION INSUFFISANTE.
Respect des références de qualité : non ».
Que pour les périodes 2010, 2011 l'agence régionale de santé Limousin (ARS) conclut en ces termes : « 'qualité bactériologique à améliorer par un renforcement sanitaire du système de désinfection (mise en place de postes complémentaires de chloration en différents points du réseau de distribution). Qualité chimique devant être améliorée par une mise à niveau des installations de traitement de la station de Beissat ; qu'il est précisé qu'en 2010 des dépassements réguliers des exigences qualité pour les composés organiques et l'aluminium et en 2011 des dépassements réguliers des exigences qualité pour les composés organiques-COT (carbone organique total) ont été constatés ; qu'enfin, le préfet a adressé le 29 mars 2011 au président du SIDEPA « 'La Gartempe' » (pièce Y... n° 7) un courrier indiquant que «'malgré les travaux réalisés jusqu'en 1990, l'état actuel de cette station ne permet plus de produire en permanence une eau conforme aux exigences de qualité des eaux destinées à la consommation humaine' » et demande de lui communiquer un programme d'actions accompagné d'une estimation du coût des travaux ; qu'il s'ensuit que la qualité de l'eau n'est pas conforme aux limites de qualité et aux références de qualité telles que fixées par arrêté ministériel ; que dès lors que l'eau livrée ne répond pas aux exigences de qualité requises par les normes légales et réglementaires, la société VEOLIA EAU tenue à une obligation de résultat est responsable et doit indemniser l'usager pour l'ensemble de la période concernée dans la mesure où il est établi plusieurs non conformités au cours des années 2011, 2013 et 2014 ; que l''indemnisation doit se faire cependant en rapport avec le préjudice subi ; que Monsieur et Madame Y... sollicitent à la fois une indemnisation basée sur la quantité d'eau minérale achetée pour pallier à la mauvaise qualité de l'eau livrée par la société VEOLIA EAU soit 12 litres d'eau par jour pour quatre adultes et une indemnisation de leur préjudice de jouissance constitué par l'impossibilité de consommer l'eau du robinet ; qu'aucune facture d'achat de bouteilles d'eau minérale n'étant communiquée par Monsieur et Madame Y..., il est malaisé d'évaluer une consommation. L'évaluation formulée par les appelants sur la base de 3 litres d'eau par jour et par adulte est manifestement excessive ; qu'il sera retenu pour les quatre membres de la famille dont les deux enfants (nés [...] ) ne résident sans doute plus en permanence au domicile une consommation journalière de 5 litres au prix de 0,30 euros le litre pendant 5 ans soit 2 737,50 € (5 x365 x5 x 0,30) arrondie à 2 800,00 € ; que puisque Monsieur et Madame Y... achètent de l'eau minérale pour leur consommation personnelle, les factures de VEOLIA acquittées correspondent nécessairement à une utilisation autre qu'alimentaire de sorte que la demande d'indemnisation sur ce point ne peut être admise » ;

ALORS D'UNE PART QUE les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ; qu'il en va ainsi notamment de l'action tendant à engager la responsabilité contractuelle d'un cocontractant à raison de la violation des obligations résultant d'un contrat à exécution successive ; qu'en jugeant que les époux Y... étaient recevables à invoquer pour la première fois le 23 septembre 2015 la responsabilité contractuelle de la société VEOLIA à raison de la non-conformité de l'eau fournie aux normes de qualité légales et réglementaires, après avoir elle-même constaté qu' « en achetant de l'eau minérale dès 1999 pour pallier une eau qu'ils considéraient non conforme, ils avaient connaissance des faits permettant d'exercer l'action », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article 2224 du Code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QUE les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ; qu'il en va ainsi notamment de l'action tendant à engager la responsabilité contractuelle d'un cocontractant à raison de la violation des obligations résultant d'un contrat à exécution successive ; qu'en retenant, pour juger que les époux Y... étaient recevables à invoquer pour la première fois le 23 septembre 2015 la responsabilité contractuelle de la société VEOLIA à raison de la non-conformité de l'eau fournie aux normes de qualité légales et réglementaires, alors même qu'elle relevait qu' « en achetant de l'eau minérale dès 1999 pour pallier une eau qu'ils considéraient non conforme, ils avaient connaissance des faits permettant d'exercer l'action », que le contrat de fourniture d'eau était un contrat à exécution successive, la Cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant en violation de l'article 2224 du Code civil ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que selon l'article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières de prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ; que la Cour d'appel a considéré, pour indemniser Monsieur et Madame Y..., que « la société VEOLIA EAU tenue à une obligation de résultat est responsable et doit indemniser l'usager pour l'ensemble de la période concernée dans la mesure où il est établi plusieurs non conformités au cours des années 2011, 2013 et 2014 » (arrêt p. 4 antépénultième alinéa) ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer que l'action de Monsieur et Madame Y..., intentée en 2015 pour des faits dont ils avaient connaissance depuis 1999, n'était pas prescrite, que « le contrat de fourniture d'eau est un contrat à exécution successive qui peut engendrer un dommage en cours d'exécution » de sorte que « Monsieur et Madame Y... sont recevables à agir sur le fondement de l'article 2224 du Code civil pour les cinq années précédant les écritures du 23 septembre 2015 » (arrêt p. 3 alinéa 6), quand elle avait constaté, par les motifs précédemment évoqués, que l'obligation de la Société Véolia devait être prise dans son ensemble pour toute la période concernée, la Cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société VEOLIA EAU à verser à Monsieur et Madame Y... la somme de 2 800,00€ à titre de dommages et intérêts correspondant au coût de l'eau minérale ou de source achetée sur les 5 dernières années, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, et à verser à Monsieur et Madame Y... une somme de 2 500,00€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « sur le fond : La société VEOLIA EAU est liée par un contrat d'affermage à la SIDEPA de la Gartempe ; qu'aux termes des articles 1-3, 1-5 et 6-4 de ce contrat, le délégataire VEOLIA est responsable de la qualité de l'eau et des dommages causés et doit prendre toute mesure nécessaire ; qu'il convient donc de déterminer si la qualité des eaux distribuées par la station de Beissat postérieurement au 18 septembre 2010 est non conforme aux limites de qualité et aux références de qualité sur la commune de [...] ; que parmi les nombreuses analyses de contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine pratiquées par le ministère de la santé sur la période postérieure au 15 septembre 2010 communiquées par Monsieur et Madame Y... seules les analyses dont le prélèvement a été fait sur la commune de [...] peuvent être retenues, les autres analyses réalisées dans d'autres communes ne permettant d'établir avec certitude la preuve d'un défaut de l'eau livrée à [...], les résultats des analyses pouvant varier d'une commune à l'autre ; que sept analyses relatives à la commune de [...] sont produites :
1/ Date de prélèvement 7 juillet 2011 à 11 h 45 : « 'Eau ne respectant pas les exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. Légère contamination bactériologique nécessitant un renforcement de la désinfection avant distribution'.
Respect des références de qualité : non' ».
2/ Date de prélèvement 30 mai 2013 à 10 h 00 « ''Eau ne respectant pas les exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. Légère contamination bactériologique nécessitant un renforcement de la désinfection avant distribution'.
Respect des références de qualité : non' ».
3/ Date de prélèvement 28 octobre 2013 à 14 h 30 « 'Eau non conforme aux exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. DESINFECTION INSUFFISANTE.
Respect des références de qualité : non' ».
4/ Date de prélèvement 29 septembre 2014 à 11 h 50 « ''Eau non conforme aux exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. DESINFECTION INSUFFISANTE.
Respect des références de qualité : non' ».
5/ Date de prélèvement 2 octobre 2014 à 15 h 15 « ''Eau non conforme aux exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. DESINFECTION INSUFFISANTE.
Respect des références de qualité : oui' »
6/ Date de prélèvement 6 octobre 2014 à 12 h 20 « 'La présence d'une flore interférente lors de l'analyse a empêché la détection des coliformes totaux. Un recontrôle bactértiologique a été réalisé.
Respect des références de qualité : oui ».
7/ Date de prélèvement 7 octobre 2014 à 15 h 15 « ''Eau non conforme aux exigences de qualité bactériologique des eaux destinées à la consommation humaine. DESINFECTION INSUFFISANTE.
Respect des références de qualité : non ».
Que pour les périodes 2010, 2011 l'agence régionale de santé Limousin (ARS) conclut en ces termes : « 'qualité bactériologique à améliorer par un renforcement sanitaire du système de désinfection (mise en place de postes complémentaires de chloration en différents points du réseau de distribution). Qualité chimique devant être améliorée par une mise à niveau des installations de traitement de la station de Beissat ; qu'il est précisé qu'en 2010 des dépassements réguliers des exigences qualité pour les composés organiques et l'aluminium et en 2011 des dépassements réguliers des exigences qualité pour les composés organiques-COT (carbone organique total) ont été constatés ; qu'enfin, le préfet a adressé le 29 mars 2011 au président du SIDEPA « 'La Gartempe' » (pièce Y... n° 7) un courrier indiquant que « 'malgré les travaux réalisés jusqu'en 1990, l'état actuel de cette station ne permet plus de produire en permanence une eau conforme aux exigences de qualité des eaux destinées à la consommation humaine' » et demande de lui communiquer un programme d'actions accompagné d'une estimation du coût des travaux ; qu'il s'ensuit que la qualité de l'eau n'est pas conforme aux limites de qualité et aux références de qualité telles que fixées par arrêté ministériel ; que dès lors que l'eau livrée ne répond pas aux exigences de qualité requises par les normes légales et réglementaires, la société VEOLIA EAU tenue à une obligation de résultat est responsable et doit indemniser l'usager pour l'ensemble de la période concernée dans la mesure où il est établi plusieurs non conformités au cours des années 2011, 2013 et 2014 ; que l''indemnisation doit se faire cependant en rapport avec le préjudice subi ; que Monsieur et Madame Y... sollicitent à la fois une indemnisation basée sur la quantité d'eau minérale achetée pour pallier à la mauvaise qualité de l'eau livrée par la société VEOLIA EAU soit 12 litres d'eau par jour pour quatre adultes et une indemnisation de leur préjudice de jouissance constitué par l'impossibilité de consommer l'eau du robinet ; qu'aucune facture d'achat de bouteilles d'eau minérale n'étant communiquée par Monsieur et Madame Y..., il est malaisé d'évaluer une consommation. L'évaluation formulée par les appelants sur la base de 3 litres d'eau par jour et par adulte est manifestement excessive ; qu'il sera retenu pour les quatre membres de la famille dont les deux enfants (nés [...] ) ne résident sans doute plus en permanence au domicile une consommation journalière de 5 litres au prix de 0,30 euros le litre pendant 5 ans soit 2 737,50 € (5 x365 x5 x 0,30) arrondie à 2 800,00 € ; que puisque Monsieur et Madame Y... achètent de l'eau minérale pour leur consommation personnelle, les factures de VEOLIA acquittées correspondent nécessairement à une utilisation autre qu'alimentaire de sorte que la demande d'indemnisation sur ce point ne peut être admise » ;

ALORS QUE seule la non-conformité de l'eau aux limites de qualité imposées par l'article R. 1321-2 du Code de la santé publique rend l'eau impropre à la consommation au sens de l'article L. 1321-1 du même Code, à l'exclusion de sa non-conformité aux références de qualité ; qu'en l'espèce, il ressort exclusivement des motifs de l'arrêt attaqué la constatation d'une non-conformité de l'eau distribuée aux références de qualité (arrêt p. 3 antépénultième alinéa à p. 4 alinéa 7) ; qu'en prétendant cependant déduire de ces motifs, la non-conformité de l'eau aux limites de qualité et aux références de qualité (arrêt p. 4 alinéa 8), pour juger que la Société Véolia devait indemniser Monsieur et Madame Y... du préjudice qu'ils prétendaient avoir subi, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.

ET ALORS QU'il incombe à celui qui prétend obtenir la réparation d'un préjudice d'en rapporter la preuve ; qu'il incombait en conséquence à Monsieur et Madame Y... de justifier de l'existence et de l'étendue du préjudice qu'ils prétendaient avoir subi, c'est-à-dire de l'obligation de consommer de l'eau en bouteille pendant 15 années ; que la Société Véolia démontrait que l'eau qu'elle fournissait, si elle ne correspondait pas toujours aux références de qualité, était parfaitement propre à la consommation et n'imposait aucune mesure de restriction de la consommation de l'eau du robinet ; que la Cour d'appel a constaté que les demandeurs ne produisaient à l'appui de leurs prétentions, pas une seule facture d'achat de bouteilles d'eau minérale (arrêt p. 4 ultime alinéa) ; qu'en considérant néanmoins qu'ils avaient subi un préjudice résultant de l'achat d'eau minérale pour leur consommation personnelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1147 et 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-21941
Date de la décision : 24/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 11 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 24 oct. 2018, pourvoi n°17-21941


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.21941
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