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24/10/2018 | FRANCE | N°17-16690

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 octobre 2018, 17-16690


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société CK Réfrigération que sur le pourvoi incident relevé par la société Nord climatisation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 février 2017), que la société Nord climatisation, spécialisée dans la conception, la pose, l'entretien et la maintenance de systèmes de chauffage et de climatisation et la société CK Réfrigération (la société CKR), qui exerce l'activité de montage, installation dépannage en froid et climatisation, on

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société CK Réfrigération que sur le pourvoi incident relevé par la société Nord climatisation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 février 2017), que la société Nord climatisation, spécialisée dans la conception, la pose, l'entretien et la maintenance de systèmes de chauffage et de climatisation et la société CK Réfrigération (la société CKR), qui exerce l'activité de montage, installation dépannage en froid et climatisation, ont renouvelé le 14 février 2013 le contrat-cadre de sous-traitance qui les liait portant sur la réalisation par la seconde de prestations de maintenance ; que la société CKR a mis fin à ces relations contractuelles à compter du 31 décembre 2013 ; que M. X..., responsable du service après-vente de la société Nord climatisation, a démissionné le 18 février 2014 et a été recruté le 21 février suivant par la société CKR en qualité de responsable de production ; qu'invoquant la fourniture par M. X... de renseignements techniques et d'informations sur ses clients et reprochant à la société CKR d'avoir violé la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de sous-traitance et d'avoir commis des actes de concurrence déloyale, la société Nord climatisation l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société Nord climatisation fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale alors, selon le moyen :

1°/ qu'un préjudice, fût-il seulement moral, s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale, générateur d'un trouble commercial ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. X... avait transmis à la société CKR le prévisionnel de la société Nord climatisation pour l'année 2013, a néanmoins rejeté la demande de la société Nord climatisation au motif que « aucun préjudice existant et avéré en lien direct avec ce détournement de document ne peut être en l'état établi », a méconnu le principe susvisé et a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ que, dans ses conclusions d'appel, la société Nord climatisation avait rappelé que la société CKR se présentait comme une entreprise modeste, ayant déclaré un CA de 875 000 euros en 2013 et qu'elle avait néanmoins engagé M. X... avec un salaire annuel de 72 000 euros, « soit environ 105 000 euros annuels pour l'employeur, somme à laquelle s'ajoute les 5 % de commissions et les frais dont la fiche de paie de février démontre qu'ils sont élevés », posant ainsi la question de savoir « quelle société investirait dans un salarié sans avoir envisagé préalablement un apport massif de clients ? » ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter la demande de la société Nord climatisation , que « le simple fait pour CKR d'avoir finalement tiré profit du départ de M. X... et ainsi recruté un salarié ayant une bonne connaissance de son secteur d'activité, expérimenté et apportant avec lui un carnet d'adresse susceptible de lui ouvrir des perspectives de développement, ne saurait suffire, dans un contexte de liberté du travail et de libre-concurrence, à caractériser un débauchage fautif », sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si le fait pour une société modeste au chiffre d'affaires de 875 000 euros d'avoir engagé l'ancien responsable SAV de sa concurrente, avec un salaire annuel de 72 000 euros, soit environ 105 000 euros annuels pour l'employeur, outre les commissions et frais, ne caractérisait pas un acte de débauchage délibéré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

3°) que la cour d'appel a expressément constaté que « le gérant de la société CKR a refusé à l'huissier mandaté par ordonnance du président du tribunal de commerce l'accès à certaines données, notamment aux listings des clients de CKR, aux listing de programmation de visite et factures et aux pièces comptables », mais elle a considéré que « le fait pour CKR d'avoir dissimulé à l'huissier une partie de son activité ne constitue pas en soi une faute de nature à caractériser une concurrence déloyale mais simplement une circonstance susceptible éventuellement d'éclairer ou d'expliquer les autres fautes reprochées à CKR, examinées ci-après » ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter tout acte de débauchage de la société CKR, que « le simple fait pour CKR d'avoir finalement tiré profit du départ de M. X... et ainsi recruté un salarié ayant une bonne connaissance de son secteur d'activité, expérimenté et apportant avec lui un carnet d'adresse susceptible de lui ouvrir des perspectives de développement, ne saurait suffire, dans un contexte de liberté du travail et de libre-concurrence, à caractériser un débauchage fautif », sans rechercher si la circonstance pour la société CKR d'avoir embauché l'ancien responsable SAV de sa concurrente, associée à ses constatations selon lesquelles la société CKR avait dissimulé à l'huissier une partie de son activité et M. X... avait transmis à la société CKR le prévisionnel de la société Nord climatisation pour l'année 2013, ne permettait pas de caractériser un acte de débauchage de la part de cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

4°/ que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. X... avait transmis, le 21 janvier 2014, à la société CKR le prévisionnel de la société Nord climatisation pour l'année 2013, ce dont il résultait nécessairement que ce salarié était en contact à cette date avec la société concurrente de son employeur, a néanmoins retenu, pour juger que le détournement du client F... n'était pas établi, que « la première intervention de CKR au sein de la société F..., le 23 janvier 2014, est antérieure à l'arrivée de M. X... dans les effectifs de CKR ; qu'en outre, aucune manoeuvre ou procédé déloyal quelconque n'est établi à l'encontre de CKR en lien avec une possible intervention de M. X... antérieure à son départ de Nord climatisation », n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la société Nord climatisation, à l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, reprochait à la société CKR le détournement de documents, tels des exemplaires de contrats, de la documentation technique ou encore des devis et des prévisionnels, que lui aurait transmis M. X... et dont la société CKR n'aurait jamais dû être destinataire s'agissant de documents confidentiels, et soutenait que ces documents avaient permis à la société CKR de s'accaparer, par des procédés illégaux et déloyaux, sa clientèle, l'arrêt retient qu'il ressort des investigations réalisées par huissier de justice, le 11 mars 2014, qu'un seul document, le prévisionnel de la société Nord climatisation pour l'année 2013, a été transmis par M. X... à la société CKR ; qu'il retient encore que la société Nord climatisation n'établit pas les éventuelles conséquences, en termes de concurrence, qui seraient résultées de la transmission de cet unique document, ni l'existence d'un préjudice en lien direct avec ce détournement ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

Et attendu que sous le couvert des griefs infondés de violation de la loi et manque de base légale, le moyen, pris en ses trois dernières branches, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'absence de manoeuvres déloyales commises par la société CKR pour recruter M. X... et détourner la clientèle de son concurrent ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne la société CK Réfrigération aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société CK Réfrigération, demanderesse au pourvoi principal

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société CK réfrigération à payer à la société Nord climatisation la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause contractuelle de non-concurrence,

AUX MOTIFS QUE

« Sur le non-respect de la clause de non concurrence

Sur l'existence de la violation reprochée

Aux termes de l'article 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction antérieure, applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;

En l'espèce, la clause de non concurrence imposée à la société CK Réfrigération dans le cadre du contrat de sous-traitance du 14 février 2013 la liant à Nord Climatisation (pièce 1 de l'appelante) est, en son article XVIII, ainsi rédigée : " A l'issue du préavis, et quelle que soit la cause de la rupture du contrat, le sous-traitant s'engage à respecter une obligation de non-concurrence motivée par la détention d'informations strictement confidentielles (clientèle, conditions commerciales
).

Les caractéristiques de cette obligation concernent les prestations pour lesquelles le sous-traitant a été mandaté. Et ce, pendant deux ans à compter de la fin du préavis.

En cas de violation de la présente clause de non-concurrence par le sous-traitant, celui-ci sera débiteur envers la société Nord Climatisation, de dommages et intérêts dus pour chaque infraction constatée, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure d'avoir à cesser l'activité concurrentielle. L'attribution à la société de ces sommes ne préjudiciera pas aux droits qu'elle se réserve expressément de faire ordonner sous astreinte la cessation de la concurrence faite en violation des dispositions ci-dessus, et de réclamer un complément de dommages et intérêts de façon à ce que ces derniers correspondent aux préjudices subis. " ;

Selon l'article II du même contrat, les prestations pour lesquelles Nord Climatisation mandate CK Réfrigération en son nom et pour ses clients sont les suivantes : " montage, installation, dépannage en froid et climatisation, ventilation " ;

Il est établi, et non contesté, que la société CK Réfrigération a été amenée, en exécution de ce contrat, à réaliser des prestations de maintenance au sein de la société Bridgestone à Béthune (pièce 4 de l'appelante) ;

Suivant contrat en date du 20 janvier 2014, Bridgestone a confié à CK Réfrigération l'entretien et la maintenance de ses équipements frigorifiques et climatiques, ladite convention mettant à la charge du prestataire " la maintenance de ces matériels " et prévoyant (article 3 " Contenu des prestations contractuelles ") " que les prestations en cause comprennent " un programme de visite systématique de surveillance et d'interventions simples, ainsi que de dépannages éventuels sur appels " ;

Les prestations visées dans le contrat conclu entre CK Réfrigération et Bridgestone sont identiques à celles que CK Réfrigération réalisait chez Bridgestone dans le cadre de l'exécution du contrat de sous-traitance qui la liait à Nord Climatisation (entretien, maintenance, dépannage) ;

Or, la clause de non-concurrence imposée à CK Réfrigération, dont la validité n'est pas contestée, est parfaitement claire : elle interdit au sous-traitant, pendant les deux ans qui suivent la rupture du contrat, d'exercer toute concurrence portant sur des prestations pour lesquelles elle a été mandatée ;

Ainsi, en présentant sa candidature à l'appel d'offre émis par Bridgestone, puis en concluant et exécutant, dans les deux années suivant la rupture du contrat de sous-traitance, une convention de prestations de maintenance et de dépannage sur équipements frigorifiques et climatiques, avec cette société, auprès de laquelle elle avait été mandatée par Nord Climatisation, société avec qui elle se trouvait alors en situation de concurrence directe (pièce 23 de l'intimée, attestation de Bridgestone), CK Réfrigération a violé la clause de non-concurrence susvisée ;

CK Réfrigération engage donc sa responsabilité contractuelle, peu important que ce contrat ait été obtenu par la voie d'un appel d'offre régulier, comme en atteste Bridgestone (pièce 23 intimée) ou grâce à l'intervention de M. X... comme le prétend l'appelante ;

Egalement, et contrairement aux allégations de CK Réfrigération, l'application de la clause de non-concurrence, telle qu'elle est libellée, n'est aucunement subordonnée à la démonstration que CK Réfrigération ait eu connaissance des conditions commerciales de son donneur d'ordre ou qu'elle ait utilisé des informations particulières concernant Nord Climatisation en répondant à cet appel d'offre ;

En effet, l'alinéa premier de la clause, évoqué par CK Réfrigération, ne fait qu'exposer le motif qui justifie l'imposition de cette clause de non-concurrence (la détention d'informations confidentielles par le sous-traitant), en conformité d'ailleurs avec les conditions de validité d'une obligation de non-concurrence, subordonnée à l'existence d'un intérêt légitime pour son bénéficiaire, étant relevé que la société CK Réfrigération ne remet en cause ni la légitimité ni la proportionnalité de la clause » ;

ALORS QUE le juge ne peut dénaturer ni les termes clairs et précis, ni la portée d'un contrat ; qu'en l'espèce la clause de non-concurrence stipulée au contrat de sous-traitance du 14 février 2013 prévoit qu'« A l'issue du préavis, et quelle que soit la cause de la rupture du contrat, le sous-traitant s'engage à respecter une obligation de non-concurrence motivée par la détention d'informations strictement confidentielles (clientèle, conditions commerciales
). Les caractéristiques de cette obligation concernent les prestations pour lesquelles le sous-traitant a été mandaté. Et ce, pendant deux ans à compter de la fin du préavis » de sorte qu'en affirmant que cette clause de non-concurrence était parfaitement claire en ce sens qu'elle interdisait au sous-traitant, pendant les deux ans suivant la rupture du contrat, d'exercer toute concurrence portant sur des prestations pour lesquelles il avait été mandaté, et que l'application de cette clause, telle que libellée, n'était pas subordonnée à la démonstration que CK réfrigération ait eu connaissance des conditions commerciales de son donneur d'ordre ou qu'elle ait utilisé des informations particulières concernant la société Nord climatisation en répondant à l'appel d'offre lancé par la société Bridgestone, cependant qu'il résultait des termes clairs et précis de ladite clause que l'obligation mise à la charge de la société CK réfrigération consistait seulement à s'abstenir d'utiliser, avec la clientèle avec laquelle elle avait été en contact dans le cadre de l'exécution du contrat de sous-traitance conclu avec la société Nord climatisation, des informations confidentielles appartenant à cette dernière en vue de ou dans la réalisation de prestations identiques à celles pour lesquelles elle avait été mandatée, la cour d'appel, qui a dénaturé la portée de la clause de non-concurrence stipulée au contrat de sous-traitance du 14 février 2013, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (devenu l'article 1103 du code civil),

ET AUX MOTIFS QUE

« Sur la sanction de la violation de la clause de non-concurrence

Sur le montant des dommages et intérêts

En cas de violation d'une telle clause, le créancier de l'obligation de non-concurrence peut obtenir des dommages et intérêts par la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du débiteur, demander l'exécution forcée de l'obligation ou encore la résolution du contrat ;

En l'espèce, la société Nord Climatisation sollicite l'octroi de dommages et intérêts et l'exécution forcée de l'obligation de non-concurrence ;

Aux termes de l'article 1145 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention ;

En l'espèce, la société Nord Climatisation réclame l'octroi d'une somme de 100 000 euros correspondant à deux années de chiffre d'affaires hors taxe généré pour elle par le client Bridgestone (contrat portant sur un montant annuel de base de 32 226 euros HT, chiffre d'affaires TTC de 61 615,54 euros en 2013) ;

La violation d'une obligation de non-concurrence constituant un manquement à une obligation contractuelle de ne pas faire, la société Nord Climatisation n'a pas à faire la preuve d'une perte effective de chiffre d'affaires pour des motifs inhérents à l'intervention de CK Réfrigération ;

Au demeurant, la cour relève qu'il ressort de l'attestation de Bridgestone que la perte de ce marché par Nord Climatisation est directement imputable à l'intervention de CK Réfrigération, Bridgestone expliquant avoir choisi cette dernière en raison du prix proposé (20 000 euros), de la durée de la garantie du prix et de la qualité des prestations, et ce alors même qu'elle était en relation d'affaire avec Nord Climatisation depuis cinq années ;

En outre, contrairement aux affirmations de CK Réfrigération, le marché proposé par celle-ci est identique aux prestations qu'offrait Nord Climatisation puisque les deux sociétés étaient en concurrence sur cet appel d'offre ;

Enfin il apparaît tout à fait cohérent de prendre en considération le chiffre d'affaire le plus récent, soit celui de 2013, réalisé par Nord Climatisation avec Bridgestone avant que celle-ci ne fasse affaire avec CK Réfrigération ;

Au regard de la durée pendant laquelle l'intimée aurait dû s'abstenir de faire concurrence à l'appelante (deux ans), et du chiffre d'affaires réalisé en 2013 par celle-ci, soit 62 515,76 euros TTC (environ 52 000 euros HT, pièce 32 de l'appelante), il convient de condamner CK Réfrigération à payer à la société Nord Climatisation la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur l'exécution forcée

Selon l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, le créancier d'une obligation de faire ou de ne pas faire a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement, soit détruit ;

La durée de deux ans pendant laquelle CK Réfrigération devait s'abstenir de faire concurrence a expiré depuis le 31 décembre 2015 ; Nord Climatisation est en outre indemnisée du préjudice résultant pour elle de la violation de la clause de non-concurrence ;

Il y a lieu en conséquence de la débouler de sa demande tendant à ordonner à CK Réfrigération de cesser toute relation contractuelle avec la société Bridgestone de Béthune » ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en vertu du principe de la réparation intégrale, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte, ni profit si bien qu'en fixant le montant de la condamnation de la société CK réfrigération à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence à la somme de 100.000 euros, correspondant à deux fois le montant de l'entier chiffre d'affaires réalisé par la société Nord climatisation avec la société Bridgestone en 2013, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le marché que la société Nord climatisation avait perdu par suite de la participation fautive de la société CK réfrigération à l'appel d'offres lancé par la société Bridgestone, ne représentait pas qu'une partie du chiffre d'affaires annuel qu'elle réalisait avec celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe susvisé. Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Nord climatisation, demanderesse au pourvoi incident

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SA NORD CLIMATISATION de sa demande de dommages et intérêts pour des faits de concurrence déloyale, l'a déboutée de sa demande d'injonction, sous astreinte, de cesser toute relation contractuelle avec les sociétés SEDEV (enseigne D...), CHRONODRIVE, G..., F..., Groupe E..., CAMAÏEU INTERNATIONAL et BRIDGESTONE ;

AUX MOTIFS PROPRES Qu'aux termes des dispositions de l'article 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ; que l'action en concurrence déloyale constitue fondamentalement une action en responsabilité civile, dont l'exercice est subordonné aux conditions classiques de cette responsabilité ; que le préjudice doit être direct, certain et présent ; que la réparation du préjudice doit être intégrale ; qu'il appartient dès lors à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'un préjudice, d'une faute et d'un lien de causalité ; que l'action en concurrence déloyale peut être mise en oeuvre par celui qui n'est pas titulaire d'un droit privatif (action en contrefaçon), ou par celui qui ne remplit pas les conditions pour exercer l'action fondée sur son droit privatif ; que les comportements et procédés qui relèvent de la concurrence déloyale sont nombreux et variés ; qu'ils ont en commun de constituer un manquement aux usages du commerce et à l'honnêteté professionnelle, n'impliquant pas nécessairement la mauvaise foi, c'est à dire l'intention de nuire ; que ces actes, contraires à la loyauté commerciale, peuvent intervenir entre concurrents ou entre non-concurrents ; que, concrètement, le dommage consiste le plus souvent dans la perte de la clientèle subie par l'entreprise victime des pratiques déloyales, que cette clientèle ait été ou non détournée au profit du coupable ; que le dommage peut consister également dans la perte d'une chance, par exemple la perte d'un marché ; que cette action investit le juge du double pouvoir de réparer le préjudice causé et de donner des injonctions pour l'avenir ; qu'ainsi, elle entraîne normalement condamnation à dommages-intérêts de l'auteur des pratiques déloyales, cette condamnation réparant le préjudice causé à la victime ; qu'elle peut également aboutir à une injonction adressée au défendeur, au besoin sous astreinte, de cesser ses agissements ; qu'au préalable, il convient de relever en l'espèce, que la SARL CK REFRIGERATION, immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 30 juin 2008, exerce une activité concurrente de celle de la société Nord Climatisation puisque son objet social ne porte pas que sur la maintenance d'appareils comme elle le prétend, mais aussi sur le montage, l'installation, le dépannage en froid et climatisation et la ventilation (kbis, pièce 1 de l'intimée) ;
A titre liminaire: sur la prétendue dissimulation de son activité par la société CK Réfrigération :
Qu'il est indéniable que le gérant de la société CK Réfrigération a refusé à l'huissier mandaté par ordonnance du président du tribunal de commerce l'accès à certaines données, notamment aux listings des clients de CK Réfrigération, aux listing de programmation de visite et factures et aux pièces comptables ; que, cependant, dans le cadre de la procédure de référé initiée par Nord Climatisation, CK Réfrigération a transmis les pièces réclamées par cette dernière, qui a, in fine, sollicité et obtenu la radiation de l'affaire (pièces 21 et 22 de l'intimée) ; que, quoiqu'il en soit, le fait pour CK Réfrigération d'avoir dissimulé à l'huissier une partie de son activité ne constitue pas en soi une faute de nature à caractériser une concurrence déloyale mais simplement une circonstance susceptible éventuellement d'éclairer ou d'expliquer les autres fautes reprochées à CK Réfrigération, examinées ci-après.
1 ° sur le détournement de documents
Qu'il ressort des investigations réalisés par huissier le 11 mars 2014 sur les équipements Iphone, Ipad et l'ordinateur mis à disposition de M. X... par la société Nord Climatisation, qu'entre le 20 janvier 2014 et le 17 février 2014, M. X... a transféré sur sa messagerie personnelle des documents (devis, commandes, projets de contrats, réponse à des appels d'offre, prévisionnels ...) dont il avait été destinataire dans le cadre de ses fonctions chez Nord Climatisation (pièce 14 de l'appelante, pages 30 à 42) ; que, cependant, il apparaît qu'un seul document, le prévisionnel de la société Nord Climatisation pour l'année 2013, a été transmis par M. X... à CK Réfrigération, le 21 janvier 2014 ; que, s'il est exact que CK Réfrigération n'avait pas à être destinataire du prévisionnel de Nord Climatisation pour l'année 2013, il n'en demeure pas moins que cet acte interroge d'abord la loyauté de M. X... à l'égard de la société employeur, mais surtout, Nord Climatisation n'établit pas les éventuelles conséquences, en terme de concurrence, que la transmission de cet unique document lui a causé ; que, par ailleurs, aucune autre pièce versée aux débats ne permet d'établir que la société CK Réfrigération a été effectivement destinataire des autres documents étant relevé que M. X... pouvait avoir intérêt à récupérer certains d'entre eux et à les utiliser dans le cadre de la réclamation financière, concernant notamment des primes d'objectif et une rémunération variable, formée auprès de son employeur début février 2014 (pièce 10 de l'appelante), puis du litige prud'homale qui s'en est suivi (pièce 15 de l'intimée), l'intéressé ayant eu la charge des relations avec les clients et de la signature d'un grand nombre de contrats aux dires mêmes de son ancien employeur ; qu'enfin, la réalité de la transmission de ces pièces à CK Réfrigération par M. X... ne peut être déduite d'une quelconque utilisation qui aurait pu en être faite par CK Réfrigération, en l'état, au moins, des pièces versées au débat, et notamment pas de ce qu'elle aurait permis un détournement de clientèle, les clients concernés par ladite documentation (Camaïeu, Boulanger, Nocibé, CCI, Vinci...) n'étant pas devenus par la suite clients de CK Réfrigération ; qu'ainsi, la société Nord Climatisation n'établit pas, d'une part, que ces documents ont été transmis à CK Réfrigération ni, d'autre part, à les supposer remis par M. X..., quelle utilisation, susceptible de lui avoir permis d'obtenir un avantage anormal et constitutive d'un acte de concurrence déloyale, en a été faite par cette derrière ; qu'en tout état de cause, à supposer même que la société CK Réfrigération ait eu connaissance de ces pièces grâce à l'action de son nouveau salarié M. X..., aucun préjudice existant et avéré en lien direct avec ce détournement de document ne peut être en l'état établit, la société Nord Climatisation n'évoquant d'ailleurs qu'un "accès à des clients de renom ayant un fort potentiel" ;
2 ° Sur le débauchage
Qu'au regard du principe de la liberté du travail, l'embauche par un employeur d'un salarié ayant appartenu récemment à une entreprise exerçant une activité dans le même secteur ne fait pas présumer, par elle-même, de l'existence d'un acte de concurrence déloyale ; qu'il ne peut en être ainsi que s'il est démontré, d'une part l'existence de manoeuvres déloyales, d'autre part que cette embauche a entraîné une désorganisation du fonctionnement de l'entreprise concernée et non une simple perturbation ou un déplacement de clientèle ; qu'en l'espèce, s'il est avéré que M. Y... et M. Z... ont démissionné de la société Nord Climatisation début 2014 pour rejoindre CK Réfrigération, il n'est pas justifié des manoeuvres qu'auraient initiées cette dernière pour débaucher ces salariés, dont il est établi qu'en travaillant pour CK Réfrigération ils se sont rapprochés de leur domicile (pièces 26 à 28), ni de la désorganisation qu'aurait générée ces deux départs pour Nord Climatisation, entreprise de plus de 100 salariés, s'agissant en outre de salariés techniciens, non dépositaires d'un savoir-faire ou de secret professionnel particulier, susceptibles d'être assez rapidement remplacés ; qu'également, le départ de M. X... de la société Nord Climatisation et son embauche au service de la société CK Réfrigération ne saurait constituer un débauchage fautif ; qu'en effet, la société Nord Climatisation ne caractérise pas les manoeuvres particulières accomplies par la CK Réfrigération pour inciter M. X... à la quitter, les courriers versés aux débats démontrant que cette "démission" (que l'intéressé refuse cependant de qualifier comme telle) est consécutive au refus de Nord Climatisation d'accéder aux demandes financières de son salarié ; que les allégations de la société CK Réfrigération, selon lesquelles ce refus n'aurait été qu'un prétexte trouvé par M. X... pour rejoindre CK Réfrigération, sous-entendu dans le dessein concerté entre eux de nuire à son ancien employeur pour l'un et à son concurrent pour l'autre, ne sont corroborées par aucun élément, l'engagement d'une procédure devant le conseil des prud'hommes par le salarié, nécessairement aléatoire et risquée, étant plutôt de nature à contredire une telle version des faits ; que, par ailleurs, le fait que M. X... ait déjeuné avant son départ avec des clients de Nord Climatisation n'est pas significatif d'une quelconque manoeuvre concertée avec CK Réfrigération alors même que l'entretien des relations avec la clientèle faisait partie de ses attributions et que ces frais de restauration lui ont été remboursés sans aucune réticence par son employeur (pièces 21 et 22 de l'appelante) ; qu'enfin et surtout, ainsi qu'il sera développé ci-après, il n'est aucunement établi que les déjeuners entre M. X... et les clients de Nord Climatisation, puis la démission de celui-ci suivie de son embauche par CK Réfrigération, aient généré une désorganisation importante de l'entreprise et aient été immédiatement suivis d'un transfert massif de la clientèle de Nord Climatisation vers CK Réfrigération ; que, dès lors, le simple fait pour CK Réfrigération d'avoir finalement tiré profit du départ de M. X... et ainsi recruté un salarié ayant une bonne connaissance de son secteur d'activité, expérimenté et apportant avec lui un carnet d'adresse susceptible de lui ouvrir des perspectives de développement, ne saurait suffire, dans un contexte de liberté du travail et de libre-concurrence, à caractériser un débauchage fautif ; que le grief de débauchage n'est donc pas établi ;
3 ° sur la tentative de détournement de la clientèle
Que la société Nord Climatisation reproche à CK Réfrigération d'avoir tenté de détourner plusieurs de ses clients par l'intermédiaire de M. X..., et cite à ce titre la résiliation de leurs contrats d'entretien par les sociétés Calzedonia (pièce 27 de l'appelante), Spodis Chausport (pièce 29), Camaïeu International (pièce 30) ; que, d'une part, la cour observe que ces sociétés n'ont pas "résilié" leur contrat mais ont décidé de ne pas reconduire les contrats arrivés à leur terme ; que, d'autre part, Nord Climatisation, qui procède par voie d'affirmation, n'apporte aucunement la preuve que ces "résiliations", qu'elle a refusées faute pour les sociétés co-contractantes d'avoir respecté les délais de préavis, sont imputables à l'action de M. X..., avec la complicité active ou passive de CK Réfrigération, étant observé que ces clients, soit ne visent aucun motif à l'appui de leur volonté de quitter Nord Climatisation, soit évoquent la piètre qualité des prestations de cette dernière (Chausport) ; que, par ailleurs, le fait que la société Camaïeu International ait envisagé un temps de "faire travailler M X... pour l'aider dans sa nouvelle société" ainsi qu'en atteste un salarié de Nord Climatisation (pièce 22), ne saurait induire un comportement fautif de CK Réfrigération alors même que ce propos prêté par le témoin au responsable de Camaïeu visait un soutien à l 'intéressé dans son projet initial de création d'entreprise, et non spécifiquement à CK Réfrigération ; qu'également, le "business plan" qui aurait été établi par M. X... et qui ferait état d'une projection de chiffre d'affaires de 830 000 euros grâce à des clients comme Camaïeu et Chronodrive, illisible et non daté (PV d'huissier, pièce 14, page 25 et 26), n'établit pas plus la réalité d'une quelconque démarche fautive de CK Réfrigération ; qu'enfin, il apparaît que la société Camaïeu International, évoquée à plusieurs reprises par Nord Climatisation comme l'une des principales cibles de M. X... et de CK Réfrigération, a pourtant régularisé avec Nord Climatisation, les 14 avril et 22 mai 2014, soit postérieurement au départ de M. X..., un contrat d'entretien et de maintenance de ses installations portant sur la période 1er avril 2014-31 mars 2015 (pièce 30) ; que Nord Climatisation est ainsi loin de faire la preuve de la tentative de détournement de la clientèle imputable à CK Réfrigération par le truchement de M. X... ; qu'enfin, à supposer même que ces tentatives de détournement ait été avérées, elles ne pourraient être la cause d'un préjudice certain, la société Nord Climatisation n'ayant pas perdu les clients en question ;
4 ° sur le détournement de clientèle
Que le principe de la liberté du commerce autorise quiconque à créer sa propre entreprise et le détournement de clientèle n'existe pas du seul fait de l'ouverture d'un commerce concurrent ; que le détournement de clientèle ne peut résulter du fait que des clients se reportent sur un autre commerce, dès lors qu'il n'y a pas eu utilisation de procédés déloyaux ; que le démarchage de clientèle n'est pas constitutif de concurrence déloyale s'il n'est pas réalisé par des moyens critiquables car contraires aux usages locaux du commerce ; qu'est sanctionnable le démarchage de la clientèle du concurrent accompagné de dénigrement ou le détournement et l'usage de listes ou de fichiers par un ancien salarié mis à disposition du concurrent ; qu'il est tenu compte des circonstances de chaque espèce ; que, toutefois, il est admis que le départ d'un salarié puisse naturellement entraîner le départ d'une partie de la clientèle qui lui était fidèle ; qu'il ne peut être retenu de procédé déloyal que s'il est établi une manoeuvre imputable au salarié tendant à détourner les clients de leur employeur ; que la société Nord Climatisation reproche à CK Réfrigération d'avoir détourné les clients D... (Sedev), E... (IKK.S), F... et G..., liés à elle par des contrats-cadre de maintenance ; qu'à l'appui de ses allégations, elle produit :
- la photographie du carnet d'entretien portant un visa de CK Réfrigération (D...) en mai 2014, pièce 31
- une fiche de travail démontrant une intervention de CK Réfrigération au sein du magasin IKKS du Touquet le 22 janvier 2014 (pièce numérotée 22 de l'intimée reprise en pièce 33 par l'appelante),
- des fiches d'intervention de CK Réfrigération au sein de la société F... (pièces numérotées 30, 32 à 37 par l'intimée, reprises en pièce 33 par l'appelante),
- une fiche d'intervention au sein de la société G... (pièce numérotée 21 par l'intimée reprise en pièce 33 par l'appelante) le 07 février 2014.
Que, s'agissant des sociétés D..., IKKS et G..., il est relevé que la société CK Réfrigération n'y a procédé qu'à des interventions ponctuelles et que ces dernières, pour IKKS et G..., sont antérieures à l'arrivée de M. X... chez CK Réfrigération, circonstance de nature à exclure le détournement de clientèle reproché ; qu'au demeurant, il n'est pas établi que, par l'action de M. X..., la société Nord Climatisation aurait perdu ces clients au bénéfice de CK Réfrigération étant relevé que, d'une part, elle ne prétend même pas que les contrats d'entretien passés avec ces clients ont été rompus ou n'ont pas été reconduits, d'autre part elle ne saurait revendiquer une quelconque exclusivité commerciale, sa clientèle demeurant libre de faire aussi appel, selon ses besoins, à d'autres co-contractants ; qu'également, la première intervention de CK Réfrigération au sein de la société F..., le 23 janvier 2014, est antérieure à l'arrivée de M. X... dans les effectifs de CK Réfrigération ; qu'en outre, aucune manoeuvre ou procédé déloyal quelconque n'est établi à l'encontre de CK Réfrigération en lien avec une possible intervention de M. X... antérieure à son départ de Nord Climatisation, étant relevé que :
- aucun document concernant cette société n'a été transféré par l'intéressé sur sa messagerie personnelle et encore moins à la société CK Réfrigération,
- Nord Climatisation ne justifie ni n'allègue que le contrat d'entretien passé conclu avec ce client a été rompu,
- elle ne saurait prétendre à une exclusivité des relations commerciales avec F..., étant de nouveau rappelé les principes de la liberté du commerce et de la libre concurrence ;
Que le grief de détournement de clientèle n'est donc pas prouvé ; qu'en conséquence, au vu de l'absence de preuve de tout fait de concurrence déloyale, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts de ce chef ainsi que la demande, liée, d'injonction de cesser toute relation contractuelle avec les clients en question, sans qu'il y ait lieu d'examiner les préjudices invoqués ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE, si l'envoi d'informations vraisemblablement confidentielles à la société CK REFRIGERATION REFRIGERATION par Monsieur X... peu de temps avant l'embauche de ce dernier par celle-ci apparaît hautement suspect ; que, cependant, il n'est pas rapporté la preuve que la société CK REFRIGERATION REFRIGERATION ait fait usage de ces informations ; que si cela peut être reproché à Monsieur A..., cela devra l'être dans l'instance prud'homale d'ores et déjà introduite ;

ALORS, D'UNE PART, Qu'un préjudice, fût-il seulement moral, s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale, générateur d'un trouble commercial ; que la Cour d'appel qui, après avoir constaté que Monsieur X... avait transmis à la société CK REFRIGERATION le prévisionnel de la société NORD CLIMATISATION pour l'année 2013, a néanmoins rejeté la demande de l'exposante au motif que « aucun préjudice existant et avéré en lien direct avec ce détournement de document ne peut être en l'état établi », a méconnu le principe susvisé et a violé l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 16), la société NORD CLIMATISATION avait rappelé que la société CK REFRIGERATION se présentait comme une entreprise modeste, ayant déclaré un CA de 875.000 euros en 2013 et qu'elle avait néanmoins engagé Monsieur X... avec un salaire annuels de 72.000 euros, « soit environ 105.000 € annuels pour l'employeur, somme à laquelle s'ajoute les 5 % de commissions et les frais dont la fiche de paie de février démontre qu'ils sont élevés », posant ainsi la question de savoir « quelle société investirait dans un salarié sans avoir envisagé préalablement un apport massif de clients ? » ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter la demande de l'exposante, que « le simple fait pour CK Réfrigération d'avoir finalement tiré profit du départ de M. X... et ainsi recruté un salarié ayant une bonne connaissance de son secteur d'activité, expérimenté et apportant avec lui un carnet d'adresse susceptible de lui ouvrir des perspectives de développement, ne saurait suffire, dans un contexte de liberté du travail et de libre-concurrence, à caractériser un débauchage fautif »., sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si le fait pour une société modeste au chiffre d'affaires de 875.000 euros d'avoir engagé l'ancien responsable SAV de sa concurrente, avec un salaire annuels de 72.000 euros, soit environ 105.000 € annuels pour l'employeur, outre les commissions et frais, ne caractérisait pas un acte de débauchage délibéré, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la Cour d'appel a expressément constaté que « le gérant de la société CK Réfrigération a refusé à l'huissier mandaté par ordonnance du président du tribunal de commerce l'accès à certaines données, notamment aux listings des clients de CK Réfrigération, aux listing de programmation de visite et factures et aux pièces comptables », mais elle a considéré que « le fait pour CK Réfrigération d'avoir dissimulé à l'huissier une partie de son activité ne constitue pas en soi une faute de nature à caractériser une concurrence déloyale mais simplement une circonstance susceptible éventuellement d'éclairer ou d'expliquer les autres fautes reprochées à CK Réfrigération, examinées ciaprès » ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter tout acte de débauchage de la société CK REFRIGERATION, que « le simple fait pour CK Réfrigération d'avoir finalement tiré profit du départ de M. X... et ainsi recruté un salarié ayant une bonne connaissance de son secteur d'activité, expérimenté et apportant avec lui un carnet d'adresse susceptible de lui ouvrir des perspectives de développement, ne saurait suffire, dans un contexte de liberté du travail et de libre-concurrence, à caractériser un débauchage fautif », sans rechercher si la circonstance pour la société CK REFRIGERATION d'avoir embauché l'ancien responsable SAV de sa concurrente, associée à ses constatations selon lesquelles la société CK REFRIGERATION avait dissimulé à l'huissier une partie de son activité et Monsieur X... avait transmis à la société CK REFRIGERATION le prévisionnel de la société NORD CLIMATISATION pour l'année 2013, ne permettait pas de caractériser un acte de débauchage de la part de cette société, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

ALORS, ENFIN, QUE la Cour d'appel qui, après avoir constaté que Monsieur X... avait transmis, le 21 janvier 2014, à la société CK REFRIGERATION le prévisionnel de la société NORD CLIMATISATION pour l'année 2013, ce dont il résultait nécessairement que ce salarié était en contact à cette date avec la société concurrente de son employeur, a néanmoins retenu, pour juger que le détournement du client F... n'était pas établi, que « la première intervention de CK Réfrigération au sein de la société F..., le 23 janvier 2014, est antérieure à l'arrivée de M. X... dans les effectifs de CK Réfrigération ; qu'en outre, aucune manoeuvre ou procédé déloyal quelconque n'est établi à l'encontre de CK Réfrigération en lien avec une possible intervention de M. X... antérieure à son départ de Nord Climatisation », n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-16690
Date de la décision : 24/10/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 16 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 oct. 2018, pourvoi n°17-16690


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16690
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