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24/10/2018 | FRANCE | N°16-26462

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 octobre 2018, 16-26462


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Gard métal color (la société GMC) a entretenu des relations commerciales avec la société Soluscion pour la distribution de ses produits, puis les a rompues avec un préavis ; que, prétendant avoir eu la qualité d'agent commercial, la société Soluscion a assigné la société GMC en paiement d'une indemnité de cessation de contrat ; que celle-ci a s

outenu qu'elles étaient liées par un contrat de courtage ;

Attendu que pour condamne...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Gard métal color (la société GMC) a entretenu des relations commerciales avec la société Soluscion pour la distribution de ses produits, puis les a rompues avec un préavis ; que, prétendant avoir eu la qualité d'agent commercial, la société Soluscion a assigné la société GMC en paiement d'une indemnité de cessation de contrat ; que celle-ci a soutenu qu'elles étaient liées par un contrat de courtage ;

Attendu que pour condamner la société GMC à payer à la société Soluscion une indemnité destinée à réparer le préjudice lié à la rupture de la convention, l'arrêt, après avoir relevé que la société Soluscion représentait la société GMC en contribuant à son essor par la création et le développement de la clientèle, sans pouvoir négocier et conclure des ventes au-delà des conditions que celle-ci avait fixées, retient que le contrat ayant lié les parties est un mandat d'intérêt commun ; qu'il retient encore que, dans le cadre d'un tel contrat, le mandant doit établir une cause légitime de révocation rendant impossible le lien contractuel et, qu'en l'espèce, la société GMC a rompu les relations commerciales sans invoquer un quelconque motif de révocation et qu'elle n'en fournit toujours pas ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle relevait d'office, tiré de l'existence d'un mandat d'intérêt commun liant les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Soluscion aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Gard métal color la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Gard métal color

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le contrat ayant existé entre les parties était un mandat d'intérêt commun et d'avoir condamné la société Gard Métal Color à payer à la société Soluscion la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la rupture de la convention avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la Sarl Soluscion fait valoir que sont sans incidence sur la reconnaissance du statut légal qu'elle revendique, le fait d'avoir une activité commerciale propre et de ne pas être inscrite sur le registre spécial des agents commerciaux prévu à l'article R.134-6 du code de commerce ou encore l'absence de contrat écrit en soulignant que la qualité d'agent commercial lui avait été reconnue à plusieurs reprises dans différents documents établis par sa cocontractante ; qu'elle soutient qu'elle avait bien été chargée de négocier et de prendre des commandes ayant eu pour mission de prospecter son secteur, de développer la clientèle, de démarcher les clients au moyen d'une plaquette commerciale et d'une grille de prix en disposant d'une marge de manoeuvre commerciale de 5 à 10% sur l'offre de prix établie par la Sarl Gard Métal Color étant aussi chargée du service après-vente comme des relances sur les impayés ; que la Sarl Gard Métal Color soutient que la Sarl Soluscion ne rapporte pas la preuve lui incombant et conclut que la relation contractuelle relevait d'un contrat de courtage exclusif de toute indemnité puisque les offres de prix comme les factures étaient émises par ses soins, que les commandes étaient passées directement par les clients auprès de ses services, le rôle de la Sarl Soluscion étant limité au stade précontractuel et conservant quant à elle le choix final de donner suite ou non à la mise en relation organisée par la Sarl Soluscion ; que les parties s'opposant sur la qualification de leur relation contractuelle, il convient de rappeler : - que l'article L.134-1 du code de commerce définit l'agent commercial comme mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente, de négocier et, éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ; qu'il peut être une personne physique ou une personne morale ; - que l'activité de courtage consiste pour un professionnel de mettre en relation deux ou plusieurs personnes cherchant à réaliser des opérations telles que l'achat ou la vente de marchandises sans avoir de pouvoir de représentation ni possibilité d'accomplir des actes juridiques agissant effectivement en son seul nom et pour son propre compte et dont la rémunération consiste en une commission sur les affaires qui aboutissent ; qu'il est exact que la conclusion d'un contrat écrit comme l'inscription au registre des agents commerciaux ne sont pas des conditions à la reconnaissance de la qualité d'agent commercial de sorte que ces arguments sont inopérants ; que le libellé d'un contrat est insuffisant pour permettre la reconnaissance du statut de l'agent commercial et a fortiori, l'emploi par la Sarl Gard Métal Color des termes « notre agent commercial » dans un courrier adressé le 14 juin 2011 à un client ou encore la réflexion engagée sur une éventuelle clause de non-concurrence susceptible d'être imposée à la Sarl Soluscion dans le cadre d'une transaction qui n'a jamais abouti ; que l'accord conclu avec la belle-fille du gérant de la Sarl Gard Métal Color par laquelle la Sarl Soluscion s'engageait « à reprendre la représentation de la société GMC sur le secteur du 34 » est pour le même motif insuffisant étant de surcroît constaté que la représentation de produits est l'objet même de l'activité de la Sarl Soluscion ; que le statut d'agent commercial qu'elle revendique lui impose de justifier des conditions dans lesquelles s'exerçait son activité et de rapporter la preuve qu'elle est chargée de négocier de façon permanente et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services au nom de la Sarl Gard Métal Color ; que les pièces produites révèlent en réalité que son activité n'était pas indépendante mais au contraire encadrée par un ensemble de documents établis par la Sarl Gard Métal Color tels les ouvertures de compte à l'en-tête de cette dernière assorties de conditions générales préalablement définies, ou encore la grille de prix, les relances faites aux clients et les modalités prédéfinies des règlements ; qu'il est également établi que la Sarl Gard Métal Color organisait des réunions périodiques auxquelles devait participer le gérant de la Sarl Soluscion destinées à définir les stratégies commerciales ou à améliorer la qualité des services ; que surtout, les copies des nombreux mails échangés révèlent que les demandes de devis de la clientèle comme les commandes transitaient certes par la Sarl Soluscion mais que celle-ci les transférait immédiatement à la Sarl Gard Métal Color pour leur établissement ; que celle-ci établissait encore des offres de prix sans qu'il ne soit démontré qu'elles aient ensuite fait l'objet d'une négociation de l'ordre de 5 à 10% comme affirmé ou encore qu'elles soient le résultat d'une négociation menée par la Sarl Soluscion en amont et non la stricte application de la grille de prix préalablement établie ; que la Sarl Soluscion ne démontre ensuite aucun acte concret de démarchage de la clientèle qui ne peut se déduire de la liste conséquente de ses clients dans la mesure où il n'est pas contesté qu'elle exerçait également une activité commerciale personnelle et que la part de clientèle propre et celle relevant d'une activité de démarchage pour le compte de la Sarl Gard Métal Color n'est pas distinguée ; que pour autant, la Sarl Gard Métal Color ne peut davantage prétendre que la relation contractuelle entretenue avec la Sarl Soluscion s'inscrirait dans un courtage et que le rôle de celle-ci aurait été ponctuel, limité à la recherche de clients et terminé une fois la mise en relation effectuée ; qu'il se déduit au contraire des factures de commissions établies par la Sarl Soluscion que cette dernière intervenait à plusieurs reprises auprès de mêmes clients pour des ventes différentes, qu'elle était tenue de veiller à la correcte exécution par les clients de leurs obligations de paiement et qu'elle était vertement relancée par la Sarl Gard Métal Color en cas de retard dans le paiement des factures ; qu'il apparaît donc que la Sarl Soluscion a effectivement représenté la Sarl Gard Métal Color dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun visant à contribuer à l'essor de la Sarl Gard Métal Color par création et développement de la clientèle, sans qu'elle ne puisse cependant négocier et conclure de vente au-delà des consignes fixées, avec mission de représenter la Sarl Gard Métal Color auprès des clients dont elle était indiscutablement le correspondant et l'interlocuteur ; qu'il est constant ensuite que le mandant n'est pas libre de révoquer unilatéralement le mandataire et que dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun, il doit établir une cause légitime de révocation rendant impossible de lien contractuel ; qu'or, par lettre du 30 septembre 2011, la Sarl Gard Métal Color a notifié à la Sarl Soluscion la rupture des relations commerciales avec préavis de trois mois, sans invoquer un quelconque motif justifiant sa décision ; qu'elle ne donne aujourd'hui aucun motif susceptible de justifier sa décision ; qu'ainsi, la responsabilité de la rupture ne peut que lui être imputée et elle doit indemniser la Sarl Soluscion du préjudice subi qui apparaît indiscutable à proportion de la durée de la relation contractuelle ; que cependant, la Sarl Soluscion ne peut revendiquer une indemnisation sur la base des dispositions de l'article L.134-12 du code de commerce inapplicable faute de reconnaissance du statut d'agent commercial étant relevé de manière surabondante que sa demande en paiement excède le total des commissions perçues – non contestées – dans les deux dernières années qui lui donnerait droit à 84 730 euros et non 100 00 euros comme demandé ; que son préjudice doit être évalué en considération de la perte d'une chance de réaliser un chiffre de commissions en constante progression depuis trois ans (18 394 euros en 2009, 38 454 euros en 2010 et 46 276 euros en 2011) alors même qu'elle est une jeune société créée en mars 2009 ; mais qu'il doit également s'apprécier en considération de l'absence de clause de non-concurrence susceptible d'entraver ses activités futures ; qu'il apparaît donc qu'une indemnisation de 20 000 euros répare l'entier préjudice de la Sarl Soluscion ; que le jugement dont appel sera donc infirmé et la Sarl Gard Métal Color sera donc condamnée au paiement de cette somme » (arrêt pages 5 à 7) ;

1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en condamnant la société Gard Métal Color à payer à la société Soluscion la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la rupture du contrat liant les parties, s'analysant en un mandat d'intérêt commun, quand la société Soluscion réclamait le paiement d'une indemnité de rupture au visa et sur le fondement exclusif de l'article L.134-1 du code de commerce, au titre du statut des agents commerciaux, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en qualifiant la relation contractuelle de mandat d'intérêt commun et en allouant à la société Soluscion une indemnité destinée à réparer la rupture non fondée sur une cause légitime de révocation, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-26462
Date de la décision : 24/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 02 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 oct. 2018, pourvoi n°16-26462


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.26462
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