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24/10/2018 | FRANCE | N°16-25297

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 octobre 2018, 16-25297


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y..., associés au sein de la SARL A2I (la société A2I), ont assigné cette société et sa gérante Mme Z..., épouse A... (Mme A...), associée minoritaire, aux fins d'obtenir la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée générale appelée à approuver les comptes de l'exercice clos au 31 mars 2014 ; que s'opposant à cette demande, Mme A... a sollicité une expertise visant à déterminer l'existence d'une gestion de fait exercée par M. X..

. et ayant pour objet de retracer l'ensemble des opérations financières de la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y..., associés au sein de la SARL A2I (la société A2I), ont assigné cette société et sa gérante Mme Z..., épouse A... (Mme A...), associée minoritaire, aux fins d'obtenir la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée générale appelée à approuver les comptes de l'exercice clos au 31 mars 2014 ; que s'opposant à cette demande, Mme A... a sollicité une expertise visant à déterminer l'existence d'une gestion de fait exercée par M. X... et ayant pour objet de retracer l'ensemble des opérations financières de la société relativement aux exercices clos au 31 mars 2014 et au 31 mars 2015 ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 223-26 du code de commerce ;

Attendu que pour rejeter la demande de désignation d'un mandataire chargé de convoquer les associés de la société A2I à une assemblée appelée à approuver les comptes de l'exercice clos au 31 mars 2014, l'arrêt relève que M. X... n'a demandé à être renseigné sur les comptes de cet exercice que par l'envoi d'un courrier le 13 mars 2015 et qu'il n'est fourni aucun autre élément dont il résulterait que « MM. X... et Y... auraient tenté d'éveiller l'intérêt de la gérante ou de susciter une décision de sa part » ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'assemblée des associés appelée à approuver les comptes clos au 31 mars 2014 n'avait pas été réunie dans le délai de six mois à compter de la clôture des comptes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 223-37 du code de commerce ;

Attendu qu'ayant retenu que Mme A... apportait des éléments sur le fait qu'elle avait pu être évincée de la gérance de la société par ses associés, lesquels auraient géré de fait la société, l'arrêt retient qu'il convient d'ordonner une expertise pour examiner la gestion de la société pour les exercices clos le 31 mars 2014 et le 31 mars 2015 et désigne un expert avec mission, d'une part, de retracer, dans la limite de deux exercices comptables, l'ensemble des opérations financières effectuées dans la société et déterminer le montant des sommes versées directement ou indirectement aux associés et, d'autre part, de déterminer, par tous moyens utiles, l'existence d'une gestion de fait, en identifiant notamment les bénéficiaires de procurations sur les comptes bancaires, l'interlocuteur de l'expert comptable et le signataire des contrats de la société ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'expertise de gestion susceptible d'être ordonnée sur le fondement de l'article L. 223-37 du code de commerce doit être limitée à une ou plusieurs opérations de gestion déterminées, la cour d'appel, qui a ordonné une expertise portant sur l'ensemble des opérations financières de la société, réalisées au cours des exercices clos au 31 mars 2014 et au 31 mars 2015, dans le but notamment de déterminer l'existence d'une gérance de fait, a violé ce texte ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne Mme A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à MM. X... et Y... et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour MM. X... et Y... et la société A2I.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance prise en référé par M. le président du tribunal de commerce de Niort en date du 2 septembre 2015 et, statuant à nouveau, d'AVOIR ordonné une expertise des comptes de la Société A2I pour les exercices clos au 31 mars 2014 et au 31 mars 2015, d'AVOIR débouté M. Christian X... et M. Xavier Y... de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 559 du code de procédure civile et de celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné solidairement M. Christian X... et M. Xavier Y... aux dépens et à payer à Mme A... la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « M. X... et M. Y... soutiennent que Mme A... s'est totalement désintéressée de la gestion de la société A2I après son départ aux États Unis. Mme A... considère au contraire qu'elle a été évincée de son rôle de gérante par M. X... et M. Y... qui ont géré de fait la société et ce à leur profit.
Sur la désignation d'un administrateur judiciaire
Les extraits KBIS levés le 5 novembre 2013 (pièce 2 des intimés) et le 25 juin 2015 (pièce 3 des intimés) désignent Z... épouse A..., domiciliée [...] (79 430) et à Nueil Les Aubiers (79 250) en tant que gérante de la société. M. X... soutient que soucieux du manque d'intérêt de Mme A... pour la société dont elle était l'unique gérante, il lui a rappelé son obligation de convoquer une assemblée générale pour approuver les comptes. MM. X... et Y... soulignent l'inaction de Mme A... au profit de la SARL A2I et sa préférence marquée pour la SARL Basap pour solliciter la désignation d'un administrateur judiciaire ayant entre autres pour mission de révoquer la gérante de droit. Il convient de remarquer que M. X... n'a manifesté son attente d'être renseigné sur la gestion faite par Mme A... de la société pour l'exercice clos le 31 mars 2014, que le 13 mars 2015, par un courrier adressé à La-Chapelle-Saint-Laurent alors qu'il la savait domiciliée [...] . Il n'est fourni aucun autre élément par lequel MM. X... et Y... auraient tenté d'éveiller l'intérêt de la gérante ou sollicité une décision de sa part. La SARL A2I a cependant fonctionné au quotidien et l'exercice clos le 31 mars 2014 s'est soldé par une perte de 10.417 € en dépit d'un chiffre d'affaires de 311.940 €, qui s'expliquerait par d'importantes commissions de courtage qui auraient été versées à MM. X... et Y.... Les capitaux propres étaient alors devenus intérieurs à la moitié du capital social. Pour faire droit aux entières demandes des MM. X... et Y... et, incidemment autoriser la révocation de la gérante A..., le tribunal de commerce de Niort a écrit : "Attendu que les sociétés A2I et Basap, dont la gérante de cette dernière est Mme A..., ont conclu un contrat de franchise et un contrat de prestation de service, que ces contrats ont été approuvés par l'assemblée générale, que ces contrats restant impayés par la société A2I, la société Basap a adressé à la société A2I une mise en demeure d'avoir à régler les sommes convenues, faute de quoi le contrat de prestation de service serait résilié, que cette mise en demeure a été adressée par Mme A..., gérante de la société Basap, à la société A2I dont elle est elle-même gérante, que cette résiliation de contrats mettrait en péril les intérêts de la société A2I
" Cette motivation ne peut pas convaincre et ce d'autant plus que la gérante désignée à la suite de la désignation de l'administrateur judiciaire par l'ordonnance du 2 septembre 2015, s'est empressée de reprocher à la société Basap de n'avoir jamais respecté ces contrats dont elle a mis en avant la résiliation de plein droit (pièces 15 et 16 des intimés). C'est donc par une motivation critiquable que le tribunal de commerce de Niort, statuant en référé a pris la décision dont il est interjeté appel et qui doit être infirmée.
Sur la demande d'expertise :
Mme A... gérante de droit de la SARL A2I justifie de ce qu'elle n'a pas eu connaissance au jour le jour de la comptabilité de la société. Elle justifie encore de ce qu`en juin 2015, elle n'avait plus accès aux comptes bancaires dont les codes d'accès ne lui avaient pas été communiqués (pièce 18, 19 et 20 de l'appelante). Elle apporte ainsi des éléments sur le fait qu'elle ait pu être évincée de la gérance de la société par ses associés qui auraient géré de fait la société. En tant que gérante et détentrice de 10 % des parts de la société, madame A..., aux termes de l'article L.223-37 du code de commerce, est recevable à solliciter la désignation d'un expert pour examiner la gestion de la société pour les exercices clos le 31 mars 2014 et le 31 mars 2015. Il sera fait droit à sa demande d'expertise dans les termes de cette demande. Compte tenu des éléments du dossier et des circonstances qui l'entourent, cette expertise sera effectuée aux frais avancés par Mme A... à hauteur de 4.000 €
Sur la demande de condamnation de Mme A... sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile
MM. X... et Y... demandent la condamnation de Mme A... au paiement de la somme de 3.000 € à titre d'amende civile pour procédure abusive. Il convient de relever que la condamnation à une amende civile ne relève que du pouvoir de la juridiction, les parties ne pouvant réclamer en vertu de l'article 559 du code de procédure civile que des dommages et intérêts, à condition de rapporter la preuve d'un exercice abusif de la procédure d'un préjudice en résultant pour eux et du lien de causalité. Or, Mme A... n'est pas à l'origine de la procédure de référé, il n'est établi à son encontre aucun abus dans l'exercice de son droit d'appel, au contraire il est fait droit à ses demandes. En conséquence MM. X... et Y... seront déboutés de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 559 du code de procédure civile » ;

1) ALORS QUE lorsque le rapport de gestion, l'inventaire et les comptes annuels établis par les gérants, ne sont pas soumis à l'approbation des associés d'une SARL réunis en assemblée dans le délai imparti à compter de la clôture de l'exercice, toute personne intéressée peut saisir le président du tribunal compétent statuant en référé afin d'enjoindre aux gérants de convoquer cette assemblée ou de désigner un mandataire pour y procéder ; qu'en l'espèce, il était constant que M. X... et M. Y... étaient associés au sein de la société A2I et qu'ils sollicitaient, au visa de l'article L.223-26 du code de commerce, la confirmation du jugement ayant désigné maître Armel C..., administrateur judiciaire à Nantes, avec pour mission de convoquer les associés de la SARL A2I à une assemblée générale ordinaire annuelle appelée à approuver les comptes de l'exercice au 31 mars 2014, la gérante, Mme A..., ayant négligé de le faire dans les délais légaux ; qu'en refusant cependant de désigner un mandataire chargé de convoquer l'assemblée, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des considérations inopérantes (tenant aux conditions dans lesquelles Mme A... avait été alertée sur la nécessité de faire approuver les comptes par l'assemblée générale, à la possibilité d'un fonctionnement quotidien de l'entreprise malgré des fonds propres devenus insuffisants ou au caractère non-convainquant de la motivation du conseil de prud'hommes quant à la mise en péril de la société), a violé l'article L.223-26 du code de commerce, ensemble les articles 872 et 873 du code de procédure civile ;

2) ALORS en outre QUE la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est justifiée lorsque les circonstances rendent impossible le fonctionnement normal de la société et la menacent d'un péril imminent ; qu'en l'espèce, il était constant qu'aucun des comptes annuels n'avaient été approuvés depuis la création de la société A2I en avril 2013, faute pour la gérance d'avoir convoqué l'assemblée générale dans ce but ; que la cour d'appel a elle-même constaté, d'une part, que si la SARL A2I avait « fonctionné au quotidien » au cours de l'exercice clos en mars 2014, il s'était soldé par une perte de 10 417 euros, en dépit d'un chiffre d'affaires de 311 940 €, ce qui s'expliquerait par d'importantes commissions de courtage qui auraient été versées à MM. X... et Y... et, d'autre part, que les capitaux propres étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social ; qu'elle a encore constaté que les contrats de franchise et de prestation avec la société Basap immobilier avaient été rompus ; qu'il s'en évinçait que la société A2I n'avait pas connu un fonctionnement normal et qu'elle était menacée d'un péril imminent, la perte de capitaux propres commandant l'application de l'article L.223-42 du code de commerce ; qu'en infirmant la décision de première instance ayant désigné un administrateur provisoire et en refusant de procéder à la désignation d'un administrateur provisoire, même avec pour seule mission de convoquer une assemblée générale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres observations, a violé le principe susvisé, ensemble les articles 872 et 873 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est justifiée lorsque les circonstances rendent impossible le fonctionnement normal de la société et la menacent d'un péril imminent ; qu'en l'espèce, les associés faisaient valoir notamment (conclusions page 10) que la gérante, qui avait seule accès aux comptes bancaires depuis qu'elle avait fait changer les codes d'accès en juillet 2015, n'avait pas répondu à la demande, formulée par lettre officielle du 28 juillet 2015 émanant du conseil des associés, concernant le logiciel de gestion, le paiement des factures et encore le besoin de fournitures (pièce d'appel n° 10), mais avait fait procéder au règlement des loyers dus par la société A2I dont les bénéficiaires n'étaient autres qu'elle-même et son époux (pièce adverse d'appel n° 20, courriel de Mme A... du 23 juillet 2015) ; qu'ils soutenaient encore que si les contrats d'agents commerciaux n'avaient pas été soumis à l'assemblée générale, c'était du fait de la carence de la gérante et que la somme de 71 344 euros, identifiée comme « autres charges de gestion courante » dans les travaux de l'expert-comptable, et à l'origine du déficit, correspondait à des redevances payées à la société Basap immobilier, dont Mme A... était la gérante, sans qu'il n'ait jamais été justifié d'aucune prestation (conclusions page 11) ; qu'en omettant de rechercher, si la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire, fut-ce avec pour seule mission de convoquer une assemblée générale, n'était pas justifiée par ces circonstances qui venaient s'ajouter à celles ressortant des propres constatations de la décision attaquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé et des articles 872 et 873 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est justifiée lorsque les circonstances rendent impossible le fonctionnement normal de la société et la menacent d'un péril imminent ; qu'en refusant de procéder à la désignation d'un administrateur provisoire, fut-ce avec pour seule mission de convoquer une assemblée générale, aux motifs inopérants que M. X... n'avait manifesté son attente d'être renseigné sur la gestion faite par Mme A... de la société pour l'exercice clos le 31 mars 2014, que le 13 mars 2015, par un courrier adressé à La-Chapelle-Saint-Laurent alors qu'il la savait domiciliée [...] , et qu'il n'était fourni aucun autre élément par lequel MM. X... et Y... auraient tenté d'éveiller l'intérêt de la gérante ou sollicité une décision de sa part, et encore que l'entreprise avait pu avoir un fonctionnement quotidien au cours de l'exercice 2013/2014 et que la motivation du jugement était critiquable en ce qu'il avait retenu que la rupture des contrats conclus avec la société Basap était de nature à mettre en péril les intérêts de la société A2I, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé et des articles 872 et 873 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance prise en référé par M. le président du tribunal de commerce de Niort en date du 2 septembre 2015 et, statuant à nouveau, d'AVOIR ordonné une expertise des comptes de la Société A2I pour les exercices clos au 31 mars 2014 et au 31 mars 2015 ayant pour objet « de retracer l'ensemble des opérations financières ayant eu lieu au sein de la société et notamment de déterminer le montant des sommes versées directement ou indirectement aux associés » et « de déterminer par tous moyens utiles l'existence d'une gestion de fait notamment : - en déterminant qui a procuration sur les comptes bancaires, - en déterminant l'identité de l'interlocuteur de l'expert-comptable, - en déterminant l'identité du signataire des contrats de la société », d'AVOIR débouté M. Christian X... et M. Xavier Y... de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 559 du code de procédure civile et de celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné solidairement M. Christian X... et M. Xavier Y... aux dépens et à payer à Mme A... la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « M. X... et M. Y... soutiennent que Mme A... s'est totalement désintéressée de la gestion de la société A2I après son départ aux États Unis. Mme A... considère au contraire qu'elle a été évincée de son rôle de gérante par M. X... et M. Y... qui ont géré de fait la société et ce à leur profit.
Sur la désignation d'un administrateur judiciaire
Les extraits KBIS levés le 5 novembre 2013 (pièce 2 des intimés) et le 25 juin 2015 (pièce 3 des intimés) désignent Z... épouse A..., domiciliée [...] (79 430) et à Nueil Les Aubiers (79 250) en tant que gérante de la société. M. X... soutient que soucieux du manque d'intérêt de Mme A... pour la société dont elle était l'unique gérante, il lui a rappelé son obligation de convoquer une assemblée générale pour approuver les comptes. MM. X... et Y... soulignent l'inaction de Mme A... au profit de la SARL A2I et sa préférence marquée pour la SARL Basap pour solliciter la désignation d'un administrateur judiciaire ayant entre autres pour mission de révoquer la gérante de droit. Il convient de remarquer que M. X... n'a manifesté son attente d'être renseigné sur la gestion faite par Mme A... de la société pour l'exercice clos le 31 mars 2014, que le 13 mars 2015, par un courrier adressé à La-Chapelle-Saint-Laurent alors qu'il la savait domiciliée [...] . Il n'est fourni aucun autre élément par lequel MM. X... et Y... auraient tenté d'éveiller l'intérêt de la gérante ou sollicité une décision de sa part. La SARL A2I a cependant fonctionné au quotidien et l'exercice clos le 31 mars 2014 s'est soldé par une perte de 10.417 € en dépit d'un chiffre d'affaires de 311.940 €, qui s'expliquerait par d'importantes commissions de courtage qui auraient été versées à MM. X... et Y.... Les capitaux propres étaient alors devenus intérieurs à la moitié du capital social. Pour faire droit aux entières demandes des MM. X... et Y... et, incidemment autoriser la révocation de la gérante A..., le tribunal de commerce de Niort a écrit : « Attendu que les sociétés A2I et Basap, dont la gérante de cette dernières est Mme A..., ont conclu un contrat de franchise et un contrat de prestation de service, que ces contrats ont été approuvés par l'assemblée générale, que ces contrats restant impayés par la société A2I, la société Basap a adressé à la société A2I une mise en demeure d'avoir à régler les sommes convenues, faute de quoi le contrat de prestation de service serait résilié, que cette mise en demeure a été adressée par Mme A..., gérante de la société Basap, à la société A2I dont elle est elle-même gérante, que cette résiliation de contrats mettrait en péril les intérêts de la société A2I
» Cette motivation ne peut pas convaincre et ce d'autant plus que la gérante désignée à la suite de la désignation de l'administrateur judiciaire par l'ordonnance du 2 septembre 2015, s'est empressée de reprocher à la société Basap de n'avoir jamais respecté ces contrats dont elle a mis en avant la résiliation de plein droit (pièces 15 et 16 des intimés). C'est donc par une motivation critiquable que le tribunal de commerce de Niort, statuant en référé a pris la décision dont il est interjeté appel et qui doit être infirmée.
Sur la demande d'expertise :
Mme A... gérante de droit de la SARL A2I justifie de ce qu'elle n'a pas eu connaissance au jour le jour de la comptabilité de la société. Elle justifie encore de ce qu`en juin 2015, elle n'avait plus accès aux comptes bancaires dont les codes d'accès ne lui avaient pas été communiqués (pièce 18, 19 et 20 de l'appelante). Elle apporte ainsi des éléments sur le fait qu'elle ait pu être évincée de la gérance de la société par ses associés qui auraient géré de fait la société. En tant que gérante et détentrice de 10 % des parts de la société, madame A..., aux termes de l'article L.223-37 du code de commerce, est recevable à solliciter la désignation d'un expert pour examiner la gestion de la société pour les exercices clos le 31 mars 2014 et le 31 mars 2015. Il sera fait droit à sa demande d'expertise dans les termes de cette demande. Compte tenu des éléments du dossier et des circonstances qui l'entourent, cette expertise sera effectuée aux frais avancés par Mme A... à hauteur de 4.000 €
Sur la demande de condamnation de Mme A... sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile
MM. X... et Y... demandent la condamnation de Mme A... au paiement de la somme de 3.000 € à titre d'amende civile pour procédure abusive. Il convient de relever que la condamnation à une amende civile ne relève que du pouvoir de la juridiction, les parties ne pouvant réclamer en vertu de l'article 559 du code de procédure civile que des dommages et intérêts, à condition de rapporter la preuve d'un exercice abusif de la procédure d'un préjudice en résultant pour eux et du lien de causalité. Or, Mme A... n'est pas à l'origine de la procédure de référé, il n'est établi à son encontre aucun abus dans l'exercice de son droit d'appel, au contraire il est fait droit à ses demandes. En conséquence MM. X... et Y... seront déboutés de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 559 du code de procédure civile.

1) ALORS QU'un ou plusieurs associés d'une SARL représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ; que l'expertise ne peut pas porter sur l'ensemble de la gestion et doit au contraire viser une ou plusieurs opérations précisément déterminées ; qu'en ordonnant en l'espèce une expertise générale sur les comptes de la société A2I pour les exercices clos au 31 mars 2014 et au 31 mars 2015 ayant pour objet « de retracer l'ensemble des opérations financières ayant eu lieu au sein de la société et notamment de déterminer le montant des sommes versées directement ou indirectement aux associés » et « de déterminer par tous moyens utiles l'existence d'une gestion de fait notamment : - en déterminant qui a procuration sur les comptes bancaires, - en déterminant l'identité de l'interlocuteur de l'expert-comptable, - en déterminant l'identité du signataire des contrats de la société », bien que MM. X... et Y... aient fait valoir que Mme A... ne pouvait solliciter « qu'un expert soit nommé pour que la gestion qu'elle a opérée soit analysée » (conclusions page 11), la cour d'appel a violé l'article L.223-37 du code de commerce ;

2) ALORS QUE le gérant, associé minoritaire, d'une SARL ne peut solliciter une expertise sur une ou plusieurs opérations de gestion sur le fondement de l'article L.223-37 du code de commerce ; qu'en jugeant en l'espèce, bien que MM. X... et Y... aient fait valoir que Mme A... ne pouvait solliciter « qu'un expert soit nommé pour que la gestion qu'elle a opérée soit analysée » (conclusions page 11), qu'en tant que gérante et détentrice de 10 % des parts de la société, madame A... est recevable à solliciter la désignation d'un expert pour examiner la gestion de la société pour les exercices clos le 31 mars 2014 et le 31 mars 2015 en relevant tout au plus qu'elle apporte ainsi des éléments sur le fait qu'elle ait pu être évincée de la gérance de la société par ses associés qui auraient géré de fait la société, la cour d'appel a violé l'article L.223-37 du code de commerce ;

3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas statuer par des motifs dubitatifs ; qu'en faisant droit à la demande d'expertise au prétexte que Mme A... apporte des éléments sur le fait qu'elle ait pu être évincée de la gérance de la société par ses associés qui auraient géré de fait la société, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'elle avait été effectivement évincée, ni que ses associés étaient effectivement gérants de fait, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; qu'en affirmant péremptoirement, sans préciser l'origine de ses renseignements, que Mme A... gérante de droit de la SARL A2I justifie de ce qu'elle n'a pas eu connaissance au jour le jour de la comptabilité de la société pour en déduire qu'elle apporte ainsi des éléments sur le fait qu'elle ait pu être évincée de la gérance de la société par ses associés qui auraient géré de fait la société, bien que MM. X... et Y... aient fait valoir que Mme A... n'avait pas été tenue à l'écart, mais qu'elle s'était totalement désintéressée du sort du la société A2I et avait ainsi totalement manquée à ses obligations, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en affirmant que Mme A... « justifie encore de ce qu`en juin 2015, elle n'avait plus accès aux comptes bancaires dont les codes d'accès ne lui avaient pas été communiqués (pièce 18, 19 et 20 de l'appelante) », quand les pièces visées par la cour d'appel indiquent tout au plus que Mme A... a sollicité « de nouveaux codes d'accès pour accéder au compte bancaire de la SARL A2I » sans rien révéler du motif de cette demande (sécurité, volonté d'interdire l'accès à des personnes ayant disposé des codes antérieurs
) et donc sans établir que Mme A... n'avait plus en sa possession les anciens d'accès et encore moins qu'ils ne lui avaient pas été communiqués antérieurement, la cour d'appel a dénaturé ces documents et violé le principe faisant obligation au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-25297
Date de la décision : 24/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 06 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 oct. 2018, pourvoi n°16-25297


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25297
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