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18/10/2018 | FRANCE | N°17-22757

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 octobre 2018, 17-22757


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 13 avril 2017), que la société Coutard moto week end (la société Coutard) a déclaré deux sinistres auprès de son assureur, la société Axa France IARD (la société Axa) ; que la société Coutard ayant été placée en liquidation judiciaire, M. A..., agissant en qualité de liquidateur de la société, a fait assigner la société Axa devant le tribunal de commerce de Vienne pour obtenir le paiement des sommes dues au titre des de

ux sinistres ; que le tribunal a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'iss...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 13 avril 2017), que la société Coutard moto week end (la société Coutard) a déclaré deux sinistres auprès de son assureur, la société Axa France IARD (la société Axa) ; que la société Coutard ayant été placée en liquidation judiciaire, M. A..., agissant en qualité de liquidateur de la société, a fait assigner la société Axa devant le tribunal de commerce de Vienne pour obtenir le paiement des sommes dues au titre des deux sinistres ; que le tribunal a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une plainte pénale déposée par la société Axa pour faux, usage de faux et tentative d'escroquerie ; que le 25 mai 2011, le procureur de la République de Vienne a procédé au classement sans suite de la plainte ; que, le 3 novembre 2013, M. A... a demandé le rétablissement de l'affaire ; que la société Axa a soulevé un incident de péremption de l'instance ;

Attendu que la société Alliance MJ, agissant en qualité de liquidateur de la société Coutard, fait grief à l'arrêt, infirmatif de ce chef, de juger éteinte par voie de péremption l'instance au fond engagée le 13 janvier 2010 par M. A..., à l'encontre de la société Axa et dire, en conséquence, n'y avoir lieu à statuer sur ses autres demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le délai de péremption consécutif à une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ne court dès la réalisation de cet événement qu'à la condition que la partie à laquelle la péremption est opposée ait eu effectivement la possibilité d'être informée de cette réalisation ; qu'en l'espèce l'instance commerciale avait été suspendue dans l'attente de l'issue de la plainte contre X déposée par l'assureur, qui avait lui-même sollicité le sursis ; que pour estimer l'assureur fondé à opposer la péremption à M. A..., faute pour ce dernier d'avoir accompli de diligence dans les deux ans suivant la décision de classement sans suite du procureur de la République, la cour d'appel a retenu qu'il lui appartenait « en sa qualité de partie à l'instance commerciale de surveiller l'écoulement du temps de sursis depuis le prononcé du jugement » ; qu'en statuant ainsi par un motif aussi abstrait que péremptoire, sans expliquer comment M. A... aurait pu prendre effectivement connaissance de la décision du parquet, alors que n'étant ni plaignant ni victime il n'avait juridiquement aucun titre à en être informé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386, ensemble l'article 392 du code de procédure civile ;

2°/ que l'assureur qui, en violation de son obligation générale de loyauté dans la mise en oeuvre du processus d'indemnisation, use de manoeuvres destinées à laisser le délai de péremption s'écouler est privé du droit d'opposer cette exception ; qu'en l'espèce M. A... faisait valoir que l'assureur, qui était à l'origine du sursis et avait seul, en sa qualité de plaignant, la possibilité d'être informé par le parquet du classement sans suite, s'était délibérément abstenu de l'informer de la réalisation de cet événement ; qu'en lui refusant le droit de se prévaloir du moyen tiré de « l'absence d'information de la part de Axa France IARD », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 387 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134, alinéa 3 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

3°/ que le délai de péremption consécutif à une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ne court dès la réalisation de cet événement qu'à la condition que le droit d'accéder à un tribunal de la partie à laquelle la péremption est opposée ne subisse pas d'atteinte disproportionnée ; que sur ce fondement, M. A..., qui n'avait été effectivement informé de la décision de classement sans suite que postérieurement à l'échéance du délai de péremption de deux ans, faisait valoir qu'il avait été « totalement privé » de la possibilité d'effectuer une diligence interruptive au mépris des exigences de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en lui refusant purement et simplement le droit d'invoquer ce moyen, qu'elle a qualifié d'« inopérant », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 392 du code de procédure civile, ensemble l'article 6-1° de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant exactement rappelé que lorsque la suspension du délai de péremption est la conséquence d'une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé, un nouveau délai court à compter de la réalisation de cet événement et retenu qu'il appartenait aux parties de surveiller l'écoulement du temps de sursis depuis le prononcé du jugement, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher comment M. A... aurait pu prendre effectivement connaissance de la décision de classement sans suite de la plainte, en a déduit que la péremption était acquise ;

Attendu, ensuite, que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la société Axa, bénéficiaire de la péremption, ne pouvait se voir reprocher un manquement à ses obligations contractuelles en n'informant pas M. A... de la décision de classement sans suite ;

Et attendu, enfin, que le constat de la péremption de l'instance, qui tire les conséquences de l'absence de diligences des parties en vue de voir aboutir le jugement de l'affaire et qui poursuit un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique, afin que l'instance s'achève dans un délai raisonnable, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Alliance MJ en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Coutard moto week end aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent , avocat aux Conseils, pour la société Alliance MJ, ès qualités.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir jugé éteinte par voie de péremption l'instance au fond engagée le 13 janvier 2010 par Maître A..., pris en sa qualité de liquidateur de la société Coutard Moto Week end, à l'encontre de la société AXA France IARD et dit, en conséquence, n'y avoir à statuer sur ses autres demandes ;

AUX MOTIFS QUE « contrairement à l'appréciation des premiers juge, AXA France IARD soutient justement qu'il est constant qu'après une décision de sursis à statuer jusqu'à survenance d'un événement déterminé, le nouveau délai de péremption court à compter de la réalisation de cet événement, non pas du jour où les intéressés en ont eu connaissance ;

Que l'arrêt de la Cour de cassation du 3 septembre 2015 (n°14-11.091) a rappelé ce principe, résultant de l'application des articles 378 et 386 du code de procédure civile ;

Qu'en l'espèce, en effet, l'événement déterminé par le premier jugement du tribunal de commerce est "l'issue de la plainte pénale", ce qu'a constitué le classement sans suite de la part du procureur de la République justifié à la date du 25 mai 2011, issue dont ce dernier a avisé le plaignant sans devoir aviser l'intimé ou le dirigeant de COUTARD MOTO WEEK END qui n'était pas "victime" dès lors que la plainte était formée contre X ;

Que Me A... dont les moyens sont rejetés ne peut donc pas plus exciper du non respect de l'article 40-2 du code de procédure pénale ;

Que pour n'avoir effectué aucune diligence dans les deux ans ayant couru depuis cette date du 25 mai 2011, alors qu'il se devait, en sa qualité de partie à l'instance commerciale de surveiller l'écoulement du temps de sursis depuis le prononcé du jugement, sans pouvoir critiquer l'absence d'information de la part de AXA France IARD ou évoquer un possible recours devant le procureur général, encore les exigences de la convention européenne des droit de l'homme, ce qui est inopérant, Me A... encourt la péremption de l'instance qu'il a engagée ;

Que celle-ci est donc éteinte par application de l'article 389 du code de procédure civile ;

Que le jugement est donc infirmé de ce chef ;

Que l'extinction de l'instance exclut qu'il puisse être statué sur les autres demandes et moyens des parties » ;

1°/ ALORS QUE le délai de péremption consécutif à une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ne court dès la réalisation de cet événement qu'à la condition que la partie à laquelle la péremption est opposée ait eu effectivement la possibilité d'être informée de cette réalisation ; qu'en l'espèce l'instance commerciale avait été suspendue dans l'attente de l'issue de la plainte contre X déposée par l'assureur, qui avait lui-même sollicité le sursis ; que pour estimer l'assureur fondé à opposer la péremption à Maître A..., faute pour ce dernier d'avoir accompli de diligence dans les deux ans suivant la décision de classement sans suite du procureur de la République, la Cour d'appel a retenu qu'il lui appartenait « en sa qualité de partie à l'instance commerciale de surveiller l'écoulement du temps de sursis depuis le prononcé du jugement » ; qu'en statuant ainsi par un motif aussi abstrait que péremptoire, sans expliquer comment Maître A... aurait pu prendre effectivement connaissance de la décision du parquet, alors que n'étant ni plaignant ni victime il n'avait juridiquement aucun titre à en être informé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386, ensemble l'article 392 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE l'assureur qui, en violation de son obligation générale de loyauté dans la mise en oeuvre du processus d'indemnisation, use de manoeuvres destinées à laisser le délai de péremption s'écouler est privé du droit d'opposer cette exception ; qu'en l'espèce Maître A... faisait valoir que l'assureur, qui était à l'origine du sursis et avait seul, en sa qualité de plaignant, la possibilité d'être informé par le parquet du classement sans suite, s'était délibérément abstenu de l'informer de la réalisation de cet événement ; qu'en lui refusant le droit de se prévaloir du moyen tiré de « l'absence d'information de la part de AXA France IARD » (arrêt attaqué, p. 4, § 3), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 387 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134, alinéa 3 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

3°/ ALORS QUE le délai de péremption consécutif à une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ne court dès la réalisation de cet événement qu'à la condition que le droit d'accéder à un tribunal de la partie à laquelle la péremption est opposée ne subisse pas d'atteinte disproportionnée ; que sur ce fondement, Maître A..., qui n'avait été effectivement informé de la décision de classement sans suite que postérieurement à l'échéance du délai de péremption de deux ans, faisait valoir qu'il avait été « totalement privé » de la possibilité d'effectuer une diligence interruptive au mépris des exigences de la Convention européenne des droits de l'homme (conclusions d'appel, p. 8) ; qu'en lui refusant purement et simplement le droit d'invoquer ce moyen, qu'elle a qualifié d'« inopérant » (arrêt attaqué, p. 4, § 3), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 392 du code de procédure civile, ensemble l'article 6-1° de la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-22757
Date de la décision : 18/10/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 13 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 18 oct. 2018, pourvoi n°17-22757


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22757
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