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17/10/2018 | FRANCE | N°17-24275

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 octobre 2018, 17-24275


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 125, 544 et 545 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Naëlla Y... a été inscrite à l'état civil comme étant née le [...] , à Chambray-lès-Tours (37), de Mme X... et M. Y..., son époux ; que, le 7 février 2013, M. Y... a assigné Mme X... et l'administrateur ad hoc de l'enfant en contestation de paternité ; que l

e tribunal a déclaré l'action recevable et, avant dire droit, a ordonné une expertise b...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 125, 544 et 545 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Naëlla Y... a été inscrite à l'état civil comme étant née le [...] , à Chambray-lès-Tours (37), de Mme X... et M. Y..., son époux ; que, le 7 février 2013, M. Y... a assigné Mme X... et l'administrateur ad hoc de l'enfant en contestation de paternité ; que le tribunal a déclaré l'action recevable et, avant dire droit, a ordonné une expertise biologique ;

Attendu qu'en déclarant l'appel recevable, alors que le jugement se bornait, dans son dispositif, à se prononcer sur la recevabilité de l'action et à ordonner une expertise, sans trancher une partie du principal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens des pourvois principal et incident éventuel :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE IRRECEVABLE l'appel formé par Mme X... contre le jugement du tribunal de grande instance de Tours du 5 février 2015 ;

DIT que les dépens d'appel et ceux de la présente instance seront supportés par Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi principal

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. Y... de sa demande en contestation de paternité ;

AUX MOTIFS QUE « III. Sur l'action en contestation de paternité

a) Sur l'établissement de la filiation selon la loi malgache

L'article 3 de la loi malgache n° 63-022 du 20 novembre 1963 prévoit que l'enfant né ou conçu pendant le mariage a pour père le mari. Cette présomption de paternité ne s'applique pas à l'enfant né plus de 300 jours après la dissolution du mariage; à l'enfant né plus de 300 jours après la date des dernières nouvelles telle qu'elle résulte du jugement constatant la présomption d'absence.

En l'espèce, M. Jean-Marie Y... et Mme Jeanne X... ont contracté mariage le 1 décembre 2011 et l'enfant est née le [...] . Le couple ne s'est pas séparé [...] . L'enfant est donc né durant l'union.

La présomption de paternité s'applique.

b) Sur le délai pour agir en matière de contestation de paternité dans le mariage

L'article de 8 la loi malgache n° 63-022 du 20 novembre 1963 sur la filiation, l'adoption, le rejet et la tutelle prévoit que le père présumé peut désavouer l'enfant s'il prouve que pendant le temps qui a couru depuis le 300ème jour jusqu'au 180ème jour avant sa naissance, il était soit pour cause d'éloignement, soit pour une cause médicalement établie de façon certaine, dans l'impossibilité physique de procréer.

L'article 15 de la même loi dispose que l'action doit être intentée dans les 6 mois qui suivent soit la naissance de l'enfant, soit le jour où le père présumé apprend la naissance de façon certaine. Le délai est suspendu par la force majeure.

En l'espèce, l'enfant est née le [...] à Chambray-les-Tours. L'action était donc ouverte jusqu'au 7 novembre 2012, M. Y... étant au courant de la naissance puisqu'il a effectué lui-même la déclaration de naissance, comme le mentionne l'acte d'état civil de naissance de l'enfant du 9 mai 2012.

Toutefois, la saisine du juge des tutelles ayant interrompu le délai de prescription, le délai de 6 mois pour agir en contestation de sa paternité prévu par la loi malgache n'a recommencé à courir qu'à compter du 27 novembre 2012 pour expirer le 27 mai 2012.

M. Y... a introduit son action en contestation de paternité avant cette date. Elle est recevable.

c) Sur la contestation de paternité

L'article 8 de la loi malgache du 20 novembre 1963 dispose que le père présumé peut désavouer l'enfant s'il prouve que pendant le temps qui a couru depuis le 300ème jour jusqu'au 180ème jour avant sa naissance, il était soit pour cause d'éloignement, soit pour une cause médicalement établie de façon certaine, dans l'impossibilité physique de procréer.

En l'espèce, l'enfant étant née le [...] , le délai de 300 à 180 jours avant la naissance court du 11 juillet 2011 au 8 novembre 2011.

Il appartient à M. Y..., demandeur à l'action en contestation de paternité, de prouver que durant cette période il était pour cause d'éloignement ou pour une cause médicalement établie de façon certaine, dans l'impossibilité physique de procréer.

L'impossibilité physique de procréer au sens de la loi malgache doit s'entendre comme l'impossibilité d'avoir procréé pour une cause physique. Il est établi que M. Y... s'est rendu à Madagascar du 10 au 21 septembre 2011, ce qui exclut l'éloignement. M. Y... ne démontre pas de cause médicalement établie de façon certaine; il ne motive d'ailleurs pas sa demande sur ce moyen.

Par ailleurs, la cour n'a pas connaissance d'une loi malgache qui autorise une expertise génétique pour les actions en contestation de paternité dans le cadre du mariage. M. Y... n'en vise pas à l'appui de sa demande.

Enfin, le rejet de l'action en contestation de paternité de M. Y... n'est pas contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant, qui est d'avoir une filiation certaine et stable.

En conséquence, M. Y... sera débouté de ses demandes et l'enfant Naella conservera son nom » ;

ALORS QUE D'UNE PART l'expertise est de droit en matière de filiation, compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant d'avoir une filiation certaine et stable ; que la situation dans laquelle une présomption légale de paternité pourrait prévaloir sur la réalité biologique n'est pas compatible avec l'obligation de garantir le respect effectif de la vie privée et familiale que prévoit l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en refusant d'ordonner une expertise génétique, au motif inopérant qu'il ne serait pas démontré que la loi malgache autoriserait une telle preuve à l'occasion d'une action en contestation de paternité, la Cour d'appel a violé l'article 7 de la Convention de New York relative aux droits de l'enfant, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE D'AUTRE PART selon l'article 8 de la loi malgache du 20 novembre 1963, le père présumé de l'enfant peut le désavouer s'il prouve que pendant le temps qui a couru depuis le 300ème jour jusqu'au 180ème jour avant sa naissance, il était soit pour cause d'éloignement, soit pour une cause médicalement établie, de façon certaine, dans l'impossibilité physique de procréer ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... faisait état, dans ses écritures d'appel, du certificat médical établi par le docteur Maud Z... qui déterminait la date de conception de l'enfant au 31 août 2011, ce qui était de nature à faire la preuve de l'éloignement de Monsieur Y... rendant physiquement impossible la procréation, au sens de l'article 8 de la loi malgache du 20 novembre 1963, puisqu'il n'est arrivé à Madagascar pour rencontrer pour la première fois Madame X... que le 10 septembre 2011 (conclusions, p. 7) ; qu'en ne recherchant pas si ce certificat médical ne rapportait pas la preuve de cette impossibilité physique de procréer, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 311-14 du code civil et 8 de la loi malgache du 20 novembre 1963. Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de Mme X..., demanderesse au pourvoi incident éventuel

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action en contestation de paternité de M. Jean-Marie Y... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. Y... soutient subsidiairement que la demande de nomination d'un administrateur ad'hoc a interrompu le délai ; Mme X... soutient subsidiairement que la saisine du juge des tutelles suspend le délai mais ne l'interrompt pas ; L'article 2241 alinéa 1er du code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; l'article 14 de la loi malgache du 20 novembre 1963 dispose que l'action en désaveu est exercée contre l'enfant en présence de la mère ; si celui-ci est mineur, il est représenté par une personne désignée à la diligence du demandeur et selon les coutumes par le président du tribunal compétent ; l'action peut être portée devant le tribunal du lieu où réside l'enfant ; en l'espèce, M. Y... a saisi par requête le juge des tutelles le 30 août 2012 aux fins de voir désigner un mandataire ad'hoc pour l'enfant ; cette demande en justice étant nécessaire du fait de la qualité de partie à la procédure de l'enfant, la demande de M. Y... tend bien au même but que son action en contestation de paternité ; au surplus, la loi malgache exige, de même que la loi française, la représentation du mineur dans les procédures diligentées contre lui ; la demande en justice a donc interrompu le 30 août 2012 le délai de prescription ; la décision du juge des tutelles ayant été rendue le 27 novembre 2012, le délai n'a recommencé à courir qu'à compter de cette date ; M. Y... ayant assigné Mme X... et Mme Marie-Paule B... 37 ès-qualités le 7 février 2013, l'action n'était pas prescrite ; M. Y... est recevable à agir ; (
) l'article de 8 la loi malgache n°63-022 du 20 novembre 1963 sur la filiation, l'adoption, le rejet et la tutelle prévoit que le père présumé peut désavouer l'enfant s'il prouve que pendant le temps qui a couru depuis le 300 ème jour jusqu'au 180 ème jour avant sa naissance, il était soit pour cause d'éloignement, soit pour une cause médicalement établie de façon certaine, dans l'impossibilité physique de procréer ; l'article 15 de la même loi dispose que l'action doit être intentée dans les 6 mois qui suivent soit la naissance de l'enfant, soit le jour où le père présumé apprend la naissance de façon certaine ; le délai est suspendu par la force majeure ; en l'espèce, l'enfant est née le [...] à Chambray-les-Tours ; l'action était donc ouverte [...] , M. Y... étant au courant de la naissance puisqu'il a effectué lui-même la déclaration de naissance, comme le mentionne l'acte d'état civil de naissance de l'enfant du 9 mai 2012 ; toutefois, la saisine du juge des tutelles ayant interrompu le délai de prescription, le délai de 6 mois pour agir en contestation de sa paternité prévu par la loi malgache n'a recommencé à courir qu'à compter du 27 novembre 2012 pour expirer le 27 mai 2012 ; M. Y... a introduit son action en contestation de paternité avant cette date ; elle est recevable » (cf. arrêt p.5, sur l'interruption du délai de prescription – p.6, §2 et p. 6, sur le délai pour agir en matière de contestation de paternité dans le mariage – p7, § 4) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la saisine du juge des tutelles des mineurs par Jean-Marie Y... suivant requête du 30 août 2012 a interrompu le délai de prescription qui n'était alors pas expiré et l'a suspendu jusqu'à l'ordonnance du juge des tutelles des mineurs du 27 novembre 2012 ; les assignations délivrées le 7 février 2013, moins de 6 mois à compter du 27 novembre 2012, l'ont donc été avant l'expiration du délai de prescription » (cf. jugement p. 7, in fine – p.8, § 2) ;

1/ALORS QUE, d'une part, la saisine du juge des tutelles des mineurs aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc dans le cadre d'une action en contestation de paternité est une cause de suspension de prescription de cette action et non une demande en justice interruptive de la prescription ; qu'aussi, en déclarant recevable l'action en contestation de paternité de l'enfant né le [...] intentée par M. Y... le [...] en raison de la saisine, par ce dernier, le 30 août 2012, du juge des tutelles des mineurs en désignation d'un mandataire ad hoc pour l'enfant, quand le délai de prescription avait été suspendu entre le 30 août 2012 et le 27 novembre 2012 date où le juge des tutelles a rendu sa décision et qu'un délai de plus de six mois s'était écoulé entre la naissance de l'enfant et l'engagement de l'action en contestation de paternité, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi malgache du 20 novembre 1963 ensemble les articles 2230, 2234 et 2241 du code civil ;

2/ALORS QUE, d'autre part et en tout état de cause, selon l'article 15 de la loi malgache n°63-022 du 20 novembre 1963 applicable au litige, le délai de six mois suivant la naissance de l'enfant pour agir en contestation de paternité est suspendu par la force majeure ; qu'en énonçant, pour déclarer recevable l'action en contestation de paternité formée par M. Y..., que la saisine du juge des tutelles des mineurs avait interrompu le délai de prescription sans rechercher si la désignation obligatoire d'un mandataire ad hoc pour l'enfant était constitutive d'un cas de force majeure au sens de la loi malgache, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 de la loi malgache du 20 novembre 1963 ensemble les articles 2230 et 2234 du code civil ;

3/ALORS QUE, de surcroît selon l'article 15 de la loi malgache n°63-022 du 20 novembre 1963 applicable au litige, l'action en contestation de paternité doit être intentée dans les six mois qui suivent soit la naissance de l'enfant, soit le jour où le père présumé apprend la naissance de façon certaine ; que le délai est suspendu par la force majeure ; qu'en déclarant recevable l'action en contestation de paternité formée par M. Y... neuf mois après la naissance de l'enfant en raison de la saisine, par ce dernier, du juge des tutelles des mineurs laquelle aurait interrompu le délai de prescription, quand l'article 15 précité ne prévoyait pas de cause d'interruption de la prescription de l'action en contestation de paternité, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi malgache du 20 novembre 1963 ensemble les articles 2230, 2234 et 2241 du code civil ;

4/ALORS QUE, enfin, l'exposant faisait valoir, à titre subsidiaire, qu'au regard de l'article 10 de la loi malgache du , l'action en contestation de paternité n'est pas recevable si , du comportement du père présumé, il résulte que celui-ci a entendu considérer l'enfant comme le sien, ce qui était le cas en l'espèce ; qu'en ne s'étant pas prononcée sur ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-24275
Date de la décision : 17/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 11 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 oct. 2018, pourvoi n°17-24275


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.24275
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