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17/10/2018 | FRANCE | N°17-19448

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 octobre 2018, 17-19448


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 avril 2017), que M. Y..., engagé le 27 juin 1987 par la société Nactis, devenue Nactis Flavours (la société), y exerçait la fonction de responsable Ligne Carmin ; que fin 2010, la société a arrêté la production du carmin ; qu'elle a également fermé son établissement de Strasbourg et que le poste du salarié a été transféré à Furdenheim ; que le 5 janvier 2011, le salarié a été placé en arrêt de travail pour rechute d'accident

du travail jusqu'au 5 janvier 2012 ; que suite à deux visites de reprise le 5 janvier ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 avril 2017), que M. Y..., engagé le 27 juin 1987 par la société Nactis, devenue Nactis Flavours (la société), y exerçait la fonction de responsable Ligne Carmin ; que fin 2010, la société a arrêté la production du carmin ; qu'elle a également fermé son établissement de Strasbourg et que le poste du salarié a été transféré à Furdenheim ; que le 5 janvier 2011, le salarié a été placé en arrêt de travail pour rechute d'accident du travail jusqu'au 5 janvier 2012 ; que suite à deux visites de reprise le 5 janvier et le 23 janvier 2012, le médecin du travail l'a déclaré « apte au poste occupé actuellement, éviter la montée et descente des escaliers et les déplacements avec port de charges, apte à un poste alternant position assise et debout »; que les parties ont signé le 20 juin 2012 une convention de rupture conventionnelle, homologuée par la DIRECCTE du Bas-Rhin et que le contrat de travail a pris fin le 27 juillet 2012 ; que soutenant notamment que son consentement avait été vicié, le salarié a saisi le 16 mai 2013 la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4 du code du travail, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il en résulte que, lorsqu'un salarié soutient qu'il subissait un harcèlement moral ayant vicié son consentement lors de la signature de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, le juge doit examiner les éléments invoqués par le salarié et apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que, dans l'affirmative, le juge apprécie si l'employeur prouve que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, en ayant décidé que M. Y... « n'apporte aucune preuve d'un quelconque harcèlement dont il aurait été victime », cependant qu'il lui appartenait de vérifier s'il établissait des faits qui, dans leur ensemble, étaient de nature à présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11 du code du travail, L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, 1109 et suivants du code civil devenu 1130 et suivants du code civil ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en déboutant M. Y... de ses demandes, sans avoir examiné l'attestation de Mme A... indiquant qu'« à sa reprise en janvier 2012, Monsieur Y... n'avait toujours pas de poste de travail officiel ; il subissait les critiques et remarques des autres salariés ; il venait se réfugier dans mon bureau (
) ; il était épuisé et déprimé par cette situation », celle de M. B... indiquant que M. Y... « n'avait pas de poste de travail depuis l'arrêt de la production du service Carmin à Strasbourg (
) ; il a subi une mise au placard par la société Nactis depuis l'arrêt de la production du carmin jusqu'à la fin de son contrat. Monsieur Y... était mis à l'écart professionnellement sans poste de travail, sans mission, sans responsabilité, marginalisé totalement », ni celle de M. C... qui confirmait cette situation (pièces communiquées n° 18 à 22 ; conclusions d'appel du 4 juin 2015, p. 7 et 8), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que sous le couvert de violation de la loi et de vice de la motivation, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle écartait, a faite des éléments de fait et de preuve produits, dont elle a déduit l'absence de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Y... de ses demandes ;

Aux motifs propres que si l'existence d'un litige entre les parties n'interdit pas le recours à la rupture conventionnelle, la rupture du contrat de travail étant une convention, elle doit conformément à l'article L. 1237-11 du code du travail avoir été négociée librement ; que le consentement à la rupture doit être exempt de dol, violence ou erreur conformément à l'article 1109 ancien du code civil ; qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un vice de son consentement d'en rapporter la preuve ; que pour contester la validité de la rupture conventionnelle du 20 juin 2012, M. Y... fait valoir que son consentement a été vicié par dol, erreur et violence , expose qu'il a repris son travail le 5 janvier 2012, après arrêt pour rechute d'accident du travail, sur un poste créé dans l'encadrement de la production, mais que l'employeur qui avait arrêté la fabrication de carmin fin 2010, n'avait en réalité plus de poste à lui fournir, qu'elle ne l'a pas « reclassé » sur un poste correspondant à ses responsabilités tenant compte des préconisations du médecin du travail, qu'il a dû, pour ces raisons, refuser la proposition d'évolution de son poste en poste de responsable traçabilité faite le 29 mai 2012 ; que le 1er juin 2012, M. D... directeur de la société a évoqué la possibilité d'un licenciement pour inaptitude mais non d'une rupture conventionnelle, qu'un rendez-vous fixé le 8 juin 2012 a été reporté au 20 juin et qu'il a signé la convention de rupture le 20 juin 2012 dans un contexte de pression morale ; que M. Y... ajoute qu'aucun exemplaire de la convention de rupture ne lui a été remis lors de sa signature ; Mais qu'au moment de la signature de la convention de rupture, M. Y... avait repris le travail depuis plusieurs semaines à la suite d'un avis d'aptitude rendu par le médecin du travail et non contesté ; qu'il ne disposait pas du statut de « victime d'accident du travail » ; que la société Nactis ne pouvait le licencier pour inaptitude ; qu'alors qu'il prétend qu'il n'a de fait eu aucune fonction à accomplir pendant cinq mois au cours de l'année 2012, Mme E... atteste qu'il intervenait quotidiennement sur des problématiques de production : « je partageai le bureau avec M. Y.... Celui-ci était en charge d'assurer le suivi de la production en collectant les fiches d'activités journalières de chaque opérateur et en renseignant un tableau de bord relatant l'activité de chaque atelier. D'autre part, il travaillait sur l'harmonisation de notre système d'étiquetage et créer des étiquettes sur le nouveau logiciel d'édition... » ;
qu'en tout cas M. Y... ne rapporte aucune preuve de ce que la société employeur avait le projet de le licencier pour inaptitude, ce qu'elle ne pouvait légalement faire, ni qu'elle l'a amené de manière déloyale et trompeuse à signer la convention de rupture ou qu'il a été moralement contraint de la signer ; qu'il n'apporte aucune preuve d'un quelconque harcèlement dont il aurait été victime ; que selon les mentions y figurant, la convention de rupture a été signée après deux entretiens s'étant déroulés les 8 et 20 juin 2012 ; que M. Y... a fait précéder sa signature de la mention « Lu et approuvé » ; qu'un exemplaire de la convention de rupture a été remis à M. Y... lors de la signature du 20 juin 2012 par Mme F..., employée de la société Nactis, qui le certifie sans que son attestation ne soit critiquée ; qu'à la suite de la signature de la convention, un délai de rétractation de 15 jours calendaires a été respecté conformément à la loi, entre le 20 juin et le 5 juillet 2012 ; que M. Y... n'a pas usé de son droit de rétractation indiqué dans la convention ; que la Direccte du Bas-Rhin a homologué la rupture conventionnelle avec effet au 27 juillet 2012 ; que M. Y... a accepté et signé sans réserve le solde de tout compte le 27 juillet 2012 ; que faute d'établir le vice de son consentement, il a à juste titre été débouté de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que M. Y... n'apporte aucun commencement de preuve tant sur la discrimination liée à son état de santé, que le harcèlement dont il prétend être victime ;

Alors 1°) qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4 du code du travail, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il en résulte que, lorsqu'un salarié soutient qu'il subissait un harcèlement moral ayant vicié son consentement lors de la signature de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, le juge doit examiner les éléments invoqués par le salarié et apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que, dans l'affirmative, le juge apprécie si l'employeur prouve que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, en ayant décidé que M. Y... « n'apporte aucune preuve d'un quelconque harcèlement dont il aurait été victime », cependant qu'il lui appartenait de vérifier s'il établissait des faits qui, dans leur ensemble, étaient de nature à présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11 du code du travail, L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, 1109 et suivants du code civil devenu 1130 et suivants du code civil ;

Alors 2°) que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en déboutant M. Y... de ses demandes, sans avoir examiné l'attestation de Mme A... indiquant qu'« à sa reprise en janvier 2012, Monsieur Y... n'avait toujours pas de poste de travail officiel ; il subissait les critiques et remarques des autres salariés ; il venait se réfugier dans mon bureau (
) ; il était épuisé et déprimé par cette situation », celle de M. B... indiquant que M. Y... « n'avait pas de poste de travail depuis l'arrêt de la production du service Carmin à Strasbourg (
) ; il a subi une mise au placard par la société Nactis depuis l'arrêt de la production du carmin jusqu'à la fin de son contrat. Monsieur Y... était mis à l'écart professionnellement sans poste de travail, sans mission, sans responsabilité, marginalisé totalement », ni celle de M. C... qui confirmait cette situation (pièces communiquées n° 18 à 22 ; conclusions d'appel du 4 juin 2015, p. 7 et 8), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-19448
Date de la décision : 17/10/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 05 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 oct. 2018, pourvoi n°17-19448


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.19448
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