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17/10/2018 | FRANCE | N°17-17935

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 octobre 2018, 17-17935


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A... a vendu à la société de droit américain Life Invest Fund 2 Inc, (le débirentier) un immeuble moyennant un prix converti, pour partie, en rente viagère ; que des rentes n'ayant pas été payées à leur échéance, Mme A... a, le 6 avril 2012, fait signifier au débirentie

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A... a vendu à la société de droit américain Life Invest Fund 2 Inc, (le débirentier) un immeuble moyennant un prix converti, pour partie, en rente viagère ; que des rentes n'ayant pas été payées à leur échéance, Mme A... a, le 6 avril 2012, fait signifier au débirentier un commandement de payer visant la clause résolutoire stipulée au contrat de vente ; que l'acte, délivré au siège social de la société débirentière situé aux Etats-Unis, a été reçu le 24 avril 2012, par une personne se disant habilitée ; que le 30 avril 2012, le débirentier a été mis en redressement judiciaire, en France, sur sa déclaration de cessation des paiements ; que le 9 mai 2012, Mme A... l'a assigné pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de vente et obtenir le paiement de diverses sommes ; que la procédure de redressement judiciaire ayant été convertie en liquidation judiciaire le 23 juillet 2012, Mme A... a mis en cause le liquidateur ;

Attendu que pour déclarer valable le commandement de payer et constater la résolution du contrat de vente viagère par l'acquisition de la clause résolutoire au 24 avril 2012, l'arrêt retient que ladite clause, selon laquelle "il est formellement stipulé qu'à défaut par le débirentier de payer exactement les arrérages de la rente, et en cas de mise en demeure par le crédirentier au débirentier d'avoir à acquitter ladite rente, la vente sera résolue de plein droit, après un simple commandement de payer resté infructueux et contenant déclaration par le crédirentier de son intention d'user du bénéfice de ladite clause" était reproduite dans le commandement, le crédirentier a ainsi manifesté sans ambiguïté sa volonté de la mettre en oeuvre immédiatement et sans délai ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la clause résolutoire prévoyait que la résolution du contrat serait acquise après la délivrance d'un commandement de payer resté infructueux, de sorte que le commandement de payer mettant en oeuvre ladite clause devait impartir un délai au débirentier pour s'acquitter des arrérages impayés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de Mme A... en ce qu'elle tend à l'acquisition de la clause résolutoire, l'arrêt rendu le 1er mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne Mme A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. Y..., ès qualités, et Mme Z..., ès qualités

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré valable le commandement de payer en date du 6 avril 2012, signifié le 24 avril 2012, dit qu'il doit produire ses pleins et entiers effets, et constaté la résolution du contrat de vente viagère conclu par acte authentique du 21 novembre 2006 par l'acquisition de la clause résolutoire contenue à la convention ;

AUX MOTIFS QUE par acte d'huissier du 6 avril2012, Mme Sylvette A... épouse B... a délivré au débirentier un commandement de payer, visant la clause résolutoire, la somme de 6.489,10 euros, représentant les arrérages échus non honorés par la société Life Invest Fund 2 pour les mois de février et mars 2012 ; que ce commandement a été signifié le 24 avril 2012 à « la société Life Invest Fund 2INC, société de droit américain, dont le siège est [...] », remis à l'autorité compétente Process Forwarding International à Seattle, puis transmis par l'agent d'exécution à une personne dénommée Beth D..., qui s'est déclarée « dûment autorisée pour accepter » ; que les parties intimées soutiennent que le commandement de payer n'a pas été reçu par une personne habilitée à recevoir l'acte, n'étant ni salariée de la société, ni son représentant légal, l'acte se trouvant ainsi dépourvu d'effet ; qu'en application des dispositions de l'article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne ; que la signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier, ou à toute autre personne habilitée à cet effet ; qu'il s'agisse d'une signification faite à une personne physique ou à une personne morale, que la signification est considérée comme régulière dès lors que la personne qui reçoit l'acte se déclare être le destinataire de celui-ci ou être habilitée à le recevoir ; que l'huissier n'a pas l'obligation de vérifier l'identité de la personne qui déclare être la destinataire de l'acte, ni l'exactitude de la qualité déclarée de cette dernière, considérée comme titulaire d'un mandat apparent pour recevoir le commandement ; que les intimés font valoir que le commandement impose au débirentier un paiement « sans délai » des arrérages, à peine de résolution de plein droit, mention qui ne permet pas de déterminer la date à laquelle la clause résolutoire du contrat se trouve acquise ; que le commandement du 6 avril 2012 reprend la clause résolutoire inscrite dans l'acte authentique, selon laquelle « il est formellement stipulé qu'à défaut par le débirentier de payer exactement les arrérages de la rente, et en cas de mise en demeure par le crédirentier au débirentier d'avoir à acquitter ladite rente, la vente sera résolue de plein droit, après un simple commandement de payer resté infructueux et contenant déclaration par le crédirentier de son intention d'user du bénéfice de ladite clause » ; que la clause résolutoire étant reproduite dans le commandement, le crédirentier a manifesté sans ambiguïté sa volonté de la mettre en oeuvre « immédiatement et sans délai », tel que précisé expressément, la société Life Invest Fund 2 ne démontrant pas avoir réglé les arrérages dus immédiatement ; que le commandement de payer litigieux a été signifié régulièrement le 24 avril 2012, soit antérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société Life Invest Fund 2, placée en redressement judiciaire le 30 avril 2012 puis en liquidation judiciaire le 23 juillet 2012 ; qu'en conséquence le commandement de payer en date du 6 avril 2012 est valable et doit produire ses pleins et entiers effets ; que les effets de la clause résolutoire contenue au contrat conclu le 21 novembre 2006 sont acquis au 24 avril 2012 ; qu'il convient de constater que la résolution de plein droit dudit contrat ;

1° ALORS QUE la signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet ; qu'il était soutenu que le commandement de payer faisant obligation à la société Life Invest de régler « sans délai » les arrérages échus, à peine de mise en oeuvre de la clause résolutoire, avait été remis à une personne dénommée Beth D..., qui n'était ni représentante, ni employée de la société Life Invest, de sorte que cet acte n'avait jamais été transmis aux dirigeants de celle-ci (pages 5 et 6) ; qu'en affirmant néanmoins que cette signification était régulière, au seul motif que l'acte indiquait que Mme D... s'était déclarée « dûment autorisée pour accepter », sans rechercher si l'huissier avait cherché à délivrer l'acte au représentant légal, un fondé de pouvoir ou une personne habilitée à représenter la société Life Invest, et si Mme Beth D... avait déclaré avoir l'une ou l'autre de ses qualités ou, au moins, être employée par ladite société, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 654 du code de procédure civile ;

2° ALORS, subsidiairement, QUE le commandement de payer visant la clause résolutoire doit indiquer, sans ambiguïté, le délai laissé au débiteur pour s'exécuter et à l'issue duquel le contrat sera considéré comme résolu de plein droit, nonobstant toute offre d'exécution ultérieure ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, page 5), si les mentions du commandement de payer délivré à la société Life Invest, qui se bornaient à exiger un paiement « sans délai » des arrérages impayés et ne précisaient pas à quelle date la résolution du contrat serait acquise, n'étaient pas de nature à créer une certaine ambiguïté de nature à créer une confusion dans l'esprit du débirentier l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions qui lui étaient faites et d'y apporter la réponse appropriée dans le délai requis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3° ALORS, subsidiairement, QU'il résulte des constatations de la cour d'appel que la clause résolutoire stipulait que « la vente sera résolue de plein droit, après un simple commandement de payer resté infructueux » ; qu'en affirmant que la résolution du contrat était acquise dès le 24 avril 2012, soit le jour même de la délivrance du commandement de payer à la société Life Invest aux Etats-Unis, donc sans qu'aucun délai n'ait été laissé à celle-ci pour s'exécuter et empêcher le jeu de la clause résolutoire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Sylvette A... épouse B... doit conserver l'entier montant des sommes par elle encaissées à titre d'arrérages, fixé à la somme de 170.000 € le montant des dommages et intérêts dus par le débirentier en réparation de l'entier préjudice financier par elle supporté et dit que, par l'effet de la compensation légale, le montant du bouquet de 170.000 € doit demeurer acquis à Mme Sylvette A... épouse B...,

AUX MOTIFS QUE le contrat de vente viagère conclu entre les parties prévoit que « les arrérages de rente perçus par le vendeur seront de plein droit définitivement acquis au crédirentier sans recours ni répétition de la part de l'acquéreur défaillant à titre de dommages et intérêts et d'indemnité. La partie du prix payée comptant sera laissée à l'appréciation souveraine des tribunaux » ; qu'il échet de dire qu'en application des stipulations de la convention, qui fait la loi des parties, Madame Sylvette A... épouse B... doit conserver l'entier montant des sommes par elle encaissées à titre d'arrérages ; que la déclaration de cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Life Invest Fund 2 n'est pas nécessaire, contrairement à ce que soutiennent les parties intimées, la résiliation du contrat de vente étant acquise avant l'ouverture de la procédure collective de ladite société ; que sur les dommages et intérêts sollicités, le préjudice supporté par l'appelante est constitué par l'absence de perception de toute rente depuis le 1er février 2012, soit, hors indexation, de la somme de 162.000 euros au 31 août 2016 ; que la carence du débirentier est à l'origine de la dégradation de l'immeuble, qui est justifiée par les pièces communiquées, Mme Sylvette A... épouse B... ayant en outre subi un préjudice financier important, constitué par le fait d'avoir été dépourvue d'une source de revenus devant lui assurer une fin de vie confortable, tout en étant privée, sans contrepartie, de la libre disponibilité du bien ; qu'il convient de chiffrer à la somme de 170.000 euros le montant des dommages et intérêts qui lui sont dus par le débirentier et de dire que, par l'effet de la compensation légale, le montant du bouquet lui demeurera acquis ;

1° ALORS QUE la cassation à intervenir, sur le premier moyen, en ce que l'arrêt a constaté la résolution de plein droit du contrat de vente viagère conclu le 21 novembre 2006, entraînera la cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a dit que Mme Sylvette B... pourrait conserver l'entier montant des sommes par encaissées à titre d'arrérages, en application de la clause pénale prévue en cas de résolution du contrat, ainsi que le bouquet de 170.000 €, en raison de la compensation à opérer entre la créance de restitution de cette somme et les dommages et intérêts qui lui sont dus au titre de l'inexécution de ce contrat, ces dispositions étant la suite et la conséquence de la première, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2° ALORS, subsidiairement, QUE la créance indemnitaire fondée sur une clause pénale conclue antérieurement à l'ouverture de la procédure doit être déclarée, à peine d'inopposabilité de cette créance ; que pour dire que Mme B... pouvait conserver les rentes viagères qui lui avaient été versées jusqu'en janvier 2012, en application de la clause pénale figurant dans l'acte de vente conclu le 21 novembre 2006, soit antérieurement à l'ouverture de la procédure visant la société Life Invest, nonobstant l'absence de toute déclaration de cette créance à ladite procédure, la cour d'appel a retenu qu'une telle déclaration n'était pas nécessaire, la résolution du contrat étant acquise avant l'ouverture de cette procédure ; qu'en statuant par un tel motif, inopérant, cependant que la créance résultait d'un contrat conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure et devait donc être déclarée, et qu'en l'absence de cette déclaration elle était inopposable à cette procédure, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;

3° ALORS, subsidiairement, QUE la créance indemnitaire fondée sur l'inexécution d'un contrat conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure doit être déclarée, à peine d'inopposabilité de cette créance à la procédure ; que la cour d'appel a alloué à Mme B... une somme de 170.000 € au titre de son préjudice résultant du défaut de paiement des rentes viagères et ordonné la compensation de cette somme avec la créance de la société Life Invest au titre de la restitution du bouquet, de même montant, qui lui était due en conséquence de la résolution du contrat ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme B... n'avait pas déclaré à la procédure la seule créance de 76.000 € au titre des accessoires, frais de poursuite et dommages et intérêts résultant de l'inexécution du contrat de vente viagère, sans faire référence à la clause pénale figurant au contrat, et si, en conséquence, sa créance n'était pas inopposable à la procédure au-delà de la somme de 76.000 €, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-24 du code de commerce ;

4° ALORS, subsidiairement et au surplus, QUE la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages-intérêts ; qu'il résulte des constatations de la cour que le contrat de vente viagère a été résolu à l'initiative de Mme B... à compter du 24 avril 2012 ; qu'en allouant néanmoins à Mme B... des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non paiement des rentes viagères entre le 1er février 2012 et le 31 août 2016, soit sur une période essentiellement postérieure à la résolution du contrat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-17935
Date de la décision : 17/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 01 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 oct. 2018, pourvoi n°17-17935


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.17935
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