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17/10/2018 | FRANCE | N°17-17672

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 octobre 2018, 17-17672


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par MM. Y..., Z..., A... et B..., exerçant sous l'enseigne Chomel Dumas Chavane, que sur le pourvoi incident relevé par la société Entreposage havrais et M. C..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société ;

Donne acte à MM. Dominique et Frédéric Y..., Z..., A... et B..., exerçant sous l'enseigne Chomel Dumas Chavane, du désistement de leur pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre les sociétés France intervent

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Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par MM. Y..., Z..., A... et B..., exerçant sous l'enseigne Chomel Dumas Chavane, que sur le pourvoi incident relevé par la société Entreposage havrais et M. C..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société ;

Donne acte à MM. Dominique et Frédéric Y..., Z..., A... et B..., exerçant sous l'enseigne Chomel Dumas Chavane, du désistement de leur pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre les sociétés France intervention et Groupe scutum ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Entreposage havrais, qui était en redressement judiciaire depuis le 28 janvier 2011, s'est vue confier les 8 et 15 avril suivants par la société Transport P. Fatton (la société Fatton) les opérations d'entreposage et de dépotage de cinq conteneurs de téléviseurs importés en France par la société Adméa, assurée par la société Allianz ; que des téléviseurs ayant été volés dans les entrepôts de la société Entreposage havrais, la société Adméa et son assureur ont assigné en responsabilité la société Fatton et la société Entreposage havrais, ainsi que son assureur, la société Groupama transport, aux droits de laquelle est venue la société Gan eurocourtage, devenue la société Helvetia (la société Helvetia), mettant ultérieurement en cause la société Catherine J..., mandataire judiciaire, et M. C..., l'administrateur judiciaire, devenu commissaire à l'exécution du plan ; que MM. D. et F. Y..., B..., Z... et A..., courtiers de la société Adméa (les courtiers) ont désintéressé cette dernière et son assureur et ont été subrogés dans leurs droits ; qu'ils ont à leur tour assigné la société Entreposage havrais et les organes de sa procédure collective ; que la société Entreposage havrais a mis en cause la société Helvetia ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-24 du code de commerce, rendus applicables au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code ;

Attendu que pour fixer la créance des courtiers à la somme de 91 319,21 euros, l'arrêt retient que, la créance étant née du sinistre survenu au cours de la période d'observation, elle n'est pas une créance antérieure au sens de l'article L. 622-24 du code de commerce et n'avait pas à être déclarée ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser si cette créance postérieure réunissait ou non les conditions de son paiement à l'échéance, ce qui aurait justifié, dans le premier cas, la condamnation de la société Entreposage havrais à la régler et, dans le second cas, le prononcé de l'irrecevabilité de la demande formée contre cette dernière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

REJETTE le pourvoi incident ;

Et sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance chirographaire de MM. Y..., Z..., A... et B..., exerçant sous l'enseigne Chomel, Dumas, Chavane, sur la procédure collective de la société Entreposage havrais à la somme de 91 319,21 euros, l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Entreposage havrais et M. C..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Entreposage havrais, M. C..., ès qualités, et MM. Y..., Z..., A... et B..., exerçant sous l'enseigne Chomel, Dumas, Chavane, à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Helvétia assurances et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour MM. Dominique et Frédéric Y..., MM. Z..., A..., B... et la société Chomel Dumas Chavane.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR seulement fixé la créance chirographaire de Messieurs Dominique Y..., Frédéric Y..., Patrice B..., Jérôme Z... et Anthony A... exerçant sous l'enseigne CDC sur la procédure collective de la société Entreprosage Havrais à la somme de 91.319,21 €, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

AUX MOTIFS QUE « faute de pouvoir opposer à ce cabinet de courtiers, subrogé dans les droits de la société ADMEA via la société Allianz ses limitations de garantie contractuellement convenues seulement avec la société Transport Fatton la société Entreprosage Havrais doit voir fixer à son passif chirographaire la somme de 91.319,21 € outre intérêts au taux légal à compter, s'agissant d'une créance indemnitaire du présent arrêt, la circonstance selon laquelle le cabinet de courtier ait été celui de la société Fatton étant sans incidence, dès lors que ledit cabinet ne vient précisément pas aux droits et obligations de cette société » ;

1°) ALORS QUE les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation sont payées à leur échéance et peuvent faire l'objet d'une condamnation en justice, sans que le juge ne puisse les fixer au passif du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la créance des exposants était née d'un sinistre survenu en cours de période d'observation de la société Entreposage Havrais et n'avait donc pas à être déclarée (cf. p. 11) ; que dès lors, en fixant la créance chirographaire de Messieurs Dominique Y..., Frédéric Y..., Patrice B..., Jérôme Z... et Anthony A... exerçant sous l'enseigne CDC sur la procédure collective de la société Entreprosage Havrais sans condamner cette dernière au paiement de sa dette, la cour d'appel a violé les articles L. 622-17, L. 622-21, L. 622-22 et L. 622-24 du Code de commerce ;

2°) ALORS QUE les juges du fond doivent respecter la contradiction, ce qui leur impose notamment de susciter les observations préalables des parties sur les moyens qu'ils envisagent de relever d'office ; qu'en l'espèce, les exposants sollicitaient la condamnation de la société Entreprosage Havrais, sans que celle-ci ne prétende que la créance devrait uniquement être fixée à son passif ; qu'en relevant d'office le moyen selon lequel la créance des exposants devrait être fixée au passif de la société Entreprose Havrais, sans inviter les parties à s'en expliquer préalablement, la cour d'appel a, au surplus, violé l'article 16 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté Messieurs Dominique Y..., Frédéric Y..., Patrice B..., Jérôme Z... et Anthony A... exerçant sous l'enseigne CDC de leurs demandes de condamnation in solidum de la société Helvetia avec la société Entreposage Havrais ;

AUX MOTIFS QUE « cette compagnie d'assurance soutient à bon droit que la garantie RC à l'égard des tiers n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, au profit de son assurée Entreposage Havrais dès lors que les marchandises appartenant certes à un tiers, la société ADMEA, ont été confiées à la société Entreposage Havrais dans le cadre de l'exécution d'un contrat d'entreposage souscrit avec la société Fatton, qui est sa cliente. Seule la garantie RC contractuelle à l'égard des clients avait donc en l'espèce à s'appliquer qui exclut toutefois en son article 3.8.4 des conditions particulières, la garantie en cas de vol des marchandises en cours d'entreposage et de dépotage, garantie que la société Helvetia indique, sans être contredite, avoir été souscrite par son assurée auprès d'une autre compagnie. La société Entreposage Havrais n'est pas non plus fondée à demander la nullité de la clause d'exclusion de garantie sur les risques de vol, d'incendie, d'explosion, de dégâts des eaux et ci-dessus au visa de l'article L. 113-1 du Code des assurances, dès lors que, hors ces cas particuliers d'exclusion ou les autres cas habituels d'exclusion et au regard de l'activité déclarée par la société Entreposage Havrais d'entrepositaire/dépositaire, préparateur de commandes, conditionnement palettisation, le contrat d'assurance a vocation à s'appliquer pour les dommages causés aux clients, aux tiers ou aux préposés, notamment à la suite de manutentions au moyen d'engins appropriés au type de marchandises traitées. Le jugement qui a débouté le cabinet de courtiers et la société Entreprosage Havrais de leur action en garantie contre la compagnie Helvetia doit être confirmé » ;

ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, les exposants rappelaient que, selon la police, la garantie de la compagnie Helvetia, assureur de la société Entreposage Havrais, se subdivisait en deux garanties, « responsabilité civile à l'égard des clients » et « responsabilité civile à l'égard des tiers et des préposés », de sorte que, venant aux droits de la société Admea, qui était un tiers sans lien contractuel avec la société Entreposage Havrais, seule la garantie responsabilité civile à l'égard des tiers leur était applicable ; qu'en décidant pourtant que la garantie responsabilité civile contractuelle à l'égard des clients avait vocation à s'appliquer, au prétexte que les marchandises avaient été confiées par la société Admea à la société Transport Fatton dans le cadre d'un contrat d'entreprosage souscrit par cette dernière, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs la police d'assurance en ses conditions particulières et générales et violé l'article 1103 (ex-1134) du Code civil, ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne peuvent pas dénaturer l'écrit qui leur est soumis. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Entreposage havrais et M. C..., ès qualités.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Entreposage Havrais et Maître C..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement par continuation de la société Entreposage Havrais, de leur demande tendant à ce que la société Helvetia soit condamnée à garantir la société Entreposage Havrais des conséquences préjudiciables du sinistre de l'espèce ;

AUX MOTIFS QUE la compagnie d'assurance Helvetia soutient à bon droit que la garantie RC à l'égard des tiers n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, au profit de son assurée Entreposage Havrais dès lors que les marchandises appartenant certes à un tiers, la société Admea, ont été confiées à la société Entreposage Havrais dans le cadre de l'exécution d'un contrat d'entreposage souscrit avec la société Fatton, qui est sa cliente ; que seule la garantie RC contractuelle à l'égard des clients avait donc en l'espèce à s'appliquer, qui exclut toutefois en son article 3.8.4 des conditions particulières, la garantie en cas de vol des marchandises en cours d'entreposage et de dépotage, garantie que la société Helvetia indique, sans être contredite, avoir été souscrite par son assurée auprès d'une autre compagnie ; que la société Entreposage Havrais n'est pas non plus fondée à demander la nullité de la clause d'exclusion de garantie sur les risques de vol, d'incendie, d'explosion, de dégâts des eaux et... ci-dessus, au visa de l'article L. 113-1 du code des assurances, dès lors que, hors ces cas particuliers d'exclusion ou les autres cas habituels d'exclusion, et au regard de l'activité déclarée par la société Entreposage Havrais d'entrepositaire/dépositaire, préparateur de commandes, conditionnement palettisation, le contrat d'assurance a vocation à s'appliquer pour les dommages causés aux clients, aux tiers ou aux préposés, notamment à la suite de manutentions au moyen d'engins appropriés au type de marchandises traitées ; que le jugement qui a débouté le cabinet de courtiers et la société Entreposage Havrais de leur action en garantie contre la compagnie Helvetia, doit être confirmé ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que, selon la police, la garantie de la compagnie Helvetia, assureur de la société Entreposage Havrais, se subdivisaient en deux garanties, « responsabilité civile à l'égard des clients » et « responsabilité civile à l'égard des tiers et des préposés », de sorte que, venant aux droits de la société Admea, qui était un tiers sans lien contractuel avec la société Entreposage Havrais, seule la garantie responsabilité civile à l'égard des tiers leur était applicable ; qu'en décidant que la garantie responsabilité civile contractuelle à l'égard des clients avait vocation à s'appliquer, au prétexte que les marchandises avaient été confiées par la société Admea à la société Transport Fatton dans le cadre d'un contrat d'entreposage souscrit par cette dernière, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs de la police d'assurance en ses conditions particulières et générales et violé l'article 1103 du code civil, ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne peuvent dénaturer l'écrit qui leur est soumis ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les clauses d'exclusion de garantie doivent être formelles et limitées de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie, sauf à encourir la nullité ; qu'est nulle la clause d'un contrat d'assurance de responsabilité civile à l'égard des clients de l'assuré dans son activité « d'entrepositaire/dépositaire », qui exclut notamment de manière générale les risques de vol des marchandises, d'incendie ou de dégâts des eaux, cette exclusion ayant de surcroît pour effet d'écarter du champ d'application de la police pratiquement tous les dommages susceptibles de résulter de l'exercice d'une telle activité, rendant sans objet la garantie ; qu'en faisant application de cette clause, au motif que la police garantissait encore, nonobstant la clause d'exclusion litigieuse, les dommages liés à la manutention des marchandises, la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-17672
Date de la décision : 17/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Jugement - Créanciers postérieurs - Régime de faveur - Réunion des conditions du paiement à l'échéance de la créance - Précision - Nécessité - Office du juge

Ne donne pas de base légale à sa décision, au regard des articles L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-24 du code de commerce, la cour d'appel qui, pour fixer à une certaine somme la créance de dommages-intérêts résultant du vol de marchandises confiées à une société d'entreposage alors en redressement judiciaire, retient que, la créance étant née du sinistre survenu au cours de la période d'observation, elle n'est pas une créance antérieure au sens de l'article L. 622-24 du code de commerce et n'avait pas à être déclarée, sans préciser si cette créance postérieure réunissait ou non les conditions de son paiement à l'échéance, ce qui aurait justifié, dans le premier cas, la condamnation de la société d'entreposage à la régler et dans le second cas, de prononcer l'irrecevabilité de la demande formée contre cette dernière


Références :

articles L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-24 du code de commerce.

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 09 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 oct. 2018, pourvoi n°17-17672, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, Me Balat, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.17672
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