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17/10/2018 | FRANCE | N°17-15523

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 octobre 2018, 17-15523


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Marseille, 15 mars 2017), statuant en la forme des référés, que la société Apave Sudeurope (la société) a déployé en 2014 et 2015 un projet intitulé Alpha consistant en une automatisation des tâches exercées par le personnel administratif, ce personnel étant amené à se voir confier des tâches commerciales ; que par délibération du 9 décembre 2016, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail pour la

région Sud-Est (le CHSCT) de la société Apave Sudeurope a décidé de recourir à...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Marseille, 15 mars 2017), statuant en la forme des référés, que la société Apave Sudeurope (la société) a déployé en 2014 et 2015 un projet intitulé Alpha consistant en une automatisation des tâches exercées par le personnel administratif, ce personnel étant amené à se voir confier des tâches commerciales ; que par délibération du 9 décembre 2016, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail pour la région Sud-Est (le CHSCT) de la société Apave Sudeurope a décidé de recourir à une mesure d'expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12, 1°, du code du travail ; que la société a saisi le président du tribunal de grande instance d'une demande d'annulation de cette délibération ;

Attendu que le CHSCT fait grief à l'ordonnance de prononcer l'annulation de sa délibération du 9 décembre 2016 alors, selon le moyen :

1°/ que le CHSCT peut faire appel à un expert lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l'établissement ; qu'il peut y être recouru lorsque le risque constaté lors d'une ancienne expertise s'est aggravé ou s'est concrétisé ; qu'en se référant à des expertises réalisées au sein de l'établissement dix-huit et trente mois auparavant sur les mêmes problématiques, sans rechercher, comme il y était invité, si les risques qui y avaient été signalés ne s'étaient pas concrétisés, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 1° du code du travail ;

2°/ que le CHSCT peut faire appel à un expert lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l'établissement ; qu'en refusant de constater qu'il existait un risque psychosocial grave au sein de l'établissement dès lors qu'une enquête réalisée en septembre 2016 avait identifié huit personnes en situation de risque élevé et constaté un risque moyen pour le reste du personnel, le président du tribunal de grande instance a violé l'article L. 4614-12 1° du code du travail ;

3°/ que l'exposant faisait état de ce que l'expertise du cabinet Sextant avait révélé au mois de septembre 2016 un turn-over inquiétant au sein de l'établissement de 8 %, soit de deux points supérieurs au taux national et avait mis en évidence un taux d'absentéisme supérieur à la moyenne nationale et une progression des arrêts maladie de longue durée ; qu'il ajoutait que la médecine du travail avait établi une fiche d'entreprise le 6 janvier 2016 signalant que la mise en place de deux open-spaces avait généré un malaise des assistantes de même que les nouvelles tâches qui leur avaient été confiées ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le CHSCT peut faire appel à un expert lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l'établissement ; qu'en déclarant que les attestations produites par le CHSCT étaient en trop petit nombre, sans rechercher si leurs auteurs étaient des représentants du personnel qui témoignaient de ce qu'ils avaient vu dans l'exercice de leur mandat de la situation de plusieurs de leurs collègues, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 1° du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les quatre attestations de salariés produites par le CHSCT ne sont pas spécialement significatives en ce qu'elles ne mettent en évidence qu'un malaise de certains personnels en lien avec les modifications ayant déjà donné lieu à une expertise diligentée en vertu de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail, que l'enquête Quebec a conclu sur l'échantillon à un résultat général de risque moyen et à l'existence de seulement huit personnes en risque élevé, qu'aucun indicateur (démission, arrêt-maladie, incidents), nonobstant les extraits de l'enquête Sextant invoqués par le CHSCT, ne laisse présumer que le personnel serait exposé à un niveau élevé de probabilité de survenance d'atteintes significatives à son intégrité physique ou mentale ; que cette notion de danger est manifestement réfutée par la teneur du courrier des salariés du site de Nice adressé à un syndicat, le président du tribunal de grande instance, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que l'existence d'un risque grave n'était pas avérée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Apave Sudeurope aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, la condamne à payer la somme de 3 500 euros TTC au CHSCT de la société Apave région Sud-est ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le CHSCT de la société Apave région Sud-Est, Mmes Y..., Z..., J... , F..., G... et MM. A..., B..., C..., D..., E... et H....

Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR prononcé l'annulation de la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 9 décembre 2016 portant désignation d'un expert en application de l'article L. 4614-12 1° du code du travail ;

AUX MOTIFS QUE il résulte des débats et de l'examen des pièces produites, que les éléments objectifs évoqués susceptibles de mettre en évidence l'existence d'un niveau élevé de probabilité de survenance d'atteintes significatives à l'intégrité physique et/ou mentale des salariés spécifiquement en lien avec l'exercice de leur activité professionnelle au sein des sites en cause sont particulièrement réduits et limités ; que le nombre d'attestation est très faible ; que leur teneur n'est pas spécialement significative en ce qu'elle ne met en évidence qu'un malaise de certains personnels, en lien avec les modifications ayant déjà donné lieu à une expertise, insuffisant à caractériser une atteinte significative à leur intégrité physique ou mentale ; qu'une expertise a déjà été diligentée en vertu de l'article L. 4614-12 2° du code du travail ; que les problématiques évoquées demeurent manifestement en lien avec les modifications ayant justifié le recours à l'expertise précédente de sorte qu'elle ne sauraient encore justifier le recours à une nouvelle expertise en application de l'article L. 4614-12 1° alors que l'enquête QUEBEC a conclu sur l'échantillon à un résultat général de risque moyen et 8 personnes en risque élevé ; qu'aucun indicateur (démission, arrêt-maladie, incidents), nonobstant les extraits de l'enquête SEXTANT invoqués par le CHSCT, ne laisse présumer que le personnel serait exposé à un niveau élevé de probabilité de survenance d'atteintes significatives à son intégrité physique et/ou mentale ; que cette notion de danger est du reste manifestement réfutée par la teneur du courrier des salariés du site de Nice adressé à la CGT ; qu'il résulte des énonciations combinées qui précèdent que l'existence d'un niveau élevé de probabilité de survenance d'atteintes significatives à l'intégrité physique et/ou mentale des salariés spécifiquement en lien avec l'exercice de leur activité professionnelle, n'est en l'espèce aucunement caractérisée par des éléments objectifs probants et pertinents suffisants ;

1° ALORS QUE le CHSCT peut faire appel à un expert lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l'établissement ; qu'il peut y être recouru lorsque le risque constaté lors d'une ancienne expertise s'est aggravé ou s'est concrétisé ; qu'en se référant à des expertises réalisées au sein de l'établissement dix-huit et trente mois auparavant sur les mêmes problématiques, sans rechercher, comme il y était invité, si les risques qui y avaient été signalés ne s'étaient pas concrétisés, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 1° du code du travail ;

2° ALORS QUE le CHSCT peut faire appel à un expert lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l'établissement ; qu'en refusant de constater qu'il existait un risque psychosocial grave au sein de l'établissement dès lors qu'une enquête réalisée en septembre 2016 avait identifié huit personnes en situation de risque élevé et constaté un risque moyen pour le reste du personnel, le président du tribunal de grande instance a violé l'article L. 4614-12 1° du code du travail ;

3° ALORS QUE l'exposant faisait état de ce que l'expertise du cabinet Sextant avait révélé au mois de septembre 2016 un turn-over inquiétant au sein de l'établissement de 8 %, soit de deux points supérieurs au taux national et avait mis en évidence un taux d'absentéisme supérieur à la moyenne nationale et une progression des arrêts maladie de longue durée ; qu'il ajoutait que la médecine du travail avait établi une fiche d'entreprise le 6 janvier 2016 signalant que la mise en place de deux openspaces avait généré un malaise des assistantes de même que les nouvelles tâches qui leur avaient été confiées (v. conclusions de l'exposant, p. 18 à 20) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4° ALORS QUE le CHSCT peut faire appel à un expert lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l'établissement ; qu'en déclarant que les attestations produites par le CHSCT étaient en trop petit nombre, sans rechercher si leurs auteurs étaient des représentants du personnel qui témoignaient de ce qu'ils avaient vu dans l'exercice de leur mandat de la situation de plusieurs de leurs collègues, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 1° du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-15523
Date de la décision : 17/10/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Marseille, 15 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 oct. 2018, pourvoi n°17-15523


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15523
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