LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 janvier 2017), que M. Z... a été engagé par la société Manus facilities management le 18 novembre 2008 en qualité d'agent de sécurité ; qu'il a été licencié le 6 mai 2013 ;
Sur le moyen unique :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence à lui payer diverses sommes alors, selon le moyen :
1°/ que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en affirmant que la société de sécurité Manus Facilities Management, supportait la charge de la preuve du bien-fondé du licenciement disciplinaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ en tout état de cause qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, l'employeur produisait, d'une part, les plannings des rondes prévues chaque heure de la vacation de 12 h pour chaque salarié et notamment M. Z... les 8-9, 17-18, 18-19 et 26-27 mars 2013, et d'autre part, les fiches de pointage correspondantes listant les horaires de pointages de chaque salarié, dont il résultait que M. Z... n'avait pas pointé : pour les rondes prévues entre 2 et 3 h et entre 3 et 4 h le 9 mars, pour la ronde prévue entre 2 et 3 h le 18 mars, pour la ronde prévue entre 3 et 4 h le 19 mars et pour la ronde prévue entre 5 et 6 h le 27 mars ; qu'en affirmant que la société versait « aux débats des relevés des rondes nocturnes des gardes intéressant la période considérée, de même qu'un listing intitulé Rundgangkontrolle fur Manus, autant de documents illisibles et dont les contenus ne sont pas explicités par son conseil, à l'examen desquels la cour ne descelle aucun indice pertinent d'un manquement du salarié à ses obligations », la cour d'appel a dénaturé les documents litigieux, en violation du principe susvisé ;
3°/ en outre que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, pour contester les pannes imputées par le salarié aux bornes de pointage, l'employeur soulignait que la société Manus Facilities Management, son actionnaire et son président avaient chacun obtenu autorisation et agrément nécessaires pour exercer le métier de sécurité privée en France, que les systèmes de vidéosurveillance, pointage, contrôle d'entrée et sortie du personnel avaient fait l'objet d'une déclaration à la CNIL, qu'une fois par an la société Securiton qui avait installé le système effectuait un contrôle du système, qu'en dehors de ce contrôle un technicien spécialisé, salarié des propriétaires de la Villa, assurait au quotidien le bon fonctionnement de l'ensemble du système, qu'il était présent sur place en permanence et qu'en cas de panne il était donc à même de la résoudre immédiatement, et enfin que durant les horaires où les faits avaient été reprochés à M. Z..., le système avait parfaitement fonctionné pour ses collègues qui avaient effectué les pointages ; qu'en retenant à l'appui de sa décision, pour en déduire un doute sur la réalité des faits, que le salarié versait aux débats trois attestations émanant de trois agents de sécurité qui furent affectés sur le même chantier, qui témoignent du fait que certaines bornes permettant de certifier leur passage dans la zone sécurisée ne bippaient pas malgré l'introduction de la carte magnétique prévue à cet effet car le système de pointage mis en place par la société Manus Facilities Management était obsolète, sans répondre aux conclusions précitées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ par ailleurs que le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que les parties ont soutenu oralement à l'audience les moyens développés dans leurs conclusions ; que celles-ci ne comportent aucun moyen selon lequel les articles L. 324-1, L. 324-2 et L. 324-3 du code du travail n'étaient pas applicables à l'emploi de M. Z... ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
5°/ qu'aux termes de l'article L. 324-2 du code du travail, auquel renvoie l'article L. 324-3, «Aucun salarié des professions industrielles, commerciales, artisanales ou agricoles ne peut effectuer des travaux rémunérés relevant de ces professions au-delà de la durée maximale du travail, telle qu'elle ressort des lois et règlements en vigueur dans sa profession» ; que l'article L. 8261-1 du code du travail qui en est la recodification à droit constant et était applicable sur la période litigieuse, dispose qu'« aucun salarié ne peut accomplir des travaux rémunérés au-delà de la durée maximale du travail, telle qu'elle ressort des dispositions légales de sa profession » ; que ces textes sont notamment applicables à un agent de sécurité salarié d'une société de prévention et de sécurité privée ; qu'en affirmant que ces dispositions étaient étrangères à l'emploi de M. Z..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
6°/ que l'employeur est en droit, même en l'absence de prévision expresse du contrat, de demander au salarié de remplir régulièrement un formulaire de déclaration de ses éventuelles activités annexes pour s'assurer du respect de la durée maximale de travail ; qu'il en va a fortiori ainsi lorsque le salarié est contractuellement tenu à une obligation d'exclusivité ; qu'en écartant toute faute du salarié qui avait à plusieurs reprises refusé de remplir le formulaire de déclaration de ses éventuelles activités annexes, au prétexte que dans le contrat, il n'était pas prévu de renouveler annuellement cette déclaration, la cour d'appel a violé les articles L. 324-2 et L. 324-3, devenus L. 8261-1 et L. 8261-2, du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu'abstraction faite du motif erroné mais inopérant critiqué par la première branche, la cour d'appel, qui a souverainement estimé sans dénaturation et sans méconnaître le principe de la contradiction, que le licenciement du salarié ne reposait pas sur des faits sérieux et qu'il existait à tout le moins un doute sur la réalité de partie des faits qui lui étaient reprochés, et que ce doute devait légalement profiter au salarié, a retenu, faisant usage des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Manus facilities management aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Manus facilities management à payer à M. Z... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Manus facilities management.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. Z... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, condamné la société Manus Facilities Management à lui payer à les sommes de 15 700 € à titre de dommages et intérêts et 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. Z... a été au service de la société Manus facilities management, en qualité d'agent de sécurité, en vertu d'un contrat de travail qui a pris effet du 18 novembre 2008 au 6 mai 2013, date de la lettre le licenciant motifs pris :
- de son refus d'exécuter son travail,
- du non-respect de la convention collective qui régit les entreprises de prévention et de sécurité, article 6.02 ;
Que cette lettre de licenciement fait état, du 9 au 27 mars 2013, de cinq absences du pointage de ses rondes de la part de l'agent de sécurité Z..., ayant pour mission d'assurer la sécurité intérieure d'une propriété située à Saint-Jean Cap Ferrat ; que la société de sécurité Manus facilities management, qui supporte la charge de la preuve de ce licenciement disciplinaire, verse aux débats des relevés des rondes nocturnes des gardes intéressant la période considérée, de même qu'un listing intitulé Rundgangkontrolle fur MANUS, autant de documents illisibles et dont les contenus ne sont pas explicités par son conseil, à l'examen desquels la cour ne descelle aucun indice pertinent d'un manquement du salarié à ses obligations ; que pour sa défense, le salarié fait utilement observer que son chef d'équipe n'a jamais pointé les absences de rondes qui lui sont reprochées ; que par ailleurs, ce salarié verse aux débats trois attestations, régulières en la forme, émanant de trois agents de sécurité qui furent affectés sur le même chantier, qui témoignent du fait que certaines bornes permettant de certifier leur passage dans la zone sécurisée ne 'bippaient' pas malgré l'introduction de la carte magnétique prévue à cet effet car le système de pointage mis en place par la société Manus facilities management était obsolète, de sorte que l'affirmation selon laquelle les relevés des passages n'auraient pas été effectués est sujette à une contestation sérieuse ; que d'autant que, bien qu'autorisé par ordonnance sur requête du 18 octobre 2013, l'huissier de justice, saisi par le salarié, avec mission de se faire décrire et expliquer la manière dont sont collectées et enregistrées les données qui alimentent le registre retraçant le pointage des rondes des agents de sécurité s'est heurté à un refus de la part du gérant de la société Manus facilities management, qui ne lui a pas même permis de pénétrer sur la propriété, comme en fait foi son constat dressé le 8 novembre 2013 ; que c'eut été pourtant pour cet employeur le moyen le plus simple de démontrer la fiabilité qu'il soutient de ses documents et de son installation de pointage ; que l'employeur de faire également cas dans la lettre de licenciement du refus du salarié de déclarer sur le formulaire prévu à cet effet ses éventuelles activités annexes que les activités qu'il pourrait exercer en dehors de leurs heures de travail, conformément à l'article 6.02 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité qui dispose que Conformément aux articles L. 324-1, L. 324-2 et L. 324-3 du Code du travail, le salarié informera l'employeur des contrats de travail distincts et simultanés qui le lient à d'autres employeurs ; que la cour de relever que l'article ancien L. 324-1 ne concernait que les fonctionnaires, les agents et ouvriers des services publics de l'Etat, des départements et des communes, offices et établissements publics, et [les] personnels commissionnés aux titulaires de la société nationale des chemin de fer français ou des réseaux de chemins de fer d'intérêt local et autres services concédés, compagnies de navigation aériennes et maritimes subventionnées, régies municipales, directes ou indirectes, ainsi qu'au personnel titulaire des organisations de sécurité sociale, d'occuper un emploi privé rétribué ou d'effectuer à titre privé un travail moyennant rétribution et que les articles L. 324-2 et L. 324-3 intéressent le temps de travail au-delà de la durée maximale du travail pour les salariés des professions industrielles, commerciales, artisanales et agricoles, autant de dispositions étrangères à l'emploi de M. Z... dont le conseil, à juste titre, souligne la contradiction ; que surtout, en l'état d'une ancienneté de quatre ans et demi, ce motif de licenciement était futile dès lors que l'employeur ne démontre aucune déloyauté de la part de son salarié employé à temps complet ; qu'à la lumière de ces éléments d'appréciation, la cour dit et juge que le licenciement disciplinaire de M. Z... ne repose pas sur des faits sérieux établis par son employeur, et, à tout le moins, qu'il existe un doute sur la réalité de partie des faits qui lui sont reprochés, lequel doit légalement profiter à ce salarié ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE lors de la signature du contrat de travail, dans son article 13, M. Y... Z... s'engage à travailler uniquement pour la SAS Manus facilities management ; que dans le contrat, il n'est pas prévu de renouveler annuellement cette attestation ; que l'employeur ne prouve pas que M. Y... Z... ait un autre travail, c'est au salarié à le déclarer ; qu'il y a lieu de dire et juger que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et qu'il convient de reconnaître que le licenciement est abusif ;
1. ALORS QUE la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en affirmant que la société de sécurité Manus Facilities Management, supportait la charge de la preuve du bien-fondé du licenciement disciplinaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-1 du code du travail ;
2. ALORS en tout état de cause QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, l'employeur produisait, d'une part, les plannings des rondes prévues chaque heure de la vacation de 12 h pour chaque salarié et notamment M. Z... les 8-9, 17-18, 18-19 et 26-27 mars 2013, et d'autre part, les fiches de pointage correspondantes listant les horaires de pointages de chaque salarié, dont il résultait que M. Z... n'avait pas pointé : pour les rondes prévues entre 2 et 3 h et entre 3 et 4 h le 9 mars, pour la ronde prévue entre 2 et 3 h le 18 mars, pour la ronde prévue entre 3 et 4 h le 19 mars et pour la ronde prévue entre 5 et 6 h le 27 mars ; qu'en affirmant que la société versait « aux débats des relevés des rondes nocturnes des gardes intéressant la période considérée, de même qu'un listing intitulé Rundgangkontrolle fur MANUS, autant de documents illisibles et dont les contenus ne sont pas explicités par son conseil, à l'examen desquels la cour ne descelle aucun indice pertinent d'un manquement du salarié à ses obligations », la cour d'appel a dénaturé les documents litigieux, en violation du principe susvisé ;
3. ALORS en outre QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, pour contester les pannes imputées par le salarié aux bornes de pointage, l'employeur soulignait que la société Manus Facilities Management, son actionnaire et son président avaient chacun obtenu autorisation et agrément nécessaires pour exercer le métier de sécurité privée en France, que les systèmes de vidéosurveillance, pointage, contrôle d'entrée et sortie du personnel avaient fait l'objet d'une déclaration à la CNIL, qu'une fois par an la société Securiton qui avait installé le système effectuait un contrôle du système, qu'en dehors de ce contrôle un technicien spécialisé, salarié des propriétaires de la Villa, assurait au quotidien le bon fonctionnement de l'ensemble du système, qu'il était présent sur place en permanence et qu'en cas de panne il était donc à même de la résoudre immédiatement, et enfin que durant les horaires où les faits avaient été reprochés à M. Z..., le système avait parfaitement fonctionné pour ses collègues qui avaient effectué les pointages (conclusions d'appel, p. 16-18) ; qu'en retenant à l'appui de sa décision, pour en déduire un doute sur la réalité des faits, que le salarié versait aux débats trois attestations émanant de trois agents de sécurité qui furent affectés sur le même chantier, qui témoignent du fait que certaines bornes permettant de certifier leur passage dans la zone sécurisée ne bippaient pas malgré l'introduction de la carte magnétique prévue à cet effet car le système de pointage mis en place par la société Manus Facilities Management était obsolète, sans répondre aux conclusions précitées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4. ALORS par ailleurs QUE le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt (p. 3) que les parties ont soutenu oralement à l'audience les moyens développés dans leurs conclusions ; que celles-ci ne comportent aucun moyen selon lequel les articles L. 324-1, L. 324-2 et L. 324-3 du code du travail n'étaient pas applicables à l'emploi de M. Z... ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
5. ALORS QUE aux termes de l'article L. 324-2 du code du travail, auquel renvoie l'article L. 324-3, « Aucun salarié des professions industrielles, commerciales, artisanales ou agricoles ne peut effectuer des travaux rémunérés relevant de ces professions au-delà de la durée maximale du travail, telle qu'elle ressort des lois et règlements en vigueur dans sa profession » ; que l'article L. 8261-1 du code du travail qui en est la recodification à droit constant et était applicable sur la période litigieuse, dispose qu'« aucun salarié ne peut accomplir des travaux rémunérés au-delà de la durée maximale du travail, telle qu'elle ressort des dispositions légales de sa profession » ; que ces textes sont notamment applicables à un agent de sécurité salarié d'une société de prévention et de sécurité privée ; qu'en affirmant que ces dispositions étaient étrangères à l'emploi de M. Z..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
6. ALORS QUE l'employeur est en droit, même en l'absence de prévision expresse du contrat, de demander au salarié de remplir régulièrement un formulaire de déclaration de ses éventuelles activités annexes pour s'assurer du respect de la durée maximale de travail ; qu'il en va a fortiori ainsi lorsque le salarié est contractuellement tenu à une obligation d'exclusivité ; qu'en écartant toute faute du salarié qui avait à plusieurs reprises refusé de remplir le formulaire de déclaration de ses éventuelles activités annexes, au prétexte que dans le contrat, il n'était pas prévu de renouveler annuellement cette déclaration, la cour d'appel a violé les articles L. 324-2 et L. 324-3, devenus L. 8261-1 et L. 8261-2, du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.