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17/10/2018 | FRANCE | N°16-15352

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 octobre 2018, 16-15352


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés du groupe Oxymétal ont été mises en redressement judiciaire le 11 mai 2011 ; que les 1er et 2 août 2011, M. Y..., directeur stratégie, a signé avec un fonds d'investissement, la société Sequor Invest 4, un accord relatif à la poursuite des activités du groupe Oxymétal, prévoyant la présentation d'un plan de redressement ou, si celui-ci s'avérait impossible, d'un plan de cession avec le soutien opérationnel de M. Y..., ce dernier bénéficiant d'un «

management package » ; que par un jugement du 12 octobre 2011, le tribunal ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés du groupe Oxymétal ont été mises en redressement judiciaire le 11 mai 2011 ; que les 1er et 2 août 2011, M. Y..., directeur stratégie, a signé avec un fonds d'investissement, la société Sequor Invest 4, un accord relatif à la poursuite des activités du groupe Oxymétal, prévoyant la présentation d'un plan de redressement ou, si celui-ci s'avérait impossible, d'un plan de cession avec le soutien opérationnel de M. Y..., ce dernier bénéficiant d'un « management package » ; que par un jugement du 12 octobre 2011, le tribunal a arrêté le plan de cession au bénéfice de la société Sequor Invest 4, cette dernière prenant alors la dénomination de société Oxymétal ; que le 29 novembre 2011, la société Oxymétal, reprochant à M. Y... d'avoir présenté un plan concurrent à celui présenté par la société Sequor Invest 4, d'avoir ainsi fragilisé ce dernier et de l'avoir contrainte à présenter une offre de cession alternative plus importante, lui a notifié la résolution de l'accord ; que M. Y... a été licencié de son poste de directeur stratégie le 16 décembre 2011 ; qu'estimant abusive la résiliation unilatérale de l'accord, M. Y... a assigné la société Oxymétal ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que l'accord relatif à la poursuite des activités du groupe Oxymétal a été résilié unilatéralement, sans motif légitime et abusivement par la société Oxymétal, constater que M. Y... n'a jamais failli au respect des engagements pris aux termes de l'accord des 1er et 2 août 2011, constater que les griefs à l'appui desquels la société Oxymétal a entendu procéder à la résolution de l'accord sont infondés, et rejeter les demandes de la société Oxymétal :

Attendu que, les motifs critiqués n'étant pas le soutien des chefs de dispositif attaqués, le moyen est inopérant ;

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que la société Oxymétal fait grief à l'arrêt de dire que le non-respect de ses engagements par la société Oxymétal crée un préjudice à M. Y... qu'il conviendra de réparer, et de condamner la société Oxymétal à payer à M. Y... la somme de 300 000 euros au titre de l'option d'achat dont il aurait dû bénéficier en application de l'accord des 1er et 2 août 2011 alors, selon le moyen, qu'il appartient aux juges du fond de déterminer précisément la probabilité que la chance ait pu se réaliser puis d'évaluer le montant du préjudice résultant de cette perte de chance ; qu'en allouant la somme de 300 000 euros au titre de la perte de chance de percevoir l'indemnité forfaitaire et la somme de 300 000 euros au titre de la perte de chance inhérente à l'option d'achat des actions, sans déterminer les probabilités que lesdites chances se réalisent ni même sans s'expliquer sur l'évaluation du préjudice réparé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'en procédant à la résolution de l'accord sur des griefs infondés, la société Oxymétal a privé M. Y... du bénéfice de l'annexe 5 dite « management package », que cette privation est à l'origine de la perte de la chance de percevoir l'indemnité prévue dans cette annexe si l'accord avait été exécuté par la société Oxymétal et de voir exécuter la promesse de la société Sequor Invest 4 de l'associer à hauteur de 10 % du capital de la nouvelle société Oxymétal et que M. Y... rapporte la preuve que l'augmentation de capital, décidée le 31 décembre 2012, valorise cette dernière à hauteur de 10 000 000 euros ; qu'il retient ensuite que les 10 % qui auraient été attribués à M. Y... vaudraient donc aujourd'hui 1 000 000 euros, que pour les obtenir ce dernier aurait dû payer ces 10 % à leur valeur initiale, soit 100 000 euros, et que la somme de 300 000 euros constituera le dédommagement de la perte de chance inhérente à l'option d'achat des actions ; que le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel du montant du préjudice subi par M. Y... en raison de la disparition actuelle et certaine de la probabilité favorable de détenir les actions promises, n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner la société Oxymétal à payer à M. Y... la somme de 300 000 euros au titre de l'indemnité forfaitaire qu'il aurait dû percevoir en application de l'accord des 1er et 2 août 2011, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'en procédant à la résolution de l'accord sur des griefs infondés, la société Oxymétal a privé M. Y... du bénéfice des dispositions de l'article 10 de cet accord relatif au « management package », que cette privation est à l'origine de la perte d'une chance parce qu'il existe une perte ainsi qu'une probabilité que soit survenue l'indemnisation prévue dans ce « management package » si l'accord avait été exécuté par la société Oxymétal, que ce dommage est certain, le contrat étant résolu et la chance étant définitivement perdue, que le gain était certain puisque contractuellement défini, que le point 10 de l'accord détermine le « golden parachute » comme étant la mise en place d'une indemnité forfaitaire de 300 000 euros en cas de cessation de son mandat social pour une cause assimilable à un départ non fautif et que le montant de l'indemnité contractuelle de départ de M. Y... est de 300 000 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Oxymétal à payer à M. Y... la somme de 300 000 euros au titre de l'indemnité forfaitaire qu'il aurait dû percevoir en application de l'accord des 1er et 2 août 2011, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Oxymétal la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Oxymétal.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a : - dit que l'accord relatif à la poursuite des activités du groupe OXYMETAL a été résilié unilatéralement, sans motif légitime et abusivement par la société OXYMETAL SAS, - constaté que M. Y... n'a jamais failli au respect des engagements pris aux termes de l'accord des 1er et 2 août 2011, - constaté que les griefs à l'appui desquels la société OXYMETAL SAS a entendu procéder à la résolution de cet accord sont infondés, - dit que le non-respect de ses engagements par la société OXYMETAL SAS crée un préjudice à M. Bernard Y... qu'il conviendra de réparer, - débouté la société OXYMETAL de sa demande principale, - condamné la société OXYMETAL SAS à payer à M. Bernard Y... la somme de 300.000€ au titre de l'indemnité forfaitaire qu'il aurait dû percevoir en application de l'accord des 1er et 2 août 2011, - condamné la société OXYMETAL SAS à payer à M. Bernard Y... la somme de 300.000€ au titre de l'option d'achat dont il aurait dû bénéficier en application de l'accord des 1er et 2 août 2011, - débouté la société OXYMETAL SAS de l'ensemble du surplus de ses demandes ;

Aux motifs que « le fait que le tribunal de commerce ait mentionné, avec exactitude d'ailleurs, que l'accord susvisé ne comportait aucune clause résolutoire est sans conséquence juridique puisque la résolution unilatérale à laquelle a procédé la société Oxymétal a été soumise à l'examen du tribunal de commerce comme elle est soumise à celui de la cour et ce conformément à l'article 1184 du code civil ; sur les différentes fautes reprochées par la société appelante à M. Y..., soit la dissimulation de son intention de présenter un plan personnel, le soutien de ce plan personnel lors de l'audience de présentation des offres, les menaces de faire financer son plan personnel par des concurrents avant que le Tribunal ne rende son jugement, la cour constate que le tribunal a répondu point par point en rappelant : que le tribunal de commerce, dans son jugement du 12 octobre 2011, avait, sans équivoque, rappelé les raisons le conduisant à choisir le plan de cession et à retenir parmi les 4 repreneurs possibles l'offre de la société Sequor Invest 4 à hauteur de 7 000 000 euros ainsi que la décision de M. Y... de se ranger à l'idée d'un plan de cession en renonçant à son plan de continuation déposé le 19 décembre 2011 ; que la société Sequor Invest 4 avait déjà défini les sommes qu'elle entendait investir dans l'affaire Oxymétal soit une somme maximum de 11 000 000 euros et 7 000 000 euros pour la mise en oeuvre du plan ; que le représentant de l'investisseur anglais Sequor Invest 4, M. Jean-Frédéric A... était informé du plan de continuation dit « Y... seul » dont M. Y... avait expliqué les raisons ; que la bonne foi de M. Y... qui a fait ce qu'il devait faire en de telles circonstances pour respecter ses engagements en les adaptant aux contraintes légales et qu'il a été destinataire d'un mail de M. Jean-Frédéric A... lui répondant en retour « très bien » ; que la cour estime qu'au travers des pièces produites par la société appelante, cette dernière ne rapporte pas davantage la preuve de la faute dirimante commise par M. Y... qui aurait soutenu son plan personnel lors de l'audience de présentation des offres alors qu'il résulte des mails produits (mail du 17 septembre 2011 de M. A... à M. Y... - mail du 18 septembre 2011 entre M. Y... et M. A... - mail du 19 septembre 2011 comportant en annexe le plan de continuation en question) que le partenaire contractuel de M. Y... était informé de ce plan de continuation et qu'il n'a dont pas été mis devant le fait accompli ; que l'attestation en date du 28 janvier 2014 de M. A..., dirigeant actuel d'Oxymétal ne peut constituer une preuve contraire admissible au regard des rapports professionnels unissant le témoin à la société pour laquelle il témoigne ; que l'appelant ne justifie pas en outre en quoi ce plan de continuation a mis en péril le plan alternatif prévu par l'accord soit le plan de cession qui a été admis par le tribunal conformément au document intitulé « modifications et améliorations du plan de cession subsidiaire » ; que sur les pressions exercées par Monsieur Y..., la cour constate que la seule pièce produite par l'appelante est un document rédigé en langue anglaise et non traduit émanant de M. Xavier B... qui serait l'avocat de M. Y..., document qui ne peut être exploité par la cour ; qu'enfin, sur le refus par M. Y... de voter la neuvième résolution de l'assemblée générale d'OXYMETAL du 3 octobre 2011, la cour ne peut que constater la carence probatoire de l'appelante qui ne produit aucune pièce ni sur le contenu du vote de M. Y..., ni sur l'impact du dit vote sur le contenu de ses obligations ; qu'en conséquence, la cour confirme la décision des premiers juges qui a constaté la résiliation unilatérale et sans motif légitime par la société Oxymétal de l'accord relatif à la poursuite des activités du groupe Oxymétal et retenu que M. Y... n'avait pas failli aux respects de ses engagements » (arrêt p. 5 à 7) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « le Tribunal, rappelant que l'article 1134 du code civil s'applique en l'espèce, constate que la lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2011 (pièce n° 7 demandeur) - adressée par Monsieur Jean-Frédéric A..., Président de la Société OXYMETAL SAS à Monsieur Bernard Y... - indique que la violation des obligations essentielles « nous conduit à vous notifier (la résolution du contrat (des 1er et 2 août 2011), toutes réserves étant faites quant à l'indemnisation des préjudices causés par votre comportement déloyal » et que, partant, cette rupture est unilatérale ; qu'à l'examen attentif de l'accord relatif à la poursuite des activités du Groupe OXYMETAL - signé par les parties le ler août 2011 à Paris et 2 août 2011 à Bordeaux (pièce n° 3 demandeur) - celui-ci ne stipule aucune clause résolutoire ; que, selon les termes de l'article 1184 alinéa 3 du code civil « (...) la résolution aurait dû être demandée en justice (...) » ; que les termes du jugement du Tribunal de céans, en date du 12 octobre 2011 (pièce n° 6 demandeur), sont sans équivoque possible sur les raisons qui le conduisent à choisir le plan de cession, en renonçant au plan de continuation et de retenir parmi les quatre repreneurs possibles l'offre anglaise de la Société SEQUOR INVEST 4 (avec les avis favorables du Mandataire Judiciaire, du Contrôleur AGS UNEDIC, des IRP, ainsi que la réponse aux interrogations de Madame le Procureur de la République de Bordeaux) à hauteur de 7.000.000,00 € ; sur la décision de Monsieur Bernard Y... - compte-tenu : en premier lieu de l'insuffisance des moyens financiers nécessaires à sa disposition pour développer un plan de continuation, en deuxième lieu de l'impossibilité de développer seul un plan de continuation auquel l'Administrateur Judiciaire n'apporte pas son soutien de se ranger à l'idée d'un plan de cession, en renonçant au plan de continuation qu'il avait déposé au Greffe du Tribunal de Commerce de Bordeaux le 19 décembre 2011 et d'approuver la proposition de l'Administrateur Judiciaire de procéder par cession d'actifs de la société OXYMETAL SA ; que dès le 1er août 2011 (pièce n°3 pages 9 et 19 demandeur), l'investisseur anglais la Société SEQUOR INVEST 4 définit les sommes qu'il entend investir dans l'affaire OXYMETAL : « somme maximum de 11.000.000,00 € que l'investisseur est disposé à investir dans une SPV (...) » et plus loin « L'investisseur et Monsieur Bernard Y... ont conjointement estimé, que les besoins en trésorerie nécessaires à la mise en oeuvre du plan (...) s'élèveraient à 7.000.000,00 € » ; que le mail qu'adresse le 22 septembre 2011 Monsieur Bernard Y... à Monsieur Jean-Frédéric A... représentant l'investisseur anglais Société SEQUOR INVEST 4 (pièce n°23 demandeur) postérieurement au jugement du Tribunal de Commerce de Bordeaux relatif au plan de cession et au choix de ce dernier, explique clairement la raison d'un plan de continuation dit « Y... seul » « j'ai présenté un plan de continuation. Il avait vocation à n'être présenté qu'en cas de retrait du plan de continuation dit Y...-SEQUOR, qui avait notre préférence, mais qui n'a pu aboutir du fait de, l'échec des négociations avec les Banques (...) n'a pas été fait de façon hostile vis-à-vis de SEQUOR » ; que ce même mail démontre la bonne foi de Monsieur Bernard Y... qui fait ce qu'il doit faire en de telles circonstances pour respecter ses engagements en les adaptant aux contraintes légales et que d'ailleurs, Monsieur Jean-Frédéric A..., représentant l'investisseur anglais Société. SEQUOR INVEST 4 (pièce n°23 demandeur), lui répond en retour « Très bien » ; que le Tribunal observe que, moins d'un mois avant l'audience du Tribunal de Commerce de Bordeaux du 12 octobre 2011, Monsieur Jean-Frédéric A... représentant alors l'investisseur anglais la Société SEQUOR INVEST 4, indique clairement dans un mail qu'il adresse à Monsieur Bernard Y... le 25 septembre 2011 « (...) c'est clair que j'ai besoin de votre aide pour que nous arrivions à un résultat (...) », ceci signifiant qu'il faut emporter l'affaire par tous les moyens ; que le traitement de la dette OXYMETAL, conformément aux stipulations de article 3 de l'accord relatif à la poursuite des activités (pièce n°3 page 16 et 17 demandeur) ne peut se réaliser compte-tenu du refus des Banques de financer ladite dette (pièce n° 6 demandeur) et que, par conséquent, le reproche ne peut en être fait par la Société OXYMETAL SAS à Monsieur Bernard Y... ; que les obligations inhérentes aux articles 4 et 5 de l'accord (dites «opérations sur le capital de la Société OXYMETAL SA et traitement des OCÉANES ») n'est envisageable que postérieurement à la décision du Tribunal de céans en date du 12 octobre 2011 et que, 1 mois après cette date, Monsieur Bernard Y... subit à la fois la résolution du contrat et l'engagement de la procédure de licenciement en sa qualité de Directeur stratégie de la Société OXYMETAL SAS, par la défenderesse ; que la réalisation des obligations inhérentes à l'article 8 de l'accord dit « engagements de Monsieur Bernard Y... (pièces n°3 page 20 demandeur) n'est pas globalement contestée par la Société OXYMETAL SAS, à l'exception toutefois de la présentation du plan de continuation dit « Y... seul » pour laquelle le Tribunal rappelle que l'explication est donnée par le demandeur dans son mail du 22 septembre 2011 et de la réponse du défendeur qui enregistre cette présentation en la connotant de la mention « très bien » ; que le Tribunal remarque, à l'examen attentif du dossier, que la Société OXYMETAL SAS ne rapporte pas la preuve que Monsieur Bernard Y... a commis une faute grave dans l'exécution de l'accord des 1er et 2 août 2011, caractérisant des manquements graves, une violation délibérée de ses obligations essentielles ou un comportement déloyal ; qu'en conséquence du tout, le Tribunal dira que l'accord relatif à la poursuite des activités du Groupe OXYMETAL a été résilié unilatéralement, sans motif légitime et abusivement par la Société OXYMETAL SAS ; constatera que Monsieur Bernard Y... n'a jamais failli au respect des engagements pris aux termes de l'accord des 1er et 2 août 2011 ; constatera que les griefs à l'appui desquels la Société OXYMETAL SAS a entendu procéder à la résolution de cet accord sont infondés ; dira que le non-respect de ses engagements par la société OXYMETAL SAS crée un préjudice à Monsieur Bernard Y... qu'il conviendra de réparer » (jugement p. 9 à 12) ;

1° Alors que manque à son obligation de bonne foi le dirigeant qui dissimule jusqu'au dernier moment son intention de présenter un plan personnel, qui le soutient lors de l'audience de présentation des offres et menace de le faire financer par des concurrents ; qu'en rejetant la demande de la société OXYMETAL qui faisait état des différentes fautes commises par Monsieur Y... en violation de son obligation de loyauté au motif que le partenaire contractuel de Monsieur Y... était informé de ce plan de continuation et qu'il n'a pas été mis devant le fait accompli, sans rechercher en quoi le comportement de ce dernier était conforme à ses obligations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil ;

2° Alors que le juge ne peut dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu'en retenant, pour dire que Monsieur Y... était de bonne foi en présentant un plan de continuation personnel, qu'il a été destinataire d'un mail (production) de M. Jean-Frédéric A... lui répondant en retour « très bien », cependant que Monsieur A... ne faisait ainsi que donner un avis sur un projet de mail rédigé par Monsieur Y... le lendemain de l'audience et à destination des représentants des salariés, ce qui ne constituait en rien une approbation du comportement de Monsieur Y... lors de la procédure collective, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce courrier, en violation de l'article 1134 du code civil ;

3° Alors par ailleurs que le juge méconnaît les termes du litige lorsqu'il nie un fait constant du dossier, dont l'exactitude n'est pas contestée et est même reconnue par la partie adverse ; que dès lors, en retenant, pour exclure le manquement de Monsieur Y... à son engagement de voter en faveur de la neuvième résolution de l'assemblée générale du 3 octobre 2011, une prétendue carence probatoire de la société OXYMETAL qui ne produirait aucune pièce ni sur le contenu du vote de M. Y... ni sur l'impact dudit vote sur le contenu de ses obligations, cependant même que M. Y... reconnaissait avoir voté « contre » dans ses écritures (p. 29), et que cet élément n'avait jamais été contesté par quiconque, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4° Alors en outre que dans ses conclusions d'appel (production, p. 10 et p. 21), la société OXYMETAL avait traduit en langue française une pièce établie en langue étrangère ; qu'en retenant, pour dire que la société OXYMETAL n'établissait pas les pressions exercées par Monsieur Y... afin d'obtenir des conditions financières plus avantageuses, que « la seule pièce produite par l'appelante est un document rédigé en langue anglaise et non traduit émanant de M. Xavier B... qui serait l'avocat de M. Y..., document qui ne peut être exploité par la cour », cependant que la société OXYMETAL avait traduit ce document dans le corps de ses écritures, la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

5° Alors en tout état de cause que le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'il ne peut relever d'office un moyen sans inviter les parties à formuler des observations ; qu'au cas présent, en relevant d'office le moyen tiré la prétendue absence de traduction de la pièce produite par la société OXYMETAL rédigée en langue anglaise sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, ou à traduire ladite pièce si son énoncé dans la langue la plus parlée au monde posait la moindre difficulté, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

6° Alors enfin qu'en écartant un document au motif qu'il serait en langue anglaise et donc inexploitable par la cour, quand elle avait le pouvoir d'imposer à la société OXYMETAL la production d'une traduction jurée de la pièce en question, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir négatif et violé l'article 12 du code de procédure.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a : - dit que l'accord relatif à la poursuite des activités du groupe OXYMETAL a été résilié unilatéralement, sans motif légitime et abusivement par la société OXYMETAL SAS, - constaté que M. Y... n'a jamais failli au respect des engagements pris aux termes de l'accord des 1er et 2 août 2011, - constaté que les griefs à l'appui desquels la société OXYMETAL SAS a entendu procéder à la résolution de cet accord sont infondés, - dit que le non-respect de ses engagements par la société OXYMETAL SAS crée un préjudice à M. Bernard Y... qu'il conviendra de réparer, - débouté la société OXYMETAL de sa demande principale, - condamné la société OXYMETAL SAS à payer à M. Bernard Y... la somme de 300.000€ au titre de l'indemnité forfaitaire qu'il aurait dû percevoir en application de l'accord des 1er et 2 août 2011, - condamné la société OXYMETAL SAS à payer à M. Bernard Y... la somme de 300.000€ au titre de l'option d'achat dont il aurait dû bénéficier en application de l'accord des 1er et 2 août 2011, - débouté la société OXYMETAL SAS de l'ensemble du surplus de ses demandes ;

Aux motifs que « la cour constate que le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties d'ailleurs repris en appel en détaillant la perte de chance subie par l'intimé et en soulignant la probabilité que cette chance ait pu se réaliser, chance d'obtenir un gain qui était certain puisque contractuellement défini tant en ce qui concerne l'indemnité forfaitaire que l'option d'achat des action ; il convient en conséquence d'adopter les motifs pertinents des premiers juges et de confirmer le jugement déféré sur le montant de l'indemnisation allouée à M. Y... » (arrêt attaqué, p. 7) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « Le Tribunal rappelle sa décision aux termes de laquelle le non-respect de ses engagements par la Société OXYMETAL SAS crée un préjudice à Monsieur Bernard Y... qu'il conviendra de réparer ; que le Tribunal observe qu'en procédant la résolution de l'accord relatif à la poursuite des activités du Groupe OXYMETAL des ler et 2 août 2011 sur des griefs infondés, la Société OXYMETAL SAS prive Monsieur Bernard Y... du bénéfice des dispositions de l'article 10 dudit accord relatif au management package (Pièce n°3 demandeur pages 23 à 26) ; que cette privation est à l'origine de la perte d'une chance, parce qu'il existe en l'espèce une perte ainsi qu'une probabilité que soit survenue l'indemnisation prévue dans le management package si l'accord susvisé avait été exécuté par la Société OXYMETAL SAS ; que ce dommage est certain, le contrat étant résolu et la chance étant définitivement perdue ; que, de surcroit, le gain était certain puisque contractuellement défini ; Que le point 10.3 de l'accord détermine le « golden parachute » en ces termes « Mise en place au profit de Monsieur Bernard Y... d'une indemnité forfaitaire de 300.000,00 € (...) en cas de cessation de son mandat social pour une cause assimilable à un départ non fautif. Cette indemnité sera réduite de 50 % si la moyenne des résultats nets du Groupe OXYMETAL est, à la date de cessation de son mandat social inférieure à 65 % de la moyenne des résultats nets du Groupe telle qu'elle ressort du business plan » ; que la Société OXYMETAL SAS ne peut revendiquer l'inapplication du management package à Monsieur Bernard Y... sur le motif que ce dernier n'est pas autorisé par jugement à entrer dans le capital de la société, en vertu des dispositions de l'article L. 642-3 du code de commerce, puisque cette autorisation n'aurait pu l'être que par requête conjointe des parties, ce qui ne se pouvait puisque l'homologation du plan de cession par le Tribunal et rupture du contrat de travail par la Société OXYMETAL SAS interviennent dans un laps de temps très court, Que le Groupe OXYMETAL est défini dans l'accord comme étant « la société OXYMETAL et ses filiales à un moment donné » et que l'accord est lui-même signé par : Monsieur Bernard Y..., l'investisseur et la société OXYMETAL, d'une part, mais aussi par les différentes filiales ORN'OXYCOUPAGE, OXY ACIER, OXYMETAL CENTRE, ACIER SOUDE, OSC, OXYMETAL BOURGOGNE, OXYMETAL EST, OXYMETAL NORMANDIE, OXYMETAL OUEST, OXYMETAL SUD-OUEST, OXYNORD, OXYFLASU, d'autre part ; que la Société OXYMETAL SAS pour expliquer sa demande infiniment subsidiaire d'une indemnité de golden parachute à hauteur de 150.000,00 €, se fonde sur des liasses fiscales 2011 et 2012 relatives à la seule holding Société OXYMETAL SAS qui n'a plus d'activité industrielle et, partant, ne reflète plus les résultats de l'ensemble du Groupe ; qu'in fine, le montant de l'indemnité contractuelle de départ de Monsieur Bernard Y... est bien de 300.000,00 € ; sur l'option d'achat des actions ; le Tribunal constate qu'en procédant à la résolution de l'accord relatif à la poursuite des activités du Groupe OXYMETAL des 1er et 2 août 2011 sur des griefs infondés, la Société OXYMETAL SAS prive Monsieur Bernard Y... du bénéfice des dispositions de l'annexe 5 dite management package et de l'annexe A de l'annexe 5 dite tableau des promesses (Pièce n°3 demandeur annexe 5 pages 1 à 4) ; que cette privation est à l'origine de la perte d'une chance, parce qu'il existe en l'espèce une perte ainsi qu'une probabilité que soit survenue l'indemnisation prévue dans le management package si l' accord susvisé avait été exécuté par la Société OXYMETAL SAS ; que le SPV (Special Particular Vehicle ou société dédiée) n'ayant pu se constituer, la valorisation du mécanisme dit de «good leaver», tel qu'il est prévu par l'annexe A (tableau, des promesses page 4) ne peut s'appliquer ; que le Tribunal remarque néanmoins que contractuellement et aux termes de l'annexe 5 de l'accord, l'investisseur la Société SEQUOR INVEST 4 SASU promet à Monsieur Bernard Y... de l'associer à hauteur de 10 % du capital de la nouvelle société OXYMETAL SAS ; que Monsieur Bernard Y... rapporte la preuve que l'augmentation de capital, décidée par l'Assemblée Générale de la Société OXYMETAL SAS le 31 décembre 2012, valorise cette dernière à hauteur de 10.000.000,00 €, le capital étant composé de 1.000.000 d'actions de 1,00 € valorisées pour chacune d'entre elles à 10,00 € (pièce n° 27 demandeur) ; Que les 10 % qui auraient dû être attribués à Monsieur Bernard Y... en application dudit accord, vaudraient donc aujourd'hui 1.000.000,00 €, que pour les obtenir, ce dernier aurait dû payer ces 10 % à leur valeur initiale, soit 100.000,00 € ; le Tribunal estimera que la somme de 300.000,00 € constituera le dédommagement de la perte de chance inhérente à l'option d'achat des actions » (jugement p. 14 à 17) ;

1° Alors d'une part que la notion de perte de chance a nécessairement pour objet d'appréhender un préjudice dont l'existence est incertaine ; qu'en décidant que M. Y... avait perdu la chance d'obtenir un gain qui était certain puisque contractuellement défini tant en ce qui concerne l'indemnité forfaitaire que l'option d'achat des actions, assimilant ainsi la perte de chance à un préjudice certain, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2° Alors d'autre part que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en confirmant le jugement déféré sur les montants de l'indemnisation allouée à Monsieur Y..., c'est-à-dire 300.000€ au titre de la perte de chance de percevoir l'indemnité forfaitaire prévue dans le « management package », à un montant égal à l'avantage qu'aurait procuré la réalisation de la chance prétendument perdue, montant prévu dans le contrat, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

3° Alors en outre qu'il appartient aux juges du fond de déterminer précisément la probabilité que la chance ait pu se réaliser puis d'évaluer le montant du préjudice résultant de cette perte de chance ; qu'en allouant la somme de 300.000€ au titre de la perte de chance de percevoir l'indemnité forfaitaire et la somme de 300.000€ au titre de la perte de chance inhérente à l'option d'achat des actions, sans déterminer les probabilités que lesdites chances se réalisent ni même sans s'expliquer sur l'évaluation du préjudice

réparé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-15352
Date de la décision : 17/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 08 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 oct. 2018, pourvoi n°16-15352


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.15352
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