LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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Mme Otilia X... Y...,
M. Frédéric Z...,
Le syndicat CGT PPG AC France, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 4 avril 2017, qui, dans la procédure suivie contre M. Pierre A... et la société PPG distribution, des chefs d'entrave aux fonctions de délégué du personnel, entrave à l'exercice du droit syndical,discrimination syndicale, faux et usage, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 septembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. B..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller B..., les observations de la société civile professionnelle THOUVENIN, COUDRAY et GRÉVY, de la société civile professionnelle DELVOLVÉ et TRICHET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général C... ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1240 du code civil, 497, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté les parties civiles de leur demande de dommages-intérêts en réparation des faits objet de la poursuite ;
"aux motifs que, pour justifier ses demandes de dommages-intérêts, le syndicat CGT PPG AC, dans ses écritures, évoque des délits ayant des répercussions sur l'action et l'image du syndicat et des autres instances représentatives du personnel ; que Mme X... Y... revendique un préjudice personnel subi dans le cadre des différents délits, qu'il s'agisse de la falsification de sa signature, des invectives répétées subies en réunion ou des très nombreux retards dans le paiement de ses notes de frais qui l'ont laissée avec plusieurs centaines d'euros manquant à son budget, la mettant dans de graves difficultés financières et la contraignant sans cesse à des vérifications et des relances ; que pour autant, elle ne présente aucun développement tendant à la caractérisation de fautes civiles distinctes de la faute pénale objet de la relaxe ; que M. Z... demande une indemnisation qu'il qualifie de symbolique en réparation de la violation de ses prérogatives de délégué du personnel, de membre du comité d'entreprise et de militant CGT ; qu'eu égard à la relaxe définitive sur ces chefs et en l'absence de la preuve d'une faute civile distincte de la faute pénale objet de la relaxe, il sera débouté de sa demande ;
"alors que si les juges du second degré, lorsqu'ils sont saisis du seul appel de la partie civile, ne peuvent infliger aucune peine au prévenu définitivement relaxé, ils n'en sont pas moins tenus, au regard de l'action civile, de rechercher si les faits qui leur sont déférés constituent une infraction pénale et de se prononcer en conséquence sur les demandes de réparation de la partie civile ; qu'en reprochant aux parties civiles de ne pas avoir établi l'existence d'une faute civile distincte des infractions pénales pour lesquelles la relaxe avait été prononcée, sans rechercher elle-même dans les pièces soumises à son examen, si une faute civile, à l'origine d'un dommage, dont les parties civiles, appelantes d'un jugement de relaxe, pouvaient obtenir réparation de la part de la personne renvoyée des fins de la poursuite, n'était pas caractérisée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme Otilia X... Y..., M. Frédéric Z... et le syndicat CGT PPG AC France ont fait citer devant le tribunal correctionnel M. Pierre A... et la société PPG distribution des chefs d'entrave aux fonctions de délégué du personnel, entrave à l'exercice du droit syndical, discrimination syndicale, faux et usage devant le tribunal correctionnel ; que les premiers juges ayant renvoyé les prévenus des fins de la poursuite, les parties civiles ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de Mme X... Y..., de M. Z... et du syndicat CGT PPG AC France et débouter ces derniers de leur demande de dommages - intérêts, l'arrêt énonce que, si la première citée mentionne un préjudice personnel résultant de plusieurs des infractions susvisées, elle ne présente aucun développement tendant à la caractérisation d'une faute civile distincte de la faute pénale visée par la décision de relaxe ; que les juges en déduisent que cette partie civile doit être déboutée de ses demandes ; qu'ils ajoutent que les demandes de dommages-intérêts présentées tant par le syndicat CGT PPG AC, que par M. Z... ne peuvent qu'être rejetées, dès lors que ces derniers n'ont fait état d'aucune faute civile, distincte des fautes pénales visées dans la citation et objet de la décision de relaxe ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher elle-même, alors qu'elle était saisie, par les parties civiles, de demandes de réparation, si une faute civile, tenant, d'une part, aux propos tenus lors des réunions du comité d'entreprise, s'agissant de Mme X... Y... et de M. Z..., de même qu'aux retards de remboursement des notes de frais de Mme X... Y... et aux contestations de la signature de cette dernière sur les ordres du jour desdites réunions, d'autre part aux défauts de mise à jour et de mise à disposition du registre des délégués du personnel et du registre unique du personnel, ainsi qu'aux retards dans l'information et la consultation annuelle sur le bilan social, concernant le syndicat CGT PPG AC France, n'était pas caractérisée, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 4 avril 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize octobre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.