LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 juin 2017), que M. X..., l'un de ses salariés, ayant été victime, le 16 décembre 2006, d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse), alors qu'il effectuait une mission au sein de la société Ati, aux droits de laquelle vient la société Agis, la société Adia, entreprise de travail temporaire, aux droits de laquelle vient la société Adecco France (l'employeur) a saisi un tribunal du contentieux de l'incapacité et obtenu la réduction de 20 à 6 % du taux d'incapacité permanente partielle attribué à la victime après consolidation de son état ; que ce dernier a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de dire que le droit au recouvrement de la caisse, en ce qui concerne la majoration de rente fixée au maximum par le jugement du 20 juin 2014, s'exercera dans les limites du taux qui sera fixé au terme de l'instance actuellement pendante devant la CNITAAT, alors, selon le moyen :
1°/ que l'action de la caisse tendant à la récupération auprès de l'employeur du montant de la majoration de rente attribuée à la victime à raison de la faute inexcusable ne peut s'exercer, dans le cas où une décision de justice passée en force de chose jugée a réduit, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, que dans les limites découlant de l'application de ce dernier ; qu'a contrario, lorsqu'à la date de la décision reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur, nulle décision de justice passée en force de chose jugée n'a réduit, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, l'action de la caisse s'exerce sur la base du taux arrêté par elle ; qu'en décidant toutefois que l'action de la caisse s'exercerait dans les limites d'une décision de la CNITAAT à intervenir, les juges du fond ont violé l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;
2°/ l'action de la caisse tendant à la récupération auprès de l'employeur du montant de la majoration de rente attribuée à la victime à raison de la faute inexcusable ne peut s'exercer, dans le cas où une décision de justice passée en force de chose jugée a réduit, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, que dans les limites découlant de l'application de ce dernier ; qu'a contrario, lorsqu'à la date de la décision reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur, nulle décision de justice passée en force de chose jugée n'a réduit, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, l'action de la caisse s'exerce sur la base du taux arrêté par elle ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, quand, à la date du jugement reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur, soit le 20 juin 2014, nulle décision émanant d'une juridiction du contentieux technique n'était intervenue, les juges du fond ont violé l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que si la caisse primaire d'assurance maladie est fondée, en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, à récupérer auprès de l'employeur le montant de la majoration de la rente d'accident du travail attribuée à la victime en raison de la faute inexcusable de l'employeur, son action ne peut s'exercer que dans les limites découlant
de l'application du taux d'incapacité permanente de la victime découlant de la décision qu'elle a prise, dans les conditions prévues par l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale, devenue définitive à l'égard de l'employeur ;
Et attendu que l'arrêt retient essentiellement qu'à la date du jugement reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur, le taux d'incapacité permanente de la victime, fixé entre celle-ci et la caisse, n'était pas opposable à l'employeur dans ses rapports à la caisse s'agissant de son droit au recouvrement de la majoration de la rente ;
Qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique à payer à la société Adecco France et à la société Agis la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a, confirmant le jugement, dit que le droit de recouvrement de la Caisse, en ce qui concerne la majoration de rente fixée au maximum par le jugement du 20 juin 2014, s'exercera dans les limites du taux qui sera fixé au terme de l'instance actuellement pendante devant la CNITAAT ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « L'article 480 du Code de procédure civile dispose que « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ». Le litige porte sur le point de savoir quel est le taux d'incapacité permanente opposable dans les rapports entre la caisse et l'employeur s'agissant du droit de recouvrement de la caisse en ce qui concerne la majoration de rente fixée au maximum. En l'espèce, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes a rappelé dans la motivation de sa décision du 20 juin 2014 que « Monsieur X..., qui a subi l'amputation partielle de trois doigts, s'est vu attribuer un taux d'incapacité permanente de 20% lui ouvrant droit à une rente (...) il y a lieu de porter au maximum la majoration de rente à laquelle l'intéressé peut prétendre » et a précisé que « cette majoration qui, conformément à l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale, sera réglée à M. X... par la CPAM, suivra l'évolution du taux d'IPP en cas d'aggravation de l'état de santé de la victime ». Le tribunal, à qui il n'appartient pas de fixer le taux d'IPP, seules les juridictions du contentieux technique étant compétentes en la matière, s'est borné à faire référence à un taux d'incapacité permanente préalablement fixé par la caisse et notifié à l'assuré dans le cadre de leurs rapports. En tout état de cause, le tribunal des affaires de sécurité sociale, dans le dispositif du jugement du 20 juin 2014, a seulement fixé « au taux maximum la majoration de rente perçue par M Yoann X... et dit que cette majoration suivra l'évolution du taux d'IPP en cas d'aggravation de l'état de santé de la victime » et a "dit que la majoration de rente et la provision précitées seront réglées à la victime par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de La Loire Atlantique, qui disposera d'un recours subrogatoire à l'encontre de la société Adia". Aucun taux qui aurait pu lier les sociétés n'a été fixé par le tribunal des affaires de sécurité sociale, de sorte que le jugement du 31 juillet 2015, rendu par ledit tribunal, sans méconnaître l'article 480 du Code de procédure civile, a pu dire que « le droit au recouvrement de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire-Atlantique, en ce qui concerne la majoration de rente fixée au maximum par le jugement du 20 juin 2014, s'exercera dans les limites du taux qui sera fixé au terme de l'instance actuellement pendante devant la CNITAAT ». Aucune autorité de chose jugée ne saurait être opposée aux sociétés Adecco et Agis s'agissant du droit de recouvrement de la caisse au titre de la majoration de rente fixée au maximum, à hauteur du taux fixé par la caisse dans ses rapports avec l'assuré, contrairement à ce que la caisse invoque. La société Agis a remboursé à la caisse le 14 août 2014 le capital représentatif de la rente, en raison de l'exécution provisoire prononcée par le jugement du 20 juin 2014 et il ne saurait être opposé à l'employeur de ne pas avoir fait appel du jugement alors que celui-ci ne fixait pas dans son dispositif le taux d'incapacité permanente partielle qui lui était opposable. Ainsi que l'a retenu le tribunal à juste titre; il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la CNITÀAT. » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Le jugement rendu le 20 juin 2014, constatant que le taux d'incapacité de 20% attribué à M. X... par la Caisse - le seul porté à sa connaissance-, lui ouvrait droit à une rente, a ordonné, conformément aux dispositions de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale et à une jurisprudence constante, qu'en l'absence de faute inexcusable de la victime, la majoration de rente serait fixée au maximum ; ce jugement a également indiqué que la Caisse disposait d'un droit de recouvrement à l'encontre de l'employeur du chef de cette majoration, conformément, là encore, aux dispositions de l'article L 452-2. Pour autant, le Tribunal ne s'est pas prononcé sur le taux d'incapacité lui-même, n'étant pas compétent sur ce point. Si ce taux de 20% et les conséquences qui y sont attachées s'imposent dans les rapports assuré/Caisse (aucun recours n'a été présenté devant le Tribunal du contentieux de l'incapacité par la victime), il n'en est pas de même en ce qui concerne l'employeur, qui, après l'audience du 21 mars 2014 devant ce Tribunal, a formé une contestation devant le Tribunal du contentieux de l'incapacité et qui, dans ses rapports avec la Caisse, ne peut se voir opposer que le taux de 6% retenu par cette juridiction au terme de son jugement du 27 novembre 2014 notifié le 22 janvier 2015 ; ce jugement ayant fait l'objet d'un appel devant la CNITAAT, l'action subrogatoire de la Caisse se trouve subordonnée au taux qui sera fixé par cette juridiction. Le sursis à statuer ne s'impose pas pour autant ; il suffit d'ordonner que le recours de la Caisse s'exercera à hauteur du taux qui sera retenu dans les rapports employeur/Caisse » ;
ALORS QUE, premièrement, l'action de la Caisse tendant à la récupération auprès de l'employeur du montant de la majoration de rente attribuée à la victime à raison de la faute inexcusable ne peut s'exercer, dans le cas où une décision de justice passée en force de chose jugée a réduit, dans les rapports entre la Caisse et l'employeur, le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, que dans les limites découlant de l'application de ce dernier ; qu'a contrario, lorsqu'à la date de la décision reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur, nulle décision de justice passée en force de chose jugée n'a réduit, dans les rapports entre la Caisse et l'employeur, le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, l'action de la Caisse s'exerce sur la base du taux arrêté par elle ; qu'en décidant toutefois que l'action de la Caisse s'exercerait dans les limites d'une décision de la CNITAAT à intervenir, les juges du fond ont violé l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, deuxièmement, l'action de la Caisse tendant à la récupération auprès de l'employeur du montant de la majoration de rente attribuée à la victime à raison de la faute inexcusable ne peut s'exercer, dans le cas où une décision de justice passée en force de chose jugée a réduit, dans les rapports entre la Caisse et l'employeur, le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, que dans les limites découlant de l'application de ce dernier ; qu'a contrario, lorsqu'à la date de la décision reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur, nulle décision de justice passée en force de chose jugée n'a réduit, dans les rapports entre la Caisse et l'employeur, le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, l'action de la Caisse s'exerce sur la base du taux arrêté par elle ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, quand, à la date du jugement reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur, soit le 20 juin 2014, nulle décision émanant d'une juridiction du contentieux technique n'était intervenue, les juges du fond ont violé l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;