LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que les droits de la victime ou de ses ayants droit au bénéfice des prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent par deux ans à compter soit de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, soit de la cessation du travail en raison de la maladie constatée, soit du jour de la clôture de l'enquête, soit de la cessation du paiement des indemnités journalières, soit encore de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 10 septembre 2009, M. X... (l'assuré), salarié de la société Unibeton, a présenté une demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'affection « légionellose.syndrome cérébelleux », non inscrite au tableau des maladies professionnelles, accompagnée du certificat médical initial du 10 septembre 2009 faisant état d'une première constatation le 9 août 2009, à laquelle la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (la caisse) a, le 4 mars 2010, opposé un refus, l'état de santé du salarié n'étant pas encore stabilisé ; que le 3 octobre 2011, l'assuré a souscrit, pour la même affection, une nouvelle déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical initial daté du 12 septembre 2011, constatant la consolidation de son état de santé depuis la première constatation de l'affection le 9 août 2009 ; que la caisse a pris en charge la maladie professionnelle à compter du 12 septembre 2011 ; que, pour voir fixer le point de départ de la prise en charge de la maladie professionnelle au 10 septembre 2009, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour dire que la seconde déclaration de maladie professionnelle de M. X... n'était pas prescrite, l'arrêt retient que le point de départ du délai biennal de la prescription de l'action de l'assuré s'est trouvé reporté au 10 septembre 2010, date à laquelle celui-ci avait reçu notification de la décision du 4 mars 2010 refusant sa première demande de prise en charge présentée le 10 septembre 2009 ; que dès lors, la prescription n'était pas acquise le 3 octobre septembre 2011, date à laquelle l'assuré a présenté une deuxième demande de prise en charge de sa maladie professionnelle constatant la stabilisation de son état de santé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le premier certificat médical faisant état du lien possible entre l'affection déclarée par M. X... et son activité professionnelle est daté du 10 septembre 2009, de sorte que la prescription biennale était acquise à l'égard de la seconde déclaration en date du 3 octobre 2011, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que la demande présentée par M. X... le 3 octobre 2011 pour la prise en charge de l'affection « légionellose.syndrome cérébelleux », est prescrite ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées tant devant la cour d'appel que devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant le jugement entrepris, il a infirmé la décision de la Commission de recours amiable, dit que le point de départ de la maladie professionnelle de M. Denis X... est fixé au 10 septembre 2009 et invité la CPAM des Ardennes à procéder à la régularisation du dossier de M. Denis X... en vue de la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie qu'il présente à compter du 10 septembre 2009 et, en tant que de besoin, l'y a condamné ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Il est constant qu'aucun élément Médical antérieur au certificat médical daté du 10 septembre 2009 ne permet d'établir une date antérieure à celle-ci, à laquelle Monsieur X... aurait été informé du lien possible entre l'affection et son activité professionnelle. Ainsi que le soutient la caisse, il est exact qu'il résulte des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-5 du code de la sécurité sociale que le point de départ du délai de 2 ans pendant lequel la victime peut demander la prise en charge de la maladie au titre du risque professionnel court à compter de la date à laquelle l'assuré social est informé par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle. C'est cependant à tort que la caisse entend voir déduire de ces principes qu'il appartenait à Monsieur X..., ayant produit un certificat médical initial en date du 10 septembre 2009, de faire constater une stabilisation de son état de santé dans ce délai biennal, soit avant le 10 septembre 2011, pour prétendre à une prise en charge fixée à la première de ces dates ; et que produisant un nouveau certificat médical initial daté du 12 septembre 2011, soit après expiration du délai biennal ci-dessus computé, ce n'est qu'à compter de la date de ce nouveau certificat médical que la prise en charge de l'affectation a pu être opérée. En effet, le point de départ de ce délai biennal est reporté au jour de la clôture de l'enquête, notifiée à l'assuré. En outre, le délai de prescription sus dit est soumis au régime du droit commun. Or, il résulte de l'article 2233 du code civil, dans sa version applicable au litige que la prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que cette condition arrive. Ainsi, la créance résultant d'une prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle est subordonnée à la décision de la caisse y afférente. En l'espèce, le point de départ du délai biennal susdit devait se trouvait reporté à la date à laquelle l'assuré a reçu notification de la décision de la caisse du 4 mars 2010, refusant la prise en charge, ainsi que l'ont exactement apprécié les premiers juges. Ces derniers ont donc exactement décidé que la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'affection présentée par Monsieur X... devait être fixée à la date du 10 septembre 2009, et qu'il y avait lieu d'inviter et au besoin, de condamner la caisse à procéder à la régularisation du dossier de cet assuré. Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, en ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident. En l'espèce, M. Denis X... a souscrit le 10 octobre 2009 une déclaration de maladie professionnelle pour légionellose, en indiquant que la première constatation médicale serait le 16 août 2009 et qu'un certificat médical avait été fourni le 24 septembre 2009. Lorsqu'il a établi le certificat médical initial en date du 10 septembre 2009, le Dr Z... a coché la case « maladie professionnelle » et indiqué « légionellose » au niveau des constatations détaillées de la pathologie, avec une date de première constatation médicale fixée au 13 août 2009. Par décision du 11 juin 2010, la CPAM des Ardennes a refusé la prise en charge de cette maladie après une expertise technique qui avait conclu à l'absence de stabilisation de cette maladie hors tableau. II ressort des pièces du dossier que M. X... a de nouveau souscrit une déclaration de maladie professionnelle le 3 octobre 2011 en joignant un certificat daté du 12 septembre 2011 faisant état d'une légionellose suivie d'un syndrome cérébelleux, le Dr Z... précisant que l'état est stable et indiquant le 13 août 2009 comme date de première constatation médicale. Il convient de relever que la maladie mentionnée le 12 septembre 2011 est la même que celle constatée le 10 septembre 2009, date à laquelle M. X... a été informé, au regard de l'imprimé utilisé et des mentions contenues dans le certificat médical, d'un lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle. En ce qui concerne le moyen tiré de la prescription biennale, le tribunal constate qu'un délai inférieur à deux ans s'est écoulé entre la notification du refus de prise en charge pour absence de stabilisation de l'état de santé et la date de la nouvelle déclaration de maladie professionnelle. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments qu'à défaut de tout élément médical permettant de déterminer une date d'apparition de la maladie antérieure à celle du certificat médical initial du 10 septembre 2009, date assimilée à celle de l'accident en application de l'article L 461-1 précité, le point de départ de la maladie professionnelle de M. X... doit être fixé au 10 septembre 2009. En conséquence, la décision de la commission de recours amiable du 2 mai 2013 sera infirmée et la CPAM invitée à procéder à la régularisation du dossier de M. X... » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, il résulte des articles L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que les droits de la victime aux prestations et indemnités prévues par le Livre IV du même code se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; que la demande de prise en charge formée auprès de la CPAM n'a pas pour effet d'interrompre ce délai ; qu'en décidant que le point de départ de la prescription se situait le 4 mars 2010, soit à la date de la décision de refus de prise en charge de l'affection, les juges du fond ont violé les articles L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2241 du Code civil ;
ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, à supposer même que l'envoi d'une déclaration de maladie professionnelle puisse interrompre la prescription, cette interruption doit être considérée comme non avenue lorsque la déclaration aboutit à une décision de refus de prise en charge ; qu'en décidant que le point de départ de la prescription se situait le 4 mars 2010, soit à la date de la décision de refus de prise en charge, les juges du fond ont violé les articles L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2241 du Code civil ;
ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, si en application de l'article 2233 du Code civil la prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition jusqu'à ce que la condition arrive, cette disposition ne peut trouver application que lorsque l'exigibilité d'une créance certaine est suspendue à la réalisation d'une condition ; que tel n'est pas le cas lorsqu'une maladie professionnelle n'est pas prise en charge, faute pour les conditions légales de prise en charge d'être réunies ; que dans cette hypothèse l'assuré ne peut se prévaloir d'aucune créance et par la suite d'aucune créance conditionnelle ; qu'en décidant au cas d'espèce que le cours de la prescription était suspendu à raison de la non réalisation d'une condition affectant la créance de l'assuré, les juges du fond ont violé les articles L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2233 du Code civil.