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10/10/2018 | FRANCE | N°17-11019

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 octobre 2018, 17-11019


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 novembre 2016), que Mme X... a été engagée le 1er août 2000 par la société Feu vert en qualité d'hôtesse de caisse ; que le 18 novembre 2010, l'affection de l'épaule dont souffrait la salariée a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ; qu'à l'issue de deux examens médicaux des 12 et 26 septembre 2011, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste ; qu'elle a été licenciée

pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 3 février 2014 après autorisati...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 novembre 2016), que Mme X... a été engagée le 1er août 2000 par la société Feu vert en qualité d'hôtesse de caisse ; que le 18 novembre 2010, l'affection de l'épaule dont souffrait la salariée a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ; qu'à l'issue de deux examens médicaux des 12 et 26 septembre 2011, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 3 février 2014 après autorisation de l'inspecteur du travail du 21 janvier 2014 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en paiement de sommes à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, alors, selon le moyen :

1°/ que le conseil de prud'hommes est compétent pour statuer sur les demandes consécutives aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de protection de la santé des salariés et pour statuer sur les demandes en indemnisations des dommages consécutifs, lesquels ont entraîné la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, en jugeant que les préjudices invoqués pour manquement à l'obligation de sécurité et en dommages et intérêts au titre d'une perte d'emploi consécutive à une inaptitude découlant de la maladie professionnelle étaient nécessairement de la compétence de la juridiction de sécurité sociale, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1411-1, L. 1411-4, L. 4121-1 du code du travail et L. 142-1 et L. 451-1, L. 452-1 du code de la sécurité sociale, et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que le conseil de prud'hommes est seul compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail et par voie de conséquence, il connaît des actions en indemnisations des conséquences d'un licenciement à la suite des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande fondée sur l'article L. 4121-1 du code du travail aux fins d'indemnisations du préjudice subi par la perte d'emploi par suite de l'inaptitude liée à une maladie professionnelle consécutive au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité au travail ; qu'en jugeant néanmoins que le juge prud'homal était incompétent et qu'il appartenait à la juridiction de sécurité sociale, en l'état non-saisie, de se prononcer sur les manquements reprochés à l'employeur et d'en réparer les préjudices, notamment au titre de la perte d'emploi consécutive à l'inaptitude découlant de la maladie professionnelle, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 1411-1, L. 1411-4, L. 4121-1 du code du travail et L. 142-1 et L. 451-1, L. 452-1 du code de la sécurité sociale et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond que la salariée n'avait pas saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale et qu'elle demandait uniquement l'indemnisation des conséquences de son licenciement pour manquement à l'obligation de sécurité qui avait entraîné son inaptitude et conduit à son licenciement ; qu'en jugeant néanmoins que sous couvert de demande en responsabilité de l'employeur pour manquements à l'obligation de sécurité et « en dommages et intérêts résultant de l'origine de l'inaptitude », la salariée réclame en réalité la réparation par l'employeur d'un préjudice né de sa maladie professionnelle, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en vertu du principe de l'indépendance des législations, dès lors que le salarié ne demande pas la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et n'agit pas pour demander la majoration d'une rente, il est fondé à solliciter la réparation du préjudice distinct, consécutif à la perte de son emploi pour inaptitude qui a pour cause le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité au travail, le juge prud'homal ne peut refuser de statuer, en l'absence de saisine de la juridiction de sécurité sociale, sans violer derechef les articles L. 1411-1, L. 1411-4, L. 4121-1 du code du travail et L. 142-1 et L. 451-1, L. 452-1 du code de la sécurité sociale et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que, si la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

Et attendu qu'ayant constaté que sous le couvert de demandes indemnitaires fondées sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la salariée, sans contester le bien-fondé de la rupture, demandait en réalité la réparation par l'employeur d'un préjudice né de sa maladie professionnelle, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu l'objet du litige ni refusé de statuer sur les prétentions dont elle était saisie, a exactement décidé que de telles demandes ne pouvaient être formées que devant la juridiction de la sécurité sociale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen en ayant délibéré en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de procédure civile, en son audience publique du dix octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes de Mme X... aux fins de condamnation de la SAS FEU VERT à lui payer différentes sommes à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et résultant de l'origine de l'inaptitude,

Au motif que « l'article L. 1411-4 dispose que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, notamment par le code de la sécurité sociale en matière d'accidents du travail et maladies professionnelles.

En application des articles L. 541-1 (en réalité L. 451-1) et L. 142-1 du code de la sécurité sociale, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l'indemnisation des dommages résultant d'une maladie professionnelle, qu'elle soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

En l'espèce, sous couvert de demandes en responsabilité de l'employeur pour manquements à l'obligation de sécurité et « en dommages et intérêts résultant de l'origine de l'inaptitude », la salariée réclame en réalité la réparation par l'employeur d'un préjudice né de sa maladie, à l'origine de ses arrêts de travail, inscrite au tableau 57 et prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels le 18 novembre 2010, qui a donné lieu aux avis d'inaptitude successifs de la médecine du travail, de sorte qu'il appartiendra le cas échéant à la juridiction de sécurité sociale compétente, en l'état non-saisie, de se prononcer sur les manquements reprochés à l'employeur et de réparer l'entier préjudice de nature personnelle ou professionnelle né de la maladie professionnelle, dont ne se distinguent pas les préjudices invoqués, notamment au titre d'une perte d'emploi consécutive à une inaptitude découlant de la maladie professionnelle.

La cour, statuant dans les limites de sa saisine, infirmera le jugement déféré en toutes ses dispositions et déclarera irrecevables les demandes de dommages et intérêts telles que formulées par la salariée ».

1) ALORS QUE le conseil de prud'hommes est compétent pour statuer sur les demandes consécutives aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de protection de la santé des salariés et pour statuer sur les demandes en indemnisations des dommages consécutifs, lesquels ont entraîné la rupture du contrat de travail ;

Qu'en l'espèce, en jugeant que les préjudices invoqués pour manquement à l'obligation de sécurité et en dommages et intérêts au titre d'une perte d'emploi consécutive à une inaptitude découlant de la maladie professionnelle étaient nécessairement de la compétence de la juridiction de sécurité sociale, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1411-1, L. 1411-4, L. 4121-1 du code du travail et L. 142-1 et L. 451-1, L. 452-1 du code de la sécurité sociale, et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2) ALORS QUE le conseil de prud'hommes est seul compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail et par voie de conséquence, il connaît des actions en indemnisations des conséquences d'un licenciement à la suite des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ; Qu'en l'espèce, la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande fondée sur l'article L. 4121-1 du code du travail aux fins d'indemnisations du préjudice subi par la perte d'emploi par suite de l'inaptitude liée à une maladie professionnelle consécutive au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité au travail ;
Qu'en jugeant néanmoins que le juge prud'homal était incompétent et qu'il appartenait à la juridiction de sécurité sociale, en l'état non-saisie, de se prononcer sur les manquements reprochés à l'employeur et d'en réparer les préjudices, notamment au titre de la perte d'emploi consécutive à l'inaptitude découlant de la maladie professionnelle, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 1411-1, L. 1411-4, L. 4121-1 du code du travail et L. 142-1 et L. 451-1, L. 452-1 du code de la sécurité sociale et l'article 6, § 1, de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

3) ALORS QUE, il est interdit au juge de dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond que la salariée n'avait pas saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale et qu'elle demandait uniquement l'indemnisation des conséquences de son licenciement pour manquement à l'obligation de sécurité qui avait entraîné son inaptitude et conduit à son licenciement ; qu'en jugeant néanmoins que sous couvert de demande en responsabilité de l'employeur pour manquements à l'obligation de sécurité et « en dommages et intérêts résultant de l'origine de l'inaptitude », la salariée réclame en réalité la réparation par l'employeur d'un préjudice né de sa maladie professionnelle, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE en vertu du principe de l'indépendance des législations, dès lors que le salarié ne demande pas la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et n'agit pas pour demander la majoration d'une rente, il est fondé à solliciter la réparation du préjudice distinct, consécutif à la perte de son emploi pour inaptitude qui a pour cause le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité au travail, le juge prud'homal ne peut refuser de statuer, en l'absence de saisine de la juridiction de sécurité sociale, sans violer derechef les articles L. 1411-1, L. 1411-4, L. 4121-1 du code du travail et L. 142-1 et L. 451-1, L. 452-1 du code de la sécurité sociale et l'article 6, § 1, de la Convention Européenne des Droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-11019
Date de la décision : 10/10/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

PRUD'HOMMES - Compétence - Compétence matérielle - Exclusion - Litiges dont la connaissance est attribuée à une autre juridiction par la loi - Applications diverses - Accident du travail - Demande en réparation - Portée

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux général - Compétence matérielle - Accident du travail et maladie professionnelle - Rupture du contrat de travail - Indemnisation des conséquences de l'inaptitude COMPETENCE - Compétence matérielle - Juridictions du contentieux général de la sécurité sociale - Compétence exclusive - Etendue - Détermination - Portée

Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité


Références :

articles L. 1411-1, L. 1411-4 et L. 4121-1 du code du travail

articles L. 142-1, L. 451-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 novembre 2016

Sur la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale pour réparer le préjudice né d'un accident de travail, indépendamment de la qualification donnée par le salarié à son action, à rapprocher : Soc., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-18116, Bull. 2018, V, n° 71 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 oct. 2018, pourvoi n°17-11019, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.11019
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