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03/10/2018 | FRANCE | N°17-27510

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 octobre 2018, 17-27510


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 1180-16 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-185 du 23 février 2016, ensemble les articles 1180-18, 1239 et 1241-1 du même code ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, applicable aux administrations légales en cours au jour de son entrée en vigueur, toute décision du juge des tutelles est notifiée, à la di

ligence du greffe, au requérant, aux parents et, le cas échéant, à l'administrateu...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 1180-16 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-185 du 23 février 2016, ensemble les articles 1180-18, 1239 et 1241-1 du même code ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, applicable aux administrations légales en cours au jour de son entrée en vigueur, toute décision du juge des tutelles est notifiée, à la diligence du greffe, au requérant, aux parents et, le cas échéant, à l'administrateur ad hoc ; qu'aux termes du deuxième, sauf disposition contraire, les décisions du juge sont susceptibles d'appel et l'appel est formé, instruit et jugé selon les règles édictées aux articles 1239 à 1247 ; qu'il résulte des deux derniers que le délai de quinze jours pour former appel court, à l'égard des personnes à qui l'ordonnance doit être notifiée, à compter de cette notification, et à l'égard des autres personnes, à compter de l'ordonnance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Michel Z... est décédé le [...], sans héritier réservataire ; que, par testament reçu le 28 septembre 2006, il avait institué légataire universelle sa nièce, Mme Z..., à charge pour celle-ci de délivrer à son neveu, Jacques-Alexandre Z..., né le [...], un « legs équivalent au tiers de l'actif net » de sa succession ; que Mme Z... a délivré le legs au mineur en lui attribuant deux appartements ; que, saisi par le père de ce dernier, le juge des tutelles a, par ordonnance du 4 juin 2009, désigné l'Union départementale des associations familiales de la Vendée en qualité d'administrateur ad hoc, avec pour mission de déterminer si le legs était conforme à l'intérêt du mineur et, dans l'affirmative, de l'accepter, de prendre toutes dispositions pour régler les droits de succession et de gérer les fonds versés au mineur ; que, par ordonnance du 16 septembre 2016, le juge des tutelles a autorisé l'administrateur ad hoc à accepter le legs délivré par Mme Z... ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable comme tardif l'appel formé le 11 octobre 2016 par la mère du mineur contre cette décision, qui ne lui a pas été notifiée, l'arrêt retient que les parents, administrateurs légaux des biens de leur fils, ont, du fait de la désignation d'un administrateur ad hoc, perdu tout droit d'agir pour le compte de leur enfant s'agissant de la délivrance du legs litigieux, de sorte que l'ordonnance du juge des tutelles n'avait pas à leur être notifiée et qu'ils ne pouvaient interjeter appel que dans le délai de quinze jours de la décision ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance du 16 septembre 2016 devait être notifiée aux parents, nonobstant l'existence d'un administrateur ad hoc, et qu'en l'absence de notification, le délai pour interjeter appel n'avait pas commencé à courir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire de Mme Z..., l'arrêt rendu le 13 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., ès qualités.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel formé le 11 octobre 2016 par madame Y... contre l'ordonnance du 16 septembre 2016 rendue par le juge des tutelles du tribunal de grande instance de la Roche sur Yon ;

Aux motifs que, sur la recevabilité du recours interjeté par madame Y..., l'article 1239 du code de procédure civile dispose que ‘sauf disposition contraire, les décisions du juge des tutelles et les délibérations du conseil de famille sont susceptibles d'appel. Sans préjudice des dispositions prévues par les articles 1239-1 à 1239-3, l'appel est ouvert aux personnes énumérées à l'article 430 du code civil, même si elles ne sont pas intervenues à l'instance. Le délai d'appel est de quinze jours. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat ‘; il résulte des dispositions de l'article 1241-1 du code de procédure civile que le délai d'appel contre les ordonnances rendues par le juge des tutelles court : 1° A l'égard des personnes à qui l'ordonnance est notifiée, à compter de cette notification, 2° A l'égard des autres personnes, à compter de l'ordonnance ; l'ordonnance contestée a été prononcée le 16 septembre 2016 et elle n'a pas été notifiée à madame Y... en sa qualité d'administratrice légale de l'enfant mineur ; madame Y... soutient que cette ordonnance devait lui être notifiée et que ne l'ayant pas été, elle a porté atteinte à ses droits et doit être annulée ; il résulte de l'article 1230 du code de procédure civile que toute décision du juge est notifiée, à la diligence du greffe, au requérant, à la personne chargée de la protection ou à l'administrateur légal et à tous ceux dont elle modifie les droits ou les obligations résultant de la mesure de protection ; elle est également notifiée au mineur âgé de seize ans révolus à moins que son état ne le permette pas ; la cour observe que l'ordonnance du juge des tutelles a été rendue sur requête de l'Udaf, en sa qualité d'administrateur ad hoc, l'Udaf ayant été désignée par ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance de La Roche sur Yon le 4 juin 2009 avec mission de : -déterminer s'il est de l'intérêt du mineur d'accepter le legs dont celui-ci est bénéficiaire en vertu du testament en date du 28 septembre 2006 de monsieur Michel Charles D... Z... , notamment si le legs est dilué sous forme de rente, - le cas échéant, d'accepter lesdits legs et de prendre toutes dispositions pour régler les droits de succession ; - de gérer les fonds versés par Calie Europe au mineur au titre du contrat FPRIV 01509 souscrit par monsieur Michel Z... (309.060,86 euros) ; sur appel de madame Y..., qui avait soulevé déjà des moyens de nullité, la cour a, par arrêt du 25 mai 2011, confirmé l'ordonnance du 4 juin 2009 en toutes ses dispositions et a débouté madame Y... de sa demande en vue de remplacer l'Udaf ; le mandataire ad hoc a été désigné précisément en raison de l'opposition qui existait entre les titulaires de l'autorité parentale de l'enfant à propos du legs et de l'assurance vie reçus de son grand-oncle, aucune communication n'étant possible entre les parents et madame Y... n'ayant pas informé le père de l'enfant du versement de l'assurance vie de 309.060,86 euros, ni du placement de ce capital sur un compte rémunéré, et les parents ne s'étant pas acquittés dans les délais des droits fiscaux de mutation, ce qui a fait courir les intérêts de retard et a entraîné une majoration de 10 % de ces droits ; le mandat judiciaire confié par le juge des tutelles à l'administrateur ad hoc est une habilitation spéciale et limitée aux fins d'accomplir un certain nombre d'actes fixés dans la décision de nomination et les pouvoirs de l'administrateur ad hoc sont limités aux opérations pour lesquelles il est désigné ; l'Udaf a reçu du juge mission spécifique consistant à déterminer s'il était de l'intérêt du mineur d'accepter le legs dont il était bénéficiaire en vertu du testament du 28 septembre 2006 de Michel Z... et le cas échéant de l'accepter et de prendre toutes dispositions pour régler les droits de succession notamment en gérant les fonds versés par Calie Europe au mineur au titre du contrat FPRIV 01509 souscrit par monsieur Michel Z... (309.060,86 euros) ; madame Y..., tout comme monsieur Jacques-Charles Z..., administrateurs légaux des biens de leur fils ont, du fait de cette désignation, perdu toute compétence au profit de l'Udaf pour agir au lieu et place de leur enfant mineur en ce qui concerne la délivrance dudit legs ; ni monsieur Jacques Charles Z..., ni madame Y... n'avaient donc à être convoqués devant le juge des tutelles lors de l'examen de la requête de l'Udaf aux fins d'être autorisée à accepter le legs et l'ordonnance du juge des tutelles qui a autorisé la délivrance du legs n'avait pas non plus à leur être notifiée ; madame Y..., tout comme monsieur Z... d'ailleurs, en leur qualité de ‘parents' du mineur concerné, disposaient de la faculté d'interjeter appel de cette ordonnance par application des dispositions de l'article 430 du code civil, mais il leur appartenait d'agir dans les 15 jours de la décision rendue ; ainsi l'appel de Mme Y... interjeté plus de 15 jours après que l'ordonnance a été rendue est donc irrecevable, et ce sans qu'elle ne puisse se prévaloir d'aucune atteinte aux droits de la défense pour en solliciter la nullité ;

1°) Alors que toute décision du juge des tutelles est notifiée, à la diligence du greffe, au requérant, à la personne chargée de la protection ou à l'administrateur légal et à tous ceux dont elle modifie les droits ou les obligations résultant de la mesure de protection ; qu'en retenant que l'ordonnance du juge des tutelles du 16 septembre 2016 qui avait autorisé l'Udaf de la Vendée, agissant en qualité d'administrateur ad hoc du mineur Jacques-Alexandre Z..., à accepter la délivrance du legs proposée par madame Claudine Z..., n'avait pas à être notifiée à madame Y... cependant qu'elle constatait que celle-ci était administratrice légale de l'enfant mineur, ce dont il s'évinçait qu'elle appartenait à la classe des personnes à qui l'ordonnance du juge des tutelles devait être notifiée, la cour d'appel a violé les articles 1230 et 1241-1 du code de procédure civile ;

2°) Alors, en tout état de cause, que toute décision du juge des tutelles est notifiée, à la diligence du greffe, au requérant, à la personne chargée de la protection ou à l'administrateur légal et à tous ceux dont elle modifie les droits ou les obligations résultant de la mesure de protection ; que doit figurer dans cette catégorie l'administrateur légal, dès lors qu'il a acquis à ce titre des droits ou contracté des obligations qui sont modifiées par une décision du juge des tutelles, même si un administrateur ad hoc a été nommé ; que madame Y... faisait valoir qu'en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur, elle avait assigné madame Claudine Z..., monsieur Jacques-Charles Z... et la société Lamotte Aménageur Lotisseur en nullité de la vente du 23 mai 2012 sur le fondement de la vente de la chose d'autrui et de la vente d'un bien indivis sans l'autorisation de l'un des coindivisaires et que l'ordonnance du 16 septembre 2016 la concernait car elle modifiait les droits de son fils mineur; qu'en ne recherchant pas si, en raison de cette instance en cours, madame Y... avait pas droits qui avaient été modifiés par l'ordonnance du 16 septembre 2016 autorisant l'UDAF de la Vendée à accepter la délivrance du legs proposée par madame Claudine Z..., en sorte que cette dernière ordonnance aurait dû lui être notifiée et qu'en l'absence de la notification légalement requise, l'appel de madame Y... était recevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1230 et 1241-1 du code de procédure civile ;

3°) Alors que l'appel des décisions du juge des tutelles est ouvert aux personnes énumérées à l'article 430 du code civil et, notamment, aux parents de la personne protégée ; que ce recours doit être effectif et que, pour cette raison, le délai de quinze jours imparti pour interjeter appel ne peut courir qu'à compter du jour où lesdites personnes ont eu une connaissance effective de la décision du juge des tutelles ; que madame X... Y... faisait valoir que non convoquée devant le juge des tutelles pour faire valoir les droits de son fils, elle n'avait appris l'existence de l'ordonnance du juge des tutelles près du tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon du 16 septembre 2016 que par le courrier de Maître B... du 29 septembre 2016 et qu'elle n'avait pu ainsi défendre les intérêts de son fils de manière contradictoire ; que la cour d'appel s'est bornée à déclarer irrecevable comme tardif l'appel interjeté par Madame Y... plus de quinze jours après que l'ordonnance a été rendue, par application des dispositions de l'article 1241-1 du code de procédure civile qui énoncent que le délai d'appel contre les ordonnances rendues par le juge des tutelles court, à l'égard des personnes autres que celles à qui l'ordonnance doit être notifiée, à compter de l'ordonnance ; que ces dispositions, en soumettant ces personnes à une procédure matériellement aléatoire, méconnaissent, ensemble, outre l'article 430 du code civil, les principes fondamentaux des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif, en violation de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que de la constatation de l'illégalité desdites dispositions de l'article 1241-1 du code précité par la juridiction administrative saisie à cet effet par la Cour de cassation d'une question préjudicielle conformément au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, il résultera que la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard du texte et des principes précités ;

4°) Alors que l'illégalité des dispositions de l'article 1241-1 du code de procédure civile sera encore, dans les mêmes conditions, constatée en ce que celles-ci méconnaissent le principe d'égalité des citoyens devant la justice, au regard duquel, en outre, la cour d'appel a privé sa décision de fondement légal ;

5°) Alors, enfin et en tout état de cause, que si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; qu'il résulte d'une jurisprudence établie, au visa de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (Civ. 1ère, 9 avril 2013, Bull. civ. I, n° 66, p. 65) que l'atteinte à la substance même du droit d'accès à un tribunal est caractérisée lorsque le délai de contestation d'une décision court du jour où la décision est prise non contradictoirement et que n'est pas assurée l'information des personnes admises à la contester ; qu'en l'espèce, le délai d'appel de la décision litigieuse du juge des tutelles courait, pour Madame Y..., en vertu des dispositions de l'article 1241-1 du code de procédure civile, à compter de cette décision, quand celle-ci n'avait pas été rendue au contradictoire de Madame Y... qui n'avait pas été informée, en temps utile, de cette décision ni de la faculté de la contester ; qu'il suit de là que, en déclarant irrecevable l'appel courant du jour du prononcé de l'ordonnance du juge des tutelles, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-27510
Date de la décision : 03/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

MINEUR - Administration légale - Procédure - Intervention du juge des tutelles - Désignation d'un administrateur ad'hoc - Notification des décisions du juge des tutelles - Destinataires - Détermination

Aux termes de l'article 1180-16 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-185 du 23 février 2016, applicable aux administrations légales en cours au jour de son entrée en vigueur, toute décision du juge des tutelles est notifiée, à la diligence du greffe, au requérant, aux parents et, le cas échéant, à l'administrateur ad hoc


Références :

article 1180-16 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-185 du 23 février 2016

articles 1180-18, 1239 et 1241-1 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 13 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 03 oct. 2018, pourvoi n°17-27510, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP L. Poulet-Odent, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.27510
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