LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé par la société CIFEC, le 5 juillet 1982, en qualité de dessinateur du bureau d'études ; qu'il a démissionné de ses fonctions le 26 avril 2011 et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, l'employeur formant, de son côté, une demande reconventionnelle ; que, parallèlement, l'employeur l'a assigné, ainsi qu'une société concurrente, devant le tribunal de commerce ; que cette juridiction s'est, le 27 septembre 2013, prononcée sur les demandes formées par la société CIFEC contre la société concurrente ; que, sur l'appel formé par la société CIFEC contre la décision rendue par la juridiction prud'homale, la cour a déclaré irrecevables les demandes de l'employeur, se fondant sur l'autorité de la chose jugée par le jugement du 27 septembre 2013 et, en tant que de besoin, l'en a débouté ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1351 du code civil en sa rédaction applicable à la cause et 480 du code de procédure civile ;
Attendu que pour dire irrecevables les demandes de l'employeur, l'arrêt retient que, par jugement définitif du 27 septembre 2013, le tribunal de commerce a condamné la société Hydraco Process à verser une certaine somme à la société CIFEC et qu'aucune condamnation n'est intervenue à l'encontre du salarié à titre personnel et que le jugement a concerné les mêmes parties que l'instance présente devant la cour (la société CIFEC et son ancien salarié), ainsi que les mêmes faits ;
Qu'en statuant ainsi alors que le tribunal de commerce, s'il avait initialement été saisi par la société CIFEC tant de demandes formées contre la société concurrente que contre son ancien salarié s'était, par jugement du 15 juin 2012, déclaré incompétent en ce qui concernait les demandes formées par la société CIFEC contre son ancien salarié, en sorte que le jugement du 27 septembre 2013 ne concernait pas ce dernier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il donne acte à M. Y... de son désistement, l'arrêt rendu le 15 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points du litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie industrielle de filtration et d'équipement chimique
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de la société Compagnie Industrielle de Filtration et d'Equipement Chimique de ses demandes ;
Aux motifs que « selon l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée suppose que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, qu'elle soit entre les mêmes parties et formée par elle et contre en la même qualité ; qu'il ressort des éléments de la procédure qui sont soumis aux débats que la société CIFEC a, par acte en date du 20 janvier 2012, assigné la société Hydraco Process et Monsieur Y... devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir réparation des agissements commis à son encontre par les défendeurs ; que, dans son assignation devant la juridiction consulaire, la société CIFEC exposait que l'intervention de Monsieur Y... dans le cadre de l'appel d'offres lancé par la ville de Megève ne lui avait pas permis d'obtenir l'attribution du marché en cause ; que dans la mesure où Monsieur Y... avait toujours à l'époque de l'appel d'offres la qualité de salarié de la société CIFEC, celui-ci et la société Hydraco Process favorisée par l'intervention du sus-nommé avaient été, par leurs agissements déloyaux, à l'origine, d'un préjudice ayant consisté pour elle en une perte de chance, en un préjudice commercial et en un préjudice moral ; que par jugement à ce jour définitif, en date du 27 septembre 2013, le tribunal de commerce a condamné la société Hydraco Process à verser à la société CIFEC la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudices confondues ; qu'aucune condamnation n'est intervenue à l'encontre de Monsieur Y... à titre personnel ; que le jugement considéré a concerné les mêmes parties que l'instance présente devant la cour (la société CIFEC et Monsieur Y...) ; que, par ailleurs, les faits à l'origine de la demande de la société CIFEC sont identiques dans l'un et l'autre cas (les agissements Monsieur Y... dans le cadre de l'appel d'offres lancé par la ville de Megève) ; qu'en outre, dès lors qu'il incombe à un demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'y a lieu, dès lors, de distinguer le fondement contractuel et/ou délictuel des prétentions formées par la société ; qu'il convient, ainsi, de considérer que les demandes formées devant la juridiction commerciale et devant la juridiction du travail sont identiques ; qu'en définitive au regard de ce qui précède, par application des dispositions légales sus-visées, les réclamations présentées par la société CIFEC doivent être déclarée irrecevables comme s'opposant au principe de l'autorité de la chose jugée ; que le jugement déféré de débouter sera confirmé en tant que de besoin ;
1° Alors que l'autorité de chose jugée n'a lieu que s'il y a identité d'objet et de cause pour une demande formée entre les mêmes parties en la même qualité ; que l'autorité de la chose jugée ne déploie aucun effet lorsque les parties engagées dans deux procès différents ne sont pas les mêmes ; qu'au cas présent, les demandes de la société CIFEC pour concurrence déloyale à l'égard de la société Hydraco Process, seule partie demeurant à la procédure, ont été admises par un jugement rendu le 27 septembre 2013 par le tribunal de commerce de Paris tandis que, par jugement du 15 juin 2012 rendu préalablement dans la même instance, le tribunal s'était déclaré incompétent pour connaître des demandes dirigées contre M. Y..., dont il s'était alors dessaisi et sur lesquelles il n'avait donc pas statué ; qu'en retenant pourtant que le jugement du 27 septembre 2013 avait concerné les mêmes parties que l'instance dont elle était saisie, la société CIFEC et M. Y..., de sorte que les réclamations présentées par la société CIFEC à l'encontre de M. Y... au titre des mêmes faits devaient être déclarées irrecevables comme s'opposant au principe de l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, et 480 du code de procédure civile ;
2° Alors que l'autorité de chose jugée n'a lieu que s'il y a identité d'objet et de cause pour une demande formée entre les mêmes parties en la même qualité ; que l'autorité de la chose jugée ne trouve pas à s'appliquer lorsque l'objet de la demande n'est pas le même que lors du premier procès ; qu'en affirmant, pour juger que la demande de la société CIFEC était irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, que les faits à l'origine de la demande étaient identiques dans l'un et l'autre cas et que dès lors qu'il incombait au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens de nature à fonder celle-ci, il n'y avait lieu de distinguer le fondement contractuel ou délictuel des prétentions de la société CIFEC, tandis que l'objet des demandes était dans un cas, la réparation du préjudice subi en raison de la concurrence déloyale d'une société concurrente et dans l''autre la réparation du préjudice subi à raison du comportement déloyal d'un salarié, la cour d'appel, qui a méconnu l'exigence d'identité d'objet commandant l'identité de la chose jugée, a violé les articles 1351 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, et 480 du code de procédure civile ;
3° Alors que le principe de concentration des moyens oblige les parties à invoquer l'ensemble de leurs moyens dès le premier procès sous peine l'irrecevabilité ; que ce principe demeure cantonné aux moyens et ne s'étend pas aux demandes ; que la cour d'appel a affirmé, pour juger que la demande de la société CIFEC était irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, que dès lors qu'il incombait au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens de nature à fonder celle-ci, il n'y avait pas lieu de distinguer le fondement contractuel ou délictuel des prétentions de la société CIFEC et que les demandes formées devant la juridiction commerciale et devant la juridiction civile étaient identiques ; qu'en appliquant ainsi le principe de concentration des moyens et l'autorité de la chose jugée sans tenir compte de la différence entre les demandes, la cour d'appel a appliqué un principe de concentration des demandes et a, de nouveau, violé les articles 1351 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, et 480 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les demandes de la société Compagnie Industrielle de Filtration et d'Equipement Chimique, puis d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 12 septembre 2014 en ce qu'il a débouté la société Compagnie Industrielle de Filtration et d'Equipement Chimique de ses demandes ;
Aux motifs propres qu'« en définitive au regard de ce qui précède, par application des dispositions légales sus-visées, les réclamations présentées par la société CIFEC doivent être déclarées irrecevables comme s'opposant au principe de l'autorité de la chose jugée ; que le jugement déféré de débouter sera confirmé en tant que de besoin ; que s'agissant de la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive qu'il ne ressort d'aucune des circonstances de l'espèce que l'exercice par le salarié de son droit d'ester en justice ait dégénéré en abus dès lors, au surplus, qu'un procès-verbal de conciliation partielle est intervenu entre les parties le 13 mars 2012 sur un reliquat de commission dû au salarié et sur la qualification de l'emploi de ce dernier ; que la décision intervenue sera, en conséquence, confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure formée par la société CIFEC » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « sur l'obligation de loyauté, en droit, l'article L 1222-1 du Code du Travail dispose : "Le contrat de travail est exécuté de bonne foi" ; que cette obligation est réciproque ; qu'en l'espèce, la SOCIETE CIFEC qualifie en fonction des circonstances et de ses besoins Monsieur Bruno Y..., qui de chargé d'affaires, qui de gestionnaire de bureaux d'études, alors que sa véritable qualification est dessinateur de bureau d'études et qu'à ce titre ses attributions consistent en un travail purement technique (plan, chiffrage etc...) ; que sur ce qui précède est intervenu, ce faisant, un accord partiel de conciliation concluant définitivement au statut de "dessinateur de bureau d'étude" (procès-verbal du Mardi 13 Mars 2012) ; que de ce seul fait, la SOCIETE CIFEC ne pouvait prétendre à ce que Monsieur Bruno Y... ait une charge de travail correspondant aux qualifications non retenues et jamais concrétisées ; qu'en conséquence, le Conseil de céans jugera mal fondée, sur ce point, la demande de CIFEC ne respectant pas elle-même ses obligations contractuelles de loyauté vis-à-vis de son salarié et la déboutera de sa demande ; sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice d'image, en droit, l'article 1382 du Code Civil dispose que « Tout fait de l'homme qui cause a autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » ; qu'en l'espèce, la SOCIETE CIFEC développe le raisonnement que du fait de la violation de l'obligation de loyauté par Monsieur Bruno Y..., elle a subi un préjudice d'image dans la perte du marché de la ville de MEGEVE, que sa position et assise de CIFEC sur le marché en ont été affaiblies et que cela justifierait l'octroi de dommages-intérêts ; qu'or, il apparaît à la lecture d'un jugement prononcé le 27 Septembre 2013 par le Tribunal de Commerce de PARIS, non frappé d'appel et ayant autorité de la chose jugée entre les parties, que la SOCIETE CIFEC a déjà été indemnisée ; que « sur le préjudice. Attendu que le comportement déloyal de HYDRACO a entraîné une désorganisation certaine, notamment du fait de l'ancienneté de M. Y..., du service bureau d'études de CIFEC composé de seulement trois personnes. Mais attendu que le résultat de l'appel d'offre de la ville de Megève communiqué à CIFEC par lettre du 18 Mai 2011 indique qu'elle a été classée en 3e position ; que ce seul fait démontre que si HYDRACO n'avait pas concouru CIFEC n'aurait de toute les façons pas obtenu ce marché. Condamne la SAS HYDRACO PROCESS à payer à CIFEC la somme de 60 000 de dommages-intérêts toutes causes confondues" ; qu'en conséquence le Tribunal de Commerce de PARIS s'étant déjà prononcé sur la gestion du préjudice de la SOCIETE CIFEC, et lui ayant octroyé des dommages-intérêts, il n'y a pas lieu de condamner à des dommages-intérêts supplémentaires ; que le Conseil de Prud'Hommes de céans déboutera donc la SOCIETE CIFEC de sa demande ; sur les dommages-intérêts pour procédure abusive, en droit, l'article 32-1du Code de Procédure Civile dispose que "Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3 000 f, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés" ; qu'en l'espèce La SOCIETE CIFEC dit avoir subi un préjudice pour procédure abusive de Monsieur Bruno Y... qui par ailleurs avait été condamné pour des agissements déloyaux par le Tribunal de Commerce de PARIS ; que sur ce point, le Conseil de Prud'Hommes de NANTERRE constate que les demandes de Monsieur Bruno Y... étaient recevables ; Qu'elles ont notamment abouti à un procès-verbal de conciliation partielle sur une des demandes (qualification : Dessinateur de bureau d'études) et donc qu'elles n'étaient pas abusives ; qu'en conséquence, le Conseil décidera que CIFEC sera débouté de sa demande ; que s'agissant de la demande de CIFEC au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, le Conseil la déboutera de sa demande ».
Alors que constitue un excès de pouvoir le fait, pour le juge, de statuer sur le fond de la demande dont il est saisi après avoir constaté son irrecevabilité ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société CIFEC de ses demandes, et en statuant sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la société CIFEC, tout en ayant préalablement constaté l'irrecevabilité des demandes de cette dernière, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 122 du code de procédure civile.