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03/10/2018 | FRANCE | N°16-27565

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 octobre 2018, 16-27565


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2016), que M. Y... a été engagé le 23 mars 2007 par le conseil de l'ordre des avocats des Hauts-de-Seine en qualité de directeur administratif et financier ; que le 20 mars 2012, le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demand

es alors, selon le moyen :

1°/ constitue une sanction disciplinaire toute mesure au...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2016), que M. Y... a été engagé le 23 mars 2007 par le conseil de l'ordre des avocats des Hauts-de-Seine en qualité de directeur administratif et financier ; que le 20 mars 2012, le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ constitue une sanction disciplinaire toute mesure autre que des observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que l'employeur qui a épuisé son pouvoir disciplinaire ne peut prendre une nouvelle sanction à l'encontre du salarié pour des faits déjà sanctionnés ou dont il avait connaissance au moment du prononcé de la première sanction et qu'il a décidé de ne pas sanctionner ; qu'en l'espèce, par courrier en date du 10 février 2012, la bâtonnière, reprochait à M. Y... son attitude consistant à remettre en cause son autorité de bâtonnier et à faire obstruction à ses instructions, sa défaillance voire son refus à exécuter diverses tâches relevant de ses missions, ses absences répétées sans autorisation, la gestion fluctuante de ses horaires ; que le Bâtonnier terminait son courrier à M. Y... en indiquant qu'elle était «contrainte de vous mettre officiellement en demeure d'apporter la plus grande rigueur à l'accomplissement de vos tâches et notamment en vous abstenant de toute obstruction à mes instructions et en les respectant » ; qu'en affirmant néanmoins que ce courrier ne caractérisait pas une sanction disciplinaire, de nature à épuiser le pouvoir disciplinaire de l'employeur au regard des faits dont il avait connaissance à la date de cette mesure, aux motifs que l'examen des termes de la lettre du 10 février 2012 montrait que Mme la bâtonnière avait énuméré les dysfonctionnements, centrés sur l'organisation du travail et non pas sur les faits de harcèlement, et rappelé au salarié ses obligations professionnelles, et que cette lettre ne caractérisait pas une sanction disciplinaire, tandis que ledit courrier, qui visait déjà des griefs de même nature que ceux mentionnés dans la lettre de licenciement pour des faits couvrant la même période, et invitait de façon impérative le salarié à cesser ses agissements, constituait incontestablement un avertissement épuisant le pouvoir disciplinaire de l'employeur pour les faits dont il avait connaissance à la date de ce courrier, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble la règle non bis in idem ;

2°/ constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que des observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que l'employeur qui a épuisé son pouvoir disciplinaire ne peut prendre une nouvelle sanction à l'encontre du salarié pour des faits déjà sanctionnés ou dont il avait connaissance au moment du prononcé de la première sanction et qu'il a décidé de ne pas sanctionner ; qu'en l'espèce, en considérant que l'employeur n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire le 10 février 2012 et que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, au motif inopérant que le courrier adressé au salarié à cette date n'évoquait pas le harcèlement moral censément imputé à M. Y..., tandis qu'elle a elle-même retenu que ce harcèlement moral n'était pas matériellement établi, de sorte qu'il ne pouvait fonder le licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1331-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le document rédigé par l'employeur avait énuméré les dysfonctionnements, centrés sur l'organisation du travail et rappelé au salarié ses obligations professionnelles, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués à la seconde branche, a pu en déduire qu'il ne s'analysait pas en une mesure disciplinaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à permettre la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Y...

MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Y... de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE Sur le licenciement En application des dispositions de l'article L. 1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié. Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule. La lettre de licenciement en date du 20 mars 2012 reproche à Monsieur Y... : - un harcèlement moral à l'encontre de Madame B..., en se fondant notamment sur le rapport de l'enquête diligentée par Madame H..., des manquements caractérisés à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, avec notamment la mise en cause du Bâtonnier, l'atteinte à son autorité et le discrédit porté à sa personne, les conditions anormales et insatisfaisantes de l'exécution du contrat de travail, passant par une présence inférieure à 35 heures hebdomadaires et par de nombreuses absences en cours de journée. Monsieur Y... soutient que l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire relativement aux griefs cités dans la lettre de licenciement. Toutefois, l'examen des termes de la lettre du 10 février 2012 montre que Madame la Bâtonnière a énuméré les dysfonctionnements, centrés sur l'organisation du travail et non pas sur les faits de harcèlement et a rappelé au salarié ses obligations professionnelles. Cette lettre ne caractérisait pas une sanction disciplinaire. Au surplus, il conteste la réalité des griefs qui lui sont reprochés. Sur les griefs en lien avec la mise en cause de la bétonnière, avec l'atteinte à son autorité et avec le discrédit porté à sa personne, sont communiqués un échange de courriels rédigés par M. Y... le 28 février 2012 et le témoignage de Mme C.... D'après le courriel du 28 février 2012, le salarié a interpellé Maître D... en ces termes:« je vous indique que je suis toujours en attente des justificatifs de dépenses CB [...] que je vous ai réclamés le 17 février dernier [...] ». Le 2 mars 2012, M. Y... a adressé un courriel à Messieurs E... Jacques, F... Olivier rédigé en ces termes «j'ai pensé que vous deviez être informés de la situation décrite ci-dessous» et a communiqué le courriel qu'il avait adressé à Madame la Bâtonnière le 28 février 2012 à propos de l'attente des justificatifs de dépenses. Mme Brigitte C... dans son attestation explique qu'elle éprouvait des difficultés pour obtenir de M. Y... les tableaux de bord, que cette attitude trouva son paroxysme lors du conseil de l'ordre du début décembre 2011, que "Madame la Bâtonnière non plus n'obtenait pas ces tableaux de bord et qu'elle n'avait pas accès à l'ordinateur de M. Y... et ce qui était encore plus grave, au coffre où étaient déposés les chèques et chéquiers des confrères". Plusieurs documents communiqués et notamment des courriels du salarié établissent que celui-ci multipliait les absences y compris en cours de journée ainsi que cela ressort du courriel du 28 février 2012 aux termes duquel il faisait état d'une urgence l'obligeant à partir. 11 sera relevé qu'aux termes du compte rendu de l'entretien du 13 mars 2012, Monsieur Y... a indiqué « qu'il est autonome dans son travail et se sent assez libre pour prendre des congés à sa convenance », ce qui corrobore la réalité d'une exécution anormale de ses obligations contractuelles par le salarié qui ne reconnaissait pas l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction et de contrôle, même s'il prenait soin d'informer l'employeur de ses absences mais ne sollicitait ni n'attendait un quelconque assentiment de sa part. Par ailleurs, Madame H..., chargée de procéder à une enquête sur le harcèlement dénoncé par Mme B..., précise dans le rapport qu'elle a rédigé que Monsieur Y... « tient beaucoup à son titre », est un homme et que le souci est peut-être là, car il a plus d'autorité », « il essaie de jouer son rôle de directeur qui est de diriger. Il ne veut pas jouer un second râle. Dans toutes les entreprises, le directeur financier a le pouvoir. Il est grand temps que chacun reste à sa place et travaille ». M. G... Christophe délégué du personnel suppléant de janvier 2010 à décembre 2013 atteste avoir reçu Madame B... au sujet des difficultés qu'elle rencontre avec son supérieur hiérarchique M. Y.... Il précise qu'en dépit de l'intervention du bâtonnier, l'état de stress ressenti par Madame B... s'est aggravé, qu'au retour des congés d'été de 2011, Madame B... a craqué et déposé une plainte pour harcèlement moral. Même si le moyen tiré de la prescription n'est pas opérant puisque l'employeur a mené une enquête avant de conclure à l'existence d'un harcèlement, la cour relève que les attestations produites en ce compris le témoignage de M. G... se limitent à reproduire les déclarations de la salariée quant aux comportements qu'elle reprochait à M. Y..., sans rapporter aucun fait précis caractérisant des faits de harcèlement dont ils auraient été les témoins directs. Ces divers témoignages établissent l'état de stress de Mme B.... Toutefois, l'imputabilité de cet état à un harcèlement de la part de M. Y... n'est pas rapportée. Pour autant, au regard de l'ensemble des éléments communiqués et précédemment analysés, les comportements déplacés de M. Y... vis à vis de son employeur étaient de nature à porter atteinte à la position et à l'autorité de celui-ci, voire de nature à faire en sorte que des tiers puissent douter de sa capacité à exercer sa mission ainsi que les absences décidées sans attendre l'assentiment de son employeur, caractérisent tout à la fois une forme de désinvolture, de déloyauté et une volonté de s'affranchir de l'autorité de sa supérieure hiérarchique. Pris dans leur ensemble ces comportements sont nonobstant le fait que la cour a écarté le grief du harcèlement invoqué dans la lettre de licenciement sont constitutifs d'une violation par le salarié de ses obligations contractuelles caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement. Le jugement est confirmé sur ce point.

1°) ALORS QUE constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que des observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que l'employeur qui a épuisé son pouvoir disciplinaire ne peut prendre une nouvelle sanction à l'encontre du salarié pour des faits déjà sanctionnés ou dont il avait connaissance au moment du prononcé de la première sanction et qu'il a décidé de ne pas sanctionner ; qu'en l'espèce, par courrier en date du 10 février 2012 (production), la bâtonnière, reprochait à M. Y... son attitude consistant à remettre en cause son autorité de Bâtonnier et à faire obstruction à ses instructions, sa défaillance voire son refus à exécuter diverses tâches relevant de ses missions, ses absences répétées sans autorisation, la gestion fluctuante de ses horaires ; que le Bâtonnier terminait son courrier à M. Y... en indiquant qu'elle était « contrainte de vous mettre officiellement [en demeure d'apporter la plus grande rigueur à l'accomplissement de vos tâches et notamment en vous abstenant de toute obstruction à mes instructions et en les respectant » ; qu'en affirmant néanmoins que ce courrier ne caractérisait pas une sanction disciplinaire, de nature à épuiser le pouvoir disciplinaire de l'employeur au regard des faits dont il avait connaissance à la date de cette mesure, aux motifs que l'examen des termes de la lettre du 10 février 2012 montrait que Madame la bâtonnière avait énuméré les dysfonctionnements, centrés sur l'organisation du travail et non pas sur les faits de harcèlement, et rappelé au salarié ses obligations professionnelles, et que cette lettre ne caractérisait pas une sanction disciplinaire, tandis que ledit courrier, qui visait déjà des griefs de même nature que ceux mentionnés dans la lettre de licenciement pour des faits couvrant la même période, et invitait de façon impérative le salarié à cesser ses agissements, constituait incontestablement un avertissement épuisant le pouvoir disciplinaire de l'employeur pour les faits dont il avait connaissance à la date de ce courrier, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble la règle non bis in idem ;

2°) ALORS QUE constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que des observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que l'employeur qui a épuisé son pouvoir disciplinaire ne peut prendre une nouvelle sanction à l'encontre du salarié pour des faits déjà sanctionnés ou dont il avait connaissance au moment du prononcé de la première sanction et qu'il a décidé de ne pas sanctionner ; qu'en l'espèce, en considérant que l'employeur n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire le 10 février 2012 et que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, au motif inopérant que le courrier adressé au salarié à cette date n'évoquait pas le harcèlement moral censément imputé à M. Y..., tandis qu'elle a elle-même retenu que ce harcèlement moral n'était pas matériellement établi, de sorte qu'il ne pouvait fonder le licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1331-1 et L. 1235-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Y... de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et atteinte à la réputation professionnelle ;

ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, en déboutant M. Y... de l'ensemble de ses demandes, notamment de sa demande tendant à être indemnisé en raison de l'accusation infondée de harcèlement moral de sa part à l'encontre de Mme B... ayant motivé à titre principal son licenciement, après avoir pourtant jugé que la preuve du harcèlement reproché à M. Y... n'était pas établie, sans motiver sa décision à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-27565
Date de la décision : 03/10/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 oct. 2018, pourvoi n°16-27565


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.27565
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