LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Kleinmann en qualité de peintre en bâtiment à compter du 3 avril 1995 ; que le 5 juillet 2011 il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de le reclasser à un poste administratif ; que contestant son licenciement il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L.1235-4 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige ;
Attendu qu'après avoir dit le licenciement privé de cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement fondée sur l'article L. 1226-10 du code du travail et condamné ce dernier au paiement d'une indemnité à ce titre, l'arrêt ordonne à cet employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 1235-4 ne sont pas applicables au licenciement intervenu en violation des règles particulières aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle prévues par les articles L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Kleinmann à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à M. X... dans la limite de six mois d'indemnités, l'arrêt rendu le 9 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article L. 1235-4 du code du travail ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Charles Kleinmann
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour inaptitude professionnelle de Monsieur Jacques X... est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société KLEINMANN à payer à Monsieur Jacques X... la somme de 25.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 3.937,73 euros à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société KLEINMANN à Pôle Emploi Alsace des prestations de chômage versées à Monsieur X... dans la limite de six mois d'indemnités ;
AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L 1226-10 du code du travail «Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.». Monsieur X... conteste le bienfondé de son licenciement en soutenant que la société Kleinmann n'a pas loyalement accompli son obligation de reclassement. Le salarié souligne qu'il n'a jamais été destinataire d'une proposition de reclassement, et que l'employeur n'a jamais sollicité le médecin du travail afin de procéder à une étude de poste ni afin de se prononcer sur la compatibilité de postes ou de tâches avec les aptitudes de Monsieur X.... Aussi c'est à l'employeur qu'il appartient de démontrer que le reclassement est impossible. A l'appui de l'accomplissement loyal de son obligation de reclassement, la société Kleinmann soutient dans ses écrits que Monsieur X... a à plusieurs reprisés démontré un total désintérêt pour un poste administratif, et elle évoque une formation de métreur commencée par le salarié et abandonnée au bout de deux jours sans aucune autre précision, et affirme enfin qu'aucun poste administratif n'était disponible. Les seuls éléments produits par la société Kleinmann à l'appui de son obligation de reclassement sont des témoignages de salariés qui mentionnent que Monsieur X... a été affecté à des tâches administratives simples ou de rangement, et pour l'un des témoins l'affirmation de l'absence de postes disponibles. La cour relève que la société Kleinmann ne justifie d'aucune recherche loyale et sérieuse d'un poste de reclassement ni d'aucune sollicitation du médecin du travail à aucun moment afin de recueilli son avis sur un poste envisagé. De surcroît dans un écrit en date du 17 février 2011 Monsieur X... s'est plaint à son employeur d'avoir été affecté à des tâches non conformes aux préconisations du médecin du travail. La réponse faite par l'employeur dans un courrier en date du 1er mars 2011 évoque de "nouvelles fonctions" et affirme avoir procédé à un aménagement d'un poste pour permettre la reprise d'activité sans pour autant faire état d'une consultation du médecin du travail. En conséquence le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a fait rejeter la demande de dommages-intérêts de Monsieur X... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Compte tenu de l'ancienneté du salarié, de son niveau de rémunération et de son âge au moment de la rupture (57 ans), date à partir de laquelle il a connu une longue période sans emploi, il sera alloué à Monsieur X... la somme de 25 000 à titre de dommages-intérêts afin d'assurer la réparation intégrale de son préjudice. Il y a lieu d'ordonner d'office, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement des prestations de chômage versées à Monsieur X... par la société Kleinmann dans la limite de six mois d'indemnités » ;
1. ALORS QUE l'employeur peut justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagements du temps de travail, reclasser le salarié inapte dans un emploi approprié à ses capacités, compte tenu de la position prise par le salarié ; qu'en l'espèce, la société KLEINMANN soutenait avoir tenté de reclasser Monsieur X... sur un emploi adapté à ses aptitudes réduites telles que décrites par le médecin du travail sur les avis d'inaptitude, en l'affectant à des tâches de nature administrative et de rangement, mais que Monsieur X..., qui avait déménagé à plus de 80 kilomètres du siège de l'entreprise, avait indiqué que cet emploi ne lui convenait pas et qu'il ne voulait plus effectuer les longs trajets quotidiens nécessaires pour se rendre au travail ; que la société KLEINMANN établissait l'existence de ses démarches par la production d'attestations de plusieurs salariés de l'entreprise et l'avis émis par le délégué du personnel sur l'impossibilité de reclasser Monsieur X... ; qu'en se bornant à affirmer que la société KLEINMANN ne justifiait d'aucune recherche loyale et sérieuse d'un poste de reclassement, sans s'expliquer sur les démarches dont attestaient plusieurs salariés, ni rechercher si Monsieur X... n'avait pas exprimé la volonté de ne pas être reclassé sur un emploi de nature administrative compatible avec ses aptitudes réduites, par manque d'intérêt et compte tenu de son déménagement dans un autre département, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail ;
2. ALORS QUE l'employeur n'est tenu de solliciter l'avis du médecin du travail sur le poste de reclassement qu'il envisage de proposer au salarié qu'à la condition qu'un poste susceptible de convenir aux aptitudes réduites du salarié soit disponible dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, dans son dernier avis d'inaptitude, le médecin du travail avait clairement indiqué que les « aptitudes restantes » de Monsieur X... se limitaient à « une activité de type administratif et mouvements d'élévation des deux bras supérieurs à 80° » ; que la société KLEINMANN soutenait qu'aucun poste administratif n'était disponible dans l'entreprise, de sorte qu'un reclassement sur un emploi de cette nature était impossible ; qu'en reprochant à la société KLEINMANN de n'avoir pas sollicité le médecin du travail afin de recueillir son avis sur un poste envisagé, sans rechercher si un poste compatible avec le dernier avis du médecin du travail était disponible dans l'entreprise, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail ;
3. ALORS QUE dans son courrier du 1er mars 2011, la société KLEINMANN exposait que, sur les recommandations du médecin du travail, elle avait aménagé un poste pour permettre à Monsieur X... de reprendre son activité, en respectant les préconisations du médecin du travail et que Monsieur X... n'indiquait pas quelles tâches il aurait dû effectuer sur ce poste en violation des prescriptions du médecin du travail ; qu'en reprochant à la société KLEINMANN d'avoir procédé à l'aménagement d'un poste pour permettre la reprise d'activité de Monsieur X... sans pour autant faire état d'une consultation du médecin du travail, sans expliquer en quoi la consultation du médecin du travail était utile au regard des prescriptions figurant dans son avis d'inaptitude, ni quelles tâches proposées au salarié auraient été contraires à ces prescriptions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIREIl est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné le remboursement par la société KLEINMANN à Pôle Emploi Alsace des prestations de chômage versées à Monsieur X... dans la limite de six mois d'indemnités ;
AUX MOTIFS QU' « il y a lieu d'ordonner d'office, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement des prestations de chômage versées à Monsieur X... par la société Kleinmann dans la limite de six mois d'indemnités » ;
ALORS QUE les dispositions de l'article L. 1235-4 ne sont pas applicables au licenciement intervenu en violation des règles particulières aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle prévues par les articles L.1226-10 et L. 1226-15 du code du travail ; qu'en ordonnant à la société KLEINMANN de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Monsieur X... dans la limite de six mois, cependant qu'elle jugeait son licenciement intervenu en violation des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10, L. 1226-15 et L.1235-4 du code du travail.