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26/09/2018 | FRANCE | N°17-15352

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 septembre 2018, 17-15352


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 juin 2016), que, suivant offre préalable acceptée le 9 juillet 2002, la société Crédit foncier de France (la banque) a consenti un prêt immobilier à M. et Mme X... (les emprunteurs) ; que ceux-ci ont assigné la banque aux fins de voir prononcer la nullité de la clause de stipulation de l'intérêt conventionnel mentionnée dans l'offre de prêt ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que les emprunteurs font grief à l

'arrêt de déclarer leur demande irrecevable, alors, selon le moyen, que le juge tran...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 juin 2016), que, suivant offre préalable acceptée le 9 juillet 2002, la société Crédit foncier de France (la banque) a consenti un prêt immobilier à M. et Mme X... (les emprunteurs) ; que ceux-ci ont assigné la banque aux fins de voir prononcer la nullité de la clause de stipulation de l'intérêt conventionnel mentionnée dans l'offre de prêt ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer leur demande irrecevable, alors, selon le moyen, que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que la mention d'un taux effectif global erroné dans l'offre de prêt est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts et non par la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les emprunteurs faisaient valoir que le taux effectif global mentionné dans l'offre de prêt que leur avait adressée la banque était erroné ; qu'en se bornant à juger prescrite leur action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, sans rechercher si les emprunteurs étaient fondés à demander la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, saisie d'une action en nullité de la clause de stipulation de l'intérêt conventionnel mentionnée dans l'offre de prêt, la cour d'appel n'avait pas à rechercher, sauf à modifier l'objet du litige, si les emprunteurs étaient fondés à solliciter la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deux dernières branches du moyen, ci-après annexé :

Attendu que les emprunteurs font le même grief à l'arrêt ;

Attendu que l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans l'offre de prêt ne peut être sanctionnée par la nullité de la clause le stipulant ; que le moyen, qui postule le contraire, est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré prescrite l'action en nullité de la seule stipulation d'intérêts conventionnels et d'avoir, en conséquence, déclaré les époux X... irrecevables de leurs demandes à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE sur l'irrecevabilité de l'action en nullité du TEG stipulé dans un prêt immobilier fondée sur les dispositions de l'article 1907 du code civil ; il est constant que le prêt immobilier souscrit par les consorts X... est soumis aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, telles qu'en vigueur à sa date de souscription ; le TEG porté à l'offre de prêt est défini conformément à l'article L. 33-1 du code de la consommation, lequel renvoi lui-même s'agissant des modalités de son calcul, à l'article R. 313-1 du même code ; par ailleurs, l'article L. 312-8 de ce code précise que l'offre de prêt indique, outre le montant du crédit susceptible d'être consenti, (
) son coût total, son taux défini conformément à l'article L. 313-1 (
) ; or, il s'évince des dispositions de l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mars 2014, que la seule sanction civile de l'inobservation des dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation est la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge ; alors que ces dispositions sont d'ordre public, l'erreur entachant le taux effectif global d'un prêt immobilier est donc sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels dans la proportion laissée à l'appréciation du juge, sans qu'il soit possible, en cette matière, de fonder utilement une action de nullité du TEG sur le fondement des dispositions de l'article 1907 du code civil ; en effet, en vertu du principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales et dès lors que la nullité automatique est une sanction plus sévère que la déchéance – laquelle peut être totale mais aussi partielle – les dispositions de droit spécial du code de la consommation seraient vidées de leur sens si l'on pouvait les contourner pour se fonder sur les dispositions générales du code civile ; le jugement sera donc infirmé sur ce point et les époux X... seront déclarés irrecevables en leur action fondée sur les dispositions de l'article 1097 du code civile ; sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, s'agissant de la même action mais engagée sur le fondement des dispositions du code de la consommation, encore faut-il qu'elle ne soit pas prescrite pour que les époux X... soient recevables ; qu'il s'évince de l'application des dispositions des articles 1304 et 2224 du code civil, qu'en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou un non professionnel, le point de départ de la prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, en raison d'une erreur affectant le taux effectif global – de même que celui de l'exception de nullité d'une stipulation contenue dans un acte de prêt ayant reçu un commencement d'exécution – est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de révélation de celle-ci à l'emprunteur ; que les époux X... prétendent que la prescription ne courrait qu'à compter de la date du 15 novembre 2012, à laquelle leur expert privé leur a révélé dans son rapport que « les frais liés au prêt n'ont pas été intégrés par le Crédit Foncier de France dans son calcul du TEG », de sorte que leur action, introduite le 16 mai 2013, ne serait pas prescrite ; que cependant et ainsi que la banque le fait justement observer, alors que leurs prétentions d'inexactitude du TEG ne porte aucunement sur une erreur de calcul, mais uniquement sur l'assiette de ce taux – en ce qu'elle n'intégrerait pas les frais de sûretés réelles – l'offre de prêt est parfaitement claire dans l'expression de l'assiette du TEG puisque l'offre précise en ses pages 5 et 6 « TAUX EFFECTIF GLOBAL : Taux effectif global : 5,40% Taux de la période mensuelle : 0,45% Le taux effectif global a été calculé compte tenu : - de(s) (la) cotisation(s) d'assurance décès, perte total et irréversible d'autonomie, invalidité, incapacité de travail pris(e) en compte dans la limite d'un montant de prêt assuré à 100% à savoir : 0,348% l'an %% du montant du prêt - du coût prévisionnel du prêt Le taux effectif global est exprimé en taux annuel calculé proportionnellement au taux de période indiquée ci-dessus. COUT TOTAL PREVISIONNEL DU PRET Coût total prévisionnel du prêt : 92 631,56 euros comprenant - les intérêts au(x) taux indiqué(s) ci-dessus - les droits d'instruction de 600 euros payables en une fois avec la première échéance du prêt. Il est précisé que ce coût ne comprend pas : - le coût des suretés réelles évaluées à 1625 euros (émoluments du notaire, taxes diverses, sûretés réelles qui conditionnent la conclusion de votre prêt) - la somme forfaitaire perçue pour chaque exercice de l'option de modulation, à compter de la 2e demande de modulation, et formulée en dehors des périodes de révision, dans les conditions indiquées ci-après. Cette somme est révisable au 1er janvier de chaque année dans la limite de 5% du montant en vigueur au cours de l'année précédente. Au 1er janvier de cette année, elle s'élève à 46 euros » ; que, quand bien même les époux X... se disent profanes en matière de crédit, ils disposaient, à la simple lecture de l'offre de prêt, de tous les éléments pour être informés sur l'assiette du TEG, à savoir ce que celui-ci incluait et ce qu'il n'incluait pas ; qu'ainsi qu'indiqué en page 17 de l'offre de prêt, au premier paragraphe des conditions générales, intitulé « acceptation et durée de validité de l'offre », « le prêteur s'oblige à maintenir les conditions de cette offre pendant une durée de 30 jours à compter de sa date de réception par l'emprunteur » ; que, par ailleurs, le courrier de la banque du 26 juin 2002, transmettant l'offre de prêt, en leur précisant notamment le délai légal de réflexion de 11 jours qui s'impose avant l'acceptation de l'offre, les invitait à prendre contact avec l'agent dont le nom et la ligne téléphonique directe figurait sur le courrier en ces termes « si vous désirez une information complémentaire concernant cette offre ou un conseil sur un aspect particulier de votre opération, n'hésitez pas à nous contacter » qu'or, les époux X... se sont contentés du délai légal obligatoire de réflexion de 11 jours alors qu'ils disposaient de 30 jours pour accepter cette offre ; qu'ils n'ont pas davantage mis à profit ces délais minimum et maximum pour solliciter des explications auprès du conseiller du Crédit Foncier ; qu'ils n'ont manifestement pas cherché à interroger non plus le notaire ayant reçu l'acte authentique de prêt ; qu'ils sont donc réputés suffisamment informés par cette offre claire et détaillée sur l'assiette du TEG ; que, dès lors, à la date de leur acceptation de l'offre de prêt, ils avaient les moyens de connaître l'assiette du taux effectif global, et notamment le fait que le coût des sûretés réelles n'y était pas intégré, s'ils souhaitaient s'en prévaloir pour former une action en nullité du TEG ; qu'en l'espèce, c'est donc bien à la date de l'acceptation de l'offre de prêt, soit le 9 juillet 2002, qu'a commencé à courir la prescription quinquennale de leur action, laquelle se trouve nécessairement prescrite pour avoir été introduite le 16 mai 2013, soit très largement plus de 5 ans après cette date ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action des époux X... ;

1°) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que la mention d'un taux effectif global erroné dans l'offre de prêt est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts et non par la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. et Mme X... faisaient valoir que le TEG mentionné dans l'offre de prêt que leur avait adressée la banque était erroné ; qu'en se bornant à juger prescrite leur action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, sans rechercher si les époux X... étaient fondés à demander la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le point de départ de la prescription de l'action en nullité d'une stipulation d'un intérêt conventionnel, engagée en raison d'une erreur affectant le taux effectif global, est dans le cas d'un crédit octroyé à un consommateur ou à un non professionnel, la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur ; qu'il en résulte que le point de départ de la prescription n'est la date de la convention que s'il est démontré que les emprunteurs ont effectivement été en mesure de déceler, par eux-mêmes, à la lecture de l'acte de prêt, l'erreur affectant le taux effectif global ; qu'en retenant en l'espèce, pour fixer le point de départ de la prescription à la date de l'acceptation de l'offre de prêt que celle-ci était parfaitement claire dans l'expression de l'assiette du taux effectif global et que les époux X... disposaient donc de tous les éléments pour vérifier ou faire vérifier ladite assiette, ce qu'ils n'ont pas fait, sans rechercher si les époux X... étaient en mesure de déceler, par eux-mêmes, à la lecture de l'offre de prêt, l'erreur affectant le taux effectif global, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1304 et 1907 du code civil, ensemble des articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation ;

3°) ALORS QUE les époux X... faisaient valoir que le taux effectif global mentionné dans l'offre de prêt était erroné en ce qu'il n'incluait pas le coût réel de l'assurance décès, dont la conclusion constituait une condition d'octroi du prêt, ni le coût de l'assurance incendie (conclusions d'appel p. 11 et 15) ; qu'en relevant, pour juger prescrite l'action des époux X..., que leur prétention d'inexactitude portait uniquement sur l'assiette du taux en ce qu'elle n'intègrerait pas les frais de sûretés réelles, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des époux X... et violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-15352
Date de la décision : 26/09/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 22 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 sep. 2018, pourvoi n°17-15352


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15352
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