LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1221-1 et L. 1232-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 4 avril 2011 par la clinique I... en qualité de « médecin SSI » (service de soins indifférenciés) ; que la clinique lui a proposé le 12 novembre 2012 un poste au sein du service programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), qu'il a refusé ; qu'il a été licencié le 18 janvier 2013, en raison notamment du refus de cette proposition ; que, contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour rejeter ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'indemnités de rupture, l'arrêt retient que l'article 9 du contrat de travail prévoit que l'intéressé pourra être affecté à tout emploi relevant de sa qualification sur l'un ou l'autre des services de la clinique, que si la nature des fonctions diffère de celles qu'il exerçait auparavant, pour n'être plus en charge des patients, elles répondent pour autant à sa qualification de sorte qu'il ne pouvait refuser la mutation fonctionnelle qui lui était proposée et était justifiée par l'intérêt de l'entreprise, s'agissant d'optimiser la lecture des dossiers médicaux et son système de facturation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait été engagé en qualité de « médecin SSI », prenant en charge les patients du service de soins indifférencié, et que, dans le cadre de la mutation qui lui avait été proposée, ses fonctions ne comportaient plus de suivi thérapeutique des patients, mais consistaient exclusivement, au sein du service programme de médicalisation des systèmes d'information, à améliorer la lecture des dossiers médicaux de l'établissement, afin que le personnel du service assure un codage et une facturation selon les taux de sévérité, ce dont il résultait que cette mutation constituait, non un changement de ses conditions de travail, mais une modification du contrat de travail que le salarié était en droit de refuser, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société La Polyclinique I... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société La Polyclinique I... et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. X....
- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes tendant à ce que la SA Polyclinique I... soit condamnée à lui verser des sommes à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnités de rupture ;
- AU MOTIF QUE Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance. En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions. En effet, l'article 9 du contrat de travail de Monsieur X... prévoyait que : « Monsieur Philippe X..., Médecin SS1, pourra également être affecté, ponctuellement comme à long terme, à tout emploi relevant de sa qualification sur l'un ou l'autre des services de la Clinique de I.... » Il n'est pas contestable que l'emploi sur lequel son employeur l'affectait relevait de sa qualification, l'employeur lui écrivait le 12 novembre 2012 que :
« Conformément aux dispositions de votre contrat de travail, je vous informe, par la présente, que dès le 02 janvier 2013, vous serez affecté au service PMSI dans le cadre de votre fonction de médecin au sein de la Clinique I....
Vous serez en charge à celte date, d 'améliorer la lecture des dossiers médicaux de l'établissement afin que le personnel de ce service assure un codage et une facturation selon les taux de sévérités. A ce jour, l'établissement a un déficit de 240.000 euros sur les 8 premiers mois de l'année.
Votre travail dès le 02 janvier sera de vous assurer dans les services de soins que tous les événements majeurs soient indiqués dans les dossiers médicaux (Cotit de morbidité associé) et d'une relecture des dossiers qui se trouvent au service PMSI. Il est primordial et nécessaire que le codage s'en trouve amélioré par votre expertise médicale. Par conséquent, une analyse de cette performance se réalisera dans les trois mois qui suivent votre prise de fonction.
Vous serez accompagné dès le 03 janvier par Mylène Y... et Fanny Z... pour que vous puissiez appréhender et être opérationnel rapidement. L 'établissement pourra vous proposer au-delà d'une année, une formation de Médecin DIM en accord avec le Groupe Vitalia. »
Si la nature des fonctions confiées à M. X... diffère de celles qu'il exerçait auparavant pour n'être plus en charge des patients, elles répondent pour autant à sa qualification en sorte qu'il ne pouvait refuser la mutation fonctionnelle qui lui était proposée et justifiée par l'intérêt de l'entreprise s'agissant d'optimiser la lecture des dossiers médicaux et son système de facturation. L'employeur ajoute que le poste de médecin PMSI aurait permis à Monsieur X..., qui s'était vu reconnaître le statut de travailleur handicapé, d'effectuer une grande partie de son travail assis, la pénibilité de son travail s'en trouvant amoindrie. La polyclinique, qui n'y est pas tenue, rappelle les difficultés rencontrées par M. X... dans son service, attestées par :
- le Docteur A... : « En tant que Président de la Communauté médicale, j'ai eu à plusieurs reprises des échanges avec le Dr B... et le Dr C... sur les difficultés qu'ils rencontraient au point de vue médical lors de la présence du Dr X... et du Dr D....»
- Madame Y... : « J'atteste des propos tenus par le Dr B... Laurence au sujet du Dr X..., à savoir que d'un point de vue relationnel il apportait beaucoup de réconfort aux patients, par contre, d'un point de vue médical, ses compétences étaient très discutables notamment concernant le suivi des patients, l'adaptation et la prescription des traitements. »
- Monsieur E..., Directeur des Soins Infirmiers, : « Je viens vous relater les remarques que j'ai pu avoir de la part du service SSI concernant la prise en charge médicale du Docteur X.... En effet, il semblerait que la prise en charge des patients ne soit pas effectuée dans sa globalité, notamment par rapport au suivi des traitements anti-coagulants. De plus sur le temps de présence du docteur X... aucune entrée de patient n 'est exécutée laissant cette tâche à l'autre médecin SSI, ce qui empêche et freine l'efficience du service en question. »
Enfin, la circonstance qu'un autre médecin ait été embauché pour occuper sur son ancien poste n'oblitère en rien la légitimité de sa mutation. Le licenciement est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse.
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige et qu'il convient de s'y rapporter ; Attendu que la lettre de licenciement fait état des griefs suivants :
- Absence de prise en charge thérapeutique et personnel en difficulté
- Défaut de suivi des anticoagulants
- Absence de gestion des entrées
- Refus de la proposition du 12 novembre 2012
- Remise en cause de la bonne marche de la clinique ;
Attendu que, pour attester des trois premiers griefs et du dernier, la clinique I... fournit un courrier du Docteur A..., une attestation d'une secrétaire (Myléne Y...), un courrier de la directrice des soins infirmiers, une note du Docteur G... ainsi que deux comptes-rendus de réunion ; Attendu qu'en réponse, Monsieur X... fournit force attestations de confrères médecins, d'anciens patients, de malades de la clinique I... ainsi que de nombreux collègues qui louent son professionnalisme et ses compétences ; Attendu que les éléments apportés par la clinique I... ne fournissent pas d'éléments probants de la réalité des reproches formulés dans la lettre de licenciement ; Attendu que la signature d'une rupture conventionnelle (avant rétractation) ne peut à elle seule démontrer l'existence de manquements de la part de Monsieur X... ; En conséquence, il convient donc d'écarter ces griefs comme non prouvés. Attendu qu'il reste un seul point susceptible de légitimer le licenciement selon l'article L. 1232-1 du Code du Travail ; Attendu que la proposition du 12 novembre 2012 est ainsi stipulée : « Conformément aux dispositions de votre contrat de travail, vous serez affecté au service PMSI dans le cadre de votre fonction de médecin a Sein de la clinique I.... » ; Attendu que le contrat de travail est établi pour une embauche en qualité de médecin SSI, correspondant à une position de cadre, coefficient 425 de la Convention Collective FHP du 18 avril 2002 ; Attendu qu'un procès-verbal de constat a été établi à la demande de Monsieur X..., concernant les fonctions et le salaire du Docteur F... (4 700 euros brut contre 3 845 euros pour Monsieur X...) ; Attendu que la clinique I... ne nie pas que le Docteur F... ait été embauchée pour occuper le poste de Monsieur X..., ce dernier devant être muté ; Attendu que l'article 9 du contrat de travail stipule que « Monsieur Philippe X..., médecin SSI, pourra également être affecté, ponctuellement comme à long terme, à tout emploi relevant de sa qualification sur l'un ou l'autre des services de la clinique I... » ; Attendu que Monsieur X... estime que les tâches proposées ne concernaient plus des tâches médicales mais des tâches purement administratives, ne correspondant plus à la fonction de médecin « soignant » telle que comprise dans la fonction de médecin SSI ; Attendu que la pièce 17 de Marte Truno, conseil de la clinique I..., atteste de la mise en place d'une plate-forme « Centre de Service PMSI Auvergne » et de l'embauche de Madame G..., médecin DIM à la clinique La CHATAIGNERAIE, comme responsable ; Attendu que cette pièce atteste d'un nouveau mode de fonctionnement ; Attendu que la mutation proposée à Monsieur X... maintenait sa qualification et sa rémunération ; Attendu que Monsieur X... n'apporte pas la preuve que cette mutation consistait en une modification substantielle de son contrat de travail et lui retirait l'ensemble de ses responsabilités, comme il l'affirme ; En conséquence, le licenciement est donc fondé sur le refus de Monsieur X... d'accepter sa mutation professionnelle, possibilité prévue par son contrat de travail et est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
- ALORS QUE D'UNE PART aux termes de l'article L. 1132-1 du Code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en matière d'affectation, de qualification, de mutation, en raison de son état de santé ; qu'en l'espèce en énonçant que si la nature des fonctions confiées à M. X... différait de celles qu'il exerçait auparavant pour n'être plus en charge des patients, elles répondaient pour autant à sa qualification en sorte qu'il ne pouvait refuser la mutation fonctionnelle qui lui était proposée et justifiée par l'intérêt de l'entreprise s'agissant d'optimiser la lecture des dossiers médicaux et son système de facturation tout en constatant que l'employeur avait ajouté que le poste de médecin PMSI aurait permis à Monsieur X..., qui s'était vu reconnaître le statut de travailleur handicapé, d'effectuer une grande partie de son travail assis, la pénibilité de son travail s'en trouvant amoindrie, ce dont il résultait que le changement d'affectation opéré par l'employeur avait été en réalité décidé en raison de l'état de santé de M. X..., la cour d'appel, qui a pourtant décidé que le licenciement de ce dernier était fondé sur une cause réelle et sérieuse, a violé le texte susvisé
- ALORS QUE D'AUTRE PART si en principe la modification de l'affectation d'un salarié lorsqu'elle n'entraine ni rétrogradation, ni diminution de la rémunération ne constitue qu'un simple changement de condition de travail, tel n'est pas le cas lorsque le changement d'affectation concerne des fonctions de nature et de qualification différentes ; qu'en l'espèce, aux termes de l'article 1 du contrat de travail M. X... a été embauché en qualité de Médecin SSI (en gras dans le contrat), c'est-à-dire pour des fonctions de soignant en contact direct avec la patientèle ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que l'employeur avait affecté le Docteur X... à un poste de médecin PMSI c'est-à-dire à un poste purement administratif afin d'optimiser la lecture des dossiers médicaux et son système de facturation et que la nature des fonctions qui lui étaient confiées différaient donc de celles qu'il exerçait auparavant pour n'être plus en charge des patients ; qu'en en déduisant cependant que la nature des fonctions nouvellement confiées à M. X... répondait néanmoins à sa qualification ; alors pourtant qu'elle ne comportait pas l'exercice effectif de la qualification de médecin SSI qui lui avait été pourtant contractuellement reconnue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L 1221-1 du code du travail ;
- ALORS QUE DE TROISIEME PART et subsidiairement la clause de mobilité doit définir avec précision sa zone géographique et l'employeur ne peut en étendre la portée unilatéralement ; qu'un salarié ne peut accepter par avance un changement d'employeur ; qu'est nulle la clause de mobilité par laquelle le salarié lié par un contrat de travail à une polyclinique s'est engagé à accepter toute mutation dans « tout établissement résultant de la couronne géographique (50 km) » du lieu principal de la Clinique I... ; qu'en s'abstenant de rechercher si la clause n° 9 du contrat de travail de M. X... n'était pas nulle dès lors qu'elle permettait toute mutation dans un autre établissement résultant de la couronne géographique (50 km), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1222-1 du code du travail.