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26/09/2018 | FRANCE | N°16-17989

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 septembre 2018, 16-17989


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Primonial que sur le pourvoi incident relevé par M. Y... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 15 septembre 2001, M. Y... a souscrit, par l'intermédiaire de la société JP Morgan Fleming Selection, aux droits de laquelle vient la société Primonial (le courtier), un contrat d'assurance-vie en unités de compte ; qu'il a placé dans le cadre de ce contrat la somme de 45 734,71 euros, provenant d'un prêt remboursable in fine, d'une durée d

e 120 mois au taux nominal annuel de 6 %, remboursable par 119 échéances d'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Primonial que sur le pourvoi incident relevé par M. Y... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 15 septembre 2001, M. Y... a souscrit, par l'intermédiaire de la société JP Morgan Fleming Selection, aux droits de laquelle vient la société Primonial (le courtier), un contrat d'assurance-vie en unités de compte ; qu'il a placé dans le cadre de ce contrat la somme de 45 734,71 euros, provenant d'un prêt remboursable in fine, d'une durée de 120 mois au taux nominal annuel de 6 %, remboursable par 119 échéances d'un montant mensuel de 228,67 euros et une dernière échéance d'un montant de 45 734,71 euros, le coût du crédit étant de 27 517,05 euros, ce prêt lui ayant été consenti, le 10 octobre 2001, par la société d'exploitation Multi Accès banque (la banque) ; que le 10 octobre 2001, M. Y... a délégué à la banque, en garantie du prêt, ses droits de créance au titre du contrat d'assurance-vie ; que le 10 octobre 2011, M. Y... ayant arbitré en faveur du rachat partiel du contrat à hauteur du capital emprunté, la somme de 45 963,38 euros a été versée à la banque en remboursement du solde du prêt ; que le 10 juin 2013, M. Y... a demandé le rachat total du contrat d'assurance et la somme de 9 963,36 euros lui a été versée ; qu'estimant que le courtier et la banque avaient manqué à leurs obligations, M. Y... les a assignés en réparation de son préjudice ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses première, deuxième et troisième branches :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la banque alors, selon le moyen :

1°/ que si le banquier a le devoir de ne pas s'ingérer dans les affaires de son client, il est tenu, lorsqu'il intervient dans une opération de placement que les différents contrats ont pour objet de réaliser, à un devoir d'information et de conseil à l'égard de l'emprunteur sur les risques de cette opération et sur son adéquation à situation et ses objectifs ; que pour écarter toute responsabilité de la banque, la cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait être tiré du fait que les fonds prêtés avaient été investis dans le contrat d'assurance-vie que la banque était intervenue autrement qu'en qualité de prêteur de deniers, ce dont elle a déduit que les dispositions du code monétaire et financier relatives aux prestataires de services d'investissement ne lui étaient pas applicables, et qu'elle n'était pas tenue à un devoir spécifique de conseil à l'égard de M. Y..., faute de s'être spécialement engagée envers celui-ci ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations que le contrat de prêt avait été consenti par la banque quelques jours avant la conclusion du contrat d'assurance-vie, auquel il était adossé, et qu'il « ne s'agissait pas de la simple juxtaposition de deux contrats mais d'un montage dont les risques étaient accrus par le fait qu'alors qu'il était présenté par le courtier comme une opération particulièrement favorable, le placement fait sur le contrat d'assurance devait, pour ne pas être déficitaire, générer une plus-value au moins égale au montant des intérêts et des frais payés par le souscripteur », ce dont il résultait qu'ayant participé à la mise en oeuvre d'une opération de placement financier, la banque était tenue à un devoir de conseil à l'égard de son client sur les risques engendrés par ce montage pris dans sa globalité, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que M. Y... faisait valoir que le contrat de prêt ainsi que le contrat d'assurance-vie qu'il avait conclus étaient indivisibles ; qu'il en déduisait que « le montage présentant un caractère indivisible dès lors qu'il repose sur des contrats interdépendants (contrat de prêt et contrat d'assurance-vie), la banque avait connaissance de la destination des sommes empruntées et étant à l'origine de ce montage, elle se devait de fournir une information globale sur les coûts et les risques engendrés par cette indivisibilité » ; qu'il soutenait également que c'était la banque qui était à l'origine du montage qui lui avait été proposé par le biais d'un mandataire commun à la banque à la compagnie d'assurance ; qu'en retenant qu'il n'était pas contesté que « tant la souscription du contrat d'assurance-vie que le montage financier ont été proposés à M. Y... par la société JP Morgan Fleming Selection, courtier » sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'était pas intervenue dans la mise en oeuvre d'un montage financier global incluant la souscription d'un contrat d'assurance-vie auquel était adossé le prêt, par l'intermédiaire d'un mandataire commun à la compagnie d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°/ que l'existence d'un ensemble contractuel indivisible, consistant en la conclusion d'un prêt en vue d'abonder un contrat d'assurance-vie souscrit concomitamment, constitue un élément de nature à justifier que la banque prêteuse ayant participé à ce montage soit tenue à une obligation d'information et de conseil à l'égard de l'emprunteur ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'indivisibilité invoquée dans la mesure où il n'en était « tiré aucune conséquence sur la validité du montage ou la nullité d'un des contrats en conséquence, de la disparition de l'autre et qu'il est établi, d'une part que la somme empruntée a servi à abonder le contrat d'assurance-vie souscrit par M. Y..., d'autre part que, en garantie du prêt accordé, M. Y... a délégué à la banque les droits de créance dont il disposait au titre de son contrat d'assurance-vie et enfin que le courtier intervenait pour la demande de prêt in fine dans le cadre d'une convention de partenariat avec la banque, dont l'existence résulte des termes de la lettre de la banque du 31 octobre 2001, produite aux débats par le courtier », quand l'existence d'une telle indivisibilité était de nature à déterminer l'étendue du devoir de conseil de la banque prêteuse, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que le banquier prestataire de services d'investissement n'est pas, en cette seule qualité, tenu d'une obligation de conseil à l'égard de son client, qu'il soit ou non averti, sauf engagement contractuel en ce sens ou disposition légale contraire, non invoquée en l'espèce ; qu'à supposer même que la banque ait agi en cette qualité dans l'opération litigieuse, le grief de la première branche, qui postule une règle contraire, ne peut être accueilli ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que le contrat d'assurance-vie avait été souscrit le 15 septembre 2001, que le prêt qui avait servi à abonder le contrat d'assurances-vie l'avait été le 10 octobre 2001 et qu'il n'était pas contesté que tant la souscription du contrat d'assurance-vie que le montage financier avaient été proposés à M. Y... par le courtier, ce dont elle a déduit que la banque n'était intervenue qu'en qualité de prêteur de deniers, non tenu à un devoir de conseil à ce seul titre, la cour d'appel qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la deuxième branche, que ses constatations rendaient inopérante, a statué à bon droit ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner le courtier à payer à M. Y... la somme de 16 475,40 euros, l'arrêt retient qu'il a manqué à son obligation de conseil en ne dissuadant pas son client de souscrire au montage à effet de levier, qui supposait un rendement déjà important pour ne pas causer de perte à celui-ci ;

Qu'en se déterminant par ces motifs, impropres à établir un manquement du courtier à son obligation de conseiller un produit adapté à la situation de son client, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que pour condamner le courtier à payer à M. Y... la somme de 16 475,40 euros, l'arrêt retient encore que le préjudice résultant des fautes du courtier consiste en la perte que M. Y... n'aurait pas subie s'il n'avait pas souscrit au montage dans son ensemble, à savoir la somme de 16 475,40 euros demandée, correspondant aux intérêts et frais du prêt in fine, déduction faite de la plus-value enregistrée sur le contrat d'assurance-vie ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le préjudice né des manquements à l'obligation d'information qu'elle avait retenus à la charge du courtier n'était pas constitué par la perte de la chance de mieux investir ses capitaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident ;

Et sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Primonial à payer à M. Y... la somme de 16 475,40 euros à titre de dommages-intérêts, celle de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral et en ce qu'il statue sur les dépens de première instance et d'appel et sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 mars 2016, entre ces parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Société d'Exploitation MAB et à la société Primonial chacune la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la société Primonial

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR :

. condamné la société Primonial, laquelle vient aux droits de la société JP Morgan Fleming sélection, à payer à M. X... Y... une indemnité de 16 475 € et une indemnité de 5 000 € ;

. ordonné la capitalisation, en conformité de l'article 1154 du code civil, des intérêts au taux légal à compter du jour de sa décision ;

AUX MOTIFS QUE « la société Primonial, qui est intervenue en qualité de courtier, est tenue envers son client d'une obligation d'information complète et loyale et d'un devoir de conseil permettant au client d'avoir une vision exacte des risques encourus et d'investir dans un produit adapté à sa situation particulière » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 2e considérant) ; qu'« alors que dans ce document [la plaquette de présentation du produit Peps], la société Primonial vantait l'existence d'une "idée neuve", elle ne peut soutenir qu'un contrat d'assurance vie en unités de compte adossé à un contrat de prêt in fine, est une opération dont le mécanisme était connu de tous, qu'il ne suffisait pas au client dont la cour a dit [
] qu'il était non averti, d'avoir déjà souscrit une assurance vie et un prêt immobilier pour appréhender le mécanisme ainsi mis en place par le courtier, dans la mesure où il ne s'agissait pas de la simple juxtaposition de deux contrats mais d'un montage dont les risques étaient accrus par le fait qu'alors qu'il était présenté par le courtier comme une opération particulièrement favorable, le placement fait sur le contrat d'assurance devait, pour ne pas être déficitaire, générer une plus-value au moins égale au montant des intérêts et des frais payés par le souscripteur » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 1er considérant) ; « qu'en l'espèce, le capital de 45 963 € 38 versé sur le contrat d'assurance vie devait, pour que l'opération soit neutre pour M. Y..., générer une plus-value minimum sur dix ans de 27 517 € 05, ce qui représentait environ 60 % du capital investi, que le courtier devait informer son client de manière complète et explicite sur les risques accrus générés par le montage à effet de levier dont il n'a présenté que les avantages, et il ne prouve pas qu'il a rempli cette obligation par la seule mention figurant, au surplus, dans une des définitions du lexique, alors que, même s'il est indiqué dans la plaquette d'information, que la bourse est soumise à certaines fluctuations, il est également précisé que "la bourse offre le meilleur rendement pour un investissement à long terme", ce qui est confirmé par les informations contenues dans la seconde page du document qui sont de nature à présenter le montage comme étant sans risque pour le souscripteur » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 2e considérant) ; « que le courtier ne peut soutenir que les effondrements successifs qui ont secoué les marchés boursiers ces dernières années n'étaient nullement prévisibles à court et moyen terme, que ce soit dans leur ampleur ou même leur existence alors que le placement a été réalisé en octobre 2001 et qu'il reconnaît lui-même en p. 19 de ses écritures, qu'après l'effervescence des marchés financiers dans les années 90, notamment après 1999, où le cac 40 avait progressé de 51,12 %, la bulle spéculative a éclaté dans les années 2000 et 2001, puisque l'indice a reculé respectivement de 0,54 % et de 21,97 % ce dont il résulte qu'en tant que professionnel averti des risques dus aux fluctuations des placements boursiers et qui avait connaissance de l'évolution péjorative des marchés financiers, le courtier a manqué à son obligation de conseil en ne dissuadant pas son client de souscrire au montage à effet de levier qui supposait un rendement déjà important pour ne pas causer de perte à celui-ci » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 3e considérant) ; « que le préjudice résultant de ces fautes consiste en la perte que M. Y... n'aurait pas subie, s'il n'avait pas souscrit au montage dans son ensemble, à savoir la somme de 16 475 € 40 demandée, correspondant aux intérêts et frais du prêt in fine, déduction faite de la plus-value enregistrée sur le contrat d'assurance vie, qui lui sera allouée à titre de dommages et intérêts » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 4e considérant) ; « que les soucis et tracas générés par le caractère péjoratif du placement conseillé qui a fait perdre à M. Y... une partie de son épargne sont constitutifs d'un préjudice moral qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 5e considérant) ;

1. ALORS QUE, si le courtier qui s'entremet dans les opérations de placement financier, est contractuellement débiteur, envers son client, d'une obligation d'information complète et loyale et d'un devoir de conseil permettant à son client d'avoir une vision exacte des risques encourus et d'investir dans un produit adapté à sa situation particulière, il n'est pas tenu, pour autant, de l'empêcher de souscrire le placement qu'il lui propose, puisque, ayant la liberté de contracter comme il l'entend, le client a toujours la faculté, malgré les informations, le conseil ou la mise en garde du courtier auquel il s'adresse, de souscrire tout de même ce placement ; que la cour d'appel reproche à la société Primonial d'avoir manqué à son obligation de conseil en « ne dissuadant pas » M. X... Y... « de souscrire au montage à effet de levier qui supposait un rendement déjà important pour ne pas causer de perte à celui-ci » ; qu'elle a violé les articles 1147 du code civil et L. 533-4 ancien du code monétaire et financier, ensemble le principe de la liberté contractuelle ;

2. ALORS QUE le préjudice qui résulte du manquement d'un débiteur à son obligation d'information, de conseil ou de mise en garde s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter ; qu'en énonçant que l'auteur de la société Primonial, qui a manqué à l'obligation de conseil dont il était débiteur envers M. X... Y..., « consiste », non pas dans la perte de la chance qu'il avait de ne pas contracter avec l'auteur de la société Primonial et de mieux investir ses capitaux, mais dans « la perte qu[‘il] n'aurait pas subie s'il n'avait pas souscrit au montage dans son ensemble », c'est-à-dire : dans la perte que ce montage lui a finalement fait subir, la cour d'appel, qui ne tire pas la conséquence légale de ses constatations et appréciations, a violé l'article 1147 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. Y...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... Y... de ses demandes à l'encontre de la Société d'Exploitation MAB (SEMAB) ;

Aux motifs propres que « sur les manquements aux obligations de conseil, de mise en garde et d'information reprochés à la société d'exploitation MAB ; que soutenant l'indivisibilité des opérations de prêt, d'assurance vie et de nantissement, M. Y... expose que la SEMAB a manqué à ses obligations d'information et de conseil renforcé telles qu'elles résultent de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier dans sa version alors en vigueur qui s'applique à l'établissement bancaire lequel devait s'enquérir de la situation de son client, de sa compétence professionnelle en matière de services d'investissement et sur ses objectifs face à un montage spéculatif qui impliquait des intérêts élevés et une certaine capacité de remboursement, qu'en l'espèce alors que l'opération était particulièrement avantageuse pour la banque, que M. Y... n'était pas un client averti, le devoir de conseil devait prendre en compte le montage dans sa globalité et la banque devait fournir une information globale sur les coûts et les risques engendrés par l'indivisibilité de l'opération qui pour être rentable supposait que la rentabilité du contrat d'assurance couvre la totalité des frais dus au titre du prêt in fine soit 27 517,05 euros et les frais de souscription du contrat d'assurance vie de 5 % soit 2 286,73 euros, que la banque a également manqué à son devoir de vérification portant d'une part sur les capacités de remboursement de son client et d'autre part sur le projet qu'il envisage de financer afin de pouvoir le mettre en garde à raison du risque d'endettement né de l'octroi du prêt sur le risque de ne pas pouvoir faire face à ses obligations de remboursement alors que les revenus issus du contrat d'assurance vie étaient totalement aléatoires, que de plus, au lieu de faire souscrire un prêt in fine, la banque aurait dû lui proposer de souscrire un prêt amortissable classique ; que la SEMAB qui soutient l'absence d'indivisibilité des contrats d'assurance vie et de prêt, expose que n'ayant pas la qualité de prestataire de services d'investissement, elle n'est pas soumise aux obligations posées à l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, qu'elle ne peut se voir appliquer des obligations pesant sur l'assureur et qu'elle n'a pas manqué à ses obligations de dispensateur de crédit à savoir son obligation d'information et son obligation de mise en garde en ce que M. Y... était un emprunteur averti et que le prêt était adapté à ses capacités financières alors que le ratio d'endettement de M. Y... ne dépassait pas 38 % et que le remboursement du crédit était totalement sécurisé par la garantie en capital souscrite par celui-ci dans le cadre de l'option PEP, qu'elle ajoute qu'en qualité de prêteurs de deniers, elle n'avait pas à attirer son attention sur les risques de chute des cours boursiers et que sa responsabilité ne doit être appréciée qu'au regard de l'opération de prêt alors que le devoir de non immixtion du banquier lui interdit de refuser d'exécuter les instructions de son client au motif qu'elles ne lui paraissent pas judicieuses ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'indivisibilité des opérations de prêt, d'assurance vie et de prêt alors qu'il n'en est tiré aucune conséquence sur la validité du montage ou la nullité d'un des contrats en conséquence, de la disparition de l'autre et qu'il est établi d'une part que la somme empruntée a servi à abonder le contrat d'assurance vie souscrit par M. Y..., d'autre part que, en garantie du prêt accordé, M. Y... a délégué à la SEMAB les droits de créance dont il disposait au titre de son contrat d'assurance vie et enfin que la société Primonial intervenait pour la demande de prêt in fine dans le cadre d'une convention de partenariat avec la SBE, dont l'existence résulte des termes de la lettre de la banque du 31 octobre 2001, produite aux débats par le courtier ; qu'il ne peut être tiré du fait que les fonds prêtés ont été investis dans le contrat d'assurance vie que la SEMAB est intervenue autrement qu'en qualité de prêteur de deniers alors qu'il n'est pas contesté que tant la souscription du contrat d'assurance vie que le montage financier ont été proposés à M. Y... par la société JP Morgan Fleming Selection, courtier ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier ne sont pas applicables à la SEMAB qui, en consentant un prêt, n'a pas agi comme un prestataire de service d'investissements tel que défini par l'article L. 321-1 du code monétaire et financier ; qu'en raison de son devoir de non immixtion, le banquier dispensateur de crédit n'est pas tenu d'une obligation de conseil sauf s'il a contracté une obligation spécifique à cet égard ; que M. Y... ne démontre pas que la SEMAB se serait engagée à le conseiller sur l'opportunité de l'investissement envisagé ou sur la nature du prêt, qu'il ne peut en conséquence lui reprocher un manquement à ce titre ; qu'il est justifié que la SEMAB a satisfait à son obligation d'information alors que M. Y... a signé les conditions particulières du prêt qui font mention de la durée du prêt, du taux d'intérêts, du coût total du crédit, des frais de dossiers, du montant des échéances mensuelles et de l'échéance finale ainsi que de la délégation de créance, qu'il est également établi qu'il a reçu le tableau d'amortissement qu'il produit aux débats ; que le banquier qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques d'endettement excessif nés de l'octroi du prêt ; que le fait pour M. Y..., qui exerce la profession d'artisan taxi, d'avoir souscrit le 5 mars 1992 un compte titres « Fleming Finance option PEA » sur lequel il a versé la somme totale de 21 342 euros alors qu'il n'est pas établi que la plus-value dont fait état le courtier, qui ne résulte d'aucune des pièces produites, serait le résultat d'opérations d'arbitrage faites de la propre initiative de l'appelant, le 26 mars 1992 un contrat d'assurance décès sur lequel il versait la somme mensuelle de 13,72 euros, le 4 janvier 2001, un contrat d'assurance vie « Fleming Epargne » sur lequel il a versé la somme initiale de 1 143,37 euros et devait verser la somme mensuelle de 381,12 euros, la souscription d'un contrat d'assurance vie « Fleming Epargne Investissement » le 5 mars 1992 et son rachat total en octobre 2000 n'étant établis par aucune pièce, est insuffisant pour établir qu'il est un client averti alors qu'il s'agit, pour l'assurance décès, d'une simple mesure de prévoyance, et pour les autres investissements établis par les documents produits, de placements modestes réalisés par l'intermédiaire d'un courtier ; qu'il résulte des informations fournies par M. Y..., que lors de la souscription du prêt, il disposait de revenus annuels d'un montant de 154 569 francs (23 563 euros), et supportait des charges annuelles de 42 000 francs (6 402 euros), que son taux d'endettement était porté à 38 % en tenant compte du montant des échéances mensuelles pour un total de 18 000 francs (2 744 euros) du prêt sollicité ; mais qu'alors que les échéances mensuelles de 228,67 euros ont été régulièrement réglées, que l'échéance finale de 45 963,38 euros a été payée par le rachat partiel fait par l'assuré de son contrat le 10 octobre 2011 et que le montant du capital versé sur le contrat d'assurance vie correspondant au montant de l'échéance finale était garanti par l'option Prévoyance souscrite, il n'est pas établi que le prêt ait présenté un risque d'endettement excessif ce dont il résulte que le dispensateur de crédit n'a pas manqué à son obligation de mise en garde et que c'est à juste titre que les premiers juges, dont la décision sera confirmée sur ce point, ont débouté M. Y... de ses demandes à l'encontre de la SEMAB » ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que « sur les manquements aux obligations de conseil de mise en garde et d'information reprochés à la SE MAB : X... Y... produit une plaquette de présentation du "PEPS" éditée par la société JP Morgan Fleming Asset Management présentant ce produit comme une "combinaison astucieuse d'un contrat d'assurance vie option PEP souscrit auprès de la Fédération Continentale (groupe Generali) et d'une avance consentie par un établissement de crédit, et en particulier par la SBE/Ma Banque au taux fixe de 6 % an remboursable in fine ; que cependant, il ne peut être tiré de ce seul document, comme le fait X... Y..., que la SBE/Ma Banque est intervenue autrement qu'en qualité de prêteur de deniers dans le placement litigieux quand bien même les deniers prêtés ont été investis dans un contrat d'assurance vie. En effet, l'établissement bancaire ne lui a pas proposé la souscription du contrat d'assurance Stratégie Fleming Monde II option PEP dont il n'est pas contesté qu'il lui a été présenté par la société JP Morgan Fleming Selection ; que la responsabilité de la SBE aux droits de laquelle vient la SE MAB ne peut donc être recherchée qu'au titre du prêt in fine consenti le 10 octobre 2001 ; qu'or, le banquier dispensateur de crédit n'est pas, en raison de son devoir de non immixtion, tenu d'un devoir de conseil, sauf s'il a contracté une obligation spécifique à cet égard ; qu'en l'espèce, X... Y... ne justifie pas que la SBE/Ma Banque s'est engagée à lui fournis un conseil sur l'opportunité et la viabilité des investissements financés par les prêts octroyés, ni même sur le type de prêt le plus adapté à l'investissement projeté ; qu'il ne peut donc reprocher à la SBE/Ma Banque de lui avoir consenti un prêt in fine plutôt qu'un prêt amortissable tout au long de sa durée ; que par ailleurs, X... Y... ne démontre pas que la SBE/Ma Banque a manqué à l'obligation d'information dans le cadre du prêt consenti ; qu'en effet, X... Y... a signé les conditions particulières mentionnant les caractéristiques essentielles de l'emprunt, sa durée, son taux, son coût total de 27 517,05 €, le montant des échéances mensuelles, l'exigence de délégation de créance de la banque sur le contrat d'assurance ainsi financé, et il ne conteste pas avoir reçu le tableau d'amortissement ; qu'enfin, la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques d'endettement excessif nés de l'octroi du prêt ; qu'en l'espèce, il résulte des renseignements fournis par X... Y... à la SBE/Ma Banque lors de la demande de prêt qu'il disposait de revenus tirés de son activité d'artisan taxi d'un montant annuel de 154 569 francs (23 563 €) et remboursait un prêt immobilier souscrit pour l'acquisition de sa résidence principale représentant une charge annuelle de 42 000 francs (6 402 €), son taux d'endettement étant porté à 38 % en tenant compte du prêt sollicité ; que les échéances d'emprunt d'un montant de 228,67 € par mois ont été régulièrement honorées et l'échéance finale réglée par le rachat partiel du contrat demandé par l'emprunteur le 10 octobre 2011 ; qu'au vu de ces éléments et du fait que le capital versé sur le contrat d'assurance vie correspondant au montant de l'échéance finale de 45 734,71 € du prêt était garanti par les options PEP et prévoyance souscrites par X... Y... dans le contrat STRATEGIE FLEMING MONDE II, sur lequel la banque avait pris une garantie, il n'est pas établi que le prêt octroyé emportait un risque d'endettement excessif ; que la SBE aux droits de laquelle vient la SE MAB n'était donc pas débitrice à l'égard d'X... Y... d'un devoir de mise en garde ; qu'aucune faute n'étant retenue à l'encontre de la SE MAB, les demandes d'indemnisation présentées à son encontre par X... Y... sont rejetées » ;

Alors 1°) que si le banquier a le devoir de ne pas s'ingérer dans les affaires de son client, il est tenu, lorsqu'il intervient dans une opération de placement que les différents contrats ont pour objet de réaliser, à un devoir d'information et de conseil à l'égard de l'emprunteur sur les risques de cette opération et sur son adéquation à situation et ses objectifs ; que pour écarter toute responsabilité de la SEMAB, la cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait être tiré du fait que les fonds prêtés avaient été investis dans le contrat d'assurance-vie que la SEMAB était intervenue autrement qu'en qualité de prêteur de deniers, ce dont elle a déduit que les dispositions du code monétaire et financier relatives aux prestataires de services d'investissement ne lui étaient pas applicables, et qu'elle n'était pas tenue à un devoir spécifique de conseil à l'égard de M. Y..., faute de s'être spécialement engagée envers celui-ci ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations que le contrat de prêt avait été consenti par la SEMAB quelques jours avant la conclusion du contrat d'assurance-vie (p. 2), auquel il était adossé, et qu'il « ne s'agissait pas de la simple juxtaposition de deux contrats mais d'un montage dont les risques étaient accrus par le fait qu'alors qu'il était présenté par le courtier comme une opération particulièrement favorable, le placement fait sur le contrat d'assurance devait, pour ne pas être déficitaire, générer une plus-value au moins égale au montant des intérêts et des frais payés par le souscripteur » (p. 7, 2ème §), ce dont il résultait qu'ayant participé à la mise en oeuvre d'une opération de placement financier, la banque était tenue à un devoir de conseil à l'égard de son client sur les risques engendrés par ce montage pris dans sa globalité, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Alors 2°) que M. Y... faisait valoir que le contrat de prêt ainsi que le contrat d'assurance-vie qu'il avait conclus étaient indivisibles (ses conclusions d'appel, p. 7 et 8) ; qu'il en déduisait que « le montage présentant un caractère indivisible dès lors qu'il repose sur des contrats interdépendants (contrat de prêt et contrat d'assurance-vie), la société Ma Banque avait connaissance de la destination des sommes empruntées et étant à l'origine de ce montage, elle se devait de fournir une information globale sur les coûts et les risques engendrés par cette indivisibilité » (id., p. 16, 5ème §) ; qu'il soutenait également que c'était la banque qui était à l'origine du montage qui lui avait été proposé par le biais d'un mandataire commun à la banque à la compagnie d'assurance (ibid., p. 5, 8ème § ; p. 20 ; p. 24, 6ème § ; p. 27, avant-dernier §) ; qu'en retenant qu'il n'était pas contesté que « tant la souscription du contrat d'assurance vie que le montage financier ont été proposés à M. Y... par la société JP Morgan Fleming Selection, courtier » sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'était pas intervenue dans la mise en oeuvre d'un montage financier global incluant la souscription d'un contrat d'assurance-vie auquel était adossé le prêt, par l'intermédiaire d'un mandataire commun à la compagnie d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Alors 3°) que l'existence d'un ensemble contractuel indivisible, consistant en la conclusion d'un prêt en vue d'abonder un contrat d'assurance-vie souscrit concomitamment, constitue un élément de nature à justifier que la banque prêteuse ayant participé à ce montage soit tenue à une obligation d'information et de conseil à l'égard de l'emprunteur ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'indivisibilité invoquée dans la mesure où il n'en était « tiré aucune conséquence sur la validité du montage ou la nullité d'un des contrats en conséquence, de la disparition de l'autre et qu'il est établi d'une part que la somme empruntée a servi à abonder le contrat d'assurance vie souscrit par M. Y..., d'autre part que, en garantie du prêt accordé, M. Y... a délégué à la SEMAB les droits de créance dont il disposait au titre de son contrat d'assurance vie et enfin que la société PRIMONIAL intervenait pour la demande de prêt in fine dans le cadre d'une convention de partenariat avec la SBE, dont l'existence résulte des termes de la lettre de la banque du 31 octobre 2001, produite aux débats par le courtier », quand l'existence d'une telle indivisibilité était de nature à déterminer l'étendue du devoir de conseil de la banque prêteuse, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Alors 4°) que l'appréciation de l'existence d'un risque excessif d'endettement engendré par un prêt au regard des capacités contributives de l'emprunteur s'apprécie à la date d'octroi du crédit ; qu'en retenant, pour dire qu'il n'était pas établi que le prêt octroyé par la SEMAB à M. Y... le 10 octobre 2001 présentait un risque excessif d'endettement, que les échéances mensuelles du prêt avaient été régulièrement réglées, et que l'échéance finale de 45 963,38 euros avait été payée par le rachat partiel de son contrat fait par l'assuré le 10 octobre 2011, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des circonstances survenues postérieurement à la conclusion du prêt, a violé l'article 1147 du code civil ;

Alors 5°) que l'établissement dispensateur de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti lorsque les charges du crédit consenti comportent un risque excessif d'endettement au regard de ses facultés contributives ; qu'en écartant toute responsabilité de la SEMAB à l'égard de M. Y..., aux motifs inopérants que le montant du capital versé sur le contrat d'assurance vie correspondant au montant de l'échéance finale était garanti par les options PEP et prévoyance souscrites par M. Y... dans le contrat d'assurance-vie Stratégie Fleming Monde II sur lequel la banque disposait d'une garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-17989
Date de la décision : 26/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 sep. 2018, pourvoi n°16-17989


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Rousseau et Tapie, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.17989
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