LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 juin 2017), qu'à l'issue d'un contrôle engagé en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale et portant sur les années 2007 et 2008, l'URSSAF de la Manche, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Basse-Normandie (l'URSSAF), a adressé à la société Tradition et bio associés (la société Teba), le 7 octobre 2010, une lettre d'observations mentionnant un redressement pour travail dissimulé entraînant une annulation des réductions de cotisations dont elle avait précédemment bénéficié, puis lui a notifié, le 18 novembre 2010, une mise en demeure ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement, alors, selon le moyen, que les agents de contrôle peuvent interroger les personnes rémunérées par l'entreprise à quelque titre que ce soit ; qu'au nombre des personnes interrogeables comptent les salariés de prestataires suspectés d'exercer leur activité dans un état de subordination juridique ; qu'en considérant que l'URSSAF ne pouvait pas entendre, en tant que personne rémunérée, l'un des salariés de la société Butchery afin de vérifier si celle-ci, en tant que prestataire de service, ne fournissait pas, sous cette apparence et en fraude au droit social, une main d'œuvre à la société Teba, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article R. 243-59, alinéa 4, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable aux opérations de contrôle litigieuses, que l'agent chargé du contrôle ne peut entendre que les personnes rémunérées par l'employeur ou le travailleur indépendant faisant l'objet de celui-ci ; que les dispositions qui confèrent aux agents des organismes de recouvrement des pouvoirs d'investigation étant d'application stricte, ce texte ne permet pas l'audition des personnes rémunérées par un prestataire de service de la personne contrôlée ;
Et attendu que l'arrêt retient qu'il résulte des termes de la lettre d'observations que c'est l'un des salariés mis à la disposition de la société Teba par la société irlandaise Butchery, dont l'identité n'a pas été précisée, qui a été entendu par l'inspecteur du recouvrement le 10 février 2009, et qu'aucun élément ne permet d'établir qu'il s'agisse d'un salarié rémunéré par la société Teba ;
Que de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que l'irrégularité affectant cette audition rendait le contrôle irrégulier, ce dont il résultait que le redressement qui en était la suite devait être annulé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches annexées du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'URSSAF de Basse-Normandie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Basse-Normandie
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir annulé le redressement opéré par l'urssaf de la Manche, aux droits de laquelle vient l'urssaf de Basse-Normandie à l'encontre de la société TEBA au titre de l'infraction de travail dissimulé, d'avoir annulé le redressement opéré par l'urssaf de la Manche, aux droits de laquelle vient l'urssaf de Basse-Normandie à l'encontre de la société TEBA au titre des réductions Fillon, d'avoir renvoyé la société TEBA devant l'urssaf de Basse-Normandie pour la restitution des exonérations suspendues et supprimées de ce chef et d'avoir condamné l'urssaf de Basse-Normandie à payer à la société TEBA la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la lettre de l'urssaf du 7 octobre 2010 constitue une « lettre d'observations » et vise l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale. La cour observe qu'une précédente lettre adressée par l'urssaf à la société Teba, le 12 janvier 2010 aux fins d'envoi de nouvelles pièces dans le cadre du contrôle contesté indique : « Votre entreprise fait actuellement l'objet d'un contrôle, selon les conditions prévues par les articles L. 243-7 à L. 243-13, L. 144-14 à L. 144-16, R. 243-59 et R. 243-59-3 du code de la sécurité sociale. Afin de poursuivre ce contrôle
». Il est donc clairement établi que le redressement litigieux a constitué la suite d'un contrôle engagé conformément aux dispositions de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale. Certes, la lettre d'observations du 7 octobre 2010 indique que l'objet du contrôle a été la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées aux articles L. 8221-1 et L. 8221-2 du code du travail. Cependant, les énonciations de cette lettre montrent également que l'inspecteur du recouvrement n'a suspecté l'existence d'un travail clandestin qu'en cours de contrôle, son intention s'étant particulièrement portée sur le poste n° 621422 « prestations services irlandais », lors de la consultation de la comptabilité de la société Teba. La recherche entreprise par cet inspecteur a ensuite donné lieu à l'audition du gérant de l'entreprise et d'un salarié le 10 février 2009 puis à l'exploitation d'un procès-verbal établi le 19 décembre 2008 par un inspecteur du travail, M. Y..., ayant relevé le délit de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif par personne morale. Ce procès-verbal a été adressé à l'urssaf de la Manche par télécopie du 7 octobre 2009. Au terme de ses vérifications, l'inspecteur de l'urssaf n'a pas établi un procès-verbal constatant l'infraction de travail dissimulé au sens de l'article L. 8271-8 du code du travail, mais a établi puis adressé à la société Teba la lettre d'observations précitée en date du 7 octobre 2010 aux fins de rappel de contributions d'assurance-chômage et de cotisations AGS. Or, si la recherche des infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 du code du travail est soumise aux articles L. 8271-1 et suivants du même code, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un organisme de recouvrement procède, dans le cadre du contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par les employeurs et les travailleurs indépendants prévu par l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, à la recherche des infractions susmentionnées aux seules fins de recouvrement des cotisations afférentes. Les moyens de la société Teba fondées sur les dispositions des articles L. 243-7-5 et R. 133-8 du code de la sécurité sociale doivent donc être rejetés. La société Teba conteste cependant également la régularité de l'audition de l'un des salariés de la société Butchery par l'inspecteur de l'urssaf en soutenant notamment qu'en application de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, l'inspecteur ne peut interroger que des salariés de l'entreprise. Elle fait aussi valoir que, même dans le cadre d'un délit de dissimulation d'emploi salarié, les agents de contrôle ne peuvent entendre les personnes qu'avec leur consentement exprès en application de l'article L. 8271-6-1 du code de la sécurité sociale. S'il est exact qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que le salarié entendu avait préalablement donné son consentement, ce moyen n'est en l'espèce pas fondé dès lors que l'audition n'est pas intervenue dans le cadre des opérations de recherche d'infractions au travail illégal au sens des articles L. 8271-1 et suivants du code du travail. L'audition est intervenue en application des dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, lequel dispose que seules peuvent être entendues les personnes rémunérées notamment pour connaître leur nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature. L'urssaf de Basse-Normandie se borne à faire état de ces dispositions et de celles de l'article L. 8271-6-1 du code du travail et à soutenir qu'aucun élément ne serait apporté par la société Teba susceptible de justifier une éventuelle irrégularité de l'audition du salarié en cause. La lettre d'observations expose que des salariés lituaniens, voire polonais, mis à la disposition de la société Teba par la société irlandaise « Butchery » travaillent au sein de son abattoir depuis la mi-juillet 2006 et mentionne qu'en raison de suspicion de travail clandestin, l'inspecteur du recouvrement auteur du contrôle a auditionné le représentant légal de la société Teba ainsi que l'n de ces salariés le 10 février 2009. Il se déduit des termes employés par la lettre d'observations que c'est l'un des salariés étrangers mis à la disposition de la société Teba par la société irlandaise « Butchery » qui a été entendu. Or, aucun élément ne permet d'établir que ce salarié entendu, dont l'identité n'est d'ailleurs pas connue, était rémunéré par la société Teba. La lettre d'observations est notamment taisante sur ce point. La cour observe que, dans le cadre de ses constatations reprises dans son procès-verbal dressé le 19 décembre 2008, l'inspecteur du travail a relevé que deux salariées étrangères étaient mises à la disposition de la société Teba par l'entreprise Parinet Ltd, dont le nom commercial est la société Butchery Abattoir Services, qu'elles étaient rémunérées par cette dernière entreprise chaque semaine par virement en contre-valeurs en euros sur des comptes ouverts au crédit agricole et que des bulletins de paie étaient délivrés. De fait, sont annexés à ce procès-verbal un ensemble de bulletins de paie établis en langue anglaise par « Butchery et Abattoir Services » concernant la prestation de Mme Z... pour le compte de « Teba France ». L'urssaf de Basse-Normandie ne produit aucun élément établissant l'existence d'une rémunération par la société Teba du salarié entendu le 10 février 2009. L'irrégularité affectant cette audition entache le contrôle lui-même d'irrégularité et justifie l'annulation du redressement qui en est la suite. Ainsi, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a annulé le redressement opéré par l'urssaf de la Manche au titre de l'infraction de travail dissimulé et des réductions Fillon et a renvoyé la société Teba devant l'urssaf de Basse-Normandie pour la restitution des exonérations suspendues et supprimées en application de ce redressement » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « En application de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale : « Tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail. Cet avis mentionne qu'un document présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code, lui sera remis dès le début du contrôle et précise l'adresse électronique où ce document est consultable. Lorsque l'avis concerne un contrôle mentionné à l'article R. 243-59-3, il précise l'adresse électronique où ce document est consultable et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande, le modèle de ce document, intitulé "Charte du cotisant contrôlé", est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale (
) A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés ». L'article L. 324-9 du code du travail a été remplacé par les articles L. 8221-1 à L. 9221-5 du même code. Ainsi, l'article L. 8221-1 prévoit que sont interdits : 1° Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ; 2° La publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé ; 3° Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé ». L'article suivant (L. 8221-2) précise que sont exclus des interdictions prévues au présent chapitre, les travaux d'urgence dont l'exécution immédiate est nécessaire pour prévenir les accidents imminents ou organiser les mesures de sauvetage. L'article 8221-3 dispose quant à lui qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations (
). L'article L. 8221-4 rappelle que les activités mentionnées à l'article L. 8221-3 sont présumées, sauf preuve contraire, accomplies à titre lucratif :1° Soit lorsque leur réalisation a lieu avec recours à la publicité sous une forme quelconque en vue de la recherche de la clientèle ;2° Soit lorsque leur fréquence ou leur importance est établie ;3° Soit lorsque la facturation est absente ou frauduleuse ;4° Soit lorsque, pour des activités artisanales, elles sont réalisées avec un matériel ou un outillage présentant par sa nature ou son importance un caractère professionnel. Aux termes de l'article L. 8221-5 enfin, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. Tout d'abord, l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale n'impose pas à l'inspecteur, à peine de nullité du redressement, de dresser dans l'entête de la lettre d'observations la liste exhaustive des pièces consultées, ni même dans le corps de celle-ci. Toutefois, cette formalité d'information sur les pièces consultées par l'inspecteur a pour but de sauvegarder les droits de la défense, et de s'assurer que l'employeur a eu la possibilité de répondre aux observations de l'agent de contrôle, en sachant sur quels documents ce dernier s'est appuyé. Or, la lettre d'observations du 7 octobre 2010 figurant au dossier précise : « J'ai l'honneur de vous communiquer les observations consécutives à la vérification de l'application des législations de la sécurité sociale, de l'assurance chômage et de la garantie des salaires concernant les infractions aux interdictions mentionnées aux articles L. 8221-1 et 2 du code du travail ». Les articles visés dans ce document sont relatifs à l'infraction de travail dissimulé. De même, il y est indiqué que les observations communiquées résultent des infractions de travail dissimulé qui ont été constatées et qui font l'objet d'un procès verbal en date du 19 décembre 2008 adressé au procureur de la République. Il n'est pas établi que le procès verbal du 19 décembre 2008 sus mentionné ait été joint à la lettre d'observations adressée à la société Teba ni qu'il ait été communiqué au moment du contrôle pour permettre une discussion contradictoire. En toute hypothèse, l'inspecteur du travail y conclut à l'existence d'un prêt de main d'oeuvre à but lucratif, sanctionné pénalement par les articles L. 8243-1 et 2 du code du travail. De la même manière, la lettre de l'inspecteur du travail en date du 20 août 2008 qui avait été adressée au directeur de la société Butchery Abattoir Services situé à Bury St Edmunds dans le Suffolk e, Angleterre, avisait la société anglaise qu'en l'absence de tout contrat de sous-traitance signé avec la société Teba, le détachement des salariés étrangers (consistant en la fourniture d'une main d'oeuvre sans apport particulier de matériel) n'était admis sur le territoire français que dans le cadre d'un contrat de prestation de services conclu entre l'entreprise étrangère et l'entreprise française. En outre, la lettre du 12 décembre 2008, adressée par l'inspecteur du travail à la société Teba, mentionnait déjà : « M. le gérant. Je vous informe qu'à l'issue de l'enquête que j'ai effectuée sur les conditions d'intervention de la société Perinet Butchery Abattoir Services au sein de l'entreprise Teba, un procès verbal pour infraction à l'interdiction du prêt illicite de main d'oeuvre est relevé à l'encontre de la société Perinet Ltd et sera transmis au procureur de la République d'Avranches. La société Teba est visée dans le procès-verbal en tant que co-auteur de l'infraction. Je vous informe que le procès verbal établi mentionnera que vous avez procédé à l'embauche des deux salariées à partir du 22 septembre 2008 comme vous me l'avez indiqué dans votre courrier du 16 septembre 2008. Le prêt illicite de main d'oeuvre est interdit par l'article L. 8241-1 du code du travail (
). Cette infraction est sanctionnée pénalement en application de l'article L. 8243-1 du code du travail ». Il sera ici rappelé que, même en l'absence de poursuites engagées par le Procureur de la République sur le plan pénal à l'encontre des faits dénoncés par l'inspection du travail, une procédure de redressement au titre du travail dissimulé pouvait être menée par l'urssaf, puisqu'il existe en la matière une indépendance entre les voies civile et pénale et que l'organisme de sécurité sociale dispose d'une compétence propre en matière de travail dissimulé. Néanmoins, il ne pourra qu'être retenu que l'urssaf a fondé toute la procédure et le redressement de la société Teba sur l'existence d'un travail dissimulé qui n'est aucunement établi en l'espèce. Au contraire, l'ensemble des pièces produites (courriers de l'inspection du travail à la société Butchery puis à la société Teba, procès-verbal d'inspection du travail du 19 décembre 2008) que, si un délit a été commis (à le supposer même établi) c'est celui de prêt de main d'oeuvre illicite, prévu et réprimé par des textes tout à fait différents de ceux relatifs au travail dissimulé. Par conséquent, il conviendra d'annuler le redressement opéré par l'urssaf à l'encontre de la société Teba en l'absence de tout travail dissimulé ».
1°) ALORS QUE, tenu de respecter lui-même le principe du contradictoire, le juge ne peut soulever d'office un moyen de fait sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen pris de ce que le salarié auditionné par les inspecteurs était l'un des salariés étrangers mis à la disposition de la société Teba par la société irlandaise Butchery et que nul élément ne permettait d'établir que ce salarié était rémunéré par la société Teba, tandis que la société Teba se bornait à soutenir que rien ne permettait de s'assurer que ce salarié, non identifié, était celui de la société Butchery et ne prétendait ainsi aucunement que le travailleur auditionné devait être rémunéré par la société Teba, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la société Teba se bornait à soutenir que rien ne permettait de s'assurer que le salarié entendu, non identifié, était celui de la société Butchery ; que, ce faisant, elle admettait que l'inspecteur de contrôle pouvait entendre un salarié de la société Butchery et non de la société Teba ; qu'en déclarant irrégulière la procédure de contrôle par cela seul que le salarié entendu était l'un des salariés mis à la disposition de la société Teba par la société irlandaise Butchery, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les agents de contrôle peuvent interroger les personnes rémunérées par l'entreprise à quelque titre que ce soit ; qu'au nombre des personnes interrogeables comptent les salariés de prestataires suspectés d'exercer leur activité dans un état de subordination juridique ; qu'en considérant que l'urssaf ne pouvait pas entendre, en tant que personne rémunérée, l'un des salariés de la société Butchery afin de vérifier si celle-ci, en tant que prestataire de service, ne fournissait pas, sous cette apparence et en fraude au droit social, une main d'oeuvre à la société Teba, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;
4°) ALORS subsidiairement QUE les déclarations obtenues dans des conditions irrégulières n'emportent nullité de la procédure de contrôle que si le redressement se fonde sur ces déclarations ; qu'en l'espèce, la lettre d'observations indique que l'opinion de l'urssaf a été forgée très essentiellement au vu, d'une part, des éléments révélés par l'audition du représentant légal de la société Teba, lequel a fourni de nombreuses précisions sur les conditions dans lesquelles les travailleurs étrangers fournis par la société Butchery oeuvraient en son sein, d'autre part, du procès verbal établi le 19 décembre 2008 par l'inspecteur du travail, M. Y... ; que, de toute évidence, n'ayant pas permis la constatation des faits à l'origine du redressement, l'audition de l'un des travailleurs concernés n'a constitué qu'un apport très secondaire ; qu'en décidant cependant d'annuler la procédure de contrôle du fait de l'audition de ce travailleur mis à disposition, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;
5°) ALORS QUE une urssaf peut, dans le cadre d'un contrôle de droit commun, constater la dissimulation d'emploi ; qu'elle caractérise valablement celle-ci en constatant que des travailleurs mis à disposition par un prétendu sous-traitant reconnu coupable de prêt illicite de main d'oeuvre oeuvrent au sein de l'entreprise contrôlée dans les mêmes conditions que ses salariés déclarés ; que, dans sa lettre d'observations, l'urssaf a exposé avoir, lors d'un contrôle de droit commun au sein de la société Teba, suspecté un recours à l'emploi clandestin dans le cadre d'un marché de sous-traitance avec la société Butchery, auditionné à cet égard le gérant de la société Teba ainsi que l'un des travailleurs concernés et tenu compte de ce que l'inspection du travail d'une part avait retenu à l'encontre de la société Butchery l'infraction de prêt de main d'oeuvre illicite d'autre part considéré que la société Teba était visée par cette incrimination en ce qu'elle employait les travailleurs faisant l'objet de ce prêt illicite ; que l'urssaf ajoutait que les conditions de travail des salariés polonais et lituaniens concernés étaient celles des propres salariés de la société Teba, qu'ils étaient intégrés dans ses équipes, placés sous l'autorité de ses chefs d'équipes et logés par ses soins, ces circonstances la conduisant à les considérer comme les propres salariés de la société contrôlée ; qu'elle en déduisait que « le fait que la société Teba a eu recours à des travailleurs polonais et lituaniens dans le cadre d'une opération de main d'oeuvre illicite, conforté par des conditions de travail identiques entre ces ouvriers et vos propres salariés, vous désigne comme le véritable employeur des travailleurs pendant la durée de leur mission » ; qu'en considérant, dans des motifs adoptés, que l'existence d'un travail dissimulé n'était pas établie en l'espèce, le prêt de main d'oeuvre illicite devant être distingué de la dissimulation d'emploi et l'ensemble des pièces émanant de l'inspection du travail ne portant que sur la première de ces infractions à l'égard de la société Butchery, sans autrement considérer les propres constatations opérées par l'urssaf au sein de la société Teba et afférentes aux conditions dans lesquelles celle-ci, bénéficiaire du prêt de main d'oeuvre, employait les travailleurs concernés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale ;
6°) ALORS QU'en retenant, pour annuler le redressement, qu'il n'était pas établi que le procès-verbal de l'inspecteur du travail en date du 19 décembre 2008, avait été joint à la lettre d'observations, laquelle mentionnait que les observations communiquées résultaient des infractions de travail dissimulé constatées et faisant l'objet dudit procès-verbal, tandis d'une part que l'urssaf a elle-même procédé à une analyse et à des constatations propres permettant de caractériser la dissimulation d'emploi, sans se borner à homologuer celles de l'inspection du travail, d'autre part que la société Teba, selon les propres constatations du juge, avait été directement informée par l'inspecteur du travail, le 12 décembre 2008, de ce qui était reproché à la société Butchery et à elle-même et allait être évoqué dans le procès-verbal, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale.