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19/09/2018 | FRANCE | N°17-16920;17-16921;17-16922;17-16923;17-16924

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 septembre 2018, 17-16920 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° T 17-16.920 à X 17-16.924 ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 2224 du code civil ;

Attendu qu'en matière de responsabilité civile le point de départ du délai de prescription est, en application de ce texte, la date à laquelle le dommage se manifeste au titulaire du droit ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société SFR Service Client (SFR-SC), principale filiale de la société SFR, était chargée des relations entre le groupe SFR e

t ses clients aussi bien grand public, qu'entreprises et distributeurs ; qu'en 2007, la sociét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° T 17-16.920 à X 17-16.924 ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 2224 du code civil ;

Attendu qu'en matière de responsabilité civile le point de départ du délai de prescription est, en application de ce texte, la date à laquelle le dommage se manifeste au titulaire du droit ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société SFR Service Client (SFR-SC), principale filiale de la société SFR, était chargée des relations entre le groupe SFR et ses clients aussi bien grand public, qu'entreprises et distributeurs ; qu'en 2007, la société SFR a décidé de confier au groupe Téléperformance l'ensemble des relations clients grand public dans le cadre de contrats de sous-traitance et notamment la cession de l'établissement de Toulouse de la société filiale SFR-SC, à la société filiale Infomobile, aux droits de laquelle vient désormais la société Téléperformance France ; que ce projet a donné lieu à d'importantes grèves à compter du 5 juin 2007 au sein de la société SFR-SC ; que le 20 juillet 2007, la société SFR-SC et les organisations syndicales ont signé « un accord de méthode et de garanties relatifs au traitement des conséquences de la mise en oeuvre du projet de transfert des sites de relation client grand public de Lyon, Poitiers et Toulouse », que cet accord prévoyait d'une part, les garanties inhérentes au transfert et d'autre part, la mise en place ainsi que le contenu d'un plan de départ volontaire pour les salariés qui ne souhaiteraient pas rester à la disposition du nouvel employeur notamment en raison de la modification de leur statut collectif à terme, que pour la réalisation du plan de départ volontaire, cet accord établissait par ailleurs le projet d'un plan de sauvegarde de l'emploi devant être mis en oeuvre par la société Infomobile pour l'établissement cédé de Toulouse ; que Mmes F..., Y..., Z..., A... et B..., salariées de la société SFR-SC, affectées en dernier lieu à l'établissement de Toulouse et dont le contrat de travail avait été transféré le 1er août 2007 à la société Infomobile, ont signé une convention de rupture amiable du contrat de travail pour motif économique dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de départ volontaire au sein de la société Infomobile ; qu'estimant que cette opération de transfert relevait d'une collusion frauduleuse entre les sociétés SFR, SFR-SC et Téléperformance France venant aux droits de la société Infomobile, les salariées ont saisi, les 24 octobre 2014, 16 et 17 mars 2015, et 17 avril 2015 la juridiction prud'homale en réparation de leur préjudice de perte de chance de se maintenir dans leur emploi au sein du groupe SFR et de la société Téléperformance, sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;

Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et accueillir les demandes de dommages-intérêts des salariées, les arrêts retiennent que celles-ci ont engagé les 24 octobre 2014, 16 et 17 mars 2015, et 17 avril 2015, une action en responsabilité délictuelle à l'encontre des sociétés SFR, SFR-SC et Teleperformance France fondée sur une fraude dont il est allégué qu'elle a été commise en 2007 à l'occasion du transfert de l'activité et du contrat de travail, du plan de sauvegarde de l'emploi, du plan de départs volontaires suivi de la rupture amiable du contrat de travail, combinés à la violation de l'accord GPEC de 2006 ; que cependant, les salariées n'ont été en mesure de connaître avec certitude la réalité de la fraude qu'à l'issue de la procédure engagée par plusieurs centaines d'anciens salariés de la société SFR-SC devant le conseil de prud'hommes de Toulouse à l'encontre des sociétés SFR, SFR-SC et Téléperformance France précisément sur le fondement de la fraude et au vu de la décision de la Cour de cassation du 18 juin 2014 qui a rejeté les pourvois en cassation des sociétés SFR, SFR-SC et Teleperformance France rendant ainsi définitif l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse du 9 mars 2012, le délai de prescription de l'action ayant donc commencé à courir à compter du 18 juin 2014 ;

Qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants tirés de la connaissance avec certitude de la réalité de la fraude à la suite de la décision de justice intervenue pour d'autres salariés, alors que le dommage dont les salariées ont demandé la réparation constitué dans la perte d'une chance de se maintenir dans leur emploi au sein du groupe SFR et de la société Téléperformance, s'est manifesté aux salariées lors du transfert de leur contrat de travail le 1er août 2007 au sein de la société Téléperformance et de la mise en oeuvre par celle-ci d'un plan de départ volontaire en exécution duquel elles ont signé une convention de rupture amiable de leur contrat de travail, et ce sur la prétendue violation des engagements de maintien de l'emploi contenu dans l'accord GPEC d'octobre 2006 conclu au sein des sociétés SFR et SFR-SC, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif critiqué par le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'ils déclarent irrecevable l'appel formé à l'encontre de la SA Numéricable-SFR devenue SFR Group et déboutent les salariées de leur demande en dommages-intérêts formée au titre de la réparation du préjudice subi du fait de la perte d'avantages collectifs, les arrêts rendus le 23 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne Mmes F..., Y..., Z..., A... et B..., épouse C... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président et M. Maron conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire empêché, en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Téléperformance France, la société française du radiotéléphone et la société SFR service client (demanderesses aux pourvois n° T 17-16.920 à X 17-16.924).

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR dit que l'action engagée par les salariés défendeurs aux pourvois à l'encontre des sociétés SFR, SFR Service Client et Teleperformance France n'est pas prescrite, d'AVOIR déclaré cette action recevable et d'AVOIR condamné in solidum les sociétés SFR, SFR Service Client et Teleperformance France à payer à chacun des salariés défendeurs aux pourvois des dommages et intérêts et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'« en application de l'article 2224 du code civil, dans sa version applicable à compter du 18 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La prescription ne court pas contre celui qui a été dans l'impossibilité d'agir, pour avoir, de manière légitime et raisonnable, ignoré la naissance de son droit. En l'espèce, la salariée a engagé à la date du 24 octobre 2014 une action en responsabilité délictuelle à l'encontre de SFR, SFR-SC et de Teleperformance France fondée sur une fraude dont il est allégué qu'elle a été commise en 2007 à l'occasion du transfert de l'activité et du contrat de travail, du plan de sauvegarde de l'emploi, du plan de départs volontaires suivi de la rupture amiable du contrat de travail, combinés à la violation de l'accord GPEC de 2006. Or, la salariée appelante n'a été en mesure de connaître avec certitude la réalité de la fraude qu'à l'issue de la procédure engagée par plusieurs centaines d'anciens salariés de SFR-SC devant le conseil de prud'hommes de Toulouse à l'encontre de SFR, SFR-SC et Teleperformance France précisément sur le fondement de la fraude et au vu de la décision de la Cour de cassation du 18 juin 2014 qui a rejeté les pourvois en cassation de SFR, SFR-SC et de Teleperformance France rendant ainsi définitif l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse du 9 mars 2012. Le délai de prescription de l'action a donc commencé à courir à compter du 18 juin 2014. En conséquence l'action de la salariée n'est pas prescrite et sera déclarée recevable. Le jugement sera donc réformé de ce chef » ;

ALORS QUE selon l'article 2224 du code civil, le délai de prescription de l'action commence à courir du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que seule l'ignorance des faits générateurs du droit empêche le délai de prescription de courir, la méconnaissance de la loi ou l'existence d'une incertitude sur la reconnaissance judiciaire du droit ne pouvant en revanche avoir pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription ; qu'en l'espèce, il est constant que l'action en responsabilité engagée par les salariés défendeurs aux pourvois à l'encontre des sociétés SFR, SFR Service Client et Teleperformance tendait à la réparation d'une perte de chance de conserver leur emploi au sein du groupe SFR et était fondée sur une prétendue fraude et une prétendue violation des dispositions d'un accord de GPEC de l'UES SFR commises à l'occasion du transfert de l'activité « relation client grand public » de la société SFR Service Client à la société Teleperformance le 1er août 2007, du transfert subséquent de leur contrat de travail et de la mise en place, par la société Teleperformance, d'un plan de départ volontaire à destination des salariés transférés ; que les sociétés exposantes démontraient que les salariés avaient connaissance de l'ensemble des faits fondant leur action dès le 1er août 2007, date du transfert de leur contrat, dès lors que les représentants du personnel avaient fortement communiqué sur le contenu de l'accord de GPEC du 12 octobre 2006 pour s'opposer au projet de transfert d'activité, que des actions judiciaires avaient été engagées sur ce fondement dès mai 2007, qu'une grève avec occupation des sites concernés s'était prolongée pendant plusieurs semaines en juin et juillet 2007 et que l'accord de méthode conclu le 20 juillet 2007 prévoyait mise en oeuvre d'un plan de départ volontaire par le repreneur de l'activité ; qu'en affirmant néanmoins que le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à compter du 18 juin 2014, dès lors que les salariés n'ont été en mesure de connaître avec certitude la réalité de la fraude invoquée qu'à l'issue de la procédure engagée par plusieurs centaines d'anciens salariés de la société SFR Service Client devant le conseil de prud'hommes de Toulouse sur le fondement de la fraude et au vu de la décision de la Cour de cassation du 18 juin 2014 qui a rejeté les pourvois formés contre les arrêts rendus par la cour d'appel de Toulouse le 9 mars 2012 dans cette procédure, cependant que l'existence d'une incertitude sur la réalité de cette fraude ne pouvait influer sur le cours de la prescription, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 2224 et 2234 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR condamné in solidum les sociétés SFR, SFR Service Client et Teleperformance France à payer à chacun des salariés défendeurs aux pourvois des dommages et intérêts et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Par l'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences conclu le 12 octobre 2006 au sein de l'UES SFR et applicable à chacune des sociétés du groupe SFR, SFR et SFR-SC se sont engagés à : - une démarche d'anticipation et de prévision des emplois et des compétences en lien avec sa stratégie, le déploiement de démarche de GPEC devant, ainsi favoriser l'évolution des métiers du groupe SFR et le développement professionnel de ses collaborateurs en cohérence avec sa stratégie et leurs besoins; - donner la priorité à l'évolution professionnelle des collaborateurs en interne associée à une réflexion systématique sur la nécessité de remplacer les partants et recourir aux embauches externes ainsi que son soutien plus important au plan de formation dans la durée, afin de permettre l'anticipation des moyens de formation ; - contribuer à l'évolution professionnelle de chacun de ses collaborateurs, en garantissant pour chacun, les moyens, l'accompagnement en adéquation avec son projet professionnel, l'accord prévoyant et détaillant diverses mesures destinées à assurer la formation des salariés ainsi que leur adaptation à un autre emploi ; - exclure la mise en oeuvre par le groupe SFR de procédures de licenciement pour motif économique sur une durée de trois ans, et, sans remettre en cause le principe du volontariat, à maintenir la stabilité des effectifs du groupe SFR. Si par principe les opérations de cession d'une activité relèvent du pouvoir de direction de l'employeur, celui-ci voyait en l'espèce ses pouvoirs encadrés par les engagements pris dans l'accord GPEC de 2006 applicable pendant trois ans. Or, excluant d'emblée cette opération de l'accord GPEC signé huit mois auparavant, la direction de SFR-SC a remis dès le 27 mai 2007 au comité central d'entreprise, puis aux comités d'établissement de Lyon, Poitiers et Toulouse, un dossier d'information portant sur le transfert de ces sites et de la sous-traitance de leur activité, puis a procédé au transfert de l'ensemble des contrats de travail des salariés affectés à ces établissements, soit 1877 salariés au total, dont 724 salariés à Toulouse, à une entreprise sous-traitante, provoquant ainsi leur sortie immédiate du groupe SFR à la date du 1er août 2007. L'argument des sociétés du groupe SFR, selon lequel le projet d'externalisation du service client grand public était un événement conjoncturel qui n'entre pas dans le champ d'application de l'accord GPEC, lequel ne vise qu'une évolution structurelle des emplois, n'est pas pertinent car l'ampleur du projet affectant la quasi-totalité des sites chargés de la relation client grand public modifie en profondeur le périmètre de l'activité de l'entreprise et la structure des emplois et a, en conséquence, des effets directs sur la gestion prévisionnelle des emplois. Contrairement à ce qui est soutenu par les sociétés du groupe SFR, les accords de méthode du 20 juillet 2007 n'ont pas révisé l'accord GPEC car, d'une part, ils avaient pour objet d'organiser les garanties associées au transfert des salariés concernés au titre de l'article L1224-1 du code du travail et de prévoir un plan de départs volontaires pour ceux qui ne souhaiteraient pas rester au service du nouvel employeur et, d'autre part, ils ne comportaient aucune des mesures contenues dans l'accord GPEC relatives aux garanties statutaires et de carrière et n'engageaient pas les mêmes parties car leur exécution incombait aux sociétés repreneuses, dont la société Infomobile. Enfin, l'accord GPEC prévoyait expressément qu'il ne pouvait être révisé que par les parties signataires, or un seul des syndicats signataires de l'accord GPEC, la CFECGC, a signé les accords de méthode du 20 juillet 2007 et ne représentait que les salariés cadres, dont l'effectif était très faible au sein de la société SFR-SC, et les syndicats CFDT et CFTC signataires de l'accord GPEC ne sont pas signataires de l'accord de méthode. Pour les mêmes motifs, il ne peut davantage être soutenu que les accords de méthode du 20 juillet 2007 ont aménagé les modalités d'application de l'accord GPEC. Les obligations issues de l'accord GPEC du 12 octobre 2006 ne peuvent avoir été transmises en l'état au sous-traitant en raison de la nature même de cet accord qui vise à anticiper et à adapter la structure des effectifs dans le périmètre de l'UES SFR, ainsi que l'évolution des emplois, des métiers et des compétences au regard des orientations stratégiques décidées par cette entreprise. Ainsi, les sociétés SFR et SFR-SC ne peuvent sérieusement soutenir que l'accord GPEC ne contenait aucun engagement formel relatif au maintien de l'emploi au sein du groupe SFR et ne justifient en outre d'aucune action d'adaptation à l'emploi ou de priorité donnée à l'évolution professionnelle de ses collaborateurs en interne en faveur des salariés de l'établissement de Toulouse de la société SFR-SC dont le contrat a été transféré au sous-traitant Infomobile. Il y a donc eu violation de l'accord GPEC du 12 octobre 2006 par la société SFR et la société SFR-SC. Le nombre de salariés de SFR-SC, concernés par le plan de départs volontaires a été très largement supérieur au chiffre de 250 visé par l'accord de méthode. Le dispositif de l'article L1224-1 du code du travail a pour objet de maintenir les emplois lors du transfert et non de favoriser les décrutements massifs. Il est établi par les productions que les groupes SFR et Téléperformance ainsi que leurs filiales SFR-SC et Infomobile étaient étroitement liés sur le plan économique et fonctionnel puisque le prestataire, aux termes des contrats de sous-traitance et d'exécution du 27 juillet 2007, s'engageait à l'égard de son client à « réaliser, sous sa responsabilité et sa maîtrise d'oeuvre, dans le cadre d'une obligation de résultat » les prestations de relation clients, notamment en matière de volumes d'appels et de qualité, strictement contrôlés par le donneur d'ordre. Par ailleurs, l'accord de méthode du 20 juillet 2007 relatif au traitement des conséquences de la mise en oeuvre du projet de transfert des sites de relation client grand public de Poitiers, Lyon et Toulouse, lequel a prévu le PSE et le plan de départs volontaires, obligations transmises au cessionnaire, est concomitant des contrats de soustraitance et d'exécution de prestation de service du 27 juillet 2007 ainsi que de la cession à Infomobile laquelle a été effective le 1er août 2007. L'accord de méthode a certes rappelé aux salariés transférés la perte du bénéfice du statut collectif SFR dans le délai maximal de 15 mois mais également la perte immédiate, dès la réalisation du transfert, des avantages liés à la participation et à l'intéressement. Enfin, il est admis que la société Téléperformance a reçu de SFR, à l'occasion des cessions, une soulte destinée à compenser le coût des ruptures amiables ainsi que du maintien pendant 15 mois par la société Infomobile des avantages liés au statut particulier dont les salariés bénéficiaient au sein de SFR. Ainsi, avant la cession, les sociétés SFR et SFR-SC avaient connaissance de ce que les contrats de travail de leurs collaborateurs seraient transférés à un employeur offrant un statut collectif moins avantageux et qui allait offrir, non pas le maintien de l'emploi individuel, mais la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde dont la principale mesure était un plan de départs volontaires, ce, en contradiction avec les dispositions d'ordre public de l'article 1224-1 du code du travail et les engagements résultant de l'accord GPEC. De même, la décision de décrutement des salariés originaires de SFR-SC n'était pas ignorée de la société Infomobile, filiale de Téléperformance, ce, avant même la réalisation de la cession. La SAS infomobile n'a pas privilégié le maintien des emplois à la suite du transfert opéré en application de l'article L1224-1 précité, mais a mis en oeuvre dès le 10 août 2007 la procédure de PSE et de plans de départs volontaires. Le document d'information de consultation remis par Infomobile au comité d'établissement de Toulouse soulignait la nécessité d'une évolution de l'organisation et de la gestion des centres transférés en termes d'amplitude horaire et de polyvalence. Dans ce même document, Infomobile rappelait également de façon très précise que les accord collectifs applicables au sein de l'UES étaient remis en cause et que la participation comme l'intéressement avaient cessé de s'appliquer à la date du transfert et que pour l'avenir le maintien du volume d'activité devait se faire à trois niveaux, à savoir une flexibilité plus importante des ressources, une productivité accrue des moyens à un service de la performance et de la qualité des prestations et un modèle économique plus compétitif. La mise en oeuvre par le cédant et le cessionnaire du plan de départs volontaires, négocié dès avant le transfert, leur a permis de s'affranchir des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail et de l'accord GPEC dans un délai bref à compter de la procédure de consultation, mais aussi de remplacer les partants par des salariés ne pouvant revendiquer ni l'ancienneté des salariés transférés, ni un statut collectif autre que celui du groupe Téléperformance. Les conventions de rupture amiable du contrat de travail ont visé un motif économique et visaient également « les inquiétudes exprimées par les salariés transférés quant aux conséquences de leur intégration au regard de leurs conditions de travail et à leur rémunération », outre l'accord de méthode du 20 juillet 2007 que l'entreprise Infomobile déclarait avoir repris à son compte en application de l'article L132-8 ancien du code du travail. Or, l'analyse de ces actes démontre qu'en réalité les conventions de rupture amiable étaient fondées sur l'incapacité du cessionnaire à offrir au personnel issu de SFRSC un statut individuel et collectif équivalent à celui de son entreprise d'origine, ce qui ne constitue pas une cause économique au sens des dispositions de l'article L1233-3 du code du travail. La chronologie, la concomitance et l'imbrication des actes juridiques démontre que SFR, SFR-SC et Infomobile ont eu recours à des actes, lesquels pris isolément, avaient l'apparence de la licéité, mais dont l'économie d'ensemble visait en réalité à échapper, sciemment et de concert, aux droits et garanties des salariés résultant de l'accord GPEC du 12 octobre 2006, des dispositions d'ordre public de l'article L1224-1 du code du travail et de réaliser, contrairement à l'objectif de pérennité des emplois visés par l'accord GPEC et les dispositions légales, une externalisation des ruptures des contrats de travail, en invoquant un motif économique de rupture inexistant. L'obligation pour la SAS Infomobile, transmise par la société SFR, de recruter du personnel externe pour compenser les postes libérés est corrélative à l'obligation de résultat découlant du contrat de sous-traitance et conforte la décision commune de décrutement massif des salariés issus de SFR-SC. Le cédant et le cessionnaire se réfèrent au caractère individuel et volontaire des départs, toutefois la décision du salarié partant ne peut exonérer SFR, SFR-SC et Infomobile de leur propre responsabilité en raison des menaces préalables à court terme pesant sur le statut individuel et collectif et les conditions de travail des salariés transférés, relayées par le cédant et le cessionnaire pendant toute la durée de l'opération et instrumentalisées par les actes juridiques précités, ce qui rendait parfaitement prévisible l'ampleur du volume des départs des anciens salariés de SFR-SC. Ainsi les agissements concertés des sociétés SFR, SFR-SC et Infomobile constituent une collusion frauduleuse, de nature délictuelle, qui a conduit au départ de G... F... dont le choix a été restreint et sont bien à l'origine de la perte de chance d'être maintenue dans son emploi ou dans un autre emploi par une adaptation à son poste ou à un poste équivalent, ce, tant au sein de la société SFR-SC, que dans le groupe SFR, qu'au sein de la SAS Infomobile en encore dans le groupe Téléperformance. Cette perte de chance a constitué pour G... F... un élément de préjudice spécifique, distinct de ceux compensés lors de la rupture de son contrat de travail. Compte tenu de la situation de G... F... au sein de la société SFR-SC justifiée par les productions, la perte de chance retenue sera indemnisée par l'allocation de la somme de [xxx], le règlement étant mis in solidum à la charge de SFR, SFR-SC et Téléperformance France venant aux droits d'Infomobile » ;

1. ALORS QUE les conventions et accords collectifs de travail doivent, s'ils manquent de clarté, être interprétés de manière littérale ; qu'en l'espèce, l'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences conclu par les sociétés de l'UES SFR le 12 octobre 2006 prévoit les modalités d'information et de consultation des représentants du personnel sur la stratégie de l'entreprise et ses conséquences prévisibles sur l'emploi et met en place différents dispositifs destinés à favoriser l'adaptation et le développement professionnel des collaborateurs, en fonction de l'évolution prévisible des métiers du groupe ; que, dans son préambule, cet accord rappelle les objectifs que les partenaires sociaux se sont donnés et indique notamment, d'une part, qu' « il exclut la mise en oeuvre par le groupe SFR de procédures de licenciement collectif pour motif économique sur la durée d'exécution du présent accord, dès lors que les conditions environnementales ne seraient pas bouleversées avec des conditions prévisibles sur l'emploi que le présent accord ne saurait résoudre dans les douze mois desdites conditions » et d'autre part, que « l'accord vise, sans remettre en cause le principe du volontariat, à maintenir une stabilité globale des effectifs du groupe SFR » ; que le seul engagement pris par les sociétés de l'UES SFR dans cet accord, en matière d'emploi, est donc celui de ne pas mettre en place de procédures de licenciement collectif pour motif économique, hors hypothèse de bouleversement des conditions environnementales ; qu'en affirmant que, par cet accord, les sociétés du groupe SFR se sont « engagées (
) sans remettre en cause le principe du volontariat, à maintenir la stabilité des effectifs du groupe SFR », quand l'accord a seulement posé comme objectif (« vise ») le maintien d'une stabilité globale des effectifs, la cour d'appel a donné à cet accord collectif du 12 juillet 2006 une portée qu'il n'a pas et a violé ses dispositions ;

2. ALORS QUE la fraude à la loi suppose la volonté de se soustraire à l'effet impératif de la loi ; qu'en l'espèce, il ressort du dossier d'information relatif au projet de « transfert des établissements de relation client grand public de Lyon, Poitiers et Toulouse et de sous-traitance de leurs activités », remis au comité central d'entreprise et aux comités d'établissement de la société SFR Service Client le 23 mai 2007, que, dans la version initiale de ce projet, les sociétés cédantes et cessionnaires prévoyaient le transfert des contrats de travail des salariés de ces sites auprès du cessionnaire et l'engagement de ce dernier « pendant une période de 3 ans, [de] maintenir la capacité de production et le volume d'emploi sur le bassin d'emploi du centre de relation client » ; qu'il résulte du préambule de l'accord de méthode conclu le 20 juillet 2007, à l'issue de négociations engagées le 18 juin 2007, que les sociétés de l'UES SFR n'ont envisagé la mise en place, par le repreneur, d'un plan de départ volontaire au profit des salariés licenciés, qu'en raison du mouvement social déclenché par l'annonce de ce projet, des inquiétudes exprimées par les salariés quant au sort des avantages de leur statut collectif et des revendications de nombreux salariés, relayées par les organisations syndicales, de pouvoir bénéficier d'un plan de départ volontaire pour ceux qui ne souhaiteraient pas rester au service du nouvel employeur ; que cet accord de méthode, qui prévoit la mise en place d'un plan de départ volontaire par le repreneur, rappelle que le repreneur reste tenu de maintenir l'emploi sur le site pendant 36 mois et devra en conséquence réembaucher pour remplacer les salariés volontaires qui auront quitté l'entreprise ; qu'en retenant, pour caractériser la prétendue volonté des sociétés SFR, SFR Service Client et Teleperformance de contourner les dispositions impératives de l'article L. 1224-1 du code du travail, qu'elles avaient connaissance, avant la cession des centres d'appels, de ce que le transfert conduirait à des départs volontaires et non au maintien de l'emploi individuel, sans rechercher si la mise en place de ce dispositif de départ volontaire n'avait pas été concédée aux salariés, pour satisfaire leurs revendications et mettre fin à un mouvement de grève, afin de permettre la réalisation du projet de cession qui ne comportait pas initialement un tel dispositif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe fraus omnia corrumpit et de l'article 1382 (devenu l'article 1240) du code civil ;

3. ALORS QUE ni la législation sur les licenciements pour motif économique, ni les règles relatives au transfert d'entreprise n'interdisent la cession d'une entité économique autonome à un repreneur qui applique un statut collectif moins favorable que le cédant, la loi prévoyant en ce cas le maintien des usages et engagements unilatéraux, une survie provisoire des accords collectifs du cédant et, en l'absence d'accord d'adaptation, le maintien des avantages individuels acquis issus de ces accords collectifs ; qu'en dénonçant encore à plusieurs reprises le fait que le statut collectif applicable au sein de la société Infomobile était moins avantageux que celui applicable au sein du groupe SFR et que le dispositif de départ volontaire offert aux salariés transférés, en réponse à leur revendications, était lié à l'incapacité du cessionnaire de garantir au personnel issu de la société SFR Service Client un statut collectif équivalent à celui de son entreprise d'origine, ce qui ne constitue pas une cause économique de licenciement, la cour d'appel n'a pas fait ressortir en quoi le transfert d'activité accompagné de la mise en place par le cessionnaire d'un plan de départ volontaire présentait un caractère frauduleux au regard des articles L. 1224-1 et L. 1233-3 du code du travail ; qu'elle a encore privé sa décision de base légale au regard du principe fraus omnia corrumpit et de l'article 1382 (devenu l'article 1240) du code civil ;

4. ALORS QUE l'employeur doit fournir au comité d'entreprise une information précise pour lui permettre de formuler un avis éclairé sur le projet donnant lieu à une procédure d'information-consultation ; que, par ailleurs, l'employeur, tenu d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, doit fournir au salarié toutes les informations utiles à sa disposition pour que l'intéressé puisse se prononcer en toute connaissance de cause sur les options qui lui sont proposées ; qu'en retenant encore, pour caractériser une fraude, que les sociétés SFR Service Client et Infomobile ont rappelé de façon très précise, dans l'accord de méthode du 20 juillet 2007 et dans le document d'information remis par la société Infomobile au comité d'établissement de Toulouse sur la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, que le transfert d'activité emportait mise en cause du statut collectif applicable, que l'intéressement et la participation cessaient de s'appliquer dès le transfert et que la société Infomobile souhaitait adapter les accords sur l'aménagement du temps de travail, cependant que cette information était indispensable pour éclairer les représentants du personnel et les salariés et permettre à ces derniers de choisir, en toute connaissance de cause, de demeurer ou non au service du repreneur, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-4 et L. 1221-1 du code du travail ;

5. ALORS QU' en cas de transfert du contrat de travail intervenu en violation d'un engagement de maintien de l'emploi, la perte de chance de conserver un emploi au sein du groupe auquel appartient l'employeur initial ne constitue un préjudice réparable qu'au regard des perspectives de conserver un emploi dans le groupe auquel appartient le nouvel employeur ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes soutenaient qu'au regard tant de l'engagement de la société Infomobile de maintenir les effectifs du site pendant trois ans que de l'envergure du groupe Teleperformance, présent dans 50 pays et employant plus de 135.000 salariés, de sa solidité financière et de son expertise dans le secteur de la relation client, les salariés transférés avaient les mêmes perspectives de conserver leur emploi dans ce groupe qu'au sein du groupe SFR ; qu'en allouant néanmoins aux salariés une indemnité au titre de la perte de chance de conserver un emploi au sein du groupe SFR, sans constater que les perspectives de conserver un emploi étaient moindres au sein du groupe Teleperformance qu'au sein du groupe SFR, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu l'article 1240) du code civil ;

6. ALORS QUE le salarié qui a conclu une rupture amiable de son contrat ne peut invoquer une perte de chance de conserver un emploi, sans remettre en cause la validité de son consentement à la rupture amiable de son contrat ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes soutenaient que les salariés, qui s'étaient portés volontaires au départ et avaient conclu une convention de rupture amiable de leur contrat, ne pouvaient réclamer l'indemnisation d'une perte de chance de conserver leur emploi, sans invoquer un vice du consentement qui les aurait obligé à restituer les sommes perçues en exécution des conventions de rupture amiable ; qu'en retenant que le caractère volontaire du départ des salariés ne pouvait exonérer les sociétés SFR, SFR Service Client et Infomobile de leur propre responsabilité, dès lors que les menaces pesant sur le statut individuel et collectif et les conditions de travail des salariés transférés relayées par le cédant et le cessionnaire avaient restreint le choix des salariés de se porter volontaires au départ, sans s'expliquer sur les conséquences de ce choix restreint sur le consentement des salariés à la rupture amiable de leur contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1382 (devenus les articles 1130 et 1240) du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-16920;17-16921;17-16922;17-16923;17-16924
Date de la décision : 19/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 23 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 sep. 2018, pourvoi n°17-16920;17-16921;17-16922;17-16923;17-16924


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16920
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