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12/09/2018 | FRANCE | N°17-87510

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 septembre 2018, 17-87510


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. François X...,
- Mme Isabelle Y..., épouse X...,
- M. C... D... Z...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 6 octobre 2017, qui, dans l'information suivie contre eux, notamment des chefs d'association de malfaiteurs et détention de trésor national sans document justificatif régulier, détention de bien culturel sans document justificatif régulier, et importation sans déclaration de marchandise prohib

ée en bande organisée, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. François X...,
- Mme Isabelle Y..., épouse X...,
- M. C... D... Z...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 6 octobre 2017, qui, dans l'information suivie contre eux, notamment des chefs d'association de malfaiteurs et détention de trésor national sans document justificatif régulier, détention de bien culturel sans document justificatif régulier, et importation sans déclaration de marchandise prohibée en bande organisée, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 juin 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. A..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller A..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU et de la société civile professionnelle MEIER-BOURDEAU et LÉCUYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général B... ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 16 mars 2018 joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 6 août 2013, les agents des douanes du port du Havre, procédant au contrôle du chargement d'un navire en provenance du Brésil, ont découvert dans un conteneur déclaré au déchargement comme renfermant des fûts de quartz, une importante quantité de fossiles d'animaux et de végétaux datant du Crétacé, qui étaient dissimulés au fond des fûts ; que ces marchandises étaient destinées à la société Eldonia, de [...] (03), dont les associés étaient M. François X..., Mme Isabelle Y..., épouse X..., et M. C... Z..., ce dernier ayant financé en partie l'achat et l'acheminement des fossiles depuis le Brésil ; que le 26 janvier 2015, les agents des douanes ont opéré une perquisition dans les locaux de la société Creazaurus, sise à [...] (63), lors de laquelle ils ont découvert un squelette complet de dinosaure, qui lui avait été confié par la société Eldonia ; que dans le cours de l'enquête, qui a mis notamment en évidence que M. Z... procédait à de nombreuses importations de fossiles, ont été saisis deux cent seize fossiles, essentiellement de dinosaures, de poissons, ou de reptiles, qui ont fait l'objet d'une expertise, dont il ressort que la très grande majorité de ceux-ci provient de pays extra-communautaires, tels, pour les plus nombreux, le Brésil, la Chine, Madagascar, ou la Mongolie ; qu'à la suite de l'ouverture d'une information judiciaire, M. Z... et Mme X... ont été mis en examen des chefs de participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement, détention de trésor national sans document justificatif régulier, détention de bien culturel sans document justificatif régulier, et importation en bande organisée sans déclaration en douane applicable à une marchandise prohibée, et M. X... des mêmes chefs, ainsi que des chefs de vol en bande organisée et recel de vol en bande organisée, faits ayant tous été commis entre janvier 2012 et le 18 octobre 2016 ; que par requêtes des 18 avril 2017 et 24 mai 2017, les avocats de M. Z... et des époux X... ont sollicité de la chambre de l'instruction l'annulation de ces mises en examen, ainsi que de certaines pièces de la procédure, dont le rapport d'expertise des fossiles ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. Z..., pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 112-1 et 450-1 du code pénal, 2 bis, 38, 215 ter , 414, 419 et 423 du code des douanes, L. 111-1, L. 111-2, L. 111-3, L. 111-8 , L. 111-9 et L. 112-1, R. 111-1 du code du patrimoine, 80-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a écarté la demande de M. Z... en annulation de sa mise en examen et des actes subséquents ;

"aux motifs qu'il résulte de la combinaison des articles 2 bis, 38, 215 ter et 419 du code des douanes, L. 111-1, L. 111-2, L. 111-3, L. 111-8 , L. 111-9 et L. 112-1 du code du patrimoine que l'importation des biens culturels provenant d'un État non membre de l'Union européenne est prohibée si la personne qui les détient ou les transporte ne peut justifier d'un certificat ou de tout autre document équivalent autorisant l'exportation du bien, établi par l'État d'exportation lorsque la législation de cet Etat le prévoit, et a fortiori si la législation de cet Etat prohibe cette exportation ; qu'ainsi l'interdiction légale de l'exportation de biens culturels dans un pays tiers confère à ces objets, à défaut d'être accompagnés d'un certificat de l'Etat d'origine, la nature d'objets prohibés ; qu'en l'espèce, l'exportation de fossiles est interdite par la loi brésilienne et constitue le délit de contrebande ; que l'article 1er de la Convention UNESCO de 1970 à laquelle la France est partie stipule que sont considérés comme biens culturels, notamment les collections et spécimens rares de zoologie, de minéralogie et d'anatomie, objet présentant un intérêt paléontologiques ce qui inclut donc les fossiles ; que l'argumentation selon laquelle un fossile ne serait pas un bien culturel du fait qu'il serait antérieur à l'apparition de toute civilisation humaine n'est pas recevable, outre que les références citées par la défense ne peuvent être entendues en ce qu'elle donnerait une définition restrictive ; que surtout une telle argumentation est contredite par le principe de l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité de sites naturels ; que par ailleurs, la notion de biens culturels doit s'apprécier également au regard de la place occupée par les biens dans une civilisation donnée ; qu'ainsi tout site réputé pour sa présence de fossiles donne à ceux-ci la nature des biens culturels quand bien même serait discutée leur concomitance avec la présence d'une civilisation humaine ; que par ailleurs, il ne peut être a priori exclu que les fossiles, au regard de leur valeur, de la réception dans une exposition dans le cadre de musées ne constitue pas un trésor national ; qu'enfin, il résulte des circonstances de découverte des fossiles, le 6 août 2013, que les auteurs de l'importation entendaient les importer frauduleusement, que l'importation de fossiles en grande quantité depuis plusieurs pays étranger via diverses sociétés, les liens existant entre les mises en cause l'organisation mise en place à cette fin, sont autant d'éléments pouvant constituer des indices graves et concordants justifiant la mise en examen d'association de malfaiteurs et d'importation en bande organisée ;

"1°) alors que nul ne peut être puni pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; que la contrebande ou l'importation sans déclaration n'ont un caractère délictuel que lorsqu'elles portent sur des marchandises prohibées ou fortement taxées au sens du code des douanes ; que tel n'est pas le cas des biens culturels ou des trésors nationaux au regard des seules dispositions du code des douanes ; qu'en écartant la demande d'annulation de la mise en examen de M. Z... pour des faits commis entre le mois de janvier 2012 au 18 octobre 2016 fondée sur les délits de contrebande et d'importation sans déclaration, la cour d'appel a violé le principe de légalité des délits ;

"2°) alors que sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ; qu'il résulte des dispositions de l'article 56-2° de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 que ce n'est que depuis son entrée en vigueur le 9 juillet 2016, qu'est interdite « l'importation de biens culturels appartenant à l'une des catégories prévues à l'article 1er de la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, faite à Paris le 17 novembre 1970, en provenance directe d'un État non membre de l'Union européenne et partie à cette convention est subordonnée à la production d'un certificat ou de tout autre document équivalent autorisant l'exportation du bien établi par l'État d'exportation lorsque la législation de cet État le prévoit », ainsi que le fait « d'importer, d'exporter, de faire transiter, de transporter, de détenir, de vendre, d'acquérir et d'échanger des biens culturels présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique lorsqu'ils ont quitté illicitement le territoire d'un État dans les conditions fixées par une résolution du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) adoptée en ce sens », dispositions respectivement codifiées aux articles L. 111-8 et L. 111-9 du code du patrimoine ; qu'en se fondant sur ces textes pour considérer que l'importation des fossiles litigieux était prohibée sur le territoire douanier entre janvier 2012 et le 18 octobre 2016, la cour d'appel a violé le principe de non rétroactivité de la loi pénale ;

"3°) alors qu'aux termes des dispositions de l'article L. 111-9 du code du patrimoine, « sous réserve de l'article L. 111-11, il est interdit d'importer, d'exporter, de faire transiter, de transporter, de détenir, de vendre, d'acquérir et d'échanger des biens culturels présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique lorsqu'ils ont quitté illicitement le territoire d'un État dans les conditions fixées par une résolution du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies adoptée en ce sens » ; qu'en se fondant sur ces dispositions pour refuser d'annuler la mise en examen de M. Z..., quand les faits justifiant sa mise en examen ne font aucunement état du départ des fossiles en cause d'un Etat dans les conditions fixées par une résolution de l'ONU, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"4°) alors qu'aux termes de l'articles L. 111-1 du code du patrimoine, « Sont des trésors nationaux :
1°/ Les biens appartenant aux collections des musées de France ;
2°/ Les archives publiques, au sens de l'article L. 211-4, ainsi que les biens classés comme archives historiques en application du livre II ;
3°/ Les biens classés au titre des monuments historiques en application du livre VI ;
4°/ Les autres biens faisant partie du domaine public mobilier, au sens de l'article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
5°/ Les autres biens présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie. » ; qu'en considérant que les fossiles en cause étaient susceptibles de constituer des trésors nationaux par référence à leur valeur ou à la destination qui pourrait leur être donnée par un collectionneur ou un musée, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inapte à caractériser l'existence d'un trésor national en présence de fossiles et n'a, ainsi, pas légalement justifié sa décision ;

"5°) alors que le principe de légalité des délits et des peines s'oppose à ce qu'un texte d'incrimination soit interprété à la lumière d'une Convention internationale dépourvue d'effets directs en France ; qu'en se référant à la Convention UNESCO du 17 novembre 1970 pour définir un bien culturel, quand un tel instrument se borne à comporter des engagements réciproques des parties signataires, dépourvus d'effets en droit interne, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"6°) alors que relèvent de la catégorie des biens culturels visés par l'article L. 111-2 ceux, autres que les trésors nationaux, qui présentent un intérêt historique, artistique ou archéologique et entrent dans l'une des catégories définies par décret en Conseil d'Etat ; que l'article R. 111-1 du même code, pris pour son application, énumère un certain nombre de catégories de biens culturels qui ont en commun de procéder de l'action humaine ; que ne relèvent pas de la catégorie des biens culturels ceux qui ont pour seule particularité de présenter un intérêt scientifique, tels les fossiles qui n'appartiennent pas à l'ère de la civilisation humaine ; qu'en retenant cependant que les fossiles dont l'importation et la détention constituent la base de la mise en examen de M. Z... constituent des biens culturels, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. X... et Mme Y..., épouse X..., pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 111-1 du code du patrimoine, 419, 215, 38 du code des douanes, 111-3, 111-4, 112-1 du code pénal, préliminaire, 80-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité de la mise en examen des demandeurs ;

"aux motifs qu'il résulte de la combinaison des articles 2 bis, 38, 215 ter et 419 du code des douanes, L. 111-1, L. 111-2, L. 111-3, L. 111-8, L. 111-9 et L. 112-1 du code du patrimoine que l'importation des biens culturels provenant d'un Etat non membre de l'Union européenne est prohibée si la personne qui les détient ou les transporte ne peut justifier d'un certificat ou de tout autre document équivalant autorisant l'exportation du bien, établi par l'Etat d'exportation lorsque la législation de cet Etat le prévoit, et a fortiori si la législation de cet Etat prohibe cette exportation ; qu'ainsi l'interdiction légale de l'exportation de biens culturels dans un pays tiers confère à ces objets, à défaut d'être accompagné d'un certificat de l'Etat d'origine, la nature d'objets prohibés ; qu'en l'espèce, l'exportation de fossiles est interdite par la loi brésilienne et constitue le délit de contrebande ; que l'article 1 de la Convention UNESCO de 1970 à laquelle la France est partie stipule que sont considérés comme biens culturels, notamment les collections et spécimens rares de zoologie, de minéralogie et d'anatomie, objets présentant un intérêt paléontologique, ce qui inclut donc les fossiles ; que l'argumentation selon laquelle un fossile ne serait pas un bien culturel du fait qu'il serait antérieur à l'apparition de toute civilisation humaine n'est pas recevable, outre que les références citées par la défense ne peuvent entendues en ce qu'elle donnerait une définition restrictive, que surtout une telle argumentation est contredite par le principe de l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité de sites naturels ; que, par ailleurs, la notion de bien culturel doit s'apprécier également au regard de la place occupée par les dits biens dans une civilisation donnée ou une culture contemporaine, qu'ainsi, tout site réputé pour la présence de fossiles donne à ceux-ci la nature de biens culturels quand bien même serait discutée leur concomitance avec la présence d'une civilisation humaine ; que, par ailleurs, il ne peut être a priori exclu que les fossiles, au regard de leur valeur, de leur insertion dans une collection réputée et de leur exposition dans le cadre de musées ne constituent pas un trésor national ; qu'enfin, il résulte clairement des circonstances de découverte des fossiles le 6 août 2013 que les auteurs de l'importation entendaient les importer frauduleusement, que l'importation de fossiles en grandes quantités depuis plusieurs pays étrangers via différentes sociétés, les liens existant entre les mis en cause et l'organisation mise en place à cette fin, sont autant d'éléments pouvant constituer des indices graves et concordants justifiant la mise en examen contestée d'association de malfaiteurs et d'importation en bande organisée ; que, dès lors, la requête en annulation des mises en examen sera rejetée » ;

"1°) alors qu'en vertu de l'article 112-1 du code pénal, sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ; qu'en avançant, comme fondement légal de la mise en examen, l'infraction d'importation de biens culturels prévue à l'article L. 111-9 du code du patrimoine, qui est issue de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, lorsque la période de mise en examen des exposants s'étend de « courant janvier 2012 et jusqu'au 18 octobre 2016 », la chambre de l'instruction a violé le principe de non-rétroactivité de la loi pénale ;

"2°) alors que des fossiles d'origine étrangère n'entrent pas dans la catégorie des biens culturels ou dans celle des trésors nationaux prévues au code du patrimoine, qui ne concernent que les biens français ; que par ailleurs, aucune classification établie par la France ou par l'un des pays de provenance des fossiles litigieux n'a été versée au dossier pour établir l'attribution d'une telle qualification à des fossiles ; qu'en conséquence, aucune des incriminations visées à la mise en examen ne trouve à s'appliquer, de sorte que celle-ci encourait l'annulation ;

"3°) alors que la Convention de l'UNESCO concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels de 1970, qui n'est pas au demeurant un texte d'incrimination, prévoit dans son article 1er, que « sont considérés comme biens culturels les biens qui, à titre religieux ou profane, sont désignés par chaque Etat comme étant d'importance pour l'archéologie, la préhistoire, l'histoire, la littérature, l'art ou la science [
] » ; qu'il résulte de ce texte que les Etats eux-mêmes désignent les biens qu'ils entendent protéger à ce titre ; que c'est au prix d'une interprétation erronée de cette convention et sans répondre à l'argumentation des exposants que la chambre de l'instruction a affirmé que « l'article 1 de la Convention UNESCO de 1970 à laquelle la France est partie stipule que sont considérés comme bien culturels, notamment les collections et spécimens rares de zoologie, minéralogie et d'anatomie, objets présentant un intérêt paléontologique, ce qui inclut donc les fossiles ;

"4°) alors que ne relèvent de la catégorie des biens culturels visés à l'article L. 111-2 que ceux, autres que les trésors nationaux, qui présentent un intérêt historique, artistique ou archéologique, et entrent dans l'une des catégories définies par décret en Conseil d'Etat ; que l'article R. 111-1 du même code, pris pour son application, fait référence à des biens culturels qui ont en commun de procéder de l'action humaine ; que ne relèvent pas de la catégorie des biens culturels ceux qui ont pour seule particularité de présenter un intérêt scientifique, tels les fossiles qui n'appartiennent pas à l'ère de la civilisation humaine ; qu'en retenant cependant que les fossiles seraient des biens culturels, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 38, 215 ter, 419 et 423, alinéa 1, du code des douanes, L.111-1, L. 111-2, L.111-3, L.111-8 , L.111-9 du code du patrimoine, 112-1 du code pénal et 80-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que selon l'article 80-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut, à peine de nullité, mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission d'infractions dont il est saisi ;

Attendu que selon l'article 112-1 du code pénal, seuls sont punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ;

Attendu que, pour rejeter les demandes d'annulation des mises en examen des demandeurs des chefs de détention de trésor national sans justificatif, détention de bien culturel sans justificatif et importation en bande organisée sans déclaration en douane applicable à une marchandise prohibée, l'arrêt attaqué énonce que l'article 1 de la Convention UNESCO de 1970, à laquelle la France est partie, stipule que sont considérés comme biens culturels, notamment les collections et spécimens rares de zoologie, minéralogie et d'anatomie, objets présentant un intérêt paléontologique, ce qui inclut les fossiles ; que les juges retiennent que l'argumentation selon laquelle un fossile ne serait pas un bien culturel du fait qu'il serait antérieur à l'apparition de toute civilisation humaine n'est pas recevable, les références citées par la défense ne pouvant être entendues en ce qu'elle donneraient une définition restrictive, mais surtout parce qu'une telle argumentation est contredite par le principe de l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité de sites naturels ; que la chambre de l'instruction relève par ailleurs que la notion de bien culturel doit s'apprécier également au regard de la place occupée par les dits biens dans une civilisation donnée ou une culture contemporaine, et qu'ainsi, tout site réputé pour la présence de fossiles donne à ceux-ci la nature de biens culturels quand bien même serait discutée leur concomitance avec la présence d'une civilisation humaine ; qu'enfin, les juges ajoutent qu' il ne peut être a priori exclu que les fossiles, au regard de leur valeur, de leur insertion dans une collection réputée, et de leur exposition dans le cadre de musées, ne constituent pas un trésor national ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que d'une part la Convention de l'Unesco du 14 novembre 1970 ne peut servir en elle-même à asseoir une incrimination pénale, d'autre part elle n'a pas justifié au regard des dispositions des articles L.111-1 et L.111-2 du code du patrimoine que les fossiles datant du Crétacé constituent des biens culturels, ou des trésors nationaux français, enfin, les dispositions de l'article L 111-8 du code du patrimoine issu de la loi du 7 juillet 2016, qui incriminent l'importation en France sans autorisation de biens culturels, n'étaient applicables qu'à compter du 9 juillet 2016, alors que la période de la prévention s'étend de janvier 2012 au 18 octobre 2016, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour M. Z..., pris de la violation des articles 174, 206, et 591 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a annulé le rapport d'expertise coté D213 et son retrait de la procédure mais non les actes subséquents ;

"alors que la nullité d'un acte de l'information doit s'étendre aux actes de la procédure ultérieure dont il est le support nécessaire ; qu'en ne recherchant pas, comme il le lui était demandé, à quels actes subséquents la nullité de cet acte d'information devait s'étendre, la cour d'appel a méconnu son office" ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour M. X... et Mme Y..., épouse X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 160, 170, 171, 173, 174, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction s'est bornée à annuler le rapport d'expertise ;

"aux motifs que sur la nullité du rapport d'expertise Il est constant gue le rapport critiqué ne contient pas le procès-verbal ou les mentions permettant d'établir que les sept experts non inscrits ont préalablement prêté serment à l'accomplissement de leur mission ; que la violation des dispositions de l'article 160 du code de procédure pénale entraîne l'annulation du rapport d'expertise ;

"1°) alors que lorsqu'une irrégularité constitue une cause de nullité de la procédure, doivent être annulés les actes affectés par cette irrégularité et ceux dont ils sont le support nécessaire ; que la chambre de l'instruction, qui constatait en l'espèce l'absence de prestation de serment des experts ayant élaboré le rapport portant sur l'identification, la caractérisation et la détermination de l'origine des spécimens fossiles présents au domicile des époux X... et dans les locaux de la société Eldonia, ne pouvait s'abstenir d'annuler les opérations de saisie, qui étaient indissociables du rapport annulé ;

"2°) alors qu'en se bornant à annuler le rapport d'expertise, la chambre de l'instruction n'a pas répondu à une articulation essentielle du mémoire des demandeurs qui faisait valoir que « cette nullité affecte tous les actes dont les opérations d'expertise, et le rapport qui les relate, constituent le support nécessaire, en ce compris l'ensemble des saisies de fossiles réalisées dans cette affaire, car il ne fait aucun doute que la sélection des fossiles placés sous scellés définitifs a été décidée au regard des avis délivrés par les experts désignés, lesquels étaient présents lors des opérations de perquisitions et saisies, afin précisément de permettre la sélection des scellés définitifs »" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 174 et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, la chambre de l'instruction doit décider si l'annulation qu'elle prononce doit s'étendre à tout ou partie de la procédure ultérieure ;

Attendu, par ailleurs, que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision, et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'après avoir annulé le rapport d'expertise des fossiles, la chambre de l'instruction, qui n'a pas recherché les conséquences de cette annulation sur les autres pièces de la procédure, comme elle y était invitée par les mémoires des mis en examen, lesquels faisaient valoir que l'annulation du rapport d'expertise devait entraîner celle des saisies des fossiles, ainsi que des opérations d'ouverture des scellés, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encore encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 6 octobre 2017, mais en ses seules dispositions ayant refusé d'annuler les mises en examen de M. Z..., de M. X... et de Mme Y..., épouse X..., et relatives aux conséquences de l'annulation du rapport d'expertise, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction la cour d'appel Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze septembre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-87510
Date de la décision : 12/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 06 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 sep. 2018, pourvoi n°17-87510


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.87510
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