LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 312-3, 2°, devenu L. 313-2, 2°, du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par actes notariés des 20 décembre 2005 et 25 avril 2006, la société Banque patrimoine et immobilier, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. X... deux prêts immobiliers destinés à acquérir deux appartements en vue de leur location meublée ; qu'ayant prononcé la déchéance du terme, la banque a assigné l'emprunteur en paiement du solde des prêts ; que celui-ci a soulevé la prescription de l'action de la banque et la déchéance de son droit aux intérêts ;
Attendu que, pour dire la banque déchue du droit aux intérêts conventionnels, l'arrêt retient que l'emprunteur, médecin généraliste de profession, ne subvient pas à ses besoins grâce aux revenus locatifs escomptés et n'assure pas la gestion des biens acquis, gérés par la société Park and Suites, et que son inscription au registre du commerce et des société en qualité de loueur meublé professionnel, au demeurant postérieur à la souscription des prêts, n'a répondu qu'à la nécessité de bénéficier du régime fiscal escompté, de sorte que, le prêt litigieux n'étant pas destiné à financer une activité professionnelle, les dispositions du code de la consommation ne doivent pas être écartées ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'emprunteur avait souscrit les prêts litigieux afin d'acquérir deux appartements destinés à la location, et était inscrit au registre du commerce et des sociétés en tant que loueur en meublé professionnel, ce dont il résultait que ces prêts étaient destinés à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, exclusive du bénéfice des dispositions du code de la consommation, applicable au seul consommateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Banque patrimoine et immobilier déchue du droit aux intérêts conventionnels, l'arrêt rendu le 6 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Crédit immobilier de France développement.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré la société Banque Patrimoine et Immobilier, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier France développement (CIFD), déchue du droit aux intérêts conventionnels, et d'avoir condamné M. Y... X... à lui payer les seules sommes de 168.336,21 € et 160.696,78 € assorties des intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2009, avec capitalisation,
AUX MOTIFS QU'ainsi qu'il le fait valoir à juste titre, M. X..., médecin généraliste de profession, ne subvient pas à ses besoins grâce aux revenus locatifs escomptés et n'assure au demeurant pas la gestion des biens acquis, qui sont gérés par la société Park and Suites ; que la circonstance qu'il se soit enregistré au registre du commerce et des société en qualité de loueur meublé professionnel n'a répondu qu'à la nécessité de bénéficier du régime fiscal escompté, cet enregistrement étant, au demeurant, postérieur à la souscription des prêts litigieux ainsi que la BPI en convient elle-même ; qu'aux termes des dispositions des articles L.312-7 et L.312-10 du code de la consommation, le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée par voie postale aux emprunteurs, lesquels ne peuvent accepter l'offre que dix jours après qu'ils l'ont reçue, l'acceptation devant être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi ; que les offres de prêt comportant chacune la déclaration de M. X... reconnaissant les avoir reçues par voie postale, les critiques qu'il émet sur le fondement de l'article L.312-7 n'apparaissent, en l'état, pas démontrées ; qu'en revanche, les obligations prescrites par l'article L 312-10 apparaissent n'avoir pas respectées, les dates d'acceptation des 1er octobre et 3 décembre 2005 figurant aux contrat étant, ainsi que le fait valoir M. X..., contredites par les mentions des procurations notariées qu'il a données les 21 septembre et 9 novembre 2005 aux termes desquelles l'offre de prêt a été signée « ce jour par le mandant » ; que par ailleurs, si la banque justifie, par la production de deux enveloppes portant le cachet de la poste en date des 5 octobre 2005 et 9 décembre 2005, avoir reçu le retour des offres acceptées dans les conditions prévues par le texte, le fait, incontestable, qu'elles ont été postées de Marseille et non du lieu du domicile et d'exercice professionnel de M. X... dans les Alpes de Haute Provence corrobore la thèse suivant laquelle celui-ci n'était plus en possession des offres de prêt et ne les a pas lui-même postées, tant il apparaît peu vraisemblable que M. X... ait effectué à deux reprises en milieu de semaine un aller-retour de plusieurs centaines de kilomètres dans le seul dessein de poster une enveloppe ; que c'est en vain que la BPI fait valoir que M. X..., s'il avait changé d'avis dans les jours suivant sa signature, disposait de la possibilité de le faire valoir auprès de la BPI ; qu'en effet, le délai prévu à l'article L.312-10 du code de la consommation est un délai de réflexion et non un délai de rétractation ; qu'il résulte de ce qui précède un ensemble d'anomalies qui permettent de considérer que M. X... n'a pas bénéficié du délai de réflexion imposé par les dispositions d'ordre public de l'article L.312-10 précité ; qu'en conséquence, et par application des dispositions de l'article L.312-33 du code de la consommation, qu'il convient de déchoir la BPI du droit aux intérêts, et ce, compte tenu des circonstances de l'espèce, en totalité ; que la déchéance du droit aux intérêts étant prononcée dans sa totalité, la demande de nullité de la stipulation d'intérêts formée par M. X... au titre d'irrégularités affectant selon lui le taux effectif global, à la supposer recevable, se trouve sans objet ; que les intérêts conventionnels versés devant, du fait de la déchéance prononcée, s'imputer sur le capital, et les remboursements ayant cessé à partir de l'échéance de mai 2009, le montant de la créance de la BPI s'établit comme suit : Prêt n° 2076797 M 001 du 1er octobre 2005, montant : 205.563 euros, intérêts versés jusqu'en avril 2009 (échéance 42) : 27.020,38 euros, capital amorti au 30 avril 2009 : 10.206,41 euros, capital restant dû : 205.563 - (27.020,38+10.206,41) = 168.336,21 euros ; Prêt n° 2077522 A 001 du 3 décembre 2005, montant : 192.978 euros, intérêts versés jusqu'en avril 2009 (échéance 40) : 26.488,02 euros, capital amorti au 30 avril 2009 : 6.438,33 euros, capital restant dû : 192.978 - (25.842,89+5.998,72) = 160.696,78 euros ; que M. X... sera, en conséquence, condamné à payer à la BPI lesdites sommes, outre intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2009, et avec capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154, devenu 1343-2, du code civil,
1°- ALORS QUE les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier ne sont pas applicables aux prêts destinés à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, acquièrent et mettent un bien immobilier en location sous le statut de loueur en meublé professionnel ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. X... s'est immatriculé en qualité de loueur en meublé professionnel en février 2006 afin de bénéficier des avantages fiscaux liés à ce statut dans le cadre de la mise en location des deux biens immobiliers dont il a financé l'acquisition par deux prêts souscrits auprès de la société Banque Patrimoine et Immobilier ; qu'en affirmant néanmoins que ces prêts n'avaient pas été souscrits dans le cadre d'une activité professionnelle et que les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier étaient applicables à la souscription de ces prêts, la cour d'appel a violé l'article L. 312-3, 2° dudit code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et applicable à la cause ;
2°- ALORS, subsidiairement, QUE la méconnaissance du délai d'acceptation de dix jours est sanctionnée, non par la déchéance du droit aux intérêts, mais par la nullité relative du contrat de prêt, qui doit être demandée dans le délai de prescription de cinq ans ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société Banque Patrimoine et Immobilier produisait aux débats les deux enveloppes de retour des offres de prêt, portant le cachet de la poste des 5 octobre et 9 décembre 2005, et qu'ainsi les formalités liées à l'acceptation de l'offre avaient été respectées, mais qu'il existait néanmoins une anomalie permettant de considérer que M. X... n'avait pas bénéficié du délai de réflexion de dix jours ; qu'en prononçant la déchéance du droit aux intérêts en raison de la seule méconnaissance de ce délai, la cour d'appel a violé les articles L. 312-10 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et applicable à la cause.