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12/09/2018 | FRANCE | N°17-14257

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 septembre 2018, 17-14257


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée le 2 décembre 1992 par la société Atemi, devenue la société Freo France, en qualité de réceptionniste ; qu'elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de service chargée du suivi des opérations de gestion des ventes ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 7 novembre 2012 ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une certaine somme à t

itre de dommages-intérêts pour violation de la priorité de réembauche alors, selon le moyen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée le 2 décembre 1992 par la société Atemi, devenue la société Freo France, en qualité de réceptionniste ; qu'elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de service chargée du suivi des opérations de gestion des ventes ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 7 novembre 2012 ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation de la priorité de réembauche alors, selon le moyen, que la charge de la preuve de la compatibilité d'un emploi avec les compétences d'un salarié n'incombe pas spécialement à l'employeur ; qu'en l'espèce, la salariée ne soutenait pas que les postes d'analystes financiers étaient compatibles avec ses qualifications, ni ne fournissait aucune indication sur ses qualifications ; que, de son côté, la société Atemi expliquait, sans être contestée, que la salariée, embauchée en qualité de réceptionniste, était chargée depuis plusieurs années, en qualité de responsable de l'administration et de la gestion des ventes, de répondre aux exigences des acheteurs en assurant le bon déroulement des ventes, de traiter les commandes, de suivre les livraisons et le traitement des réclamations des clients et d'animer une équipe composée d'une secrétaire et d'un assistant commercial ; que ses fonctions n'impliquaient donc aucune opération d'analyse financière ; qu'en retenant néanmoins, pour dire que la société Atemi a méconnu la priorité de réembauche de Mme Z... , qu'elle ne justifie pas que les postes d'analyste financier pourvus par des embauches pendant la période d'application de cette priorité n'étaient pas compatibles avec les qualifications de la salariée, sans exiger aucune preuve, ni aucun commencement de preuve de la part de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-45 du code du travail et l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1233-45 du code du travail, il incombe à l'employeur d'informer le salarié licencié pour motif économique qui a manifesté le désir d'user de la priorité de réembauche, de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification ; qu'il en résulte qu'en cas de litige il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant soit qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes ;

Et attendu qu'ayant retenu que la société avait opéré deux recrutements dans l'année qui a suivi la rupture du contrat de travail de la salariée, sans l'en informer et sans justifier qu'ils n'étaient pas compatibles avec la qualification de la salariée licenciée, la cour d'appel a exactement décidé que la société avait violé la priorité de réembauche ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1233-4 et L. 6321-1 du code du travail ;

Attendu que pour dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui verser des dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a méconnu son obligation d'assurer l'adaptation de la salariée à l'évolution de son emploi en ne lui proposant aucune formation complémentaire en vingt années de service, alors qu'elle a pourtant démontré par son parcours au sein de la société une réelle capacité d'adaptation, ce qui aurait pu permettre son reclassement au sein de la société dans un emploi relevant de la même catégorie ou sur un emploi équivalent ;

Qu'en statuant ainsi alors que le manquement, par l'employeur, à son obligation d'adapter le salarié à l'évolution de son emploi et à sa capacité d'occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations cause au salarié un préjudice spécifique et n'a pas pour effet de priver de cause réelle et sérieuse un licenciement pour motif économique ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l'employeur à lui payer 90 000 euros à titre d'indemnité, l'arrêt rendu le 12 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Freo France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Madame Z... dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Atemi France à verser à Madame Z... les sommes de 90.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans des entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que Madame Z... expose n'avoir bénéficié d'aucune formation ou mesure d'adaptation qui aurait permis d'éviter son licenciement après 20 années d'ancienneté et ajoute qu'aucune offre de reclassement ne lui a été proposée alors qu'elle avait les compétences pour occuper le poste de comptable qui était pourtant disponible ; la Société FREO démontre avoir recherché des possibilités en vue d'un éventuel reclassement au sein des sociétés : Atemi, Atemi Méditerranée et Atemi Immo, les seules sociétés opérationnelles du groupe employant des salariés et auprès de la commission nationale paritaire de l'emploi de la branche de l'immobilier ; que la Société FREO affirme que le seul poste disponible était un poste de comptable au sein de la Société ATEMI, mais que Madame Z... n'avait pas les compétences pour occuper ce poste qui ne lui a pas été proposé pour ce motif en vue d'un reclassement ; qu'il résulte des débats que Madame Z... , qui occupait le poste de directrice de gestion, catégorie cadre autonome, classification C1, n'a bénéficié d'aucune adaptation, ni aucune formation d'aucune sorte en 20 ans d'ancienneté, ce qui n'est pas sérieusement contesté par la Société FREO ; qu'à cet égard, elle a atteint le plafond des heures acquises au titre du DIF sans avoir reçu de proposition de formations ou de validation d'acquis professionnels, comme le prévoit l'article 19 de la convention collective de l'immobilier ; que dès lors il convient de constater que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a méconnu son obligation d'assurer l'adaptation de la salariée à l'évolution de son emploi en ne proposant aucune formation complémentaire à Madame Z... en 20 années de service, alors qu'elle a pourtant démontré par son parcours au sein de la société ATEMI une réelle capacité d'adaptation, ce qui aurait pu permettre son reclassement au sein de la société dans un emploi relevant de la même catégorie ou sur un emploi équivalent ; qu'en conséquence, la rupture du contrat de travail de Madame Z... s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement déféré est infirmé ; que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son ancienneté, de ses difficultés à trouver un nouvel emploi malgré sa formation et son expérience professionnelle du fait de son âge et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail une somme de 90 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

1. ALORS QUE si l'employeur est tenu, non seulement d'adapter le salarié à l'évolution de son emploi, mais aussi de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations, le manquement à cette double obligation au cours de la relation de travail n'a pas pour effet de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique de ce salarié, mais cause au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat qu'il appartient au juge d'évaluer ; qu'en se fondant sur le seul fait que la société Atemi France n'a fourni aucune formation à la salariée pendant 20 ans de service pour retenir que le licenciement de Madame Z... était dénué de cause réelle et sérieuse, indépendamment des postes disponibles pour un éventuel reclassement à la date du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-4 et L. 6321-1 du code du travail ;

2. ALORS QU' il n'y a pas de manquement de l'employeur à son obligation de reclassement lorsque l'employeur justifie de l'absence de poste disponible compatible avec les qualifications du salarié à l'époque du licenciement ; que si l'employeur doit assurer l'adaptation du salarié à l'évolution de son emploi, il n'est pas tenu de lui fournir une formation initiale qui lui fait défaut ; qu'en l'espèce, la société Atemi France s'offrait de démontrer que le seul poste disponible dans le groupe, au moment du licenciement, était un poste de comptable et que ce poste nécessitait des compétences que Madame Z... n'avait pas et dont l'acquisition excédait son obligation d'adapter la salariée à l'évolution de son emploi ; qu'en se bornant à relever, pour dire que la société Atemi France a manqué à son obligation d'adaptation et que ce manquement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, qu'elle n'a proposé aucune formation complémentaire à la salariée en vingt ans de service, ce qui aurait pu permettre son reclassement au sein de la société dans un emploi relevant de la même catégorie ou un emploi équivalent, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si un tel emploi, accessible moyennant une simple formation d'adaptation, existait et était disponible à la date du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Freo à verser à Madame Z... la somme de 9.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article L1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai. Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles. Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur. Il résulte des débats que Madame Z... a informé la société ATEMI de sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauche par courrier du 13 décembre 2012 qui en a accusé réception par courrier du 13 décembre 2012. Faisant valoir que les deux recrutements opérés dans l'année qui a suivi la rupture du contrat de travail de Madame Z... n'étaient pas compatibles avec ses compétences et sa qualification, la société ATEMI n'a pas jugé opportun d'informer Madame Z... de l'embauche de deux analystes financiers en novembre 2013. Il convient de relever d'une part que la Société ATEMI n'a pas procédé à l'information de la salariée de tout emploi devenu compatible et ne produit aucun élément aux débats pour justifier que le poste d'analyste financier n'était pas compatible avec la qualification et la capacité de Madame Faïza Z... , ou nécessitait des qualités professionnelles différentes de celles reconnues à la salariée. Dès lors, Madame Z... est fondée à solliciter l'indemnité pour violation de la priorité de réembauchage que la Cour évalue en considération des éléments produits aux débats à la somme de 9000 € (2 mois de salaire) » ;

ALORS QUE la charge de la preuve de la compatibilité d'un emploi avec les compétences d'un salarié n'incombe pas spécialement à l'employeur ; qu'en l'espèce, la salariée ne soutenait pas que les postes d'analystes financiers étaient compatibles avec ses qualifications, ni ne fournissait aucune indication sur ses qualifications ; que, de son côté, la société ATEMI expliquait, sans être contestée, que la salariée, embauchée en qualité de réceptionniste, était chargée depuis plusieurs années, en qualité de responsable de l'administration et de la gestion des ventes, de répondre aux exigences des acheteurs en assurant le bon déroulement des ventes, de traiter les commandes, de suivre les livraisons et le traitement des réclamations des clients et d'animer une équipe composée d'une secrétaire et d'un assistant commercial ; que ses fonctions n'impliquaient donc aucune opération d'analyse financière ; qu'en retenant néanmoins, pour dire que la société ATEMI a méconnu la priorité de réembauche de Madame Z... , qu'elle ne justifie pas que les postes d'analyste financier pourvus par des embauches pendant la période d'application de cette priorité n'étaient pas compatibles avec les qualifications de la salariée, sans exiger aucune preuve, ni aucun commencement de preuve de la part de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article L.1233-45 du code du travail et l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-14257
Date de la décision : 12/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 sep. 2018, pourvoi n°17-14257


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14257
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