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12/09/2018 | FRANCE | N°16-26121

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 septembre 2018, 16-26121


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 24 avril 2002 par la société civile de moyens Architecture paysage organisation (la société APO) en qualité de dessinateur projeteur, occupait en dernier lieu la fonction d'architecte d'intérieur ; qu'il a été licencié pour motif économique le 22 décembre 2014 ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la

condamner à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnités de rupture et à rembo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 24 avril 2002 par la société civile de moyens Architecture paysage organisation (la société APO) en qualité de dessinateur projeteur, occupait en dernier lieu la fonction d'architecte d'intérieur ; qu'il a été licencié pour motif économique le 22 décembre 2014 ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnités de rupture et à rembourser à Pôle emploi, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées au salarié licencié alors, selon le moyen, que l'employeur n'est tenu d'étendre ses recherches de reclassement à d'autres entreprises qu'à la condition que leur activité, leur organisation ou leur lieu d'exploitation permette la permutation de tout ou partie de leur personnel ; qu'en conséquence, l'employeur n'est pas tenu d'étendre ses recherches de reclassement à des entreprises qui n'emploient pas de personnel ; qu'en l'espèce, il est constant que la société APO est une société civile de moyens dont l'objet est de fournir à ses membres les moyens matériels et humains nécessaires à l'exercice de leur activité professionnelle, en contrepartie d'une contribution de ces derniers aux frais communs ; que la société APO est ainsi l'employeur des salariés qui travaillent au service des différentes entités, en contrepartie de la prise en charge par ces dernières d'une partie des salaires et charges sociales ; qu'en se bornant à relever, pour dire qu'il existait une permutabilité du personnel, que l'objet de la société APO est de fournir des moyens humains à ses membres, que ces derniers interviennent comme la société APO dans le domaine de l'architecture et qu'ils avaient à l'époque du licenciement des charges de salaires, ce qui ne signifie pas qu'ils employait eux-mêmes des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'un des objets de la société APO était de fournir des moyens humains à ses trois membres, que ceux-ci avaient comme elle une activité dans le domaine de l'architecture et que leurs documents comptables mentionnaient la reprise de sommes au titre des salaires et traitements, la cour d'appel a pu déduire de ses constatations qu'une permutabilité du personnel était possible, caractérisant un groupe de reclassement, et a ainsi légalement justifié sa décision ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si la société APO a justifié des difficultés économiques visées dans la lettre de licenciement au vu des documents comptables qu'elle produit, elle n'a en revanche pas satisfait à son obligation de reclassement en ne faisant pas ses recherches au sein du groupe ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier, comme elle y était invitée, si l'employeur ne justifiait pas de l'absence de poste disponible au sein des entreprises du groupe de reclassement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. Y... de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de la société Architecture paysage organisation à l'obligation de formation, l'arrêt rendu le 19 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Architecture - paysage - organisation (APO).

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la SCM Architecture Paysage Organisation à payer à Monsieur Y... les sommes de 55.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 9.662,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 966,24 euros au titre des congés payés afférents et 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et d'AVOIR condamné la SCM Architecture Paysage Organisation à rembourser à Pôle emploi, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur Jean-Philippe Y... soutient que la SCM APO faisant partie d'un groupe constitué de l'entreprise individuelle C... , de la SARL Atelier Martine Z... et de la SARL Atelier de l'ECU, membres associés de la SCM APO, il appartenait à cette dernière de caractériser les difficultés économiques du groupe et de procéder à une recherche de reclassement au sein de celui-ci, ce qu'elle n'a pas fait. La SCM APO conteste son appartenance à un groupe et estime dans ces conditions qu'ayant caractérisé des difficultés économiques et procédé vainement à la recherche de reclassement de Monsieur Jean-Philippe Y... en son sein, le licenciement économique est fondé. La SCM APO est aux termes de ses statuts une société qui a « pour objet exclusif de faciliter l'activité professionnelle de ses membres, architecture, paysage, par la mise en commun des moyens utiles à l'exercice de leur profession. La société peut notamment acquérir, louer, vendre, échanger les installations et matériels nécessaires. Elle peut également engager le personnel nécessaire ». Son gérant est C... et le siège social de la société est [...] . C... exerce par ailleurs à titre individuel l'activité d'architecte. La SARL Atelier Martine Z..., membre associé de la SCM APO, a notamment pour objet en France et à l'étranger l'étude et la conception de tous projets d'aménagement, d'agencement et de décoration de locaux à usage professionnels, commercial ou d'habitation, la supervision de la réalisation des travaux d'aménagement, d'agencement et de décoration, accessoirement l'achat et la vente de tous mobiliers et équipements d'intérieur. L'un de ses gérants et associés est C... et le siège social de la société est [...] . La SARL Atelier de l'ECU, membre associé de la SCM APO, a pour objet l'exercice de la profession d'architecte et d'urbaniste en particulier de la fonction de maître d'oeuvre et toutes missions se rapportant à l'acte de bâtir et à l'aménagement de l'espace. Son gérant est C... , par ailleurs associé, et le siège social de la société est [...] . Dans les comptes annuels des deux SARL et au titre du compte de résultat fiscal repris sur la déclaration Cerfa n° 2035 de l'entreprise individuelle C... pour l'exercice 2014, des sommes sont reprises au titre des salaires et traitements. Il ressort de ces éléments que l'un des objets de la SCM APO est de fournir des moyens humains à ses membres -ce que celle-ci reconnaît au demeurant dans ses écritures- que C... et les SARL Atelier de l'ECU et Atelier Martine Z... avaient à l'époque du licenciement des charges de salaires et qu'enfin ces trois entités avaient comme la SCM APO une activité dans le domaine de l'architecture. De tels éléments permettaient donc une permutabilité du personnel, condition nécessaire et suffisante de la reconnaissance d'un groupe de reclassement. En conséquence, si la SCM APO a justifié des difficultés économiques visées dans la lettre de licenciement en son sein au titre de l'année 2012 au vu des documents comptables qu'elle produit, elle n'a en revanche pas satisfait à son obligation de reclassement en ne faisant pas ses recherches au sein du groupe. Dès lors, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse. Le jugement doit donc être infirmé sur ce point. Au vu de l'âge de Monsieur Jean-Philippe Y..., de son ancienneté, de sa situation au regard de l'emploi - il est allocataire de Pôle Emploi depuis son licenciement d'abord au titre de l'allocation de sécurisation professionnelle, puis au titre de l'allocation de retour à l'emploi et enfin depuis le mois de mai 2016 au titre de l'allocation de formation reclassement -, il sera entièrement rempli du droit à réparation découlant de son licenciement par l'octroi d'une somme de 55.000 euros à titre de dommages-intérêts. La SCM APO doit en outre être condamnée à lui payer la somme de 9.662,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis justement calculée et celle de 966,24 euros au titre des congés payés y afférents, outre intérêts à compter du 26 janvier 2015, date de la convocation devant le bureau de conciliation conformément à la demande » ;

1. ALORS QUE l'employeur n'est tenu d'étendre ses recherches de reclassement à d'autres entreprises qu'à la condition que leur activité, leur organisation ou leur lieu d'exploitation permette la permutation de tout ou partie de leur personnel ; qu'en conséquence, l'employeur n'est pas tenu d'étendre ses recherches de reclassement à des entreprises qui n'emploient pas de personnel ; qu'en l'espèce, il est constant que la société APO est une société civile de moyens dont l'objet est de fournir à ses membres les moyens matériels et humains nécessaires à l'exercice de leur activité professionnelle, en contrepartie d'une contribution de ces derniers aux frais communs ; que la société APO est ainsi l'employeur des salariés qui travaillent au service des différentes entités, en contrepartie de la prise en charge par ces dernières d'une partie des salaires et charges sociales ; qu'en se bornant à relever, pour dire qu'il existait une permutabilité du personnel, que l'objet de la société APO est de fournir des moyens humains à ses membres, que ces derniers interviennent comme la société APO dans le domaine de l'architecture et qu'ils avaient à l'époque du licenciement des charges de salaires, ce qui ne signifie pas qu'ils employait eux-mêmes des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du Code du travail ;

2. ALORS, AU SURPLUS, QU' il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement lorsque l'employeur justifie de l'absence de poste disponible compatible avec les qualifications du salarié à l'époque du licenciement ; qu'en l'espèce, Monsieur Y..., qui était associé de la SARL Atelier de l'Ecu, avait versé aux débats un organigramme des « moyens humains » de la société APO et de ses associés (C... , la SARL Atelier de l'Ecu et la SARL Martine Z...), dont il résultait que le personnel de ces différentes structures se limitait à 15 salariés ; que de son côté, la société APO avait versé aux débats son registre d'entrée et de sortie du personnel, dont il résultait qu'elle employait elle-même les 15 salariés figurant sur l'organigramme précité et n'avait pas d'emploi vacant à la date du licenciement ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société APO ne justifiait pas en conséquence de l'impossibilité de reclasser Monsieur Y... au sein de la société APO et de ses membres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SCM Architecture Paysage Organisation à rembourser à Pôle emploi, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE « les conditions s'avèrent réunies pour condamner l'employeur fautif, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour de la décision judiciaire, dans la limite de six mois ; l'arrêt sera communiqué à l'organisme » ;

ALORS QU' en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du Code du travail ; qu'en l'espèce, il est constant que la rupture du contrat de travail de Monsieur Y... est intervenue par suite de l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en ordonnant cependant à la société Architecture Paysage Organisation de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis versée au titre de la participation de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-26121
Date de la décision : 12/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 19 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 sep. 2018, pourvoi n°16-26121


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (président doyen, faisant fonction de premier président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.26121
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