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12/09/2018 | FRANCE | N°16-25669

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 septembre 2018, 16-25669


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Reed Organisation, est une filiale de la société Reed Exposition France dont l'activité est l'organisation de salons professionnels et grand public ; que Mme Y... a été engagée le 9 février 1998 par la société Miller Freeman organisation aux droits de laquelle vient la société Reed Organisation, occupant en dernier lieu les fonctions de directeur technique, étant en relation d'affaires avec des prestataires techniques auxquels était confié le montage des in

frastructures nécessaires à la tenue des salons organisés par la société...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Reed Organisation, est une filiale de la société Reed Exposition France dont l'activité est l'organisation de salons professionnels et grand public ; que Mme Y... a été engagée le 9 février 1998 par la société Miller Freeman organisation aux droits de laquelle vient la société Reed Organisation, occupant en dernier lieu les fonctions de directeur technique, étant en relation d'affaires avec des prestataires techniques auxquels était confié le montage des infrastructures nécessaires à la tenue des salons organisés par la société Reed Exposition France ; qu'elle a été licenciée pour faute lourde par lettre du 13 juillet 2012 ;

Sur le premier moyen pris, en sa huitième branche :

Vu l'article L. 3141-26 du code du travail, en sa rédaction résultant de la décision n° 2015-523 du Conseil constitutionnel en date du 2 mars 2016 ;

Attendu que la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute lourde et rejeter l'ensemble des demandes de la salariée, l'arrêt retient d'une part que celle-ci s'est abstenue, alors que cela relevait de ses attributions, de vérifier que la société Staff à laquelle il était fait appel pour le montage des structures des salons aux lieu et place des sociétés GF Events et Ranno bénéficiant de clauses d'exclusivité, détenait un certificat de conformité feu lui permettant d'intervenir dans le respect des conditions et des normes de sécurité, et d'autre part qu'elle a délibérément choisi de privilégier les intérêts de l'associé de la société Staff, avec lequel elle entretenait des liens amicaux, en lui confiant l'organisation du montage des structures sur des salons en violation des contrats cadre conclus avec les intervenants habituels et à des conditions financières moins favorables générant pour la société organisatrice des surcoûts et la privant d'une ristourne de fin d'année calculée sur le volume d'activité, que la circonstance de contrôles internes défaillants chez l'employeur ne saurait la dédouaner de ses propres responsabilités et que ces agissements favorisaient la concurrence déloyale exercée par la société en cause et entraînaient un préjudice commercial et financier pour son employeur et la société mère ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté de nuire de la salariée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil ;

Attendu que pour condamner la salariée à payer des dommages-intérêts à son employeur pour procédure abusive, l'arrêt retient l'intention de nuire de la salariée et son choix de clairement privilégier les intérêts de l'associé de la société Staff au détriment de ceux de son employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de spécifier, l'action en justice ne peut constituer un abus de droit dès lors que sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande à la société Reed Organisation au titre de son préjudice financier et commercial, l'arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Reed Organisation aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Reed Organisation à payer à Mme Y... la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour faute lourde de Mme Y... par la société Reed organisation était justifié, d'AVOIR débouté Mme Y... de toutes ses demandes, et d'AVOIR condamné Mme Y... à payer à la société Reed organisation la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et la même somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE l'article L 1235- 1 du code du travail dispose que le juge doit apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que la faute grave est celle qui non seulement empêche la poursuite de la relation contractuelle mais rend également impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la période de préavis de par la perturbation importante que son maintien en activité apporte au fonctionnement de l'entreprise, et que la faute lourde étant celle commise par le salarié dans l'intention de nuire à son employeur ; que dans la lettre de licenciement du 13 juillet 2012 la société Reed organisation reproche à Mme Y... de ne pas avoir respecté les clauses du contrat cadre liant les sociétés Ranno et GL Events et la société Reed exposition France, et de s'être rendue complice de M. A... dans le détournement systématique de clientèle de la société Ranno entreprise vers sa propre entreprise et ce par pur intérêt personnel, avec pour conséquences :
- un préjudice financier pour la société Reed organisation, laquelle a accepté des devis et factures plus chers que ce qu'elle aurait dû payer,
- un préjudice financier indirect, en la privant d'une possibilité de ristourne de fin d'année prévue dans le contrat cadre que la société Reed exposition France avait conclu avec la société GL Events/Ranno,
- un risque grave de mettre en cause la responsabilité de la société Reed organisation, en omettant de vérifier la conformité de la société Staff en matière de sécurité, notamment sécurité incendie,
- tout en omettant de respecter sa mise à pied notifiée par huissier le 29 juin 2012, en se rendant dans son bureau pour y récupérer divers documents ;
Que la société expose aussi avoir constaté que certaines prestations avaient été facturées deux fois, par la société Asif (gérée par M. A...) et par la société Ranno en 2007 et 2008 (la société Asif facturant à la société Reed exposition France des prestations qu'elle n'avait pas exécutées, mais qui avaient été exécutées par la société Ranno qui les avait normalement facturées à la société Reed exposition France) et que des prestations facturées par la société Asif avaient été achetées par celle-ci à la société Staff, avec un système de surfacturation de 17,65 % de la société Asif au préjudice de la société Reed exposition France ; qu'elle soutient que Mme Y... avait connaissance des agissements de M. A... en tant qu'animateur de la société Staff, et qu'elle en profitait, tout en acceptant des prestations plus chères proposées par la société Staff, que celles qu'aurait consenti la société Ranno, et ce au détriment de son employeur ; que Mme Y... soutient que la société Reed exposition France n'est pas son employeur, de sorte qu'il ne peut lui être reproché des griefs propres à cette société ; que par ailleurs, elle conteste tous les griefs, faisant valoir que les reproches concernent des faits anciens de plus de 2 mois dont la date de découverte n'est pas prouvée, que la société Staff avait été référencée par son responsable hiérarchique M. B..., directeur général adjoint, et que les bons de commandes, notamment de la société Asif, étaient validés par plusieurs personnes qui n'ont jamais été inquiétées ; qu'or, la société Reed organisation, employeur de Mme Y... et filiale de la société Reed exposition France, est en droit de reprocher à sa salariée d'avoir causé de manière indirecte des préjudices à sa société mère, qui est finalement également victime, avec sa filiale, des agissements reprochés du fait de l'atteinte à son image commerciale et d'une éventuelle perte financière de sa filiale repris dans ses comptes consolidés ; que la société Reed organisation invoque aussi à titre principal le non-respect d'un contrat la liant avec la société GL Events et ses filiales (dont la société Ranno) pour les années 2008/2012, ce qui correspond à un préjudice direct ; que la société Reed organisation pouvait donc invoquer, à l'appui du licenciement de sa salariée, des griefs ayant causé des préjudices tant à elle-même qu'à sa société mère, la société Reed exposition France ; que le moyen soulevé par Mme Y... est donc rejeté ; que sur le fond, il y a lieu à titre préalable de rappeler que si en matière disciplinaire les faits reprochés doivent remonter à moins de 2 mois à la date d'engagement de la procédure de licenciement (date de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable), cette règle est tempérée quand les faits, bien que plus anciens, ont été dissimulés et découverts tardivement, de sorte que c'est à la date de leur découverte qu'il convient de se placer pour apprécier ce délai de prescription de 2 mois ; qu'or, il ressort du compte-rendu d'entretien préalable au licenciement de Mme Y... en date du 6 juillet 2012, que la société Reed organisation a indiqué en début d'entretien que la société GL Events les avait prévenus du non-respect des procédures et que ses responsables étaient « très remontés », précisant : « nous avons compris que vous avez utilisé comme fournisseur une société qui s'appelle Staff » ; qu'il est avéré, selon le jugement du Conseil de Prud'hommes de Longjumeau en date du 25 septembre 2014 validant le licenciement pour faute lourde de M. A..., que ce dernier a été licencié le 23 mai 2012 par la société Ranno, filiale de la société GL Events ; que l'affirmation de la société Reed organisation selon laquelle c'est la société GL Events qui l'a avisée le 25 mai 2012 des agissements frauduleux de M. A... est donc totalement compatible avec cette chronologie ; qu'en outre, Mme Y..., de par sa proximité amicale et professionnelle avec M. A... depuis 2008, telle qu'elle ressort des courriels échangés, ne pouvait ignorer qu'il avait été licencié pour les raisons susénoncées ; qu'au regard de ces éléments, elle ne peut donc valablement opposer le délai de prescription de 2 mois ; que la Cour n'examinera pas les griefs, développés dans les conclusions des parties au sujet des factures de la société Asif et de l'éventuelle surfacturation associée à des factures de la société Staff, entre 2007 et 2010, ces griefs n'étant ni évoqués ni développés dans la lettre de licenciement ; que parmi les griefs invoqués dans la lettre de licenciement figure le fait que Mme Y... n'a pas vérifié les accréditations de la société Staff, à savoir le certificat de conformité feu, le contrat de sous-traitance et l'inscription à l'URSSAF, afin de s'assurer que cette société intervenait dans de bonnes conditions de sécurité ; que lors de son entretien préalable, elle ne le conteste pas, disant qu'elle ignorait que cela faisait partie de ses attributions, alors que selon la fiche de poste de directeur technique, fonction qu'elle exerçait depuis 2002, et même celle de responsable technique, il lui appartenait de s'assurer du respect des conditions et normes de sécurité ; qu'il lui est surtout reproché d'avoir fait travailler depuis 2008 la société Staff, qui ne disposait pas de contrat cadre de sous-traitant avec la société Reed exposition France, en concurrence avec les sociétés Ranno et GL Events, qui, elles, disposaient d'un tel contrat cadre depuis 2008, alors qu'en outre elle savait que M. A... travaillait pour le compte de ces sociétés Ranno et Staff qu'elle mettait en concurrence au niveau des prix ; qu'or, comme cela est stipulé dans le contrat cadre conclu pour les années 2008 à 2010 avec les sociétés Ranno et GL Events, la société Reed exposition France devait retenir le devis de ces sociétés pour divers salons dont la FIAC, sauf à ce qu'elles s'alignent, à prestations égales, sur le devis d'autres sociétés moins disantes ; qu'à défaut de respect de cette clause d'exclusivité, la société Reed exposition France encourait une pénalité de 15 % du chiffre d'affaires contracté avec d'autres fournisseurs ; que dans le cadre du contrat cadre conclu pour les années 2011 à 2013, la société Reed exposition France consentait aussi une exclusivité sur certains lots de plusieurs salons ; que Mme Y..., lors de l'entretien préalable, a soutenu qu'elle ne s'était pas posé la question de savoir pourquoi M. A... travaillait aussi pour la société Staff, prétendant s'être fait manipuler par M. A... ; qu'elle a également admis avoir fait appel à la société Staff pour la FIAC en 2010, sans demander un devis comparatif à la société Ranno (comme prévu par le contrat-cadre), et sans en informer son supérieur hiérarchique M. B..., alors qu'elle ne pouvait ignorer les termes du contrat cadre susvisé ; qu'il est en outre reproché à Mme Y... d'avoir retenu les devis de la société Staff pour le salon de la FIAC 2010, alors que le prix des cloisons proposé par la société Staff en 2010 (366,12 euro HT) était supérieur à celui que la société Ranno (qui n'a pas été mise en concurrence en 2010) aurait pu proposer (165,67 euro HT) pour des cloisons M3 (moyennement inflammables), et même au prix des cloisons pour des cloisons M1 (non inflammables) soit 335,16 HT, au vu des éléments produits par la société Ranno en juillet 2012 ; qu'or selon la société Reed organisation, le cabinet de sécurité PCSI (pièce 35-3) a pu contrôler que les cloisons effectivement posées au salon FIAC 2010 étaient de type M3 (moyennement inflammables), et non M1, comme le prétendait Mme Y... lors de l'entretien préalable pour expliquer la différence de prix entre la société Ranno et la société Staff ; que comme cela ressort de courriels que Mme Y... a échangés avec M. A... en mai 2010, au sujet du salon FIAC, ce dernier lui envoie un courriel de sa messagerie personnelle en lui disant : « voici le devis concernant les espaces FIAC, cela te fait gagner 20 000 euro (environ), à ta dispo pour en parler, bises. » ; que cette mention de gain de 20 000 euro questionne, car l'on peut se demander si c'est une somme qui revient personnellement à Mme Y... ; que concernant le salon de la FIAC 2011, pour lequel la société Ranno a envoyé un devis (pièce 38), les cloisons M1 étaient mentionnées comme étant à 342 euro HT, ce qui est cohérent avec les éléments donnés par la société Ranno en juillet 2012 pour le salon FIAC 2010 ; qu'en revanche, il s'avère que selon la facture de la société Staff en date du 19 juin 2011 (pièce 39) il est bien mentionné pour les « cloisons medium » un prix de 366,16 euro HT sans mention du type de cloisons (M1 ou M3), de sorte qu'il est difficile de savoir ce qui a été posé effectivement, d'autant que les cloisons peuvent être en M1 ou M3 selon les zones du salon, comme cela ressort du rapport du cabinet de sécurité PCSI (pièce 35-2) ; que ce rapport mentionne que les cloisons doivent être réalisées par la société Ranno, ce qui n'a pas été le cas ; qu'il existe donc pour les salons FIAC 2010 et 2011, outre un problème de défaut d'appel d'offre (pour 2010) puis de non-respect de l'exclusivité contractuelle de la société Ranno (pour 2011), une certaine opacité sur le type de cloisons facturées, en lien avec des problèmes de sécurité, puisque la société Staff n'était pas habilitée « feu » pour ces cloisons M3 comme la société Ranno (pièce 34) ; que dans un courriel du 31 mars 2011, Mme Y... demande à M. A... un chiffrage de la manutention du matériel « côté Ranno, côté Staff », ce qui démontre qu'elle comprend bien que M. A... s'occupe des deux sociétés, qu'elle ne peut ignorer alors être en concurrence ; que concernant le devis Paris photos, là encore Mme Y..., dans un courriel du 8 juillet 2011 elle demande à M. A... s'il s'agit de Staff ou de Ranno, ce à quoi ce dernier lui répond : « s'est S...» ; qu'il ressort des courriels échangés les 24 et 28 février 2011 entre M. C... directeur général adjoint de la société Ranno et Mme Y..., que cette dernière insistait pour que M. A... s'occupe du salon Paris photos 2011, au lieu et place de M. D... autre salarié de la société Ranno que celle-ci lui recommandait comme étant plus disponible que M. A... ; que M. E..., directeur général services du groupe GL Events, indique dans son attestation que ses relations avec Mme Y... se déroulaient bien quand l'installation des salons était attribuée à la société Ranno (dont M. A... était salarié et responsable d'affaires), alors que ces relations devenaient compliquées et sujettes à plus d'exigences quand l'installation des salons était attribuée à la société GL Events (dont M. A... n'était pas salarié) ; qu'il est par conséquent établi que Mme Y..., en voulant privilégier les intérêts de M. A..., n'a pas respecté les deux contrats cadre conclus pour la période de 2008 à 2013 entre la société Reed exposition France et la société GL Events/Ranno, ce qui a porté préjudice financier et commercial à son employeur, d'une part en faisant réaliser des travaux par la société Staff (animée par M. A...) à un coût supérieur à celui de la société Ranno en ce qui concerne le salon FIAC, et d'autre part en privant ainsi la société Reed exposition France d'une possibilité de ristourne de fin d'année prévue dans lesdits contrats cadre, et ce sans en informer son supérieur hiérarchique en 2011 ; qu'en outre, elle n'a pas vérifié l'habilitation « feu » du matériel posé par la société Staff ; que lors de son entretien préalable, Mme Y... n'a fourni aucune explication à ce comportement pour le moins déloyal à l'égard de son employeur, s'abritant ensuite devant le fait que la société Staff était référencée par son supérieur hiérarchique M. B..., ce qui ne la dispensait pas d'effectuer les contrôles qu'elle devait faire en tant que directeur technique, ni de respecter les contrats cadres conclus avec les sociétés GL Events/Ranno ; que le fait qu'elle prétende ne pas avoir fait attention à la double fonction de M. A..., faisant des devis à la fois pour la société Ranno et la société Staff pour les mêmes prestations, ne résiste pas au bon sens qui invitait à réfléchir sur une attitude de concurrence déloyale de la part de M. A..., dont Mme Y... se faisait nécessairement complice ; que la circonstance selon laquelle ce non-respect des contrats cadre a échappé au contrôleur de gestion et au supérieur hiérarchique de la société Reed organisation, ne saurait permettre à Mme Y... de se dédouaner de sa propre responsabilité, d'autant qu'il pouvait échapper à ces personnes qu'il existait un lien entre M. A... et la société Staff (dont le gérant n'était pas M. A..., lequel était l'associé unique de cette société) au vu de l'extrait Kbis et au vu d'autres complicités émanant de trois autres salariés (également licenciés) de la société Reed organisation, qui collaboraient avec Mme Y... et faisaient, comme elle, en sorte d'avantager la société Staff animée par M. A..., au vu des courriels échangés entre eux ; que l'amitié qui s'est développée entre M. A... et Mme Y... pendant plusieurs années ne saurait être analysée en une manipulation de la part de M. A..., comme tente de le faire croire Mme Y..., au vu de l'expérience professionnelle de cette dernière et son niveau d'éducation ; qu'il existe par ailleurs des éléments, certes à confirmer vu l'absence d'éléments sur ses biens personnels et ceux de son conjoint (ce que l'enquête pénale pourra éventuellement déterminer), qui permettent d'établir que le train de vie apparent de Mme Y... (achat d'un appartement sans crédit, achat d'or à hauteur de 30 000 euro, changement fréquent de voitures, création d'une société avec des membres de sa famille le 29 mars 2012) n'apparaissait pas en rapport avec le montant de son salaire, comme cela ressort de l'attestation d'un de ses collègues dont le salaire était équivalent ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, les griefs reprochés à Mme Y... apparaissent établis et justifiaient son licenciement pour faute lourde ; que le jugement du Conseil sera dès lors intégralement infirmé et Mme Y... déboutée de toutes ses demandes ; qu'il est incontestable que les agissements de Mme Y... ont contribué à causer des préjudices financier et commercial à son employeur, vu le non-respect des contrats cadre conclus avec les sociétés GL Events/Ranno et le coût plus élevé des prestations fournies par la société Staff ; que toutefois, au regard des contrôles largement défaillants de la société Reed organisation quant au non-respect des contrats cadre, et dans la mesure où Mme Y... n'était pas le seul maillon dans la chaîne des responsabilités, il convient, en l'état des pièces produites au débat qui ne permettent pas de déterminer le montant de l'enrichissement personnel de Mme Y... ni le manque à gagner de société Reed organisation, comme l'a remarqué le Conseil, de débouter cette dernière de sa demande en dommages et intérêts ; qu'en revanche, il y a lieu d'allouer à la société Reed organisation la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, au vu de l'intention de nuire de Mme Y..., laquelle a clairement privilégié les intérêts de M. A... au détriment de ceux de son employeur ;

1. ALORS QU'un salarié ne peut se voir reprocher des faits commis au détriment d'une société qui n'est pas son employeur et la violation de contrats conclus par une telle société, serait-elle la société mère de la société employeur, en l'absence de convention de mise à disposition entre les deux sociétés et d'avenant concrétisant l'accord du salarié à cette mise à disposition ; qu'en retenant en l'espèce que la société Reed organisation pouvait invoquer à l'appui du licenciement des griefs ayant causé des préjudices à sa société mère et en reprochant à la salariée une méconnaissance de contrats conclus par cette société mère, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 12 à 15), si une convention de mise à disposition avait été conclue entre les deux sociétés et si un avenant avait été signé par Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8241-2, L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 3141-26 du code du travail ;

2. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel oralement soutenues (arrêt, p. 3, § 3), la société Reed organisation ne prétendait pas avoir conclu elle-même un contrat avec la société GL Events et ses filiales pour les années 2008/2012 et n'invoquait donc pas le non-respect d'un tel contrat à son préjudice mais seulement de ceux conclus par la société mère Reed exposition France ; qu'en outre, elle soutenait seulement que les agissements de la salariée avaient causé un préjudice financier à la société Reed exposition France ; qu'en affirmant que la société Reed organisation invoquait aussi le non-respect d'un contrat la liant avec la société GL Events et ses filiales pour les années 2008/2012, ce qui correspondait à un préjudice direct, et en affirmant que la filiale était victime d'une perte financière, pour en déduire que la société Reed organisation pouvait invoquer à l'appui du licenciement des griefs lui ayant causé des préjudices, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3. ALORS en tout état de cause QUE lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites ; qu'en se bornant à relever que l'affirmation de la société Reed organisation selon laquelle elle avait été avisée le 25 mai 2012 des agissements frauduleux de M. A... était « totalement compatible avec la chronologie des faits », la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'employeur rapportait la preuve qu'il n'avait eu connaissance des faits litigieux que dans les deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-4, L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 3141-26 du code du travail ;

4. ALORS subsidiairement QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant péremptoirement que Mme Y... ne pouvait ignorer les termes du contrat cadre liant la société Reed exposition France aux sociétés GL Events et Ranno, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS de même QUE des motifs hypothétiques équivalent à une absence de motifs ; qu'en énonçant que la mention d'un gain de 20 000 € dans un courriel de M. A... à Mme Y... au sujet du salon FIAC 2010 « questionne, car l'on peut se demander si c'est une somme qui revient personnellement à Mme Y... » et qu' « il existe par ailleurs des éléments, certes à confirmer vu l'absence d'éléments sur ses biens personnels et ceux de son conjoint (ce que l'enquête pénale pourra éventuellement déterminer) qui permettent d'établir que le train de vie apparent de Mme Y... (...) n'apparaissait pas en rapport avec le montant de son salaire », la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

6. ALORS en outre QUE la salariée avait expliqué lors de l'entretien préalable (cf. compte-rendu, prod. n° 11) qu'elle n'avait pas réalisé le véritable rôle de M. A... au sein de la société Staff, que le matériel de la société Ranno se posait sur le matériel de la société Staff et que, pour elle, M. A... intervenait pour la coordination entre les deux sociétés ;
qu'en se fondant sur le courriel du 31 mars 2011 dans lequel Mme Y... demandait un chiffrage de la manutention du matériel côté Ranno, côté Staff et sur le courriel du 8 juillet 2011 dans lequel elle demandait à M. A... s'il s'agissait de Staff ou de Ranno, pour en déduire qu'elle comprenait bien que M. A... s'occupait des deux sociétés, sans expliquer en quoi ces courriels étaient incompatibles avec l'explication donnée par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 3141-26 du code du travail ;

7. ALORS en tout état de cause QUE la faute grave est celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que Mme Y..., en voulant privilégier les intérêts de M. A..., n'avait pas respecté les deux contrats cadres conclus pour la période de 2008 à 2013 entre la société Reed exposition France et la société GL Events/Ranno, et qu'elle n'avait pas vérifié l'habilitation feu du matériel posé par la société Staff ; que de telles constatations ne caractérisent pas une faute rendant impossible la poursuite du contrat de travail de la part d'une salariée ayant quatorze d'ancienneté sans aucun antécédent disciplinaire, ce d'autant que la cour d'appel a dans le même temps relevé que les contrôles de la société Reed organisation sur le respect des contrats cadres avaient été largement défaillants, que Mme Y... n'était pas le seul maillon dans la chaîne des responsabilités, et que le manque à gagner de la société Reed organisation n'était pas démontré ; que la cour d'appel a donc privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 3141-26 du code du travail ;

8. ALORS à titre infiniment subsidiaire QUE la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que la salariée avait privilégié les intérêts de M. A... au détriment de ceux de son employeur, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'intention de nuire de la salariée, et a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3141-26 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

(SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné Mme Y... à payer à la société Reed organisation la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et la même somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QU'en revanche, il y a lieu d'allouer à la société Reed organisation la somme de 3000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, au vu de l'intention de nuire de Mme Y..., laquelle a clairement privilégié les intérêts de M. A... au détriment de ceux de son employeur ;

ALORS QUE sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de spécifier, l'action en justice ne peut constituer un abus de droit dès lors que sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré ; qu'en l'espèce, le jugement de première instance avait déclaré le licenciement de Mme Y... sans cause réelle et sérieuse et par conséquent reconnu la légitimité de son action ; que la cour d'appel a accordé des dommages et intérêts pour procédure abusive à l'employeur au constat d'une prétendue intention de nuire de la salariée dans l'exécution du contrat de travail ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de circonstances particulières permettant de caractériser un abus du droit d'agir en justice de la part de la salariée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-25669
Date de la décision : 12/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 sep. 2018, pourvoi n°16-25669


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25669
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