LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 18 avril 2017), que la société Ages et vie habitat a confié à la société Maisons Patrick X..., venant aux droits de la société Constructions X... , devenue AFC, la maîtrise d'oeuvre de conception partielle et la réalisation de trois chantiers ; qu'invoquant un solde dû, la société Maisons Patrick X... a assigné la société Ages et vies habitat en paiement de sommes ;
Attendu que la société Ages et vie habitat fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des sommes à la société Maisons Patrick X... ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la confrontation des pièces contestées avec celles versées à son dossier par la société Ages et vie habitat conduisait à considérer que la seconde signature, qui apparaissait sur les documents en cause, était l'oeuvre d'un membre du personnel de cette société et, sans violer le principe de la contradiction que, cette signature, ayant été apposée sur des documents contractuels aussi diversifiés que le contrat initial, les décomptes définitifs et les procès-verbaux de réception, il y avait lieu d'en déduire que son auteur disposait des délégations pour ce faire ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, que, pour justifier le non-paiement du solde des marchés, la société Ages et vie habitat invoquait l'existence d'un accord intervenu entre les parties aux termes duquel le dernier versement effectué devait constituer un reçu pour solde de tout compte afin de compenser les carences du maître d'oeuvre et versait, pour en justifier, une pièce intitulé « réunion du 30 mai 2011 », la cour d'appel, qui, sans violer le principe de la contradiction, a retenu que, ce document ne portant aucune signature, son contenu ne saurait être regardé comme un accord opposable à la société Maisons Patrick X..., a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ages et vie habitat aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ages et vie habitat et la condamne à payer à la société AFC Maisons X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Ages et vie habitat.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le maître d'un ouvrage (la société Ages et Vie Habitat, l'exposante) à payer à son maître d'oeuvre (la société Maisons Patrick X...) la somme de 98 219,35 € correspondant au solde restant dû au titre de trois marchés de travaux, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2012, ainsi que la somme de 48 232,89 € au titre des pénalités de retard de paiement afférents à ces marchés ;
AUX MOTIFS QUE, pour combattre les prétentions de la société Maisons Patrick X..., la société Ages et Vie Habitat contestait la validité de documents contractuels, en particulier le contrat afférent au marché Clerval, des avenants concernant le chantier de Voujeaucourt et les procès- verbaux de réception des trois chantiers litigieux, en faisant valoir qu'ils n'étaient pas signés de toutes les parties ; que, réserve faite des avenants au contrat de Voujeaucourt, les pièces litigieuses portaient deux signatures, dont celle du maître d'oeuvre identifiée par l'apposition de son timbre commercial ; que la seconde signature qui apparaissait de façon récurrente sur les documents en cause était indubitablement l'oeuvre d'un personnel de la société Ages et Vie Habitat, que l'absence de timbre commercial sur les pièces était sans incidence sur la validité de ses engagements ; que la signature litigieuse ayant été apposée sur des documents contractuels aussi diversifiés que le contrat initial, les décomptes définitifs et les procès-verbaux de réception, il y avait lieu d'en déduire que son auteur disposait alors au sein de la société Ages et Vie Habitat des délégations pour ce faire ; que, dès lors que cette dernière ne démontrait pas avoir informé la société Maisons Patrick X... de ce que la personne considérée ne disposait pas des pouvoirs de l'engager contractuellement, elle ne pouvait aujourd'hui lui opposer ce moyen ; que, pour justifier le non-paiement du solde des marchés litigieux, la société Ages et Vie Habitat invoquait l'existence d'un accord intervenu entre les parties aux termes duquel le dernier versement effectué – par chèque bancaire de 106 331,73 € adressé le 8 mars 2012 – devait constituer un reçu pour solde de tout compte afin de compenser les carences du maître d'oeuvre ; que, pour étayer ses allégations, elle versait notamment une pièce intitulée "réunion du 30 mai 2011" ; que si ce document faisait effectivement état de difficultés sur les chantiers concernés et chiffrait le montant des pénalités de retard dues par le maître d'oeuvre, il indiquait également que ces pénalités ne seraient pas dues si un certain nombre de prestations étaient achevées et si les réserves étaient levées ; qu'il était par ailleurs précisé à la fin du document : « veuillez retourner l'exemplaire de ce courrier tamponné et signé pour validation » ; que ce document ne portant aucune signature, son contenu ne pouvait être regardé comme un accord opposable à la société Maisons Patrick X... (arrêt attaqué, p. 3, 1er et 2ème attendus, p. 4, 1er attendu, p. 5, 2ème et 4ème attendus) ;
ALORS QUE le juge doit en toutes circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour retenir la validité de l'ensemble des pièces contractuelles litigieuses, l'arrêt attaqué a présumé que l'auteur de la signature apposée pour le maître de l'ouvrage disposait d'une délégation pour ce faire ; qu'en relevant d'office ce moyen sans avoir préalablement invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, en outre, le maître de l'ouvrage devant manifester sans équivoque sa volonté de recevoir l'ouvrage, la signature par un tiers supposé être son mandataire d'un document intitulé "procès-verbal de réception" ne caractérise cette volonté que si le maître de l'ouvrage l'a désigné à cette fin spécifique ; qu'en l'occurrence, l'arrêt attaqué a affirmé qu'un "personnel" (sic) du maître de l'ouvrage disposait de – prétendues – délégations pour signer des documents contractuels ; qu'en statuant par ces motifs insuffisants à établir que le maître de l'ouvrage avait confié spécialement à un tiers la mission de procéder à la réception des ouvrages litigieux et, par conséquent, qu'il avait eu la volonté non équivoque de les recevoir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil ;
ALORS QUE, par ailleurs, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour considérer que le maître de l'ouvrage ne pouvait se prévaloir des carences du maître d'oeuvre dans l'exécution de ses engagements contractuels, l'arrêt attaqué a objecté que si le document afférent à la réunion du 30 mai 2011 faisait effectivement état de difficultés sur les chantiers concernés, il ne pouvait, en l'absence de signature, constituer un accord opposable au maître d'oeuvre ; qu'en retenant d'office ce moyen sans avoir provoqué au préalable les observations des parties, la cour d'appel a derechef transgressé le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile.