LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° W 16-24.164 et P 17-10.982 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 12 mai 2016), que, par jugement du 13 décembre 1995, un immeuble appartenant à M. Claude Y... a été adjugé à Mme A..., partie du prix de vente étant colloquée le 19 mars 1999 au profit de la Banque de Tahiti ; qu'une ordonnance de référé du 28 octobre 1996 a ordonné l'expulsion sous astreinte de M. et Mme Y... ; qu'un arrêt définitif du 24 novembre 2005 ayant déclaré prescrite l'action publique engagée par MM. Claude Y..., Jean-Jacques Y... et Mme Pierrette Y... (les consorts Y...) du chef d'entrave à la liberté des enchères, ceux-ci ont assigné Mme A... en annulation de l'adjudication et en paiement de dommages-intérêts ; que Mme A... a formé une demande reconventionnelle en liquidation de l'astreinte et en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ; que la Banque de Tahiti, intervenue volontairement à l'instance, a formé une demande de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi, réunis, ci-après annexés :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer des dommages-intérêts à Mme A... et à la Banque de Tahiti ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les consorts Y... avaient poursuivi, pendant des années, des procédures pénales dilatoires à l'initiative de M. Claude Y..., personne qui se trouvait à l'origine directe d'une entente contraire à la loi, fait sur la base duquel la validité de la procédure d'adjudication du 13 décembre 1995 a été contestée au motif de la commission d'un délit d'entrave aux enchères publiques, ce qui a abouti à ce que les fonds provenant de cette vente soient placés sous séquestre, la banque étant empêchée de les percevoir malgré un procès-verbal de colocation du 19 mars 1999, et privé Mme A..., régulièrement propriétaire, de l'usage de son bien, et que la procédure civile initiée par les consorts Y... après treize années de procédure visait Mme A... qui n'avait jamais été mise en cause dans l'instance pénale et intervenait alors que les lieux n'avaient jamais été libérés malgré des décisions de justice et que les consorts Y... reconnaissaient, dans leurs écritures, le titre de propriété de Mme A..., la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche sur l'initiative du placement sous séquestre que ses constatations rendaient inopérante, a pu déduire de ces seuls motifs qu'il y avait lieu d'allouer à Mme A... et à la Banque de Tahiti, en réparation du préjudice causé par ces procédures abusives, des dommages-intérêts dont elle a souverainement fixé le montant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles 301, 716 et 717 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Attendu que, pour liquider l'astreinte assortissant l'ordonnance de référé du 28 octobre 1996 prononçant l'expulsion de M. et Mme Y..., l'arrêt retient que, s'il n'est pas produit aux débats l'acte de signification de l'ordonnance précitée, il résulte de l'arrêt du 10 juin 1999 que M. et Mme Y... en ont interjeté appel le 9 décembre 1996 ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'ordonnance de référé, qui fixait le point de départ de l'astreinte neuf jours après sa signification, avait été signifiée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Claude Y... à payer à Mme Elisabeth A... la somme de 19 500 000 XPF au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 28 octobre 1996, l'arrêt rendu le 12 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi n° W 16-24.164 par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour MM. Claude et Jean-Jacques Y... et de Mme Pierrette Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts Y... de leur demande tendant à l'annulation du jugement d'adjudication du 13 décembre 1995 et, en conséquence, prononcé à leur encontre diverses condamnations au titre de la liquidation de l'astreinte assortissant une ordonnance d'expulsion ainsi qu'à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les consorts Y... invoquent principalement l'entrave à la liberté des enchères, caractérisées par des manoeuvres de la famille d'Elisabeth A... afin d'éviter une surenchère, pour justifier de leur demande en annulation de l'adjudication du 13 décembre 1995 ; que toutefois, comme l'a retenu avec pertinence le premier juge par des motifs que la Cour adopte, la procédure pénale s'étant conclue par un jugement du Tribunal correctionnel de Papeete du 22 juin 2004, infirmé par un arrêt de la cour du 24 novembre 2005 qui a constaté la prescription de l'action publique, devenu définitif suite au rejet d'un pourvoi en cassation, n'avait nullement mis en cause Elisabeth A... dans les manoeuvres invoquées par les appelants ; qu'en outre « l'entente » conclue entre Nelly A..., Philippe B... et Claude Y... dont le rôle a été particulièrement trouble, ne pouvait à elle seule écarter des enchérisseurs possibles ; que les consorts Y... semblent également invoquer des moyens de faits, à savoir une offre d'achat faite par les consorts A... antérieure à la licitation, mais dont ils n'indiquent pas qu'ils l'auraient acceptée et un manque de loyauté de la Banque de Tahiti qui aurait imposé la vente aux enchères avant même l'expiration d'un délai qui leur aurait été accordé, sans toutefois en tirer des conséquences juridiques ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré de ce chef ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les circonstances de l'intervention de Monsieur B..., intervention qui a suscité la délivrance d'un chèque de 10.000.000 FCP par Monsieur A..., ont été établies par l'information pénale ; qu'il ressort de l'analyse de cette procédure que le rôle de Monsieur Y... a également été déterminant et constitutif de fraude à la loi puisque son souhait était d'obtenir une remise importante de fonds hors procédure de vente aux enchères pour finalement obtenir un prix satisfaisant, contre engagement de ne pas s'opposer à la libération des lieux ; que la faute a donc été directement commise par trois personnes : Messieurs B..., A... et Claude Y... et une autre personne, Mademoiselle Nelly A..., venant par la suite remettre le chèque libellé par son père à Monsieur B... ; que ces faits constitutifs de fraude à la loi fiscale et pénale ne sont pas pour autant de nature à constituer le délit d'entrave aux enchères publiques puisque cette entente n'avait pas pour effet d'écarter, au sens des dispositions de l'article 412 ancien du Code pénal, des enchérisseurs possibles ; qu'en l'espèce, cette entente frauduleuse a été causée, et là réside les véritables éléments intentionnels, par la volonté de Monsieur Claude Y... de récupérer une somme plus proche de la valeur de son immeuble et par le souhait des consorts A... d'éviter, par ce versement complémentaire et conformément à ce qu'il leur avait été promis par leur interlocuteur, toute difficulté liée à la libération des lieux par la famille Y... ; que cette faute commise à des niveaux de responsabilité divers par trois personnes : Messieurs B..., A..., Claude Y... et Mademoiselle Nelly A... n'est donc pas de nature à justifier l'annulation de l'adjudication du 13 décembre 1995 dont a bénéficié Mademoiselle Elisabeth A..., laquelle au demeurant n'est pas intervenue dans la réalisation de cette « entente » ; que dès lors, les demandes des consorts Y... seront rejetées ;
ALORS QUE, D'UNE PART, dès lors qu'elle fausse nécessairement le libre jeu des enchères, au détriment notamment d'autres enchérisseurs potentiels, l'entrave à la liberté d'enchérir ou de surenchérir entraîne la nullité de l'adjudication si même l'adjudicataire n'a pas personnellement participé à la fraude ; qu'en décidant au contraire que la circonstance que Mademoiselle Elisabeth A... n'ait pas personnellement pris part à l'entente illicite excluait l'annulation de l'adjudication, la Cour viole le principe de la liberté des enchères ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, le fait de monnayer une renonciation à un projet de surenchères dont la réalisation eût entraîné une adjudication nouvelle écarte par là même des enchérisseurs possibles et porte, dès lors, nécessairement atteinte à la liberté des enchères ; qu'en affirmant que l'entente conclue, par l'intermédiaire de Monsieur Philippe B..., entre Mademoiselle Nelly A..., soeur de l'adjudicataire, et Monsieur Claude Y..., entente qui s'était traduite par le versement, à la date même du jugement d'adjudication, d'une somme de 10.000.000 FCP, ne pouvait avoir eu pour effet d'écarter des enchérisseurs possibles, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (cf. les conclusions récapitulatives de Monsieur Claude Y..., p. 2 § 4 et suivants), si les consorts C..., parents des consorts Y..., qui avaient précédemment signé un compromis de vente pour éviter que le bien ne fût vendu aux enchères, n'avaient pas été dissuadés, du fait de cet accord illicite, de former surenchère, la Cour prive son arrêt de base légale au regard du principe de la liberté des enchères ;
ET ALORS ENFIN à supposer même que Monsieur Claude Y... ait pris part à l'entente illicite génératrice d'une entrave à la liberté des enchères, cette circonstance ne saurait restituer une base légale à l'arrêt attaqué dès lors que l'action en nullité était engagée, non seulement par Monsieur Claude Y..., mais également par son frère et sa soeur, co-indivisaires du bien adjugé à Madame A..., dont la participation à l'entente frauduleuse n'a jamais été alléguée ni a fortiori constatée ; qu'à cet égard également, l'arrêt est dépourvu de base légale au regard du principe de la liberté des enchères.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir liquidé l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 28 octobre 1996 à hauteur de la somme de 19.500.000 XPF et condamné en conséquence Monsieur Claude Y... au paiement de cette somme ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE par ordonnance de référé du 28 octobre 1996, Elisabeth A... a obtenu l'expulsion de Claude Y... et de son épouse F... C... sous astreinte de 50.000 XPF par jour de retard à compter du neuvième jour suivant la signification de l'ordonnance ; que cette ordonnance a été confirmée dans toutes ses dispositions par l'arrêt du 19 mars 2009 ; que l'ordonnance de référé du 28 octobre 1996 était par nature exécutoire par provision en vertu de l'article 290 du Code de procédure civile de la Polynésie française, l'arrêt du 10 juin 1999 ne faisant que surseoir à statuer sur l'appel de l'ordonnance précitée interjeté par Claude Y... et son épouse dans l'attente du résultat définitif de la procédure pénale en cours ; que s'il n'est pas produit aux débats l'acte de signification de l'ordonnance précitée, il résulte de l'arrêt du 10 juin 1999 que Claude Y... et son épouse en ont interjeté appel le 9 décembre 1996 ; que selon le jugement déféré, il résulte d'un constat d'huissier du 27 novembre 2006 qu'à cette date Claude Y... et son épouse n'avaient pas libéré les lieux ; que cette absence de libération des lieux est confirmée par l'arrêt du 19 mars 2009, les époux Y... ayant fait valoir qu'ils avaient « quitté la parcelle depuis longtemps, ayant simplement autorisé certaines personnes à y entreposer des matériaux de construction » ; que la décision du premier juge liquidant l'astreinte à hauteur de 19.500.000 XPF, ce qui représente 390 jours de retard, ne peut dès lors être critiquée ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé de ce chef sauf en ce qu'il a condamné Pierrette Y..., épouse Z..., et Jean-Jacques Y... au paiement de cette somme in solidum avec Claude Y... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE par ordonnance de référé contradictoire du 28 octobre 1996, l'expulsion de Monsieur Claude Y..., de son épouse ainsi que de tous occupants de leur chef de la parcelle de terre litigieuse a été ordonnée dans la huitaine de la signification de cette ordonnance et, passé ce délai, sous astreinte de 50.000 FCP par jour de retard avec, si besoin est, du recours à la force publique ; qu'il est établi que Monsieur Claude Y... avait pris l'engagement, à l'audience de référé, de libérer les lieux avec son épouse, au plus tard pour le 30 octobre 1996 ; que malgré cette décision de justice et cette promesse, le bien dont s'agit n'a pas été libéré ; que compte tenu de ces éléments qui traduisent la mauvaise foi et une volonté de se maintenir sans titre dans les lieux, l'astreinte sera liquidée à hauteur de la somme de 19.500.000 FCP ;
ALORS QU'en l'état d'une ordonnance d'expulsion, prononcée en référé et assortie d'une astreinte courant à compter du neuvième jour suivant la signification de cette ordonnance, le juge ne peut liquider l'astreinte à un certain montant sans s'être assuré que l'ordonnance a été signifiée et, le cas échéant, de la date de cette signification ; qu'en liquidant comme elle l'a fait l'astreinte assortissant l'ordonnance de référé du 28 octobre 1996, telle que confirmée par un arrêt du 19 mars 2009, tout en constatant que l'acte de signification de cette ordonnance n'était pas versé aux débats et en laissant de la sorte incertain le point de savoir si cette ordonnance avait été signifiée et, le cas échéant, la date de cette signification, la Cour prive son arrêt de base légale au regard des articles 301, 716 et 717 du Code de procédure civile de Polynésie française.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les consorts Y... à payer à Mademoiselle Elisabeth A... la somme de 5.000.000 XPF à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la présente procédure a été initiée il y a plus de 20 ans ; qu'Elisabeth A... qui est régulièrement propriétaire d'un bien immeuble depuis l'adjudication du 13 décembre 1995 n'a toujours pu en user en raison des multiples procédures dilatoires diligentées par les consorts Y..., constitutives d'une résistance abusive ; que Pierrette Y..., épouse Z..., et Jean-Jacques Y... qui étaient parties demanderesses à la présente action et ne s'en sont à aucun moment désistés, ne peuvent se considérer aujourd'hui comme non concernés par le caractère abusif de la procédure au seul motif que c'est leur frère Claude Y... qui habitait l'immeuble acquis par Elisabeth A... le 13 décembre 1995 ; que la condamnation des consorts Y... à verser des dommages et intérêts pour un montant de 5.000.000 XPF à Elisabeth A... sera confirmée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le Tribunal relève que la procédure initiée par les consorts Y... arrive après treize années de procédure, vise une personne qui n'a jamais été mise en cause dans la procédure pénale, et intervient lors même que les lieux n'ont, malgré décision de justice et prononcé d'une astreinte à hauteur de 50.000 FCP par jour de retard, jamais été libérés, cependant que dans leurs dernières écritures, ils reconnaissent le titre de propriété de Mademoiselle Elisabeth A... ; que compte tenu de ces éléments, le Tribunal fera droit intégralement aux demandes de Mademoiselle A... tendant à voir condamner les demandeurs, conjointement et solidairement, à lui payer la somme de 5.000.000 FCP à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 300.000 FCP en application des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;
ALORS QUE, D'UNE PART, une action en justice ne peut, sauf circonstances tout à fait particulières qu'il appartient alors aux juges de spécifier, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été judiciairement reconnue malgré les décisions en sens contraire intervenues par la suite ; qu'en l'espèce, il résulte des commémoratifs mêmes de l'arrêt qu'avant que cette décision ne fût infirmée, motif pris de la prescription de l'action publique, par un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour de Papeete du 24 novembre 2005, la légitimité de l'action déclenchée par les consorts Y... à l'effet d'obtenir l'annulation de l'adjudication du 13 décembre 1995 pour entrave à la liberté des enchères avait été reconnue par le Tribunal correctionnel de Papeete qui avait fait droit à leur demande par son jugement du 22 juin 2004 (arrêt p. 2, pénultième alinéa) ; que par ailleurs, la Cour a elle-même admis qu'à la différence de l'action publique, l'action civile tendant à l'annulation de l'adjudication litigieuse n'était pas prescrite et, plus généralement, qu'elle ne se heurtait à aucune fin de non-recevoir (cf. son arrêt, p. 7) ; que ces circonstances lui interdisaient de considérer comme dilatoires, et partant abusives, tant l'action civile dont elle avait été saisie, procédure initiée le 16 octobre 2008 (arrêt p. 2, in fine) que, plus généralement, toutes les procédures initiées par les consorts Y... depuis « plus de vingt ans », soit depuis le jugement d'adjudication du 13 septembre 1995 ; qu'en condamnant néanmoins de ce chef les consorts Y... au paiement de très lourds dommages et intérêts pour procédure et/ou résistance abusive, la Cour viole l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1240 du même Code en l'état de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ET ALORS QUE, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, dès lors qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que Madame A... avait obtenu, par ordonnance de référé du 28 octobre 1996, exécutoire de plein droit, l'expulsion de Monsieur Claude Y... et de son épouse de l'immeuble qui lui avait été adjugé et qu'il était constant, et non contesté, que seuls Monsieur Claude Y... et son épouse étaient visés par cette ordonnance d'expulsion et étaient occupants de l'immeuble litigieux, la Cour ne pouvait prétendre imputer le préjudice qu'elle indemnise, résultant de l'impossibilité dans laquelle se serait trouvée Madame Elisabeth A... d'user de l'immeuble par elle acquis, aux procédures, à les supposer même effectivement abusives, qui avaient été initiées et poursuivies collectivement par les consorts Y... depuis le jugement d'adjudication ; que le préjudice indemnisé étant dépourvu de lien de cause à effet avec la faute déduite d'un prétendu abus du droit d'ester imputée à l'ensemble des consorts Y..., la Cour viole, à cet égard également, l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1240 du même Code en l'état de l'ordonnance du 10 février 2016.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné les consorts Y... à payer à la Banque de Tahiti la somme de 1.000.000 XPF à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la présente procédure a été initiée il y a plus de 20 ans ; que Pierrette Y..., épouse Z..., et Jean-Jacques Y... qui étaient parties demanderesses à la présente action et ne s'en sont à aucun moment désistés, ne peuvent se considérer aujourd'hui comme non concernés par le caractère abusif de la procédure ; c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge a condamné les consorts Y... à payer à la Banque de Tahiti, qui avait intérêt à intervenir comme il a été statué plus haut, des dommages et intérêts pour procédure abusive ; que toutefois le montant de ceux-ci sera réduit à la somme de 1.000.000 XPF, la somme séquestrée ayant produit des intérêts comme l'ont justement fait remarquer les consorts Y..., ce qui n'a pas été contesté par l'intimée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la Banque de Tahiti demande au Tribunal, au regard des procédures abusives et irrecevables poursuivies pendant des années par les consorts Y..., procédures empêchant la libération des fonds depuis quatorze ans et créant un préjudice de condamner Monsieur Claude Y... et Pierrette Z... née G... Y..., Jean-Jacques Y... à lui payer, solidairement et conjointement (sic) la somme de 5.000.000 FCP à titre de dommages et intérêts et la somme de 300.000 FCP en application des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ; qu'il est établi que les procédures pénales initiées par Monsieur Claude Y..., personne qui se trouve à l'origine directe d'une entente contraire à la loi, fait sur la base duquel, pendant des années, la validité de la procédure d'adjudication du 13 décembre 1995 a été contestée au motif de la commission d'un délit d'entrave aux enchères, ont abouti à ce que les fonds provenant de la vente aux enchères publique de leur bien immobilier soient placés sous séquestres ; la banque étant ainsi empêchée de les percevoir malgré procès-verbal de collocation du 19 mars 1999 qui lui a attribué la somme de 10.858.411 FCP, celle-ci est aujourd'hui fondée à réclamer indemnisation de son préjudice ; qu'il sera fait droit à ses demandes de dommages et intérêts ;
ALORS QUE, D'UNE PART, une action en justice ne peut, sauf circonstances tout à fait particulières qu'il appartient alors aux juges de spécifier, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été judiciairement reconnue malgré les décisions en sens contraire intervenues par la suite ; qu'en l'espèce, il résulte des commémoratifs mêmes de l'arrêt qu'avant que cette décision ne fût infirmée, motif pris de la prescription de l'action publique, par un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour de Papeete du 24 novembre 2005, la légitimité de l'action déclenchée par les consorts Y... à l'effet d'obtenir l'annulation de l'adjudication du 13 décembre 1995 pour entrave à la liberté des enchères avait été reconnue par le Tribunal correctionnel de Papeete qui avait fait droit à leur demande par son jugement du 22 juin 2004 (arrêt p. 2, pénultième alinéa) ; que par ailleurs, la Cour a elle-même admis qu'à la différence de l'action publique, l'action civile tendant à l'annulation de l'adjudication litigieuse n'était pas prescrite et, plus généralement, qu'elle ne se heurtait à aucune fin de non-recevoir (cf. son arrêt, p. 7) ; que ces circonstances lui interdisaient de considérer comme dilatoires, et partant abusives, tant l'action civile dont elle avait été saisie, procédure initiée le 16 octobre 2008 (arrêt p. 2, in fine) que, plus généralement, toutes les procédures initiées par les consorts Y... depuis « plus de vingt ans », soit depuis le jugement d'adjudication du 13 septembre 1995 ; qu'en condamnant néanmoins de ce chef les consorts Y... au paiement de très lourds dommages et intérêts pour procédure et/ou résistance abusive, la Cour viole l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1240 du même Code en l'état de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, les consorts Y... faisaient observer que la mise sous séquestre des fonds litigieux, nonobstant le procès-verbal de collocation du 19 mars 1999 dont était titulaire la banque, ne constituait nullement une conséquence nécessaire des procédures par eux engagées, mais procédaient d'une initiative de la banque elle-même (cf. les conclusions récapitulatives de Monsieur Claude Y... p. 11, § 2 et suivants) ; que faute d'avoir expliqué en quoi les procédures prétendument abusives imputées aux consorts Y... impliquaient nécessairement la mise sous séquestre des fonds litigieux, la Cour ne caractérise pas le lien de causalité entre la faute et le dommage qu'elle indemnise, ce en quoi elle prive sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du Code civil ;
ET ALORS ENFIN QU'ayant retenu que, bien que séquestrées, les sommes en cause avaient produit intérêts au profit de la banque (cf. l'arrêt attaqué p. 9 § 1), la Cour ne pouvait entrer néanmoins en voie de condamnations contre les consorts Y... sans caractériser le préjudice non couvert par lesdits intérêts qu'une banque telle que la Banque de Tahiti pourrait avoir subi du fait de la mise sous séquestre des fonds qui devaient lui revenir, ce en quoi elle prive de nouveau sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenue 1240, du Code civil.