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12/07/2018 | FRANCE | N°17-16936

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2018, 17-16936


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 24 février 2017 ) rendu en matière de référé, que Mme Y... a été engagée en qualité d'assistante pédagogique par l'association CPS Formation laquelle a été placée en redressement judiciaire ; qu'à l'occasion d'un plan de cession, l'association AFTAM, devenue association Coallia (l'association) a repris les contrats de travail en cours dont celui de Mme Y... à compter du 1er mai 2011 ; qu'invoquant un trouble manifestement illicite et l'ab

sence de contestation sérieuse, la salariée a saisi la juridiction prud'homal...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 24 février 2017 ) rendu en matière de référé, que Mme Y... a été engagée en qualité d'assistante pédagogique par l'association CPS Formation laquelle a été placée en redressement judiciaire ; qu'à l'occasion d'un plan de cession, l'association AFTAM, devenue association Coallia (l'association) a repris les contrats de travail en cours dont celui de Mme Y... à compter du 1er mai 2011 ; qu'invoquant un trouble manifestement illicite et l'absence de contestation sérieuse, la salariée a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir le rétablissement de ses droits et le paiement de sommes provisionnelles sur rappel de salaires et d'indemnités compensatrices de congés payés ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé, alors selon le moyen :

1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'aux termes de l'article 1er de l'accord du 12 mai 2005 applicable aux salariés repris par la société cessionnaire : "la rémunération des salariés s'évalue en brut annuel sur treize mois comprenant la prime de gratification du treizième mois, pour un temps travaillé de 32 heures hebdomadaires en moyenne pour un temps plein (
) la prime de gratification correspondant à un mois de salaire brut de base est attribuée à tout membre du personnel présent et comptant un an d'ancienneté et de travail effectif : - au 30 juin de l'année en cours pour la prime concernant le premier semestre, soit un demi-mois ; - au 31 décembre de l'année en cours pour la prime concernant le deuxième semestre, soit un demi-mois (
)" ; que pour débouter Mme Y... de sa demande, la cour d'appel a énoncé que l'analyse selon laquelle les stipulations conventionnelles telles qu'énoncées ci-dessus ont pour objet d'octroyer au salarié un complément de salaire sous la forme d'une prime de treizième mois ne relève pas de l'évidence ; qu'en statuant ainsi, quand l'accord du 12 mai 2005 prévoit clairement et précisément l'attribution d'une prime de gratification correspondant à un mois de salaire brut, la cour d'appel en a dénaturé les termes et violé le principe susvisé ;

2°/ que l'employeur ne peut supprimer unilatéralement un élément de rémunération ; que pour débouter Mme Y... de sa demande en paiement et en rétablissement d'une "prime de gratification", la cour d'appel a retenu que la salariée avait obtenu de nombreux avantages conventionnels à compter de son intégration, comme la réduction à 32 heures de la durée de travail hebdomadaire sans diminution de la rémunération et l'application d'une grille salariale plus favorable de sorte que sa rémunération annuelle avait augmenté de 1.203,53 euros ; qu'en se déterminant par ces motifs inopérants sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si le salaire annuel n'avait pas été diminué du montant de la prime de gratification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble de l'article R. 1455-6 du code du travail ;

3°/ que, dans ses conclusions d'appel, Mme Y... faisait valoir que jusqu'au 31 novembre 2011, elle percevait un salaire brut mensuel de 1.800 euros (soit une rémunération brute mensuelle de 21.600 euros) et qu'à compter du 1er décembre 2011 son salaire brut a été ramené à la somme de 1.661,54 euros, la rémunération n'étant plus versée sur douze mois mais sur treize mois ; que la somme de 1.661,54 euros correspond tout à la fois à 21.600 divisé par 13 et au montant de la prime de gratification ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions d'où il résultait que l'association cessionnaire avait diminué le salaire de base du montant de la prime de gratification, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que l'atteinte au principe d'égalité de traitement constitue un trouble manifestement illicite ; qu'à l'appui de sa demande, Mme Y... faisait valoir que seuls les salariés transférés de l'association CPS Formation subissaient une diminution de leur rémunération en contrepartie du versement de la prime de gratification ; qu'en décidant que cette éventuelle différence de traitement ne reposait sur aucune présentation de faits précis sans examiner, ainsi qu'elle y était invitée, les bulletins de salaire sur une année des salariés qui avaient intégré l'AFTAM dans les mêmes conditions, documents produits par l'employeur après sommation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-6 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que le grief de dénaturation d'un accord collectif est inopérant ;

Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que l'association avait versé un salaire calculé sur treize mois sur la base de l'accord collectif du 12 mai 2005 et déclarait s'être engagée à verser une rémunération calculée sur douze mois aux salariés qui en feraient la demande, la cour d'appel a relevé que la salariée n'avait pas usé de la faculté offerte ;

Attendu, enfin, qu'ayant pu retenir qu'il était exclu que dans le cadre d'une instance en référé, la juridiction saisie ordonne la production à charge de la partie défenderesse des documents susceptibles de faire preuve des faits conditionnant le succès de l'action, la cour d'appel a exactement déduit, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, qu'à défaut d'éléments caractérisant l'existence d'un trouble manifestement illicite ou celle d'une obligation non sérieusement contestable, il n'y avait pas lieu à référé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme Y....

AUX MOTIFS QUE « au soutien de son appel, Mme Y... persiste à reprocher à son nouvel employeur, d'avoir décidé unilatéralement de leur verser à compter du mois de décembre 2011, sous réserve d'un aménagement limité à l'année 2012, la gratification prévue à l'accord collectif de travail du 12 mai 2005, en diminuant d'autant le salaire de base des intéressés, sans recueillir préalablement leur accord ; qu'or l'accord du 12 mai 2005 qui a vocation à s'appliquer aux salariés repris par l'association cessionnaire, à défaut de la conclusion d'un nouvel accord dans les délais prescrits par la loi comprend un article 1 relatif à la rémunération rédigé ainsi qu'il suit : "La rémunération des salariés s'évalue en brut annuel sur 13 mois comprenant la prime de gratification du treizième mois, pour un temps travaillé de 32 heures hebdomadaires en moyenne pour un temps plein. Les salaires sont payés au mois. Le bulletin de paie comportera 3 lignes distinctes précisant la nature de la rémunération : - le salaire brut de base. Il correspond au salaire plancher de l'emploi auquel, pour certains emplois s'ajoute la valorisation de la compétence ; - l'expérience pour les emplois des classes 1-6 concernées ; - la prime d'objectif pour les cadres. La prime de gratification correspondant à un mois de salaire brut de base est attribuée à tout membre du personnel présent et comptant un an d'ancienneté et de travail effectif : - au 30 juin de l'année en cours pour la prime concernant le premier semestre, soit un demi-mois ; - au 31 décembre de l'année en cours pour la prime concernant le deuxième semestre, soit un demi-mois. Le personnel présent à ces dates, mais comptant moins d'un an d'ancienneté, perçoit une prime calculée prorata temporis. Le montant de la gratification semestrielle versée à tout membre du personnel dans les conditions prévues au présent article est diminué, à compter du 16ème jour d'absence ou de suspension du contrat de travail, à raison de 1/90ème du montant de la gratification semestrielle par jour d'absence ou de suspension du contrat de travail. Toutefois aucune déduction n'est effectuée dans les cas suivants : - période de suspension du contrat de travail pour cause d'accident de travail ou de maladie professionnelle ; - période de congé-formation ; - période de congé naissance (3 jours) ; - période de congé pour enfant malade ; - période de congé (même non rémunéré) d'éducation ouvrière, formation syndicale, formation de cadres sportifs ; - période de journée citoyenneté ou de rappel sous les drapeaux ; - période de congé maternité ou de congé paternité" ; que s'il est exact que l'association Coallia a versé à Mme Y... comme à d'autres salariés transférés un salaire calculé sur treize mois sur la base de cet accord, l'analyse contraire selon laquelle les stipulations conventionnelles telles qu'énoncées ci-dessus ont pour objet d'octroyer au salarié un complément de salaire sous la forme d'une prime de treizième mois ne relève pas de l'évidence ; que par ailleurs l'association Coallia relève sans être démentie que Mme Y... a bénéficié de nombreux avantages conventionnels à compter de son intégration parmi lesquels la réduction à 32 heures de la durée de travail hebdomadaire fixée précédemment à 35 heures, sans diminution de rémunération et l'application d'une grille salariale plus favorable de sorte que les salariés repris ont vu leur rémunération annuelle augmenter, le gain s'établissant à 1.203,53 € pour l'appelante ; que de plus, l'association Coallia déclare s'être engagée à verser une rémunération calculée sur douze mois aux salariés qui en feraient la demande et en définitive au-delà de la période transitoire limitée initialement à l'année 2012 de sorte que ce dispositif est toujours d'actualité ; qu'alors que rien ne permet de conclure à une caducité de cet engagement, Mme Y... ne justifie aucunement avoir usé de la faculté offerte ; qu'invoquée en dernier lieu par Mme Y..., une éventuelle différence de traitement avec d'autres salariés susceptibles d'avoir été intégrés au sein de l'association Coallia à l'issue d'une opération de transfert analogue à celle des anciens salariés de l'association CPS Formation ne repose sur aucune présentation de faits précis ; qu'or, il est exclu que dans le cadre d'une instance en référé fondée sur l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'une obligation non sérieusement contestable visés par les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail, la juridiction saisie puisse dans ce cadre et avant de se prononcer sur la demande, ordonner la production à charge de la partie défenderesse, des documents susceptibles de faire preuve des faits conditionnant le succès de la présente action et qui au surplus ne sont qu'éventuels ; qu'à défaut d'éléments caractérisant l'existence d'un trouble manifestement illicite ou celle d'une obligation non sérieusement contestable au sens des textes précités, l'ordonnance déférée sera confirmée sauf à dire qu'il n'y a pas lieu à référé et non pas pour la juridiction à se déclarer incompétente ;

1°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'aux termes de l'article 1er de l'accord du 12 mai 2005 applicable aux salariés repris par la société cessionnaire : « la rémunération des salariés s'évalue en brut annuel sur 13 mois comprenant la prime de gratification du treizième mois, pour un temps travaillé de 32 heures hebdomadaires en moyenne pour un temps plein (
) la prime de gratification correspondant à un mois de salaire brut de base est attribuée à tout membre du personnel présent et comptant un an d'ancienneté et de travail effectif : - au 30 juin de l'année en cours pour la prime concernant le premier semestre, soit un demi-mois ; - au 31 décembre de l'année en cours pour la prime concernant le deuxième semestre, soit un demi-mois (
) » ; que pour débouter Mme Y... de sa demande, la cour d'appel a énoncé que l'analyse selon laquelle les stipulations conventionnelles telles qu'énoncées ci-dessus ont pour objet d'octroyer au salarié un complément de salaire sous la forme d'une prime de treizième mois ne relève pas de l'évidence ; qu'en statuant ainsi quand l'accord du 12 mai 2005 prévoit clairement et précisément l'attribution d'une prime de gratification correspondant à un mois de salaire brut, la cour d'appel en a dénaturé les termes et violé le principe susvisé ;

2°) ALORS QUE l'employeur ne peut supprimer unilatéralement un élément de rémunération ; que pour débouter Mme Y... de sa demande en paiement et en rétablissement d'une « prime de gratification », la cour d'appel a retenu que la salariée avait obtenu de nombreux avantages conventionnels à compter de son intégration, comme la réduction à 32 heures de la durée de travail hebdomadaire sans diminution de la rémunération et l'application d'une grille salariale plus favorable de sorte que sa rémunération annuelle avait augmenté de 1.203,53 euros ; qu'en se déterminant par ces motifs inopérants sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si le salaire annuel n'avait pas été diminué du montant de la prime de gratification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble de l'article R. 1455-6 du code du travail ;

3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Mme Y... faisait valoir que jusqu'au 31 novembre 2011, elle percevait un salaire brut mensuel de 1.800 euros (soit une rémunération brute mensuelle de 21.600 euros) et qu'à compter du 1er décembre 2011 son salaire brut a été ramené à la somme de 1.661,54 euros, la rémunération n'étant plus versée sur 12 mois mais sur 13 mois ; que la somme de 1.661,54 euros correspond tout à la fois à 21.600 divisé par 13 et au montant de la prime de gratification ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions d'où il résultait que l'association cessionnaire avait diminué le salaire de base du montant de la prime de gratification, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE l'atteinte au principe d'égalité de traitement constitue un trouble manifestement illicite ; qu'à l'appui de sa demande, Mme Y... faisait valoir que seuls les salariés transférés de l'association CPS Formation subissaient une diminution de leur rémunération en contrepartie du versement de la prime de gratification ; qu'en décidant que cette éventuelle différence de traitement ne reposait sur aucune présentation de faits précis sans examiner, ainsi qu'elle y était invitée, les bulletins de salaire sur une année des salariés qui avaient intégré l'AFTAM dans les mêmes conditions, documents produits par l'employeur après sommation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-16936
Date de la décision : 12/07/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 24 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2018, pourvoi n°17-16936


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16936
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