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12/07/2018 | FRANCE | N°15-29214

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 juillet 2018, 15-29214


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 octobre 2015), rendu sur renvoi après cassation (Civ 3e, 22 janvier 2014, pourvoi n° 12-29.856), que, par acte du 28 septembre 1990, Mme A... D... a donné à bail une propriété à M. et Mme X..., pour une durée de neuf ans renouvelable, moyennant un loyer annuel de 144 000 francs indexé ; que le contrat stipulait qu'en contrepartie de l'engagement des locataires de prendre à leur charge divers travaux de rénovation le loyer serait réduit à 120 000 francs

durant les neuf premières années ; que le bail a été tacitement recon...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 octobre 2015), rendu sur renvoi après cassation (Civ 3e, 22 janvier 2014, pourvoi n° 12-29.856), que, par acte du 28 septembre 1990, Mme A... D... a donné à bail une propriété à M. et Mme X..., pour une durée de neuf ans renouvelable, moyennant un loyer annuel de 144 000 francs indexé ; que le contrat stipulait qu'en contrepartie de l'engagement des locataires de prendre à leur charge divers travaux de rénovation le loyer serait réduit à 120 000 francs durant les neuf premières années ; que le bail a été tacitement reconduit et que la bailleresse a perçu le montant du loyer minoré sans indexation ; qu'après la restitution des lieux, la bailleresse a assigné les locataires en paiement d'un rappel de loyer et d'indexation sur la base du loyer initialement convenu ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande ;

Mais attendu qu'en retenant que les locataires ne démontraient pas que la bailleresse avait renoncé de manière claire et non équivoque à se prévaloir du loyer contractuellement fixé, la cour d'appel a statué en conformité de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie ;

D'où il suit que le moyen, qui invite la Cour de cassation à revenir sur la doctrine exprimée par son précédent arrêt, est irrecevable ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les condamner à payer une certaine somme au titre d'un rappel de loyers d'octobre 2003 à septembre 2008 ;

Mais attendu que, M. et Mme X... n'ayant pas invoqué devant la cour d'appel les dispositions des articles 2277 et 2241 du code civil, le moyen, qui invoque la prescription de l'action en paiement des loyers antérieurs au mois d'avril 2005, est, de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... et les condamne à payer à Mme A... D... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...,

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement les époux X... à verser à Mme C... la somme de 22.611,49 € au titre de l'indexation des loyers, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2008 ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « en l'espèce, le contrat de bail conclu le 28 septembre 1990 entre Mme C... et M. et Mme X... prévoit un loyer de 10.000 francs mensuels durant neuf années, porté à 12.000 francs mensuels à compter d'octobre 1999 et contient une clause de révision ainsi rédigée : le loyer ci-dessus sera automatiquement révisé chaque année au 1er octobre, sans que le propriétaire n'ait à en faire la demande, et cela suivant la variation de l'indice du coût de la construction publié par l'Institut National de la Statistique des Etudes Economiques. L'indice de base à prendre en considération sera celui du 4ème trimestre de l'année civile précédant la révision ; que ce contrat prévoyait donc des clauses claires et sans équivoque de variation et de révision du montant du loyer ; qu'en conséquence, le seul fait que la bailleresse se soit abstenue pendant de nombreuses années de porter le loyer à 12.000 francs et de procéder à la réévaluation annuelle sur cette base, ne saurait suffire à caractériser une renonciation définitive de sa part à se prévaloir des clauses contractuelles, en l'absence de tout acte positif dénué d'équivoque permettant de considérer certaine cette renonciation, qu'il appartient donc à M. et Mme X... de rapporter la preuve de l'existence d'une volonté non équivoque (expresse ou tacite) de Mme C... de renoncer à l'augmentation de loyer et à l'application de l'indexation ; qu'aucune renonciation expresse de Mme C... n'existe ; que pour démonter l'existence d'une renonciation tacite, M. et Mme X... invoquent le fait qu'ils ont toujours calculé l'indexation sur la base d'un loyer de 10.000 francs, que ce mode de calcul était parfaitement connu de la bailleresse et qu'en acceptant avec constance les différents règlements ainsi calculés, elle a manifesté la volonté claire et non équivoque de renoncer à l'augmentation du loyer de base ; que cependant, force est de constater qu'aucune pièce au dossier, et notamment aucun courrier émanant de la bailleresse, n'établit sa connaissance de l'infraction aux clauses du bail et sa volonté claire et non équivoque de ne pas s'en prévaloir ; que devant la cour, M. et Mme X... soutiennent également qu'un véritable accord est intervenu entre les parties pour modifier les termes du contrat initial et maintenir le loyer à 10.000 francs par mois, Mme C... ayant selon eux manifesté l'expression de sa volonté par son attitude en cours d'exécution et plus particulièrement par son acceptation du mode de calcul des sommes qu'ils lui devaient, reposant sur un loyer de 10.000 francs ; que cependant, si Mme C... a effectivement reçu les courriers qui lui ont été adressés par ses locataires sans émettre d'objection, pour autant, son silence ne saurait valoir acceptation tacite d'une modification du montant du loyer, alors qu'il n'est justifié d'aucun accord formel et écrit de sa part sur ledit montant et qu'il n'est justifié d'aucune donnée objective concrète et précise laissant clairement présumer un signe par la bailleresse d'acceptation univoque d'un loyer différent de celui contractuellement défini » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « aux termes de l'article 17d) de la loi du 6 juillet 1989, lorsque le contrat de location prévoir la révision du loyer, celle-ci intervient chaque année à la date convenue entre les parties ou, à défaut, au terme de chaque année du contrat ; qu'en l'espèce, le bail notarié du 28 septembre 1990 prévoit un loyer de 10.000 francs mensuels durant neuf années, porté à 12.000 francs mensuels à compter d'octobre 1999 ; et contient une clause « Révision », rédigée comme suit : « le loyer ci-dessus sera automatiquement révisé chaque année au 1er octobre, sans que le propriétaire n'ait à en faire la demande, et cela suivant la variation de l'indice du coût de la construction publié par l'Institut National de la Statistique des Etudes Economiques. L'indice de base à prendre en considération sera celui du 4e trimestre 1989 qui sera comparé avec l'indice du 4ème trimestre de l'année civile précédent la révision » ; qu'il est ainsi avéré, et non contesté, que le bail consenti par Mme C... aux époux X... prévoyait des clauses claires de variation et de révision du montant du loyer ; que Mme C... était donc en droit de solliciter le paiement d'une loyer de 10.000 francs indexé jusqu'en septembre 1999, puis le paiement d'un loyer de 12.000 francs indexé à compter d'octobre 1999 ; qu'il convient de rappeler que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'actes manifestement sans équivoque ; qu'à cet égard, la durée pendant laquelle l'indexation ‘na pas été appliquée est inopérante sur l'exigence de preuve d'un accord des parties ou d'une renonciation unilatérale du bailleur ; que M. et Mme X... soutiennent qu'un accord est intervenu sur le maintien du loyer à 10.000 francs mensuels et une indexation sur cette même base, et que les liens de sympathie les unissant à Mme C... excluaient l'établissement d'un écrit ; qu'ils produisent à cet effet les décomptes ponctuellement adressés à Mme C... explicitant le montant des chèques joints, et correspondant systématiquement au règlement d'un loyer de 10.000 francs indexé ; qu'il apparaît cependant que les époux X... se fondent sur leurs propres écrits ; mais ne produisent aucune pièce émanant de la bailleresse établissant la volonté claire et non équivoque de celle-ci de renoncer à percevoir l'indexation contractuellement prévue ; que le silence ne vaut renonciation que s'il s'accompagne d'actes démonstratifs d'une volonté abdicative ; qu'aucun acte de cette sorte n'est démontré ni même allégué en l'espèce ; que M. et Mme X... invoquent en définitive l'impossibilité morale de solliciter un accord écrit quant à la non application de la clause d'indexation ; qu'il convient cependant d'observer que les courriers produits à l'appui de cette affirmation, et notamment ceux des 16 juin et 13 août 2006 énonçant « Cher Maître et Ami », émanent tous du frère de Mme C... , et sont largement postérieurs à l'année 1999 concernée par la variation du loyer ; qu'aucun élément ne permet d'établir qu'à cette époque existait entre Mme C... et les époux X... un lien d'affection ou d'amitié tel qu'il en résultant pour ces derniers une impossibilité morale de solliciter l'établissement d'un écrit manifestant l'accord des parties ; que les courriers adressés par Mme C... aux époux X... n'excèdent pas la simple courtoisie, et sont insuffisants pour caractériser une telle impossibilité ; que de la même manière, les liens professionnels ayant pu unir les époux X... aux consorts D... n'apparaissent pas suffisants, en ce que dans ce contexte, M. D... était le seul interlocuteur de M. X..., et ce dernier ne rapporte pas la preuve d'avantages quelconques consentis à ses clients dans le cadre de ces relations ; qu'il s'ensuit que les époux X... ne peuvent arguer d'une impossibilité de se procurer un écrit au sens de l'article 1348 du code civil, étant rappelé qu'en tout état de cause, la renonciation de Mme C... à son droit n'est par ailleurs pas démontrée ; que cette dernière est donc en droit de demander paiement des sommes correspondant à l'indexation dans la limite de la prescription quinquennale, ladite prescription ne s'appliquant qu' à la perception des loyers et non au processus d'indexation ; qu'il a donc été exactement tenu compte de l'indice de départ, 927, et l'indexation a été calculée à juste titre à compter d'octobre 1999 ainsi qu'il ressort du décompte détaillé produit : que M. et Mme X... seront donc solidairement tenus de verser à Mme C... la somme de 22.611,49 € correspondant au rappel d'indexation d'octobre 2003 à septembre 2008 » ;

ALORS QUE le contrat renouvelé constitue un nouveau contrat dont les conditions ne sont conformes aux prévisions initiales que sous réserve d'accord différent ; que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation ; qu'en l'espèce, M. et Mme X... faisaient expressément valoir, dans leurs conclusions d'appel (cf. p. 10, 13 et 15), qu'après un premier renouvellement du bail pour trois ans, suivi d'un nouveau contrat par tacite reconduction, le calcul de l'indexation du loyer avait toujours été effectué sur la base d'un loyer de 10.000 francs, et que Mme C... avait encaissé les règlements correspondant sans la moindre protestation jusqu'à leur départ intervenu le 30 septembre 2008, de sorte qu' « un véritable accord (était) intervenu entre la propriétaire et les locataires » pour que le nouveau contrat issu du renouvellement puis de la tacite reconduction comporte un loyer fixé à 10.000 francs par mois ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la perception sans réserve par la bailleresse, pendant neuf ans après le renouvellement, des loyers calculés sur une base de 10.000 francs, ne matérialisait pas un accord tacite de Mme C... sur la fixation à ce montant du loyer du nouveau bail, peu important les prévisions du contrat initial expiré du 28 septembre 1990, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement les époux X... à verser à Mme C... la somme de 22.611,49 € au titre de l'indexation des loyers, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2008 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions ; qu'il conviendra de dire que la condamnation à paiement sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ds débiteurs par lettre recommandée avec avis de réception en date du 16 septembre 2008, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil » ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Mme C... est en droit de demander paiement des sommes correspondant à l'indexation dans la limite de la prescription quinquennale, ladite prescription ne s'appliquant qu'à la perception des loyers et non au processus d'indexation ; qu'il a donc été exactement tenu compte de l'indice de départ, 927, et l'indexation a été calculée à juste titre à compter d'octobre 1999 ainsi qu'il ressort du décompte détaillé produit ; que M. et Mme X... seront donc solidairement tenus de verser à Mme C... la somme de 22.611,49 € correspondant au rappel d'indexation d'octobre 2003 à septembre 2008 » ;

ALORS QUE les actions en paiement des dettes périodiques telles que les loyers se prescrivaient par cinq ans dès avant la loi du 17 juin 2008, en vertu de l'article 2277 ancien du Code civil ; que la prescription des loyers n'étant interrompue que par la demande en justice et non par la fin du bail, la Cour d'appel qui a constaté que l'assignation avait été délivrée le 8 avril 2010 (arrêt p.2), ce dont il résultait qu'aucune demande ne pouvait être faite pour des loyers antérieurs au mois d'avril 2005, ne pouvait confirmer la condamnation à un rappel d'octobre 2003 à septembre 2008 sans violer les articles 2277 ancien du Code civil et 2241 du même Code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-29214
Date de la décision : 12/07/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 28 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 jui. 2018, pourvoi n°15-29214


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:15.29214
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