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04/07/2018 | FRANCE | N°17-18508

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 juillet 2018, 17-18508


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Asur a conclu le 24 avril 2008 un contrat de prestation de services avec la société Baixanencque, laquelle a été absorbée par la société Vignobles Dom Brial qui a repris ses engagements ; que la société Vignobles Dom Brial ayant cessé de payer les factures au titre de ce contrat à compter du mois de septembre 2009, la société Asur l'a assignée en paiement de ces factures et dommages-intérêts pour rupture abusive ; que la société Vignobles Dom Brial

a opposé l'exception d'inexécution du contrat et demandé le paiement de domm...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Asur a conclu le 24 avril 2008 un contrat de prestation de services avec la société Baixanencque, laquelle a été absorbée par la société Vignobles Dom Brial qui a repris ses engagements ; que la société Vignobles Dom Brial ayant cessé de payer les factures au titre de ce contrat à compter du mois de septembre 2009, la société Asur l'a assignée en paiement de ces factures et dommages-intérêts pour rupture abusive ; que la société Vignobles Dom Brial a opposé l'exception d'inexécution du contrat et demandé le paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Sur les premier et deuxième moyens, réunis :

Attendu que la société Asur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société Vignobles Dom Brial à lui payer la somme de 17 222,40 euros au titre des factures impayées et celle de 155 001,60 euros au titre du préjudice réparable couvrant la période allant de janvier 2010 jusqu'au terme du contrat alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient à celui qui invoque l'exception d'inexécution en alléguant que son contractant n'a rempli que partiellement son obligation d'établir cette inexécution ; qu'en retenant, pour débouter la société Asur du paiement des prestations prévues au contrat du 24 avril 2008, qu'il y avait lieu de faire droit à l'exception d'inexécution opposée par la société Vignobles Dom Brial dès lors que la société Asur ne justifiait pas avoir exécuté ces prestations cependant qu'il appartenait à la société Vignobles Dom Brial qui invoquait l'exception d'inexécution en alléguant que son contractant n'avait pas rempli son obligation d'établir cette inexécution, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315, devenu 1353, alinéa 2, du code civil ;

2°/ qu'à supposer qu'on puisse lire l'arrêt comme opposant à la société Asur qu'elle ne justifiait pas de la réalité de l'obligation dont elle demandait l'exécution, en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'elle avait constaté que la société Des Vignobles Dom Brial était liée par le contrat de prestations de services conclu du 24 avril 2008 aux termes duquel la société Asur s'engageait à exécuter diverses prestations (établissement des bulletins de salaire, suivi des stocks, etc.) et que des paiements étaient déjà intervenus à ce titre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

3°/ que toute décision doit comporter les motifs propres à justifier la solution retenue ; qu'en se bornant à affirmer que les paiements déjà intervenus – dont elle relevait par ailleurs que rien ne permettait d'établir le caractère indu– ne justifiaient pas de la réalité des prestations, sans justifier cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que dans son courrier en date du 12 octobre 2009, la société Vignobles Dom Brial indiquait notamment qu'«aujourd'hui les missions initialement confiées ne sont plus assurées en totalité » ; qu'il s'évinçait des termes clairs et précis de ce document que si toutes les prestations initialement prévues n'étaient pas assurées, une partie au moins était exécutée ; qu'en retenant néanmoins que ce document ne faisait pas l'aveu, sans équivoque, de ce que des prestations étaient effectuées, la cour d'appel a dénaturé le document en violation de l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

5°/ que toute décision doit comporter les motifs propres à justifier la solution retenue ; qu'à supposer que la cour d'appel ait pu considérer que la lettre du 12 octobre 2009 ne valait pas aveu de la société Vignobles Dom Brial de l'exécution d'obligations, en écartant ce document par lequel son auteur admettait néanmoins qu'une partie des obligations avait été exécutée, sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que toute décision doit comporter les motifs propres à justifier la solution retenue ; que pour écarter la valeur probante des attestations de Mme A... et M. B... qui affirmaient avoir exécuté pour le compte de la société Asur certaines des prestations que celle-ci devait effectuer auprès de la société Vignobles Dom Brial en exécution du contrat litigieux et les lettres de mission qui avaient été adressées par ces deux personnes, la cour d'appel a relevé un ensemble d'éléments tirés des relations entre la société Asur et les auteurs de ces attestations (qualité de retraité des travailleurs, incohérence du statut de travailleur indépendant et de la dénomination d'employeur du donneur d'ordre, absence d'indication de la rémunération de ces prestataires) ; qu'en se bornant à relever ces éléments sans lien avec la réalité des prestations effectuées au profit de la société Vignobles Dom Brial, sans expliquer en quoi ces éléments étaient de nature à exclure la réalité des prestations que les auteurs des attestations disaient avoir accomplis pour le compte de la société Asur auprès de la société Vignobles Dom Brial, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ qu'un juge ne peut rejeter une attestation comme non conforme aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque ; qu'en écartant néanmoins les attestations de Mme A... et M. B... comme ne respectant pas les exigences de l'article 202 du code de procédure civile sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la société Vignobles Dom Brial, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;

8°/ qu'en se bornant à relever, au terme d'une analyse séparée de chacun des éléments fournis par la société Asur, qu'aucun d'entre eux ne permettrait de déterminer qu'une prestation avait été effectuée en contrepartie des sommes réclamées, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, examinés ensemble et rapprochés les uns des autres, ces éléments n'étaient pas de nature à établir la réalité de cette prestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

9°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Asur faisait état de ce que la société Vignobles Dom Brial avait rompu de manière abusive le contrat de prestation de service du 24 avril 2008 en refusant d'en poursuivre l'exécution ; qu'en rejetant les demandes de la société Asur dans leur ensemble, en se bornant, dans ses motifs, à accueillir l'exception d'inexécution dont excipait la société Vignobles Dom Brial, sans s'expliquer sur les développements de la société Asur relatifs à cette rupture abusive, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

10°/ que si le comportement d'une partie à un contrat à durée indéterminée justifie que l'autre partie y mette fin à ses risques et périls, cette gravité n'est pas nécessairement exclusive d'un préavis ; qu'en rejetant la demande de la société Asur relative au caractère abusif de la résiliation du contrat de prestation de services, la cour d'appel s'est appuyée exclusivement sur l'inexécution par celle-ci de ses propres obligations, à laquelle la société Vignobles Dom Brial pouvait opposer une exception d'inexécution ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société Vignobles Dom Brial n'était pas tenue d'accorder à la société Asur un préavis, quand la société Asur relevait qu'aucun préavis écrit ne lui avait été adressé préalablement à la résiliation du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 devenus articles 1103 et 1224 du code civil, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société Asur demandait le paiement des sommes de 17 222,40 euros au titre de factures impayées et 155 001,60 euros au titre d'un préjudice réparable, sans produire aucune pièce comptable, aucune pièce sociale, aucune description concrète de la production et des lettres échangées et en produisant des attestations dépourvues de force probatoire, la cour d'appel, qui a fait ressortir l'absence de preuve d'une créance, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision de rejeter les demandes de la société Asur ; que le moyen, qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Asur à payer à la société Vignobles Dom Brial la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient que la mise en perspective de l'importance de la demande et de l'indigence probatoire signe, sinon la mauvaise foi, du moins l'erreur grossière de la société Asur ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'abus du droit d'agir en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Asur à payer à la société Vignobles Dom Brial la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 15 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Vignobles Dom Brial aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Asur la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Asur.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Asur de sa demande de condamnation de la société des Vignobles Dom Brial à lui payer la somme de 17 222,40 euros au titre des factures impayées du mois de septembre 2009 au mois de décembre 2009 et celle de 155 001,60 euros au titre du préjudice réparable couvrant la période allant de janvier 2010 jusqu'au terme du contrat, soit décembre 2012 ;

Aux motifs que « au fond, il est certain que la société Asur produit le contrat initial de prestations de services en date du 24 avril 2008, après vote à l'unanimité du conseil d'administration de choisir cette société, sachant que ce contrat fait référence à "l'établissement des bulletins de salaire des employés de la BAIXANENCQUE, Le suivi des stocks, la bonne garde et la surveillance des stocks de vins qui continueront à être sous le contrôle du conseil d'administration" ; (qu')attendu qu'il est précisé que le prestataire exécutera les missions définies à l'annexe un (la cour relevant qu'elle ignore tout de la teneur de cette annexe) et relatives "à l'ensemble des tâches techniques et administratives relatives à la gestion de la BAIXANENCQUE" ; (qu')attendu que le prestataire s'engageait (page deux) à tenir la Cave coopérative au courant du déroulement et de l'état d'avancement des missions qu'elle assume et à signaler toute difficulté susceptible de compromettre l'exécutions desdites missions ; que l'on reste à jeûn de tels échanges au vu des pièces régulièrement communiquées ; (qu')attendu que l'on peut épiloguer sans fin sur la bonne foi respective des parties, et sur les qualités de gérant de M. C..., ou d'oenologue de M. B..., toute l'argumentation en droit étant celle de l'exceptio non adimpleti contractus soulevée par la Cave Dom Brial, qui a repris les droits et obligations de la cave BAIXANENCQUE, à l'occasion d'un traité de fusion-absorption en date du 4 décembre 2008 ; (qu')attendu que la pièce quatre de l'appelante (mail Jean-Claude D... à Jean-Luc E... ) en date du 2 avril 2008, ne démontre rien en matière d'exécution, car elle est antérieure au contrat de prestations de services ; (qu')attendu que l'avertissement de l'expert-comptable F... , en date du 6 octobre 2009, n'engage certainement pas la cave coopérative, et s'interroge précisément sur la réalité des prestations facturées depuis la fusion-absorption et à tout le moins de la mise en commun des moyens administratifs des deux entités fusionnées ; (qu')attendu que les paiements intervenus ne démontrent rien sur la réalité de la prestation, étant précisé qu'ils font l'objet d'une demande reconventionnelle dans le présent débat ; (qu')attendu que le courrier des vignobles Dom Brial, en date du 12 octobre 2009, ne constitue certainement pas un aveu extra judiciaire dénué de toute équivoque, au simple motif du libellé qui indique : "aujourd'hui, il ressort que les missions initialement confiées ne sont plus assurées en totalité et nous aimerions vous rencontrer pour revoir le contenu de votre contrat de prestations" ; (qu')attendu que la société appelante se prévaut ensuite d'un document manuscrit de la main d'une dame A..., en date du 20 novembre 2009 (pièce 15), qui atteste mais qui n'a pas respecté les règles formelles de l'article 202 du code de procédure civile ; (qu')attendu qu'elle indique avoir "agi aux droits de la Sarl Asur dans le cadre de la convention entre la SCV LA BAIXANENCQUE et la cave des vignerons de BAIXAS", en continuant à établir les factures clients, la comptabilité de la BAIXANENCQUE avec arrêté de bilan 2007 2008 et arrêté des écritures au 31 janvier 2009 avec contrôle des expert-comptables, et des commissaires aux comptes, outre les bulletins de salaire et les congés, et déclarations sociales, la gestion des récoltes, la rémunération mensuelle des coopérateurs, les soldes de récoltes, les stocks des coopérateurs, les déclarations de régie, le tout étant contrôlée et dirigé par M. D..., dont elle dit elle-même qu'il était le directeur de la cave des vignerons de [...] ; (qu')attendu qu'elle estime le temps de travail à 1100 heures environ : (qu')attendu qu'il convient de relever tout d'abord que l'intéressée était à la retraite effective depuis le 21 avril 2008, et qu'elle aurait donc accepté de travailler 1100 heures, en agissant aux droits de la société Asur, formule pour le moins absconse, sans être capable ce jour de préciser comment elle a été payée, par qui et combien ; (qu')attendu qu'en toute hypothèse, elle indique que c'est M. D... qui contrôlait et dirigeait son travail ; (qu')attendu que la difficulté probatoire n'est pas levée par la lettre de mission qui est produite au nom de cette personne, sans aucune date certaine, et sans aucune précision sur la rémunération ("somme forfaitaire horaire") ; (qu')attendu que M. C... a signé en qualité « d'employeur » cette lettre de mission avec Mme A... qualifiée de prestataire ; (qu')attendu que strictement aucun élément concret n'est régulièrement communiqué qui vienne accréditer un quelconque paiement des 1100 heures, que ce soit en qualité pour Mme A... d'employée récemment retraitée, ou de prestataire de services ; (au')attendu que les mêmes difficultés probatoires sont soulevées par l'attestation de M. B..., qui ne respecte pas les formes de l'article 202 du code de procédure civile et qui reprend la même formule (interventions au droit de la société Asur) pour décrire ses interventions, alors qu'il était récemment retraité et qu'il indique lui-même être intervenu sur les ordres des responsables de la cave de [...] ; (qu')attendu qu'il estime son temps d'intervention à 400 heures, sans pouvoir préciser ni a fortiori justifier des modalités de ces honoraires, ou de leur montant à la charge d'Asur ; (qu')attendu que la difficulté probatoire n'est pas levée par la lettre de mission (pièce numéro 20) qui n'est pas datée et donc dépourvue de date certaine, sachant que là aussi M. C... est qualifiée d'employeur, et M. B... de prestataire, qui accepte une rémunération forfaitaire, sans autre précision ; (qu')attendu qu'aucune autre pièce n'est produite, ce qui revient pour l'appelante à réclamer 17 222 euros au titre de factures impayées, et 155 000 ,e au titre d'un préjudice réparable, sans aucune pièce comptable, aucune pièce sociale, aucune description concrète de la production et des courriers échangés, en produisant au surplus des attestations dépourvues de force probatoire, sauf à retenir qu'une jeune retraitée ait pu travailler 1100 heures sans pouvoir justifier ou préciser le moindre paiement, le même raisonnement valant pour M. B... ; (qu')attendu qu'il conviendrait d'admettre aussi qu'une société ayant en portefeuille une telle créance ait été rachetée pour quelques euros, alors même que M. E..., à suivre son raisonnement, n'ignorait pas l'importance des retombées financières du contrat ; (qu')attendu qu'enfin, et sauf à admettre des conceptions comptables étonnantes, il est évident qu'en toute hypothèse le préjudice réparable serait à évaluer de façon nette, et non pas par simple addition des mensualités convenues jusqu'à la fin du contrat ; qu'une société peut difficilement soutenir qu'elle empoche 3 600 euros par mois hors-taxes, sans voir à supporter quelques frais, dont au demeurant il n'est pas justifié en l'espèce ; (qu')attendu qu'à ce stade, l'exception non adimpleti contractus doit par conséquent prospérer , et la même règle probatoire s'applique avec rigueur sur la demande reconventionnelle de la cave à se faire rembourser les mensualités payées, la charge incombant à la cave de démontrer un paiement indû » (arrêt, p. 4, § 2 et s.) ;

1°) Alors qu'il appartient à celui qui invoque l'exception d'inexécution en alléguant que son contractant n'a rempli que partiellement son obligation d'établir cette inexécution ; qu'en retenant, pour débouter la société Asur du paiement des prestations prévues au contrat du 24 avril 2008, qu'il y avait lieu de faire droit à l'exception d'inexécution opposée par la société Vignobles Dom Brial dès lors que la société Asur ne justifiait pas avoir exécuté ces prestations cependant qu'il appartenait à la société Vignobles Dom Brial qui invoquait l'exception d'inexécution en alléguant que son contractant n'avait pas rempli son obligation d'établir cette inexécution, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315, devenu 1353, alinéa 2, du code civil ;

2°) Alors, subsidiairement, qu'à supposer qu'on puisse lire l'arrêt comme opposant à la société Asur qu'elle ne justifiait pas de la réalité de l'obligation dont elle demandait l'exécution, en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'elle avait constaté que la société des vignobles Dom Brial était liée par le contrat de prestations de services conclu du 24 avril 2008 aux termes duquel la société Asur s'engageait à exécuter diverses prestations (établissement des bulletins de salaire, suivi des stocks, etc.) et que des paiements étaient déjà intervenus à ce titre (arrêt, p. 4, § 2 et ult. §), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

3°) Alors, par ailleurs, et toujours subsidiairement, que toute décision doit comporter les motifs propres à justifier la solution retenue ; qu'en se bornant à affirmer que les paiements déjà intervenus – dont elle relevait par ailleurs que rien ne permettait d'établir le caractère indu (arrêt, p. 6, ult. §) – ne justifiaient pas de la réalité des prestations, sans justifier cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) Alors, d'autre part, qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que dans son courrier en date du 12 octobre 2009, la société des vignobles Dom Brial indiquait notamment qu'« aujourd'hui les missions initialement confiées ne sont plus assurées en totalité » ; qu'il s'évinçait des termes clairs et précis de ce document que si toutes les prestations initialement prévues n'étaient pas assurées, une partie au moins était exécutée ; qu'en retenant néanmoins que ce document ne faisait pas l'aveu, sans équivoque, de ce que des prestations étaient effectuées, la cour d'appel a dénaturé le document en violation de l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

5°) Alors, subsidiairement, que toute décision doit comporter les motifs propres à justifier la solution retenue ; qu'à supposer que la cour d'appel ait pu considérer que la lettre du 12 octobre 2009 ne valait pas aveu de la société des vignobles Dom Brial de l'exécution d'obligations, en écartant ce document par lequel son auteur admettait néanmoins qu'une partie des obligations avait été exécutée, sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) Alors, subsidiairement, que toute décision doit comporter les motifs propres à justifier la solution retenue ; que pour écarter la valeur probante des attestations de Mme A... et M. B... qui affirmaient avoir exécuté pour le compte de la société Asur certaines des prestations que celle-ci devait effectuer auprès de la société des vignobles Dom Brial en exécution du contrat litigieux et les lettres de mission qui avaient été adressées par ces deux personnes, la cour d'appel a relevé un ensemble d'éléments tirés des relations entre la société Asur et les auteurs de ces attestations (qualité de retraité des travailleurs, incohérence du statut de travailleur indépendant et de la dénomination d'employeur du donneur d'ordre, absence d'indication de la rémunération de ces prestataires) ; qu'en se bornant à relever ces éléments sans lien avec la réalité des prestations effectuées au profit de la société des vignobles Dom Brial, sans expliquer en quoi ces éléments étaient de nature à exclure la réalité des prestations que les auteurs des attestations disaient avoir accomplis pour le compte de la société Asur auprès de la société des vignobles Dom Brial, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) Alors, de surcroît, qu'un juge ne peut rejeter une attestation comme non conforme aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque ; qu'en écartant néanmoins les attestations de Mme A... et M. B... comme ne respectant pas les exigences de l'article 202 du code de procédure civile sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la société les vignobles Dom Brial, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;

8°) Alors, en toute hypothèse, qu'en se bornant à relever, au terme d'une analyse séparée de chacun des éléments fournis par la société Asur, qu'aucun d'entre eux ne permettrait de déterminer qu'une prestation avait été effectuée en contrepartie des sommes réclamées, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, examinés ensemble et rapprochés les uns des autres, ces éléments n'étaient pas de nature à établir la réalité de cette prestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société Asur à voir condamnée la société des Vignobles Dom Brial à lui verser la somme de 155 001,60 euros au titre de la rupture abusive du contrat de prestation de services du 24 avril 2018 ;

Aux motifs que « au fond, il est certain que la société Asur produit le contrat initial de prestations de services en date du 24 avril 2008, après vote à l'unanimité du conseil d'administration de choisir cette société, sachant que ce contrat fait référence à "l'établissement des bulletins de salaire des employés de la BAIXANENCQUE, Le suivi des stocks, la bonne garde et la surveillance des stocks de vins qui continueront à être sous le contrôle du conseil d'administration" ; (qu')attendu qu'il est précisé que le prestataire exécutera les missions définies à l'annexe un (la cour relevant qu'elle ignore tout de la teneur de cette annexe) et relatives "à l'ensemble des tâches techniques et administratives relatives à la gestion de la BAIXANENCQUE" ; (qu')attendu que le prestataire s'engageait (page deux) à tenir la Cave coopérative au courant du déroulement et de l'état d'avancement des missions qu'elle assume et à signaler toute difficulté susceptible de compromettre l'exécutions desdites missions ; que l'on reste à jeûn de tels échanges au vu des pièces régulièrement communiquées ; (qu')attendu que l'on peut épiloguer sans fin sur la bonne foi respective des parties, et sur les qualités de gérant de M. C..., ou d'oenologue de M. B..., toute l'argumentation en droit étant celle de l'exceptio non adimpleti contractus soulevée par la Cave Dom Brial, qui a repris les droits et obligations de la cave BAIXANENCQUE, à l'occasion d'un traité de fusion-absorption en date du 4 décembre 2008 ; (qu')attendu que la pièce quatre de l'appelante (mail Jean-Claude D... à Jean-Luc E... ) en date du 2 avril 2008, ne démontre rien en matière d'exécution, car elle est antérieure au contrat de prestations de services ; (qu')attendu que l'avertissement de l'expert-comptable F... , en date du 6 octobre 2009, n'engage certainement pas la cave coopérative, et s'interroge précisément sur la réalité des prestations facturées depuis la fusion-absorption et à tout le moins de la mise en commun des moyens administratifs des deux entités fusionnées ; (qu')attendu que les paiements intervenus ne démontrent rien sur la réalité de la prestation, étant précisé qu'ils font l'objet d'une demande reconventionnelle dans le présent débat ; (qu')attendu que le courrier des vignobles Dom Brial, en date du 12 octobre 2009, ne constitue certainement pas un aveu extra judiciaire dénué de toute équivoque, au simple motif du libellé qui indique : "aujourd'hui, il ressort que les missions initialement confiées ne sont plus assurées en totalité et nous aimerions vous rencontrer pour revoir le contenu de votre contrat de prestations" ; (qu')attendu que la société appelante se prévaut ensuite d'un document manuscrit de la main d'une dame A..., en date du 20 novembre 2009 (pièce 15), qui atteste mais qui n'a pas respecté les règles formelles de l'article 202 du code de procédure civile ; (qu')attendu qu'elle indique avoir "agi aux droits de la Sarl Asur dans le cadre de la convention entre la SCV LA BAIXANENCQUE et la cave des vignerons de BAIXAS", en continuant à établir les factures clients, la comptabilité de la BAIXANENCQUE avec arrêté de bilan 2007 2008 et arrêté des écritures au 31 janvier 2009 avec contrôle des expert-comptables, et des commissaires aux comptes, outre les bulletins de salaire et les congés, et déclarations sociales, la gestion des récoltes, la rémunération mensuelle des coopérateurs, les soldes de récoltes, les stocks des coopérateurs, les déclarations de régie, le tout étant contrôlée et dirigé par M. D..., dont elle dit elle-même qu'il était le directeur de la cave des vignerons de Baixas ; (qu')attendu qu'elle estime le temps de travail à 1100 heures environ : (qu')attendu qu'il convient de relever tout d'abord que l'intéressée était à la retraite effective depuis le 21 avril 2008, et qu'elle aurait donc accepté de travailler 1100 heures, en agissant aux droits de la société Asur, formule pour le moins absconse, sans être capable ce jour de préciser comment elle a été payée, par qui et combien ; (qu')attendu qu'en toute hypothèse, elle indique que c'est M. D... qui contrôlait et dirigeait son travail ; (qu')attendu que la difficulté probatoire n'est pas levée par la lettre de mission qui est produite au nom de cette personne, sans aucune date certaine, et sans aucune précision sur la rémunération ("somme forfaitaire horaire") ; (qu')attendu que M. C... a signé en qualité « d'employeur » cette lettre de mission avec Mme A... qualifiée de prestataire ; (qu')attendu que strictement aucun élément concret n'est régulièrement communiqué qui vienne accréditer un quelconque paiement des 1100 heures, que ce soit en qualité pour Mme A... d'employée récemment retraitée, ou de prestataire de services ; (au')attendu que les mêmes difficultés probatoires sont soulevées par l'attestation de M. B..., qui ne respecte pas les formes de l'article 202 du code de procédure civile et qui reprend la même formule (interventions au droit de la société Asur) pour décrire ses interventions, alors qu'il était récemment retraité et qu'il indique lui-même être intervenu sur les ordres des responsables de la cave de [...] ; (qu')attendu qu'il estime son temps d'intervention à 400 heures, sans pouvoir préciser ni a fortiori justifier des modalités de ces honoraires, ou de leur montant à la charge d'Asur ; (qu')attendu que la difficulté probatoire n'est pas levée par la lettre de mission (pièce numéro 20) qui n'est pas datée et donc dépourvue de date certaine, sachant que là aussi M. C... est qualifiée d'employeur, et M. B... de prestataire, qui accepte une rémunération forfaitaire, sans autre précision ; (qu')attendu qu'aucune autre pièce n'est produite, ce qui revient pour l'appelante à réclamer 17 222 euros au titre de factures impayées, et 155 000 ,e au titre d'un préjudice réparable, sans aucune pièce comptable, aucune pièce sociale, aucune description concrète de la production et des courriers échangés, en produisant au surplus des attestations dépourvues de force probatoire, sauf à retenir qu'une jeune retraitée ait pu travailler 1100 heures sans pouvoir justifier ou préciser le moindre paiement, le même raisonnement valant pour M. B... ; (qu')attendu qu'il conviendrait d'admettre aussi qu'une société ayant en portefeuille une telle créance ait été rachetée pour quelques euros, alors même que M. E..., à suivre son raisonnement, n'ignorait pas l'importance des retombées financières du contrat ; (qu')attendu qu'enfin, et sauf à admettre des conceptions comptables étonnantes, il est évident qu'en toute hypothèse le préjudice réparable serait à évaluer de façon nette, et non pas par simple addition des mensualités convenues jusqu'à la fin du contrat ; qu'une société peut difficilement soutenir qu'elle empoche 3600 ,e par mois hors-taxes, sans voir à supporter quelques frais, dont au demeurant il n'est pas justifié en l'espèce ; (qu')attendu qu'à ce stade, l'exception non adimpleti contractus doit par conséquent prospérer , et la même règle probatoire s'applique avec rigueur sur la demande reconventionnelle de la cave à se faire rembourser les mensualités payées, la charge incombant à la cave de démontrer un paiement indû » (arrêt, p. 4, § 2 et s.) ;

Alors, d'une part, que dans ses conclusions d'appel, la société Asur faisait état de ce que la société des Vignobles Dom Brial avait rompu de manière abusive le contrat de prestation de service du 24 avril 2008 en refusant d'en poursuivre l'exécution ; qu'en rejetant les demandes de la société Asur dans leur ensemble, en se bornant, dans ses motifs, à accueillir l'exception d'inexécution dont excipait la société des Vignobles Dom Brial, sans s'expliquer sur les développements de la société Asur relatifs à cette rupture abusive, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Et alors, d'autre part et subsidiairement, que si le comportement d'une partie à un contrat à durée indéterminée justifie que l'autre partie y mette fin à ses risques et périls, cette gravité n'est pas nécessairement exclusive d'un préavis ; qu'en rejetant la demande de la société Asur relative au caractère abusif de la résiliation du contrat de prestation de services, la cour d'appel s'est appuyée exclusivement sur l'inexécution par celle-ci de ses propres obligations, à laquelle la société des Vignobles Dom Brial pouvait opposer une exception d'inexécution ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société des Vignobles Dom Brial n'était pas tenue d'accorder à la société Asur un préavis, quand la société Asur relevait qu'aucun préavis écrit ne lui avait été adressé préalablement à la résiliation du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 devenus articles 1103 et 1224 du code civil, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Asur à verser à la société des Vignobles Dom Brial la somme de 1 500 euros pour abus du droit d'est en justice Aux motifs qu' « en revanche, la mise en perspective de l'importance de la demande d'une part, et de l'indigence probatoire d'autre part, signe sinon la mauvaise foi, du moins l'erreur grossière de l'appelante, qui permet de retenir le caractère abusif de l'action, ouvrant droit à des dommages et intérêts à hauteur de 1 500 euros, par substitution de motifs retenus sur ce volet par le premier juge » (arrêt, p. 7, § 1) ;

Alors, d'une part, que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce les juges du fond n'ont condamné la société Asur à verser à la société des Vignobles Dom Brial la somme de 1 500 euros à titre de dommage et intérêts que du fait du rejet des prétentions de celle-ci, qu'ils estimaient déraisonnable et insuffisamment étayées ; que par conséquent, la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Asur pour rupture abusive du contrat de prestation de service prive de tout objet la condamnation de celle-ci pour abus du droit d'agir en justice et justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que le juge qui prononce une condamnation pour abus du droit d'agir en justice doit caractériser la faute commise par le demandeur dans l'exercice de son droit d'agir ; que cette faute ne peut résulter de sa seule défaillance dans l'administration de la preuve ou d'une erreur de sa part dans l'appréciation du bien-fondé de sa position ; qu'en condamnant la société Asur à verser la somme de 1 500 euros à la société des Vignobles Dom Brial en lui reprochant son « indigence probatoire » et sans caractériser le caractère fautif ou abusif de son comportement, les juges du fond ont privé leur décision de base légale de l'article 1382, devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-18508
Date de la décision : 04/07/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 15 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 jui. 2018, pourvoi n°17-18508


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Delvolvé et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18508
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