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04/07/2018 | FRANCE | N°16-22752

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 juillet 2018, 16-22752


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... a été engagé le 1er septembre 1991 par la C... , devenue la SCP Eric Y... et Guillaume Z..., en qualité de clerc habilité aux constats ; qu'il a saisi le 5 mars 2008 le conseil de prud'hommes de Cannes de différentes demandes en paiement de salaires et de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de ses obligations contractuelles; que statuant sur jugement du 15 décembre 2009, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, après débats le 19 janvier 2011, a rendu un a

rrêt le 21 mars 2011 ; qu'après avoir été placé en arrêt de travail...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... a été engagé le 1er septembre 1991 par la C... , devenue la SCP Eric Y... et Guillaume Z..., en qualité de clerc habilité aux constats ; qu'il a saisi le 5 mars 2008 le conseil de prud'hommes de Cannes de différentes demandes en paiement de salaires et de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de ses obligations contractuelles; que statuant sur jugement du 15 décembre 2009, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, après débats le 19 janvier 2011, a rendu un arrêt le 21 mars 2011 ; qu'après avoir été placé en arrêt de travail le 24 mai 2011, et déclaré inapte à l'issue de deux visites de reprises, le salarié a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre du 29 novembre 2011 ; que contestant le licenciement, il a saisi le 14 novembre 2013 la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SCP Eric Y... et Guillaume Z... fait grief à l'arrêt, en rejetant la fin de non-recevoir des demandes de M. A... tirée de la règle de l'unicité de l'instance, de dire nul le licenciement pour inaptitude de M. A..., en conséquence de la condamner à paiement de 35 000 euros à titre d'indemnité de licenciement nul, de 8 566,89 euros d'indemnité de préavis et de 856,68 euros d'indemnité de congés payés sur préavis alors, selon le moyen, que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions soit né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, la cour a expressément constaté que les faits de harcèlement que M. A... estimait être à l'origine de son inaptitude et partant de son licenciement, et qui fondaient les demandes introduites devant elle à l'occasion de cette instance, avaient pu être discutés lors de la première instance prud'homale que le salarié avait précédemment initiée à l'encontre de la SCP Éric Y... et Guillaume Z... ; qu'en rejetant la fin de non-recevoir des demandes de M. A... tirée de la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le fondement des prétentions du salarié était le licenciement pour inaptitude qui lui avait été notifié le 29 novembre 2011, soit postérieurement à la clôture des débats de la première instance prud'homale ayant donné lieu à l'arrêt du 21 mars 2011, la cour d'appel en a exactement déduit, par ces seuls motifs, que la règle de l'unicité de l'instance ne pouvait lui être opposée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ;

Attendu que pour dire nul le licenciement du salarié, l'arrêt retient que le licenciement pour inaptitude doit être considéré comme, à tout le moins, pour partie la conséquence directe du harcèlement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions écrites reprises à l'audience, le salarié ne demandait pas la nullité du licenciement mais faisait seulement valoir que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare nul le licenciement pour inaptitude de M. A... et condamne la SCP Eric Y... et Guillaume Z... à lui payer la somme de 35 000 euros à titre d'indemnité de licenciement nul, l'arrêt rendu le 23 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Eric Y... et Guillaume Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir, rejetant la fin de non-recevoir des demandes de M. A... tirée de la règle de l'unicité de l'instance, dit nul le licenciement pour inaptitude de M. A..., d'avoir en conséquence condamné la SCP Éric Y... et Guillaume Z... à paiement de 35 000 € à titre d'indemnité de licenciement nul, de 8 566, 89 € d'indemnité de préavis et de 856, 68 € d'indemnité de congés payés sur préavis, l'ensemble avec intérêt au taux légal à compter de la décision et capitalisation des intérêts, enfin, d'Avoir enjoint à la SCP Éric Y... et Guillaume Z... de remettre au salarié les documents sociaux rectifiés compte tenu de sa décision ;

Aux motifs que, sur la recevabilité des demandes de M. A..., la C... oppose aux demandes de M. A..., qui soutient que son inaptitude est liée aux agissements fautifs et actes de harcèlement de l'employeur, la règle de l'unicité de l'instance prud'homale, du fait que le salarié, antérieurement à sa saisine du conseil de prud'hommes de Cannes le 13 novembre 2013, a engagé une première procédure ayant donné lieu à un jugement du conseil de prud'hommes de Cannes daté du 15 décembre 2009 puis à un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en- Provence le 21 mars 2011, au cours de laquelle les faits de harcèlement, ont été évoqués ; que selon l'article R.1452-6 du code du travail, si toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance, cette règle n'est cependant pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale ; qu'en l'espèce, il doit être constaté que le fondement des demandes de M. A... est le licenciement pour inaptitude qui lui a été notifié le 29 novembre 2011, soit postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel du 21 mars 2011 ayant conclu la première procédure prud'homale ; que le principe de l'unicité de l'instance prud'homale ne saurait, en conséquence, être opposé à l'appelant, quand bien même les faits de harcèlement qu'il estime être à l'origine de son inaptitude (obligation à compter d'avril 2009 de restituer un véhicule de fonction en fin de journée à l'étude, refus de congés pour effectuer des périodes militaires en 2009 et 2010, prise d'une photo dans les locaux professionnels le mars 2009, réduction de son activité à la suite de la saisine du conseil de prud'hommes, obligation d'utiliser une moto pour ses déplacements professionnels en 2008), ont-ils pu être discutés lors de la première instance prud'homale, dès lors que ceux-ci n'ont pas été abordés sous l'angle de l'inaptitude et du licenciement, intervenus postérieurement ;

Alors que, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions soit né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, la cour a expressément constaté que les faits de harcèlement que M. A... estimait être à l'origine de son inaptitude et partant de son licenciement, et qui fondaient les demandes introduites devant elle à l'occasion de cette instance, avaient pu être discutés lors de la première instance prud'homale que le salarié avait précédemment initiée à l'encontre de la SCP Éric Y... et Guillaume Z... ; qu'en rejetant la fin de non-recevoir des demandes de M. A... tirée de la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a violé l'article R.1452-6 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir dit nul le licenciement pour inaptitude de M. A..., d'avoir en conséquence condamné la SCP Éric Y... et Guillaume Z... à paiement de 35 000 € à titre d'indemnité de licenciement nul, de 8 566, 89 € d'indemnité de préavis et de 856, 68 € d'indemnité de congés payés sur préavis, l'ensemble avec intérêt au taux légal à compter de la décision et capitalisation des intérêts, enfin d'Avoir enjoint à la SCP Éric Y... et Guillaume Z... de remettre au salarié les documents sociaux rectifiés compte tenu de sa décision ;

Aux motifs que, sur le licenciement, il doit être observé que le jugement du conseil de prud'hommes de Cannes du 15 décembre 2009, confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 21 mars 2011, retient dans sa motivation (page 11), ainsi que M. A... le soutient à nouveau dans le cadre de la présente instance, que la C... et Z..., à la suite de la procédure prud'homale engagée en 2008, a réduit volontairement son activité au point de lui faire perdre mensuellement 1 000€, a cessé de lui rembourser ses frais professionnels, l'a obligé à utiliser un deux roues pour ses déplacements et contraint, à partir du mois d'avril 2009 et contrairement aux usages, à ramener le véhicule mis à sa disposition à l'étude en fin de journée ; que l'arrêt confirmatif de la cour d'appel du 21 mars 2011 souligne de même «qu'il est constant que depuis l'introduction de la procédure prud'homale, la C... et Z... a volontairement réduit l'activité de son salarié (...) » ; que les correspondances produites par M. A... (pièces 44 et 45) attestent également que des congés pour effectuer des périodes militaires lui ont été refusés ; que l'ensemble de ces faits et circonstances sont de nature à faire présumer, au sens de l'article L.1154-1 du code du travail, l'existence d'un harcèlement ; que la C... et Z... qui se borne à évoquer dans ses conclusions en cours d'appel l'ancienneté de M. A... au sein de l'étude et sa perception personnelle et subjective de la relation de travail, ne fournit aucune explication et justification quant aux faits susvisés ; que l'existence d'une situation de harcèlement sera, par conséquent, retenue ; que les nombreux certificats médicaux et avis d'arrêt de travail produits (pièces 16 à 30 du salarié) ainsi que la motivation de la décision de l'inspection du travail du 6 octobre 2011 sur recours de l'employeur à l'encontre de l'avis d'inaptitude du médecin du travail, établissent un lien indéniable entre la dégradation de l'état de santé psychologique de M. A... ayant conduit à la reconnaissance de son inaptitude et sa situation professionnelle ; que le licenciement pour inaptitude devant ainsi être considéré comme, à tout le moins, pour partie la conséquence directe du harcèlement, la rupture de la relation de travail sera tenue pour nulle ; que M. A... a été licencié à l'âge de 54 ans ; que compte tenu de son ancienneté, soit 20 ans et 6 mois, au service d'une entreprise employant moins de 11 salariés, de son salaire mensuel brut (2 855, 63 €) et des pièces relatives à sa situation personnelle et professionnelle (aucune emploi stable retrouvé à ce jour), il lui sera alloué une indemnité de licenciement nul fixée à 35 10 000 € ; qu'en raison du caractère non fondé du licenciement, l'employeur est tenu de s'acquitter de l'indemnité conventionnelle de préavis, soit la somme de 8 566, 89 € (3 mois x 2 855,63 €), outre l'indemnité de congés payés afférente ; que M. A..., qui a perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 16424,42€, sollicite le paiement d'un complément de 1 899, 19 € du fait que l'employeur n'aurait pas majoré de 1/15 chacune de ses années de présence dans l'entreprise conformément à l'article 1.8.2 de la convention collective du personnel des huissiers de justice ; que cependant, l'employeur fait justement valoir que les dispositions conventionnelles susvisées, prévoyant, pour une ancienneté inférieure à 10 ans, une indemnité de 1/10 de mois par année d'ancienneté et au-delà de 10 ans, une indemnité de 1/10 de mois par année d'ancienneté plus 1/15 de mois par année d'ancienneté, n'autorisent pas l'extension de la majoration supplémentaire de 1/15 aux années d'ancienneté avant 10 ans ; que la demande du salarié, non fondée, sera rejetée ;

1°) Alors que, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation s'étendra aux chefs de dispositif visés par le second moyen dès lors qu'il sera jugé que les demandes de M. A... étaient irrecevables ;

2°) Alors que, en prononçant la nullité du licenciement de M. A... quand le salarié, dans ses écritures reprises oralement à l'audience, concluait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) Alors que, pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par voie de référence à des causes déjà jugées ; qu'en relevant, pour condamner à paiement la SCP Éric Y... et Guillaume Z..., que « le jugement du conseil de prud'hommes de Cannes du 15 décembre 2009, confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 21 mars 2011, retient dans sa motivation (page 11) ainsi que M. A... le soutient à nouveau dans le cadre de la présente instance, que la D... , à la suite de la procédure prud'homale engagée en 2008, a réduit volontairement son activité au point de lui faire perdre mensuellement 1000 €, a cessé de lui rembourser ses frais professionnels, l'a obligé à utiliser un deux roues pour ses déplacements et contraint, à partir du mois d'avril 2009 et contrairement aux usages, à ramener le véhicule mis à sa disposition à l'étude en fin de journée ; que l'arrêt confirmatif de la cour d'appel du 21 mars 2011 souligne de même « (
) qu'il est constant que depuis l'introduction de la procédure prud'homale, la C... et Z... a volontairement réduit l'activité de son salarié (
) » (arrêt, p.4, 2ème considérant), la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée à partir des circonstances particulières de ce procès mais par référence à une cause déjà jugée, a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22752
Date de la décision : 04/07/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 jui. 2018, pourvoi n°16-22752


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22752
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