LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article L. 651-2 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Hygiène funéraire Midi-Pyrénées (la société) a été mise en redressement judiciaire le 23 décembre 2008, un plan de redressement étant arrêté le 12 janvier 2010 ; qu'après sa résolution, la société a été mise en liquidation judiciaire le 13 novembre 2012 ; que M. Z..., désigné liquidateur, a assigné M. Y..., gérant de la société, en responsabilité pour insuffisance d'actif ;
Attendu que pour rejeter la demande de condamnation de M. Y... à supporter l'insuffisance d'actif, l'arrêt retient qu'aucun élément ne démontre la faute de gestion avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en 2008, et qu'à compter du 23 juin 2009, un administrateur assurait seul l'administration et la gestion de la société, du fait du renouvellement de la période d'observation avec changement de mission confiée à ce dernier, de sorte que la preuve de l'imputabilité des résultats déficitaires au dirigeant n'est pas rapportée ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, postérieurement à l'adoption du plan, le gérant de la société n'avait pas assuré seul sa direction de sorte qu'une faute de gestion pouvait lui être imputée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Z... et associés.
La société Z... et associés, ès qualités, fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de condamnation de M. Y... à supporter l'insuffisance d'actif ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE force est de constater que le caractère excessif de la rémunération perçue par l'intimé n'est pas démontré dès lors qu'il n'a présenté aucune observation sur le niveau de cette rémunération tel que fixé par le juge commissaire, et ce alors que la faiblesse de trésorerie à la fin de l'exercice ne saurait la réalité de cette faiblesse tout au long de l'exercice, de sorte qu'aucun lien de causalité entre le niveau de la rémunération effectivement perçue, lequel ne saurait caractériser une faute de gestion, et l'insuffisance d'actif n'est démontré de sorte que ce grief ne peut fonder utilement la demande présentée par l'appelant ; que le second grief, relatif à la poursuite d'une activité déficitaire, ne peut pas plus prospérer dans la mesure où la société a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire à compter de 2008 et où aucun élément ne démontre la réalité de cette faute de gestion qui aurait été commise avant l'ouverture de cette procédure, et ce alors que l'actif net avait été reconstitué en 2005 et que la période d'observation a été renouvelée avec changement de mission confiée à l'administrateur et qui assurait seul l'administration et la gestion de la société à compter du 23/6/2009, de sorte que la preuve de l'imputabilité à l'intimé des résultats déficitaires de la société à compter de cette date n'est pas rapportée ; que dès lors, force est de relever que c'est par des motifs exempts de critiques utiles que les premiers juges ont constaté qu'il n'y avait pas lieu à mise en oeuvre des dispositions de l'article L 651-2 du code de commerce à l'égard de l'intimé de sorte que la décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'une infime partie du plan de redressement arrêté par ce tribunal le 12/01/2010 au bénéfice de la SARL HFMP aura été mise en oeuvre par le paiement de la première semestrialité, les créances de moins de 300 euros et la créance super privilégiée pour un montant total de 48.696,30 euros ; que le passif s'est vu sensiblement alourdi par la continuation de l'activité au cours de la période d'observation puis de la mise en oeuvre du plan de redressement, passant ainsi de 427.576 € à 611.606 € (et non plus 706.498,23 €) en l'état des derniers éléments d'information communiqués par le liquidateur dans son rapport du 11/04/2013 ; que l'actif réalisé s'élève à 157.700 € de sorte que l'insuffisance d'actif peut être aujourd'hui chiffrée à 453.906 € ; que le niveau de rémunération de M. Thierry Y..., correspondant à l'activité de la SARL Hygiène Funéraire Midi-Pyrénées, a été fixé durant la période d'observation de ladite société par ordonnance du juge commissaire à 7.500 € brut mensuels suivant une proposition de l'administrateur judiciaire de 8.000 € nets ; que les pièces produites aux débats laissent apparaitre que la rémunération perçue par M. Thierry Y... postérieurement à l'homologation du plan de redressement est inférieure, ramenée au nombre de mois considérés (du 12/01/2010 au 13/11/2012, soit 34 mois), à celle qui lui avait été allouée par le juge-commissaire pendant la période d'observation ; que Me Z..., en détaillant les montants de trésorerie au jour de la clôture de l'exercice, par la lecture des disponibilités au bilan, ne démontre aucunement les insuffisances sur l'ensemble de l'année ; que dans ces conditions, il n'y aura pas lieu de considérer les rémunérations du gérant, M. Thierry Y..., comme disproportionnées et en tout état de cause, perçues à des fins de captation d'actifs ou dans ses seuls intérêts personnels ; que Me Z..., ès qualité, indique : - que les éléments du dossier laissent apparaitre des inscriptions de privilèges de la sécurité sociale et des régimes complémentaires pour un montant de 28.779,53 € ainsi qu'un privilège général du trésor en matière fiscale pour un montant de 19.563 € sur une période s'étalant du 04.02.2011 au 19.10.2012, soit une période postérieure au jugement ayant arrêté le plan de redressement ; - que seule la première échéance du plan d'un montant de 48.695 € a été acquittée en date du 12.07.2012 ; - que l'activité de société Hygiène Funéraire Midi-Pyrénées (HFMP) enregistrait un résultat déficitaire au 31.12.2010 de 202.645 € en aggravant le résultat déficitaire au 31.12.2009 d'un montant de 182.982 euros ; - que de fait, les capitaux propres s'en trouvaient d'autant plus dégradés à 275.277 € au 31.12.2010 puis à 452.416 € au 31.12.2011 par les nouvelles pertes enregistrées ; qu'il ne peut être que constaté, en conséquence, une succession d'exercices lourdement déficitaires, générant un accroissement mécanique des dettes de la société Hygiène Funéraire Midi-Pyrénées (HFMP) ; que face à ces constats, M. Thierry Y..., s'il ne conteste pas la teneur des éléments détaillés, rappelle : - que la société Hygiène Funéraire Midi-Pyrénées (HFMP), dans le cadre de la phase du redressement judiciaire, a fait l'objet d'un renouvellement de la période d'observation avec modification de la mission de l'administrateur judiciaire, ce dernier assurant alors seul entièrement l'administration de la société, - que ce même administrateur judiciaire émettait un avis favorable le 29/09/2009 sur le projet de redressement tout en pondérant les chances de réussite de celui-ci au regard du montant du passif à rembourser, - que les organes de la procédure, jusqu'à la demande de conversion en liquidation judiciaire, n'ont détecté aucune anomalie susceptible de justifier antérieurement la résolution du plan de redressement ; que pendant la période d'observation, la rémunération a été fixée par ordonnance du jugecommissaire sur la base d'un consensus des organes de la procédure, sans réserve formulée par le mandataire judiciaire ; que dès lors, il ne serait pas fondé à considérer cette rémunération comme décidée unilatéralement par M. Thierry Y... ; que la faiblesse de trésorerie au jour de la clôture du bilan comme l'a présentée Me Z... ne saurait emporter démonstration pour l'ensemble de l'exercice ; qu'en conséquence, au regard des pièces fournies et des moyens développés, il ne saurait être démontré une corrélation entre le montant de la rémunération du dirigeant social et la faiblesse de la trésorerie dans ce dossier ; qu'il a été légitime, une fois le plan de continuation adopté, de mettre en oeuvre le paiement des échéances du plan tout en prenant en considération l'aléa commercial qua pu présenter le redressement de la structure ; que la disparition simultanée postérieurement à l'homologation du plan de redressement de nombreux clients, qui ont fait l'objet eux-mêmes de procédures collectives, n'a pas permis à la SARL HFMP de consolider les bases qui avaient permis de valider le plan de redressement par voie de continuation ; qu'il s'ensuit que la demande formée par Me Z..., ès qualité, tendant à voir condamner M. Thierry Y... au comblement d'une partie de l'insuffisance d'actif constatée dans la procédure de liquidation judiciaire de la société Hygiène Funéraire Midi-Pyrénées (HFMP) n'est pas fondée et justifiée en droit ; que le tribunal de céans déboutera ainsi Me Olivier Z..., ès qualité, de sa demande formulée en application de l'article L. 651-2 du code de commerce, ainsi que de ses autres demandes ;
1°) ALORS QUE la rémunération excessive prélevée par le dirigeant constitue une faute de gestion ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter la faute de gestion de M. Y..., que le niveau de sa rémunération ne saurait caractériser une faute de gestion, sans procéder à aucune analyse relative au montant de cette rémunération et à son importance au regard de l'évolution de la situation de la société débitrice, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
2°) ALORS QU'en se fondant, par adoption de motifs, sur la circonstance inopérante que la rémunération perçue par M. Y... postérieurement à l'homologation du plan de continuation était inférieure à celle qui lui avait été allouée par le juge-commissaire pendant la période d'observation, ce qui n'était pas de nature à écarter le caractère excessif de cette rémunération, notamment eu égard à l'évolution de la situation de la société pendant l'exécution du plan de continuation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
3°) ALORS QU'en se fondant encore, pour écarter la faute de gestion, sur la circonstance inopérante que le liquidateur judiciaire ne démontrait pas l'existence d'une insuffisance de trésorerie tout au long de l'exercice, ce qui n'était pas de nature à exclure l'incidence de la rémunération perçue sur l'aggravation du passif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
4°) ALORS QUE le liquidateur judiciaire se prévalait, comme constituant une faute de gestion, de ce que M. Y... avait poursuivi l'exploitation déficitaire de la société HFMP « depuis le mois d'octobre 2010 » ; qu'en retenant qu'il ne démontrait pas la réalité de cette faute de gestion qui aurait été commise avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en 2008, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le jugement d'homologation du plan de continuation met fin à la période d'observation, de sorte que le dirigeant du débiteur retrouve ses pouvoirs d'administration ; qu'en se fondant, pour écarter l'imputabilité à M. Y... des résultats déficitaires de la société HFMP, sur la circonstance que le renouvellement de la période d'observation s'était accompagné d'un changement de la mission de l'administrateur judiciaire, qui assurait seul la gestion et l'administration de la société depuis le 23 juin 2009, sans tenir compte de l'homologation du plan de continuation, prononcée le 12 janvier 2010, qui avait mis fin à la période d'observation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce.