LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 1er décembre 2008 par la société Ematherm en qualité d'ingénieur chargé de sa direction ; qu'il a été licencié pour faute grave le 18 mars 2013 ;
Attendu que pour rejeter le grief de familiarité avec ses équipes qui était imputé au salarié, l'arrêt retient qu'il lui est reproché par l'employeur dans la lettre de licenciement de n'accepter aucune critique « et ce, tout en étant extrêmement familier avec vos équipes, comme en atteste de nombreux mails, ce qui vous met d'ailleurs notamment dans l'impossibilité de sanctionner les erreurs et manquements professionnels de ces dernières », que de par sa généralité et son imprécision, un tel grief ne saurait bien évidemment fonder un licenciement, surtout pour faute grave, qu'il sera donc rejeté sans qu'il soit ici besoin d'examiner les arguments plus précis que l'employeur a jugé utile de développer dans ses conclusions, alors que la lettre de licenciement fixe seule les limites du litige et ne contient pas de telles précisions ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le grief relatif au comportement extrêmement familier du salarié avec ses équipes le mettant notamment dans l'impossibilité de sanctionner les erreurs et manquements professionnels de celles-ci, constituait un motif de licenciement matériellement vérifiable pouvant être précisé et discuté devant les juges du fond, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe à la somme de 6 136,66 euros bruts par mois le salaire moyen de M. Y..., l'arrêt rendu le 3 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Ematherm.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait considéré que les faits reprochés ne constituaient pas une faute grave et condamné la SAS Ematherm à payer à M. Y... les sommes de 3 420 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 28 février au 18 mars 2013, 260,27 euros à titre de rappel de prime annuelle, 368,28 euros à titre de rappel d'indemnité de congés payés, 17 160 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1 716 euros au titre des congés payés y afférents, 8 375,28 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, et 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et d'avoir infirmé le jugement pour le surplus, décidé que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'avoir condamné la société Ematherm à payer à M. Y... la somme de 56 000 euros à titre de dommages intérêts et une somme supplémentaire de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que d) (
) il est reproché à M. Y... d'avoir été de manière permanente en désaccord avec la stratégie et les orientations de l'entreprise et d'avoir fait preuve d'insubordination délibérée à l'encontre de M. Z... ; qu'il a effectivement adressé à ce dernier à plusieurs reprises depuis 2008 des observations et propositions du mode de fonctionnement de l'entreprise et du groupe, observations et propositions formulées dans des termes qui ne comportaient aucun manque de respect envers ce supérieur hiérarchique et restaient dans les limites de la critique constructive que permet la liberté de parole d'un salarié au sein d'une entreprise, surtout à un poste de direction tel que celui confié ; que ces observations et propositions ne sauraient, en l'absence de tout autre élément sérieux de preuve, établir « une opposition permanente » aux instructions de la direction, étant rappelé que les prétendues violation des règles administratives et comptables ne sont pas suffisamment caractérisées pour fonder un tel grief d'opposition permanente ; qu'il n'est aucunement démontré qu'il ait jamais manqué de respect envers la direction, la lettre de licenciement n'apportant d'ailleurs à ce sujet aucune précision de temps de lieu et ou de contenu ; e) Sur la familiarité de M. Y... avec ses équipes, il lui est reproché par l'employeur dans la lettre de licenciement de n'accepter aucune critique « et ce, tout en étant extrêmement familier avec vos équipes, comme en attestent de nombreux mails, ce qui vous met d'ailleurs notamment dans l'impossibilité de sanctionner les erreurs et manquements professionnels de ces dernières » ; que de par sa généralité et son imprécision, un tel grief ne saurait bien évidemment fonder un licenciement, surtout pour faute grave ; qu'il sera donc rejeté sans qu'il soit ici besoin d'examiner les arguments plus précis que l'employeur a jugé utile de développer dans ses conclusions, alors que la lettre de licenciement fixe seule les limites du litige et ne contient pas de telles précisions ;
Alors 1°) que constitue un motif de licenciement matériellement vérifiable pouvant être précisé et discuté devant les juges du fond, le grief tiré de ce que le salarié n'acceptait aucune critique « et ce, tout en étant extrêmement familier avec [ses] équipes, comme en attestent de nombreux mails, ce qui [le] met[tait] d'ailleurs notamment dans l'impossibilité de sanctionner les erreurs et manquements professionnels de ces dernières » ; qu'en décidant que, par sa généralité et son imprécision, un tel grief ne pouvait fonder un licenciement, surtout pour faute grave, et qu'il devait être rejeté sans qu'il soit besoin d'examiner les arguments plus précis développés par l'employeur dans ses conclusions, dès lors que la lettre de licenciement fixe seule les limites du litige et ne contient pas de telles précisions (arrêt p. 10), la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Alors 2°) que caractérise une insubordination constitutive d'une faute grave, le refus du salarié d'exécuter les ordres de son supérieur hiérarchique et de répondre à ses demandes ; qu'en énonçant, pour écarter le grief d'insubordination à l'encontre de M. Z..., que M. Y... lui avait effectivement adressé à plusieurs reprises depuis 2008 des « observations et propositions » du mode de fonctionnement de l'entreprise et du groupe, sans lui manquer de respect et en restant dans les limites de la « critique constructive » permise par la liberté de parole d'un salarié au sein d'une entreprise, surtout à un poste de direction, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y invitée par l'employeur, lequel rappelait que M. Y... avait écrit à M. Z... que les problèmes avec la comptabilité avaient pour origine un niveau d'exigence bien au-dessus de la moyenne et une organisation inadaptée et qu'il ne « perdrait plus de temps à répondre aux demandes intempestives », s'il n'en résultait pas une insubordination délibérée envers son supérieur hiérarchique direct, constitutive d'une faute grave et pour le moins d'une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail.