LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux consorts X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. B... dit E..., Mme I... et Mme D... ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 26 mai 2016), que les consorts X..., invoquant le titre exclusif de propriété sur la terre [...] délivré à leur auteur le 22 décembre 1922, ont revendiqué la propriété de cette terre à l'encontre de Mme A... ; que Mme A... s'est opposée à la demande en invoquant un acte de vente transcrit le 21 octobre 1915 ;
Attendu que, pour rejeter la demande des consorts X..., l'arrêt relève qu'ils invoquent la nouvelle codification des lois des Iles-sous-le-Vent adoptée le 1er mai 1917, qui soumet en son article 37 tout contrat de vente de terres à l'approbation de l'administrateur sous peine de nullité, et retient que ce texte , en l'absence de rétroactivité spécifiquement prévue, n'est pas applicable à l'acte de vente de 1915 ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des consorts X... qui soutenaient que l'approbation de l'administrateur était exigée par l'arrêté du 27 octobre 1898, applicable lors de la rédaction de l'acte de vente transcrit le 21 octobre 1915, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Condamne Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme A..., et la condamne à payer aux consorts X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour les consorts X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande des consorts X... tendant à ce que soit déclaré nul l'acte de vente de la terre [...] du 24 juillet 2015 transcrit le 21 octobre 2015 entre Mme F... J... et M. Pascal G..., à ce qu'ils soient déclarés propriétaires de la terre [...] sise à [...], à ce que soit ordonnée l'expulsion de cette terre de M. A... et de toute personne de son chef, et à ce qu'il soit fait interdiction de procéder à des travaux sur la terre et de troubler la jouissance paisible des consorts X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les consorts X... invoquent la nouvelle codification des lois des Iles-sous-le-Vent, adoptée le 1er mai 1917 qui, en son article 37, soumet tout contrat de vente de terres à l'approbation de l'administrateur sous peine de nullité du contrat ; qu'en l'absence de rétroactivité spécifiquement prévue de cette loi, cet article n'est pas applicable, comme l'a justement dit le premier juge, à l'acte de vente du 20 octobre 1915, par lequel Mme F... a vendu la terre [...] à M. Pascal G... ; qu'en l'espèce, et conformément aux règles découlant notamment du régime foncier propre aux Iles-sous-le-Vent (arrêtés des 17 octobre et 22 décembre 1898, modifiés par ceux des 10 octobre 1904 et 12 avril 1905), la terre [...] a été attribuée à Mme F... J... par décision de la commission de l'arrondissement de [...] du 29 août 1902 ; que, dans ce système, seule la décision définitive de la commission constitue le titre de propriété, la revendication et la publication n'ayant pas de valeur intrinsèque et le certificat étant le seul moyen de preuve ; que cette décision n'a pas été frappée d'opposition et un certificat de propriété exclusif a ensuite été délivré à Mme F... le 21 juin 1923 ; que c'est à juste titre, et par des motifs pertinents et suffisants que la cour adopte, que le premier juge a dit que Mme F... J... était bien propriétaire de la terre [...] au moment de sa cession le 21 octobre 1915 ; que, par suite, cette vente de la terre [...] à M. Pascal G... n'est affectée d'aucun vice susceptible de justifier sa nullité ; qu'en conséquence, M. Y..., K... A..., ayant droit direct de Pascal G..., en sera déclaré le propriétaire ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la nouvelle codification des lois des Iles-sous-le-Vent invoquée par les consorts X... a été adoptée le 1er mai 1917 ; que l'article 37 qui soumet tout contrat de vente de terre à l'approbation de l'administrateur n'était donc pas applicable le 21 octobre 1915, date à laquelle Mme F... vend la terre [...] à M. Pascal G... ; qu'en effet, cette loi n'a pas d'effet rétroactif et n'a pas eu pour objet de remettre en cause des contrats de terre passés antérieurement à sa mise en oeuvre ; que l'attribution de la terre est aux Iles-sous-le-Vent le titre de propriété ; qu'en l'espèce, la terre [...] a été attribuée à Mme F... J... par décision de la commission de l'arrondissement de [...] du 29 août 1902 ; que cette décision n'a pas été frappée d'opposition ; qu'un certificat de propriété exclusif a ensuite été délivré à Mme F... le 21 juin 1923 ; que néanmoins, le certificat de propriété délivré par l'administrateur n'est pas un titre de propriété et ne fait que constater l'attribution de la terre réalisée par la commission compétente ; qu'en effet, les décisions rendues par les commissions sont de véritables jugements, comme tels revêtus de l'autorité de la chose jugée ; qu'ainsi, contrairement à, ce que soutiennent les demandeurs, Mme F... était bien propriétaire de la terre [...] le jour où elle la cédait le 21 octobre 1915 ; que cette vente a été dûment transcrite à la conservation des hypothèques le 21 octobre 1915 ; que cette vente de la terre [...] par Mme F... à M. Pascal G... n'est donc affectée d'aucun vice susceptible de justifier sa nullité ; que Mme F... n'était donc plus propriétaire de la terre [...] le jour de son décès survenu le [...] , et cette terre n'a donc pas été transmise à sa succession qui ne pouvait en conséquence valablement la céder en 1974 ; que M. Y..., K... A... qui tient cette terre [...] de l'acquéreur Pascal G... dont il est le descendant direct en sera déclaré propriétaire ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE par arrêté du 27 octobre 1898 approuvant la codification des lois indigènes des Iles-sous-le-Vent, a été approuvée la codification des lois indigènes des Iles-sous-le-Vent, faite le 20 octobre 1898 par les représentants de ces îles réunis en assemblée générale ; qu'en vertu de ces lois codifiées : « Tout contrat de location ou de vente de terres qui ne sera pas établi devant l'administrateur et revêtu de son approbation, sera nul et le propriétaire qui aura contrevenu à cette disposition sera puni d'une amende de 10 piastres à 20 piastres » (art. 1er du paragraphe « Des contrats de terre ») ; que les consorts X... soutenaient ainsi que la vente de la terre [...] par Mme F... à M. Pascal G... le 21 octobre 1915 était nulle, faute d'avoir reçu l'approbation de l'administrateur prévue par les lois codifiées de l'archipel des Iles-sous-le-Vent approuvées par arrêté du 27 octobre 1898 ; qu'en jugeant que la règle selon laquelle tout contrat de vente de terres doit être soumis à l'approbation de l'administrateur sous peine de nullité du contrat, n'était pas applicable le 21 octobre 1915, date à laquelle Mme F... a vendu la terre [...] à M. Pascal G..., la cour d'appel a violé l'arrêté du 27 octobre 1898 approuvant la codification des lois indigènes des Iles-sous-le-Vent ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE, dans leurs conclusions d'appel (p. 4 de la requête d'appel et p. 3 des conclusions d'appel), les consorts X... soutenaient que la vente de la terre [...] par Mme F... à M. Pascal G... le 21 octobre 1915 était nulle, faute d'avoir reçu l'approbation de l'administrateur prévue par les lois codifiées de l'archipel des Iles-sous-le-
Vent approuvées par arrêté du 27 octobre 1898 ; qu'en retenant que les consorts X... invoquaient la seule codification des lois des Iles-sous-le-
Vent, telle qu'adoptée le 1er mai 1917, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des exposants et violé l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en se bornant à affirmer que la nouvelle codification des lois des Iles-sous-le-Vent, adoptée le 1er mai 1917 qui, en son article 37, soumet tout contrat de vente de terres à l'approbation de l'administrateur sous peine de nullité du contrat, n'était pas applicable le 21 octobre 1915, date à laquelle Mme F... a vendu la terre [...] à M. Pascal G..., en l'absence de rétroactivité spécifiquement prévue de cette loi, sans répondre au moyen des consorts X... qui soutenaient, dans leurs conclusions d'appel (p. 4 de la requête d'appel et p. 3 des conclusions d'appel), que la vente de la terre [...] par Mme F... à M. Pascal G... le 21 octobre 1915 était nulle, faute d'avoir reçu l'approbation de l'administrateur prévue par les lois codifiées de l'archipel des Iles-sous-le-Vent approuvées par arrêté du 27 octobre 1898, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française.