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28/06/2018 | FRANCE | N°14-26617

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 juin 2018, 14-26617


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. Y..., Z... et B... ont été engagés par la société Proma France, filiale française de la société Proma SSA, société de droit italien appartenant au groupe Gruppo Roma ; que la liquidation judiciaire de la société Proma France a été ordonnée par jugement du tribunal de commerce du 11 mars 2010 ; que M. A..., désigné en qualité de liquidateur, a licencié pour motif économique soixante et onze salariés sans élaborer de plan social, lequel n'a été mis en place

qu'après le projet de licenciement économique de dix salariés protégés ; que MM....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. Y..., Z... et B... ont été engagés par la société Proma France, filiale française de la société Proma SSA, société de droit italien appartenant au groupe Gruppo Roma ; que la liquidation judiciaire de la société Proma France a été ordonnée par jugement du tribunal de commerce du 11 mars 2010 ; que M. A..., désigné en qualité de liquidateur, a licencié pour motif économique soixante et onze salariés sans élaborer de plan social, lequel n'a été mis en place qu'après le projet de licenciement économique de dix salariés protégés ; que MM. Y... et Z... ont été licenciés pour motif économique le 22 mars 2010 par M. A..., et M. B..., délégué syndical, le 22 novembre 2010 après autorisation administrative de licenciement ; que par jugement du 26 janvier 2012, le tribunal administratif a annulé cette autorisation ; que les salariés ont saisi le 29 septembre 2011 la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre le mandataire liquidateur de la société Proma France et la société Proma SSA en qualité de coemployeur tendant à ce que leur licenciement soit déclaré nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse pour M. B... et sans cause réelle et sérieuse pour les deux autres salariés ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident des salariés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Proma SSA :

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu que pour dire que les sociétés Proma France et Proma SSA ont la qualité de coemployeurs et les condamner solidairement au paiement de diverses sommes, l'arrêt retient que Proma SSA détient quasiment en totalité le capital social de la société française, que l'ensemble des directeurs généraux et directeurs d'usine sont des salariés du groupe Proma et même de Proma SSA qui règlent leurs rémunérations, que non seulement les dirigeants mais aussi de nombreux salariés disposant de responsabilités fonctionnelles importantes au sein de l'entreprise sont mis à disposition et payés par le groupe, que le président du groupe est également président de Proma France tandis que les responsables administratif et financier et responsable de la logistique étaient mis à disposition par le groupe, que les accords annuels sur les salaires et la durée du travail étaient conclus par les dirigeants du groupe ou des mandataires mis à la disposition par le groupe, que M. D..., seul directeur qui ait été salarié par la société française, et ayant en charge les ressources humaines, était toujours assisté par un représentant du groupe pour signer les accords liés aux négociations annuelles obligatoires, que la société Proma SSA s'est engagée au cours du redressement judiciaire à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l'emploi et a co-signé le protocole de fin de grève du 11 septembre 2008, que la société Proma SSA négociait les contrats pour l'ensemble du groupe avec les sous-traitants du premier niveau puis les répartissait au sein de ses filiales en fonction de leur capacité à produire ses équipements, que les clients n'étaient pas attitrés à la société Proma France mais gérés directement par le groupe, que Proma France ne disposait ni d'un service commercial ni d'un service recherche-développement en sorte que tant au niveau de la recherche de nouveaux marchés ou encore des négociations d'achat, c'est le groupe qui assurait toutes les fonctions ;

Attendu cependant que hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et agissent en étroite collaboration avec la société mère, que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur la politique de développement ou la stratégie commerciale et sociale de sa filiale et que la société mère se soit engagée au cours du redressement judiciaire à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l'emploi ne pouvaient suffire à caractériser une situation de coemploi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal de la société Proma SSA, pris en sa première branche :

Attendu que la cassation sur le premier moyen, entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif critiqué par le deuxième moyen, pris d'une cassation par voie de conséquence ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal de la société Proma SSA, pris en sa seconde branche :

Vu le protocole d'accord du 11 septembre 2008 ;

Attendu que pour condamner la société Proma SSA à verser aux salariés une indemnité supra-légale de licenciement, l'arrêt retient encore qu'un protocole d'accord était intervenu entre la société française et les délégations syndicales CFDT, FO et CGC le 11 septembre 2008 signé par chaque partie, ainsi que par le représentant de la société italienne, qui avait assisté à toutes les tractations pour parvenir à l'accord et qui a signé, lu et approuvé cet accord en la personne de M. E..., que les syndicats avaient insisté pour que cette dernière signature intervienne parce qu'ils avaient senti de manière prégnante que la société italienne était impliquée dans cette aventure économique ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cet accord, intitulé « protocole d'accord entre la société Proma France et les délégations syndicales CFDT, FO et CFE-CGC » avait été conclu entre ces parties, que, dans son préambule, la société Proma France s'engageait à mettre en oeuvre toutes les actions nécessaires pour maintenir une activité suffisante et garantir les emplois sur l'usine de Gien et, dans le cas où elle ne saurait atteindre à moyen terme cet objectif et serait contrainte de revoir ses effectifs à la baisse, Proma France s'engageait à appliquer les garanties énumérées aux articles suivants, que cet accord était signé par M. D... « pour la société Proma France » et que le fait que M. E... y ait apposé la mention « Lu et approuvé » n'en modifiait pas la portée dès lors qu'il était à la fois président du groupe et président de Proma France, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident des salariés :

Vu l'article L. 1233-58 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause et le protocole d'accord du 11 septembre 2008 ;

Attendu que pour allouer une certaine somme aux salariés au titre de l'indemnité supplémentaire de licenciement prévue par ce protocole d'accord, l'arrêt retient qu'il comporte trois points qui concernent, d'une part, la mise en place d'une aide financière d'accompagnement en cas de licenciement économique hors plan social, de deuxième part, la restriction et de troisième part, les mesures applicables dans le cas de la mise en place d'un plan social, que les salariés ne sont concernés que par la première partie de l'aide financière d'accompagnement en cas de licenciement économique hors plan social, puisqu'aucun plan social ne les a concernés ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur n'était pas tenu à l'élaboration d'un plan social, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Proma SSA a la qualité de coemployeur et la condamne au paiement de diverses sommes et fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Proma France une somme de 32 000 euros pour chacun des salariés au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement supplémentaire issue de l'accord du 11 septembre 2008, l'arrêt rendu le 18 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Laisse à chacune des parties la charges de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Proma SSA.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les sociétés PROMA FRANCE et PROMA SSA ont la qualité de co-employeurs et d'AVOIR condamné solidairement la société PROMA SSA à verser à Messieurs Y..., B... et Z... diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou licenciement nul, indemnité compensatrice de préavis, indemnité supralégale de licenciement, indemnité pour procédure de licenciement en l'absence d'institutions représentatives du personnel valables et dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'allégation de co-emploi : En application de l'article L. 1221 - 1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun et, notamment, au droit commun des contrats et, à ce titre tes dispositions de l'article 1165 du Code civil disposent que les conventions n'ont d'effets qu'entre les parties contractantes ; qu'il en résulte que le principe premier est celui de l'unicité de l'employeur. Il s'en suit qu'un salarié ayant signé son contrat de travail avec une société filiale d'un groupe ne saurait, du fait de sa seule appartenance à ce groupe, être lié contractuellement à la société mère, dès lors que cette dernière n'est pas partie au contrat ; qu'en vertu du principe de l'autonomie des personnes morales, les sociétés appartenant à un groupe conservent chacune leur personnalité juridique distincte ; que toutefois, afin de faire coïncider la réalité du pouvoir décisionnel de licencier et les responsabilités morales et pécuniaires, la notion de co-emploi dégagée par la jurisprudence permet au juge de dépasser les apparences et l'écran de la personnalité juridique pour imputer la responsabilités des licenciements à leurs vrais décideurs ; que l'introduction de cette notion a pour but d'identifier l'employeur de fait. A cette fin, la jurisprudence recherche l'existence d'un rapport d'autorité et de subordination juridique pour déterminer qui, précisément, aux côtés de l'employeur officiel, exerce effectivement le pouvoir de direction et de contrôle des salariés ; puis, qu'une conception plus souple a émergé pour permettre la reconnaissance du co-emploi au moyen du critère de la triple confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre sociétés. Aussi appartient-il à celui qui invoque ta triple confusion de caractériser ces trois aspects cumulatifs, sans s'arrêter aux seules participations financières ; A) sur la confusion d'intérêts et de direction : que PROMA SSA détient quasiment en totalité le capital social de la société française, à hauteur de 9900 actions, le reste appartenant à Monsieur Nicola E..., dirigeant tant de PROMA SSA que de PROMA FRANCE ; que le jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 24 septembre 2013 révèle encore que ta société française ne dispose d'aucune autonomie réelle de gestion, puisque l'ensemble des directeurs généraux et directeurs d'usine sont des salariés du groupe PROMA, ou même de PROMA SSA, qui règlent leurs rémunérations ; qu'il est opportun d'examiner les organigrammes successifs de la société française, ce qui permettra de constater que non seulement les dirigeants mais aussi de nombreux salariés, disposant de responsabilités fonctionnelles importantes au sein de l'entreprise, sont mis à disposition et payés par le groupe : - l'organigramme d'octobre 2004 met en valeur que le directeur d'usine, Monsieur F..., son adjoint, Monsieur G..., et d'autres cadres, MM. H..., I..., J..., U..., K..., ne sont pas mentionnés sur le registre du personnel de la société française, en sorte qu'ils sont nécessairement mis à disposition par le groupe italien ; qu'il en est de même pour d'autres salariés : MM. E..., L..., M..., - les organigrammes de novembre 2005 et du 15 mars 2006 mettent en évidence que Monsieur Nicola E..., président du groupe, est également président de PROMA FRANCE, de même que MM. Luca E... et Luigi N... apparaissent respectivement comme directeur d'usine et directeur général, tandis que les responsables administratif et financier et responsable de la logistique étaient mis à disposition par le groupe ; qu'il était précisé que te directeur général, Monsieur N... ne percevrait aucune rémunération de PROMA FRANCE, dans ta mesure où il était déjà rémunéré par la société mère. Lors de l'assemblée générale du 7 juin 2006, celui-ci représentait l'actionnaire principal tout en étant directeur général, en sorte qu'il n'est pas excessif d'en déduire qu'il rendait compte à lui-même ; - L'organigramme de décembre 2007 fait intervenir Monsieur D... en qualité de directeur d'usine, qui reconnaît lui -même avoir dû se partager à 80% de son temps en Italie et à 20% en FRANCE ; B) la gestion sociale et les activités communes. Les pièces du dossier démontrent encore que les accords annuels sur les salaires et la durée du travail étaient conclus par les dirigeants du groupe ou des mandataires mis à la disposition par le groupe : - l'accord du 12 juin 2005 a été signé par Monsieur O..., - celui du 30 août 2006 par MM. Luca E... et O..., - ceux des 7 juin 2007 et 13 juin 2008 et l'avenant du 3 juillet 2007 par. MM. D... et O... ; qu'il convient de remarquer que, de fait, Monsieur D..., seul directeur qui ait été salarié par la société française, et ayant en charge les ressources humaines, était toujours assisté par un représentant du groupe pour signer les accords liés aux négociations annuelles obligatoires ; que par ailleurs, il était fréquent que les mandataires du groupe contresignent tes différents accords, par exemple en vue de la sauvegarde de l'emploi sur Gien, par exemple MM. Nicola E... et Brian P... ; que PROMA SSA s'est engagée, au cours du redressement judiciaire, et auprès de Me Q..., administrateur judiciaire, à prendre en charge, le financement du plan de sauvegarde de l'emploi et elle a co-signé le protocole de fin de grève du 11 septembre 2008 ; que le tribunal de commerce d'Orléans a encore relevé dans son jugement du 27 janvier 2011 que la société PROMA SSA était bien le décideur pour les engagements généraux puisqu'elle négociait les contrats pour l'ensemble du groupe avec les sous-traitants de premier niveau puis les répartissait au sein de ses filiales en fonction de leur capacité à produire ses équipements ; que dans un autre jugement du 24 septembre 2003, ce tribunal de commerce a relevé que tes clients n'étaient pas attitrés à la société PROMA FRANCE mais gérés directement par le groupe, celle-ci ayant bénéficié de la part du groupe et de ta société italienne depuis sa création, de l'expérience des Italiens en matière commerciale, technique, financière de même que du personnel de ces sociétés qui est intervenue à de multiples reprises sur le site de Gien sans qu'aucun honoraire de prestations n'ait été effectué. La société italienne a même déclaré au tribunal qu'elle était le principal fournisseur de sa filiale française ; qu'il était relevé également le soutien très important de la société mère à l'égard de sa filiale puisque le rapport de l'administrateur judiciaire chiffrait à 24,7 millions d'euros au 1er décembre 2009 son concours, sans qu'il y ait lieu à restitution ; qu'en outre, l'ensemble des activités dispose d'un centre de développement et d'actualisation commun et le service commercial est à la charge de la maison-mère comme l'expliquera lui-même Monsieur D... ; que Mme R... atteste que la société PROMA FRANCE ne disposait ni d'un service commercial ni d'un service recherche-développement en sorte que tant au niveau de la recherche de nouveaux marchés ou encore des négociations d'achat, c'est le groupe qui assurait toutes les fonctions. Lors du choix des fournisseurs de matières premières, la négociation des conditions d'achat était assurée par M. Vincenzo E..., directeur des achats pour le groupe et à compter de début 2008 Monsieur D... directeur du site de Gien, a pris en parallèle la direction de PROMA SA GRUGLIASCO ; que le rapport du commissaire aux comptes sur l'exercice clos le 31 décembre 2008 précise que la société française bénéficiait de la part des sociétés italiennes depuis sa création, de leur expérience en matière commerciale technique et financière puisque le personnel de ces sociétés était amené à intervenir sur les sites industriels de Gien et que ces deux sociétés italiennes avaient décidé de ne facturer aucun honoraire au titre de l'exercice 2008, une des sociétés italiennes ayant décidé de mettre gratuitement à disposition de la société française le matériel relatif à trois projets ; qu'il est certain que la nature commune des activités des sociétés italiennes et françaises a rendu indispensable un travail en commun et le suivi de projets industriels par tes équipes des deux entités. Cependant, il se déduit de tous les éléments précités l'existence d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction pour au moins deux sociétés du groupe, la société PROMA FRANCE et la société PROMA SSA, sans que les pièces apportées par la société italienne puissent contrecarrer utilement celles qui établissent entre ces deux sociétés la situation de co-emploi de manière particulièrement évidente » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU' « il n'est pas contesté que la société PROMA FRANCE était possédée quasiment en totalité par la société PROMA SSA ; qu'il est établi que la société PROMA SA intervenait en qualité de principal actionnaire de la société PROMA FRANCE ; que la société PROMA SSA a reconnu dans ses écritures que des salariés, dont les cadres tenant les postes clefs de l'entreprise PROMA FRANCE, ont été mis à disposition de la société française PROMA FRANCE par le groupe PROMA ; que les organigrammes et les notes d'organisation viennent étayer cet état de fait ; que la note du 7 novembre 2005 « INFORMATION DE LA PRESIDENCE ET DE LA DIRECTION DE PROMA FRANCE », exprime sans ambiguïtés un intérêt commun et un engagement commun de la direction du groupe PROMA et de la société PROMA FRANCE ; qu'inversement, des salariés de PROMA FRANCE ont été amenés à se déplacer et à travailler sur les sites italiens du groupe PROMA ; que plusieurs accords sociaux concernant la société PROMA FRANCE et les représentants du personnel de PROMA ont été négociés avec la participation de représentants de la société PROMA SSA ; que l'accord du 13 juin 2008 a été signé et contresigné : - par Monsieur Aldo D..., directeur du site de GIEN (PROMA FRANCE), - par Monsieur Brian P..., mandaté par le groupe PROMA, - par Monsieur Nicola Giorgio E..., président du Groupe PROMA ; que le Conseil de prud'hommes retient une confusion d'intérêts entre la société PROMA FRANCE et la société PROMA SSA ; qu'en conséquence, la demande aux fins de reconnaître que ces deux sociétés soient considérées co-employeurs du personnel de la société PROMA FRANCE sera déclarée fondée et sera retenue » ;

1. ALORS, D'UNE PART, QUE hors l'existence d'un lien de subordination, la société mère d'un groupe ne peut être considérée comme co-employeur du personnel d'une filiale que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la première dans la gestion économique et sociale de la seconde ; qu'en relevant, en l'espèce, que le capital social de la société PROMA FRANCE est détenu quasiment en totalité par la société PROMA SSA, que l'ensemble des dirigeants et certains des cadres de la société PROMA FRANCE proviennent de la société PROMA SSA et sont rémunérés par elle, que la société PROMA SSA négociait les contrats avec les donneurs d'ordres pour l'ensemble du groupe et les répartissait entre les filiales, que la société PROMA FRANCE a bénéficié de l'expérience du groupe en matière commerciale, technique et financière, notamment par la mise à disposition de matériel et de personnel, parfois sans facturation d'aucun honoraire de prestation, que la société PROMA FRANCE ne disposait ni d'un service commercial, ni d'un service recherche-développement, la société mère assurant ces fonctions, et que la société mère a apporté un soutien très important à sa filiale se chiffrant à 24,7 millions d'euros, la cour d'appel n'a pas caractérisé une immixtion anormale de la société mère dans la gestion opérationnelle de sa filiale, mais simplement la coordination par la société mère des activités de ses filiales et l'état de domination économique résultant de l'appartenance de la société PROMA FRANCE à un groupe ; qu'en affirmant néanmoins qu'il existait une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre la société PROMA FRANCE et la société PROMA SSA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

2. ALORS, D'AUTRE PART, QUE hors l'existence d'un lien de subordination, la société mère d'un groupe ne peut être considérée comme co-employeur du personnel d'une filiale que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la première dans la gestion économique et sociale de la seconde ; que le seul fait que la société mère d'un groupe ait été amenée, dans le cadre de la coordination des politiques salariales du groupe, à contresigner des accords collectifs relatifs aux salaires conclus par sa filiale, que les dirigeants communs de la filiale et de la société mère aient pris des engagements financiers à l'égard des salariés de la filiale en cas de licenciement économique et que la société mère se soit engagée à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l'emploi de sa filiale, ne suffit pas à caractériser une immixtion de la société mère dans la gestion sociale de sa filiale ; qu'en relevant que les sociétés PROMA FRANCE et PROMA SSA avaient des dirigeants communs, que la société PROMA SSA avait mis à la disposition de sa filiale certains cadres exerçant des responsabilités fonctionnelles, qu'elle rémunérait, que les accords annuels sur les salaires et la durée du travail étaient conclus par les dirigeants communs de la société PROMA SSA et de la société PROMA FRANCE ou contresignés par des mandataires du groupe aux côtés du directeur de l'usine, qui avait en charge la direction des ressources humaines de l'usine, que l'accord du 16 septembre 2008 en vue de la sauvegarde de l'emploi de l'usine était pareillement signé par le directeur de l'usine et contresigné par le Président du groupe également Président de la société PROMA FRANCE, que la société PROMA SSA s'est engagée au cours du redressement judiciaire, auprès de l'administrateur judiciaire, à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel n'a pas fait ressortir une prise en main de la direction du personnel et de la gestion des ressources humaines de la société PROMA FRANCE par la société PROMA SSA, les interventions de cette dernière restant ponctuelles, limitées à certains thèmes et relevant soit de l'harmonisation des politiques de rémunération au sein du groupe, soit du soutien d'une société mère à sa filiale ; qu'en affirmant néanmoins qu'il existait entre les deux sociétés une confusion d'intérêts, d'activités et de direction justifiant d'attribuer la qualité de co-employeur à la société PROMA SSA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement de la société PROMA SSA à verser à Messieurs Y..., B... et Z... une indemnité supra légale de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE « un protocole d'accord était intervenu entre la société française et les délégations syndicales CFDT FO et CGC le 11 septembre 2008 signé par chaque partie, ainsi que par le représentant de la société italienne, qui avait assisté à toutes les tractations pour parvenir à l'accord et qu'il a signé, lu et approuvé cet accord en la personne de M. Nicola Giorgio E... ; qu'il est opportun d'ajouter que les syndicats avaient insisté pour que cette dernière signature intervienne parce qu'ils avaient senti de manière prégnante que la société italienne était impliquée dans cette aventure économique ; que ce protocole comporte trois points qui concernent, d'une part la mise en place d'une aide financière d'accompagnement en cas de licenciement économique hors plan social, de deuxième part la restriction et de troisième part des mesures applicables dans le cas de la mise en place d'un plan social ; que les deux cadres ne sont concernés que par la première partie de l'aide financière d'accompagnement en cas de licenciement économique hors plan social, puisque aucun plan social ne les a concernés ; qu'il était précisé, à cet égard, que dans le cas où la société française serait forcée de procéder à des licenciements économiques tous les salariés visés par ces mesures se verraient accorder en plus du préavis, des indemnités légales et conventionnelles applicables qui leur reviendraient de plein droit, une prime complémentaire d'un montant de 32000 € nets de CGS et de CRDS et autres taxes en vigueur ; que cette mesure d'accompagnement ne saurait être confondue avec tout autre prime légale ou obligatoire ; qu'en conséquence, il convient d'allouer à chacun de ces deux cadres une somme de 32 000 € conformément aux conventions signées par les parties » ;

ET QUE « parallèlement à ce qui a été exposé pour ses deux collègues, il percevra une indemnité de 32 000 € au titre de l'indemnité supplémentaire de licenciement en exécution du protocole d'accord du 11 septembre 2008 (
) » ;

1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera cassation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt ayant condamné solidairement la société PROMA SSA à verser à chaque salarié une indemnité supra-légale de licenciement prévue par l'accord du 11 septembre 2008, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

2. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, la société PROMA SSA soutenait qu'elle n'avait ni pris part à l'accord du 11 septembre 2008 conclu entre la société PROMA FRANCE et les organisations syndicales, ni accepté de garantir l'exécution des engagements de sa filiale ; qu'elle soutenait, à cet égard, que Monsieur E... n'avait signé cet accord en y apposant la mention « lu et approuvé » qu'en sa qualité de Président de la société PROMA FRANCE et donc de représentant légal de cette seule société ; qu'il est indiqué, en tête du protocole d'accord du 11 septembre 2008, que cet accord est conclu « entre la société Proma FRANCE et les délégations syndicales CFDT, FO et CFE-CGC » et que « le terme « les parties » (
) désigne les participants décrits précédemment » ; que l'accord décrit ensuite les garanties offertes aux salariés, en utilisant des formules telles que « la direction s'engage à (
) », « la société Proma FRANCE s'engage à (
) » ou « les engagements de Proma FRANCE » ; qu'en affirmant néanmoins que la société PROMA SSA a participé à cet accord, au motif que Monsieur Nicola Giorgio E... y a apposé sa signature précédée de la mention « lu et approuvé », cependant que cette signature n'était accompagnée d'aucune mention indiquant qu'il agissait en qualité de Président de la société PROMA SSA et non en qualité de Président de la société PROMA FRANCE, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet accord, a violé le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour MM. Y..., B... et Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté MM. Y..., B... et Z... de leur demande tendant à ce qu'il soit fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Proma France et que soit condamnée solidairement la société Proma SSA au paiement de dommages-intérêts pour défaut d'information relative aux modalités de mise en oeuvre de la priorité de réembauchage.

AUX MOTIFS QUE l'article L. 321-14 du code du travail en vigueur à l'époque des faits précisait que le salarié licencié pour motif économique ou ayant adhéré à une convention de conversion bénéficiait d'une priorité au cours de cette année de réembauchage dans un délai d'un an à compter de la date de la rupture du contrat s'il manifestait le désir d'user de cette priorité dans un délai de quatre mois à partir de cette date ; que le mandataire liquidateur avait précisé dans la lettre de licenciement qu'en cas de reprise d'activité les salariés bénéficieraient d'une priorité de réembauche conformément à cet article ; que si cette phrase restait peut-être un peu lapidaire, elle se référait à l'article précité qui mentionnait des conditions de mise en oeuvre de la priorité de réembauche et, en ce sens, les salariés n'ont pas subi de préjudice et devront être déboutés de leurs demandes de 1 200 euros de dommages-intérêts chacun comme mal fondées.

ALORS QUE la lettre de licenciement pour motif économique doit mentionner tant la priorité de réembauche que les conditions de mise en oeuvre de cette priorité ; que ne satisfait pas à ces exigences la lettre de licenciement qui se borne à indiquer qu'en cas de reprise d'activité les salariés bénéficieraient d'une priorité de réembauche conformément à l'article L. 321-14 du code du travail ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-42 et L. 1233-45 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à 32 000 euros la somme au paiement de laquelle la société Proma SSA a été condamnée et fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Proma France au profit de Y..., B... et Z... au titre de l'indemnité supra légale de licenciement.

AUX MOTIFS QU'un protocole d'accord était intervenu entre la société française et les délégations syndicales CFDT FO et CGC le 11 septembre 2008 signé par chaque partie ainsi que par le représentant de la société italienne, qui avait assisté à toutes les tractations pour parvenir à l'accord et qu'il a signé lu et approuvé en la personne de M. Nicola Giorgio E... ; qu'il est opportun d'ajouter que les syndicats avaient insisté pour que cette dernière signature intervienne parce qu'ils avaient senti de manière prégnante que la société italienne était impliquée dans cette aventure économique ; que le protocole d'accord comporte trois points qui concernent, d'une part la mise en place d'une aide financière d'accompagnement en cas de licenciement économique hors plan social, de deuxième part la restriction et de troisième part des mesures applicables dans le cas de la mise en place d'un plan social ; que les deux cadres ne sont concernés que par la première partie de l'aide financière d'accompagnement puisqu'aucun plan social ne les a concernés ; qu'il était précisé, à cet égard que dans le cas où la société française serait forcée de procéder à des licenciements économiques tous les salariés visés par ces mesures se verraient accorder en plus du préavis, des indemnités légales et conventionnelles applicables qui leur reviendraient de plein droit, une prime complémentaire d'un montant de 32 000 € nets de CSG et de CRDS et autres taxes en vigueur ; que cette mesure d'accompagnement ne saurait être confondue avec toute autre prime légale ou obligatoire ; qu'en conséquence, il convient d'allouer à chacun de ces deux cadres une somme de 32 000 euros conformément aux conventions signées par les parties ; que parallèlement à ce qui a été exposé pour ses deux collègues, il [M. B...] percevra une indemnité de 32 000 euros au titre de l'indemnité supplémentaire de licenciement en exécution du protocole d'accord du 11 septembre 2008.

1/ ALORS QU'il résulte du protocole d'accord du 11 septembre 2008 d'une part que les salariés licenciés pour motif économique devaient bénéficier d'une enveloppe de 35 000 euros dès lors que l'employeur devait procéder à la mise en place d'un plan social, d'autre part que pouvaient être déduites de cette enveloppe, dans la limite de 12 000 euros, les seules sommes réellement exposées pour la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement ; qu'en limitant à 32 000 euros la somme à allouer de ce chef aux salariés licenciés sans que leur employeur ait élaboré le plan social – devenu plan de sauvegarde de l'emploi – auquel il était tenu, la cour d'appel a violé le protocole d'accord du 11 septembre 2008.

2/ ALORS à tout le moins QU'il résulte du protocole d'accord du 11 septembre 2008 d'une part que les salariés licenciés pour motif économique devaient bénéficier d'une enveloppe de 35 000 euros dès lors que l'employeur devait procéder à la mise en place d'un plan social, d'autre part que pouvaient être déduites de cette enveloppe, dans la limite de 12 000 euros, les seules sommes réellement exposées pour la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement ; qu'en retenant qu'aucun plan social n'avait concerné ces salariés pour limiter à 32 000 euros la somme à leur allouer au titre de la majoration de la prime de licenciement, la cour d'appel qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si l'employeur n'était pas tenu à l'élaboration d'un tel plan, n'a pas légalement justifié sa décision au regard du protocole d'accord du 11 septembre 2008.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-26617
Date de la décision : 28/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 18 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 jui. 2018, pourvoi n°14-26617


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:14.26617
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