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27/06/2018 | FRANCE | N°17-84605

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 juin 2018, 17-84605


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
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M. Jean-François X...,
Mme Alexandra Y...,
M. Jean-Antoine X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 14 juin 2017, qui a condamné, le premier, pour abus de biens sociaux et blanchiment, à un an d'emprisonnement avec sursis, 50 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction de gérer, la deuxième, pour recel aggravé, à six mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende, et le troisiÃ

¨me, pour abus de biens sociaux, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
-
-
M. Jean-François X...,
Mme Alexandra Y...,
M. Jean-Antoine X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 14 juin 2017, qui a condamné, le premier, pour abus de biens sociaux et blanchiment, à un an d'emprisonnement avec sursis, 50 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction de gérer, la deuxième, pour recel aggravé, à six mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende, et le troisième, pour abus de biens sociaux, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé des mesures de confiscation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, Mme de La Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI ET SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires ampliatifs et personnel et les observations complémentaires produits;

Sur le premier moyen de cassation, présenté par M. Jean-Antoine X..., pris de la violation des articles 551 et 565 du code de procédure pénale ;

Sur le deuxième moyen de cassation, présenté par M. Jean-Antoine X..., pris de la violation des articles L. 241-3 et L. 241-9 du code de commerce ;

Sur le troisième moyen de cassation, présenté par M. Jean-Antoine X..., pris de la violation de l'article 485 du code de procédure pénale ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour M. Jean-François X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 324-1 du code pénal, préliminaire, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. Jean-François X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 241-3, L. 241-9 du code de commerce, 121-3 du code pénal, préliminaire, 388, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de la SARL Lecci Loisirs ;

"aux motifs que « - Sur l'abus des biens sociaux de la SARL Lecci Loisirs :
M. X... est associé de cette société, initialement créée en 1988 par Marie B... veuve X..., née en [...] , et M. Antoine B..., né en [...] , ses ancêtres, depuis le 7 juin 1996 ; que Son père en a toujours été le gérant de droit ; qu'il en a un temps été déclaré salarié , de juillet 2008 à juillet 2009 ; - la gérance de fait :
S'il a un temps contesté sa qualité de gérant de fait de cet établissement, il le reconnaît aujourd'hui ; qu'il sera, en tant que de besoin, rappelé que, dans ce contexte de société « familiale » aux filtres internes et externes inexistants, puisqu'il n'y a ni comptabilité ni comptes annuels depuis 2009, ni justification de quelque assemblée générale qu'il soit, sa gérance de fait a, notamment, été démontrée par les éléments suivants, mis à jour par l'enquête :
- il est le seul interlocuteur de l'expert comptable, M. Pierre C..., auquel, jusqu'en 2008, il remet les documents journaliers manuscrits comportant les recettes,
- il décide de ne plus faire établir la comptabilité de la société et de ne plus déposer les comptes annuels à partir de 2009,
- il conserve les espèces de la caisse pour contourner le blocage des comptes de la société par le bailleur de l'établissement,
- il dispose des moyens de paiement de la société et a procuration sur ses comptes,
- il est l'interlocuteur des propriétaires des murs dans l'action en résiliation du bail qu'ils ont initiée,
- dans son audition du 30 novembre 2010, son père, M. X... dit que c'est lui qui s'occupe de l'activité de la discothèque et se charge de « tout l'administratif »,
- il a toujours admis « gérer » les fournisseurs et les salariés avec l'aide de sa compagne, leur recrutement, leur paie,
- il a continué à gérer, à distance, selon son frère, l'établissement, durant sa détention de juin à novembre 2007, en faisant passer ses instructions par sa compagne qui le visitait au parloir.
- le détournement des actifs par le biais de L'EURL Alx Invest ; L'EURL Alx Invest a été créée le 29 mai 2009 par M. X... qui en est l'unique associé et gérant de droit ; qu'il l'a faite immatriculer le 7 juillet 2009, en a fixé le siège social [...] , alors que l'activité de la société s'exerce « officiellement » aux portes de l'établissement de nuit, [...] , où son nom ne figure nulle part ; qu'il a fixé sa domiciliation bancaire sur le continent, chez son ami William D..., agriculteur qu'elle ne dispose d'aucune comptabilité fiable, et ne dépose pas ses comptes annuels ; qu'il n'est produit aucun procès-verbal d'assemblée générale ; qu'elle ne dispose d'aucun salarié, à l'exception de Mme Y..., sa compagne, à laquelle il a signé le 1er juillet 2010, un contrat de « directrice » au salaire mensuel de 5 000 euros ; que l'enquête a démontré qu'en réalité, elle n'a jamais cessé de travailler dans l'établissement de nuit, qu'elle n'a jamais produit le moindre commencement de preuve d'une activité liée à l'objet social de la société, à savoir « l'évènementiel », et qu'elle a même affirmé, y compris devant la cour, non sans contradiction aussi avec son contrat de « directrice » au salaire important, que son travail consistait, en fait, à « faire des sandwichs » et servir des boissons, pour la confection desquels, elle n'a, d'ailleurs, pas plus que M. X... produit quelque facture que ce soit de fournisseurs ; que les attestations opportunément produites par Mme Y... en cause d'appel établies par Mme Noëlle E..., M. Patrick E..., Mme Valérie F... et M. Marc-Antoine G... selon lesquelles, en substance, des artistes se produisaient dans l'établissement, sont, dans ce contexte, bien insuffisantes, pour rapporter cette preuve ; qu'il est donc établi qu'en réalité SARL Alx Invest est « une coquille vide », créée par M. X..., dans le seul but de détourner une partie des actifs de la recelle de la SARL Lecci Loisirs, et pour tenter de donner à ces détournements une « apparence sociale et comptable », en y établissant un terminal de carte bancaire ; qu'une somme totale de 356 832,39 euros a ainsi été détournée des actifs de la SARL Lecci Loisirs ; que la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Lecci Loisirs en y intégrant les sommes encaissées sur le terminal carte bleue de la SARL Alx Invest a d'ailleurs permis, s'il en était besoin, de le confirmer, en retrouvant une certaine cohérence dans l'évolution du chiffre d'affaires de l'établissement de nuit sur les six années observées ; que le détournement des 356 832,39 euros ainsi encaissées sur le terminal carte bancaire de la SARL Alx Invest au préjudice de la SARL Lecci Loisirs est donc caractérisé ; - Le détournement des actifs par le financement des travaux de la maison de [...] :
L'enquête a également établi que la SARL Lecci Loisirs avait payé 185 728,37 euros de factures de matériaux utilisés pour la construction de la maison de [...], occupée par le couple, contre son intérêt social ; que M. X... prétend, sans aucunement en justifier, qu'il l'a lui-même, « avec des amis » construite, et qu'il en a personnellement assumé le coût ; qu'au mépris de leur lettre et de leur adresse de livraison, il ne justifie notamment pas que les 39 factures payées par la SARL Lecci Loisirs entre janvier 2007 et décembre 2012 aient pu avoir trait à des travaux entrepris à son profit, dans l'établissement de nuit, ainsi qu'il le prétend ; que l'analyse chronologique des matériaux facturés entre 2007 et 2012 permet, au contraire, de suivre la progression « classique » d'un chantier de construction ; que depuis plusieurs années, la SARL Lecci Loisirs, qui n'était pas propriétaire des murs, était assignée en résiliation du bail par son bailleur qui avait même, en 2011, obtenu de la Cour de cassation une décision définitive qui mettait fin à l'occupation des locaux, et mettait un terme définitif à la pérennité de son activité, autant d'éléments de contextes peu propices à de tels investissements immobiliers d'envergure, alors au surplus que, s'agissant d'une construction sur une parcelle officiellement acquise par la SCI La Génoise, le financement « personnel » par M. X... des matériaux de construction de la maison apparaît tout aussi incongru que le paiement par la SARL Lecci Loisirs des 185 728,37 euros de factures de matériaux qui ont servi à la construction de la maison de [...] contre son intérêt social est donc caractérisé ;
- le détournement des actifs par le paiement du chèque de 50 000 euros à la SCI Le Gardian, la SARL Lecci Loisirs a établi, le 29 août 2008, sous la signature de M. X..., un chèque de 50 000 euros à l'ordre de la société Gardian, domiciliée chez lui « [...] à [...] », dont il est l'associé majoritaire et le gérant de droit, sous couvert de loyers qu'elle ne devait pas, cette société, propriétaire d'une unique parcelle lieudit [...] acquise de la mairie en juillet 1993, n'ayant jamais été son bailleur, et au mépris de la procédure de saisie dont son compte bancaire faisait l'objet à l'initiative de son véritable bailleur, contre son intérêt social, qui était de payer sa dette locative alors de 80 000 euros, avec la complicité active du banquier ; que le paiement par la SARL Lecci Loisirs de cette somme de 50 000 euros non causée à la société Le Gardian qui constitue également un abus de crédit, est caractérisé ; qu'il se déduit des réquisitions bancaires, et de l'enquête que M. X... qui n'a d'ailleurs pas hésité à affirmer devant la cour que, s'agissant de « sa » société, il était légitime à user de son crédit à sa seule guise, a sciemment, par ce montage de sociétés imbriquées dont il est en fait le seul dirigeant, agi à des fins personnelles pour bénéficier des espèces ainsi détournées, en fraudant l'impôts sur ses véritables revenus et ceux de la SARL Lecci Loisirs, financer sa maison sous couvert de la SCI La Génoise, sur la parcelle de laquelle elle est implantée, et pour favoriser la SCI Le Gardian en lui versant indûment 50 000 euros aussitôt récupérés à son profit ;
- l'élément intentionnel, il se déduit du montage sociétal orchestré avec la création de la SARL Alx Invest, du financement occulte de la maison non déclarée de [...], et du paiement du chèque de la SCI Le Gardian au mépris de la saisie arrêt du compte bancaire de la société et de ses intérêts que M. X... ne pouvait ignorer qu'il abusait du crédit de la SARL Lecci Loisirs, à son bénéfice et au bénéfice de ses proches et des sociétés dans lesquelles il avait des intérêts, de sorte que le dol général et le dol spécial requis par le délit d'abus de biens sociaux sont établis ; que le délit d'abus de biens sociaux est donc caractérisé dans tous ses éléments ; le jugement sera confirmé sur la culpabilité de ce chef » ;

1°) alors que le délit d'abus de biens sociaux exige, à titre de condition préalable, que les biens dont il est fait un usage abusif appartiennent à la société victime de l'infraction ; qu'en relevant, pour déclarer le demandeur coupable de ce délit, que la somme de 356 832,39 euros a été encaissée sur le terminal carte bancaire de la société ALX Invest au préjudice de la société Lecci loisirs, sans établir que cette somme d'argent correspondait aux recettes de cette dernière société, dont il était par ailleurs constaté qu'elle n'avait pas de comptabilité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

2°) alors que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce, le demandeur était poursuivi notamment pour avoir commis des faits d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Lecci Loisirs entre 2008 et 2012 en faisant régler par cette dernière les factures de matériel de construction utilisé dans le cadre de la construction de sa maison de [...] à hauteur de 185 728,37 euros ; qu'en se fondant, pour le déclarer coupable de ces faits, sur des factures payées par ladite société en 2007, c'est-à-dire dans une période non visée par la prévention, et sans constater que le prévenu avait accepté d'être jugé sur les faits d'abus de biens sociaux qui auraient été commis par le paiement desdites factures, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;

3°) alors que la charge de la preuve de la culpabilité incombe à la partie poursuivante ; qu'en énonçant, pour déclarer le demandeur coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Lecci loisirs, qu'il ne justifiait pas que le paiement des factures par cette société ait pu avoir trait, comme il le soutenait, à des travaux entrepris au profit de celle-ci, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et ainsi méconnu le principe susvisé ;

4°) alors que l'intention frauduleuse du dirigeant social est un élément constitutif du délit d'abus de biens sociaux, à défaut duquel celui-ci n'est pas caractérisé ; qu'en laissant sans réponse le chef péremptoire des conclusions qui faisait valoir que le remboursement, avant l'exercice des poursuites, de la somme de 50 000 euros par la société Le Gardian à la société Lecci loisirs démontrait que le prévenu n'avait pas agi avec mauvaise foi lorsqu'il avait établi, en sa qualité de gérant de la seconde société, un chèque de cette somme à l'ordre de la première, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;"

Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches :

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les griefs ne sont pas de nature à être admis ;

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 388 et 512 du code de procédure pénale ;

Attendu que les juges correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi pour avoir commis des abus de biens sociaux au préjudice de la société Lecci Loisirs, courant 2008 à 2012, en faisant régler par cette dernière des factures de matériel utilisé dans la construction d'un bien immobilier situé à [...], propriété de la société La Genoise, à hauteur d'une somme 185 728 euros ;

Attendu que pour déclarer le prévenu coupable de ce chef, l'arrêt retient notamment trente-neuf factures payées par la société entre janvier 2007 et décembre 2012 ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la période visée à la prévention ne commençait qu'en 2008, la cour d'appel, qui a excédé les limites de sa saisine, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Mme Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 321-1 du code pénal, préliminaire, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré Mme Y... coupable de recel d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs que « Mme Y... partage la vie de M. X... depuis plus de vingt ans ; que le couple est pacsé depuis 2010 ; qu'elle est associée avec lui dans nombre de sociétés, dont la SCI La Génoise, la SARL Jivana, la SCI Alexandra, la SCI Le Gardian ; qu'elle a bénéficié d'un contrat de « directrice » consenti en juillet 2010 par la SARL Alx Invest, sous la signature de son compagnon, pour un salaire mensuel de 5 000 euros ; qu'auparavant, elle était salariée de juillet à septembre de la SARL Lecci Loisirs de 2005 à 2007 qu'elle est donc parfaitement au fait des activités économiques de M. X... dans lesquelles elle prend une part active ; qu'elle ne peut notamment ignorer ni le caractère fictif de la création de l'EURL Alx Invest dont le siège social se situe [...] , dont la domiciliation bancaire a été sciemment établie sur le continent chez l'ami du couple William D..., agriculteur, qui ne dispose d'aucune comptabilité fiable, ne dépose pas ses comptes annuels, ne réunit aucune assemblée générale, ni le caractère tout aussi fictif de son contrat de travail signé le 1er juillet 2010, de « directrice » au salaire mensuel de 5 000 euros ; que c'est ainsi que l'enquête, et notamment l'étude de ses comptes bancaires a permis d'établir qu'entre juin 2009 et novembre 2013, elle a, à épisodes réguliers, encaissé sous couvert de salaires, la somme totale de 93 000 euros détournée de l'actif de la SARL Lecci Loisirs ; que le dépôt sur ses comptes de 46 075 euros d'espèces provenant aussi directement des recettes de la SARL Lecci Loisirs, est également établi ; qu'elle n'a jamais rapporté la preuve contraire de leur provenance ; qu'enfin, comme M. X..., elle a bénéficié dans les conditions ci-dessus rappelées des 329 372, 57 euros de fournitures ayant servi à financer la maison qu'elle occupe avec lui à [...], implantée sur une parcelle appartenant à la SCI La Génoise dans laquelle elle détient des parts ; que le délit de recel à titre habituel est donc caractérisé en tous ses éléments, que le jugement sera de ce chef confirmé » ;

"1°) alors que, le délit de recel, qui est une infraction de conséquence, n'est légalement constitué que si l'infraction originaire est établie en tous ses éléments constitutifs ; que la cassation qui sera prononcée sur le fondement du moyen critiquant l'arrêt en ce qu'il a condamné M. X... du chef d'abus de biens sociaux entraînera par voie de conséquence la cassation de la décision en ce qu'elle a déclaré Mme Y... coupable de recel de ces délits ;

"2°) alors que, le délit de recel, qui est une infraction de conséquence, n'est légalement constitué que si l'infraction originaire est établie en tous ses éléments constitutifs ; que, dès lors, en déclarant l'exposante coupable d'avoir recelé la somme de 93 000 euros en encaissant directement sur ses comptes des chèques établis à son profit par la société Alx Invest, lorsqu'elle relaxait son compagnon, auquel il était reproché d'avoir établi lesdits chèques, des faits d'abus de biens sociaux commis au préjudice de cette société, la cour d'appel a violé l'article 321-1 du code pénal ;

"3°) alors que, le délit de recel, qui est une infraction de conséquence, n'est légalement constitué que si l'infraction originaire est établie en tous ses éléments constitutifs ; que, dès lors, en déclarant l'exposante coupable d'avoir recelé la somme de 329 372, 57 euros en bénéficiant, dans le cadre de la construction de la maison de [...] qu'elle occupe, de la prise en charge, à hauteur de cette somme, des factures de matériaux par les sociétés Lecci Loisirs et Alx Invest et les sociétés La Genoise et Alexandra, lorsque son compagnon était relaxé des faits d'abus de biens sociaux au préjudice de ces trois dernières sociétés, la cour d'appel a violé l'article 321-1 du code pénal ;

"4°) alors que, le délit de recel, qui est une infraction de conséquence, n'est légalement constitué que si l'infraction originaire est établie en tous ses éléments constitutifs ; qu'en l'espèce, pour déclarer l'exposante coupable d'avoir recelé la somme de 46 075 euros, la cour d'appel énonce que le dépôt, en espèces, sur ses comptes, de cette somme d'argent provenant directement des recettes de la société Lecci Loisirs est établi et que la prévenue ne rapporte pas la preuve contraire de sa provenance ; qu'en l'état de ces motifs qui ne caractérisent pas l'origine délictueuse ou criminelle des fonds litigieux, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"5°) alors que, la charge de la preuve de la culpabilité incombe à la partie poursuivante ; qu'en énonçant, pour déclarer la demanderesse coupable d'avoir recelé la somme de 46 075 euros, que le dépôt sur ses comptes de cette somme d'argent provenant directement des recettes de la société Lecci Loisirs est établi et que la prévenue ne rapporte pas la preuve contraire de sa provenance, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et ainsi méconnu le principe susvisé ;

6°) alors qu'enfin, le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; qu'en se bornant à relever, pour retenir que l'exposante était au fait des activités économiques de son compagnon et la déclarer coupable de recel des abus de biens sociaux commis par ce dernier, qu'elle partageait sa vie depuis plus de vingt ans, qu'elle était associée avec lui dans plusieurs sociétés qui ne sont toutefois pas victimes des délits poursuivis et qu'elle a été salariée des sociétés Lecci Loisirs et Alx Invest, lorsque ces circonstances ne permettent pas d'établir la connaissance certaine par la prévenue de l'origine délictueuse des fonds litigieux, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Sur le moyen, pris en ses deuxième et sixième branches :

Attendu que, pour confirmer la déclaration de culpabilité de Mme Y... du chef de recel aggravé de délits commis au préjudice des sociétés Lecci Loisirs et Alx Invest, en encaissant sur ses comptes personnels des chèques établis à son profit par cette dernière société pour un montant de 93 000 euros, l'arrêt énonce que la prévenue, compagne de M. X... et associée avec lui dans nombre de sociétés, ne pouvait ignorer le caractère fictif de la société Alx Invest et de son contrat de travail en qualité de directrice ; que les juges retiennent qu'elle a encaissé, à épisodes réguliers, sous couvert de salaires, la somme totale de 93 000 euros qui a été détournée de l'actif de la société Lecci Loisirs exploitant la discothèque Le Rancho Disco ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des énonciations qui caractérisent l'infraction d'origine, non critiquées par le grief, et dès lors que M. X... a été reconnu coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Lecci Loisirs pour avoir détourné, via un terminal installé dans la discothèque, des paiements par carte bancaire sur le compte de la société Alx Invest à hauteur de la somme de 356 832 euros, peu important qu'en application du principe ne bis in idem prohibant une double déclaration de culpabilité pour les mêmes faits, le prévenu ait été relaxé du chef d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Alx Invest, pour avoir établi sans justification des chèques à l'ordre de Mme Y..., aux motifs que cette société, coquille vide, a été créée dans le seul but de détourner partie de la recette de la société Lecci Loisirs et que les abus des actifs des sociétés ne peuvent être retenus cumulativement, la cour d'appel, qui a caractérisé la connaissance par la prévenue de l'origine frauduleuse des fonds, a justifié sa décision sans méconnaître l'article 321-1 du code pénal ;

D'où il suit que les griefs ne peuvent être accueillis ;

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure que Mme Y... a été poursuivie du chef de recel aggravé de délits commis au préjudice des sociétés Lecci Loisirs et Alx Invest, et des sociétés La Génoise et Alexandra en bénéficiant de la prise en charge, par les dites sociétés, de factures de matériaux de construction destinés à la maison de [...] d'un montant total de 329 372 euros ; que les premiers juges l'ont définitivement relaxée des faits de recel pour avoir bénéficié de la prise en charge de factures de matériaux par les sociétés La Genoise et Alexandra ;

Attendu que, pour confirmer la déclaration de culpabilité de Mme Y... pour le surplus, l'arrêt énonce notamment que, comme M. X..., la prévenue a bénéficié des 329 372 euros de fournitures ayant servi à financer le bien immobilier qu'elle occupe avec lui ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui ne caractérisent que partiellement l'infraction originaire de l'intégralité des fonds dont la prévenue aurait bénéficié, alors que, si M. X... a été reconnu coupable d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la société Lecci Loisirs pour avoir détourné, via un terminal installé dans la discothèque, des paiements par carte bancaire sur le compte de la société Alx Invest à hauteur de la somme de 356 832 euros, peu important qu'en application du principe ne bis in idem prohibant une double déclaration de culpabilité pour les mêmes faits, le prévenu ait été relaxé du chef d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Alx Invest, pour avoir fait régler 50 993 euros de factures pour la maison de [...], aux motifs que cette société, coquille vide, a été créée dans le seul but de détourner partie de la recette de la société Lecci Loisirs et que les abus des actifs des sociétés ne peuvent être retenus cumulativement, M. X... a été relaxé de faits d'abus de confiance commis au préjudice des sociétés La Génoise et Alexandra en leur faisant supporter les factures de matériaux de la maison à hauteur des sommes respectives de 73 211 et 19 440 euros aux motifs que la société La Génoise a payé des dépenses sur un bien lui appartenant et que la société Alexandra a peut-être procédé de même, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encore encourue de ce chef ;

Et sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'en l'état de la cassation de la déclaration de culpabilité de M. X... du chef d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Lecci Loisirs par paiement de 185 728 euros de factures de construction du bien immobilier, la déclaration de culpabilité de Mme Y... du chef de recel de ce délit doit être à nouveau cassée par voie de conséquence ;
Et sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches :

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour confirmer la déclaration de culpabilité de Mme Y... du chef de recel aggravé de délits commis au préjudice de la société Lecci Loisirs, en déposant 46 075 euros d'espèces remises dans le cadre de l'activité de cette dernière, l'arrêt énonce que le dépôt sur ses comptes de ces espèces provenant directement des recettes de la société est établi et que la prévenue n'a jamais rapporté la preuve contraire de leur provenance ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui ne caractérisent pas suffisamment une infraction d'origine, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encore encourue de ce chef ;

Par ces motifs et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés :

I - Sur le pourvoi formé par M Jean-Antoine X... :

LE DECLARE non-admis ;

II - Sur les autres pourvois :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bastia,
en date du 14 juin 2017, mais en ses seules dispositions ayant retenu la culpabilité de M. Jean-François X... du chef d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la société Lecci Loisirs, en faisant régler par cette dernière des factures de matériel utilisé dans la construction d'une maison située à [...] à hauteur d'une somme de 185 728 euros, de Mme Y... du chef de recel aggravé commis au préjudice de la société Lecci Loisirs et Alx Invest en bénéficiant dans le cadre de la construction de la maison de [...] de la prise en charge des factures de matériaux par ces sociétés pour un montant de 329 372 euros et de Mme Y... du chef de recel aggravé commis au préjudice de la société Lecci Loisirs en déposant des espèces à hauteur de 46 075 euros remises dans le cadre de l'activité de cette dernière, et relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. Jean-François X... et Mme Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-84605
Date de la décision : 27/06/2018
Sens de l'arrêt : Non-admission
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 14 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 jui. 2018, pourvoi n°17-84605


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.84605
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