LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle des opérations d'importation et de dédouanement effectuées par la société Newrest Polynésie (la société Newrest), l'administration des douanes de Polynésie Française (l'administration des douanes) a constaté, par procès-verbal du 18 novembre 2014, que des préparations ou pâtisseries relevant du chapitre 19 du tarif des douanes de la Polynésie française avaient été déclarées sous la position tarifaire 1901 20 90, au lieu de la position tarifaire 1901 20 10 soumise à la taxe de développement local ; que la société Newrest, contestant le classement tarifaire retenu par l'administration des douanes, lui a demandé, le 27 février 2015, de saisir le comité d'expertise douanière ; qu'à la suite du refus qui lui fut opposé, le 27 avril 2015, et de la notification d'un procès-verbal d'infraction de fausses déclarations d'espèce qui lui fut faite, le 28 avril 2015, la société Newrest, invoquant le trouble manifestement illicite causé par ce refus, a saisi le juge des référés d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à l'administration des douanes de saisir le comité d'expertise douanière ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 83 du code des douanes de la Polynésie française, ensemble les articles 176 et 177 de la loi organique 2004-192 du 27 février 2004 ;
Attendu que pour dire que le trouble invoqué par la société Newrest n'est pas manifestement illicite, l'arrêt retient que le comité d'expertise douanière a été supprimé par la loi du pays n° 2015-1 LP/APF du 3 mars 2015, ce qui ôte au refus invoqué par le demandeur son caractère illicite à la date à laquelle la cour statue ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la loi du 3 mars 2015 avait été déclarée illégale par un arrêt du Conseil d'Etat du 30 décembre 2015 et n'avait pu être promulguée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 83 du code des douanes de la Polynésie française et l'article 8 2°) de l'arrêté n° 1824 D du 3 octobre 1980 fixant les conditions de fonctionnement du comité d'expertise douanière ;
Attendu que pour dire que le trouble invoqué par la société Newrest n'est pas manifestement illicite, l'arrêt retient qu'aucune disposition légale, et notamment ni les articles 14 à 18 et 83 à 85 abrogés du code des douanes de la Polynésie française ni l'arrêté n° 1824 D du 3 octobre 1980, ne réserve à l'administration des douanes le monopole de la saisine du comité, lequel peut être saisi par tout requérant contestant l'appréciation du service des douanes ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 83 du code des douanes de la Polynésie française et de l'article 8 2°) de l'arrêté n° 1824 D du 3 octobre 1980 que seul le service des douanes peut saisir le comité d'expertise douanière en cas de contestation portant sur l'espèce, l'origine ou la valeur des marchandises, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 83 du code des douanes de la Polynésie française, ensemble l'article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, dans le cas où le service des douanes conteste, au moment de la vérification des marchandises, les énonciations de la déclaration relatives à l'espèce, à l'origine ou à la valeur et où le déclarant n'accepte pas l'appréciation du service, la contestation est portée devant le comité d'expertise douanière ;
Attendu que pour dire que le trouble invoqué par la société Newrest n'est pas manifestement illicite, l'arrêt retient que la position de la Polynésie française subordonne la saisine du comité à la détermination exacte de la marchandise objet de la contestation, laquelle n'est acquise qu'au moment où l'administration des douanes notifie les infractions douanières ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la saisine du comité d'expertise douanière est possible dès que le service des douanes porte une appréciation quant à l'espèce, l'origine ou la valeur des marchandises vérifiées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare compétent le juge des référés du tribunal de première instance pour connaître de la requête de la société Newrest Polynésie, l'arrêt rendu le 7 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Condamne la Polynésie française - service des Douanes- aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Newrest Polynésie ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Newrest Polynésie.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Newrest tendant à ce qu'il soit dit que la décision de la direction des douanes du 27 avril 2015 portant refus de réunir le comité d'expertise douanière constituait un trouble manifestement illicite et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte de 100 000 FCP par jour de retard, à l'administration des douanes de Polynésie française de saisir le comité d'expertise douanière du différend opposant les parties sur la classification des marchandises importées et visées au procès-verbal de constat du 18 novembre 2014 ;
AUX MOTIFS QUE la société Newrest soutient que le refus de l'administration des douanes de saisir le comité d'expertise douanière constitue un trouble manifestement illicite, au sens de l'article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française, qu'il convient de faire cesser par l'injonction d'une obligation de saisine sous astreinte ; que le trouble invoqué par la société Newrest n'est pas manifestement illicite, en ce que : - le comité, d'expertise douanière est supprimé par la loi de pays n° 2015-1 LP/APF du 3 mars 2015, ôtant ainsi au refus invoqué par le demandeur son caractère illicite à la date à laquelle la cour statue, - aucune disposition légale et notamment ni les articles 14 à 18 et 83 à 85 abrogés du code des douanes de la Polynésie française ni l'arrête n° 1824 D du 3 octobre 1980 fixant les conditions de fonctionnement du comité d'expertise douanière, ne réservait à l'administration des douanes le monopole de la saisine du comité, qui pouvait être saisi par tout requérant contestant l'appréciation du service des douanes, - la position de la Polynésie française, qui subordonne la saisine du comité à la détermination exacte de la marchandise objet de la contestation, qui n'est acquise qu'au moment où l'administration des douanes notifie les infractions douanières, est une contestation sérieuse de l'illicéité manifeste invoquée par la société Newrest ; qu'en conséquence, la requête en référé de la société Newrest est rejetée en l'absence de violation évidente d'une règle de droit en vigueur ;
1°) ALORS QU'une loi de pays que le Conseil d'Etat a jugé illégale en application des articles 176 et 177 de la loi organique 2004-192 du 27 février 2004 ne peut être promulguée ; que, par un arrêt n° 389495 du 30 décembre 2015, le Conseil d'Etat a déclaré illégale la loi de pays n° 2015-1 LP/APF du 3 mars 2015 portant suppression du comité d'expertise douanière ayant notamment abrogé les articles 14 à 18 et 83 à 85 du code des douanes de la Polynésie française ; qu'en se fondant, pour juger que le trouble invoqué par la société Newrest n'est pas manifestement illicite, sur le fait que le comité d'expertise douanière aurait été supprimé par la loi du 3 mars 2015 précitée, ôtant ainsi au refus invoqué par le demandeur son caractère illicite à la date à laquelle la cour statue, cependant que cette loi de pays n'avait pu être promulguée et recevoir application du fait de l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 décembre 2015, la cour d'appel a violé l'article 83 du code des douanes de la Polynésie française, ensemble les articles 176 et suivants de la loi organique du 27 février 2004 ;
2°) ALORS QUE, en tout état de cause, pour apprécier la réalité du trouble manifestement illicite dont se prévaut le demandeur, la cour d'appel doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue ; qu'en jugeant que le trouble invoqué par la société Newrest n'était pas manifestement illicite à la date à laquelle la cour d'appel statuait, dans la mesure où le comité d'expertise douanière avait été supprimé par la loi de pays du 3 mars 2015, la cour d'appel, qui ne s'est pas placée à la date à laquelle le juge des référés du tribunal civil de première instance de Papeete s'est prononcé sur la demande de la société Newrest, a violé l'article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
3°) ALORS QUE l'article 8 2°) de l'arrêté n° 1824 D du 3 octobre 1980 fixant les conditions de fonctionnement du comité d'expertise douanière prévoit, pour les « Contestations portant sur l'espèce, l'origine ou la valeur des marchandises », c'est-à-dire en cas de recours au comité d'expertise douanière dans les cas prévus à l'article 83 du code des douanes, que « Le service des douanes établit, en double exemplaire, un acte de recours au comité d'expertise douanière conforme au modèle déterminé par le chef du service des douanes » qu'il soumet ensuite à la signature du déclarant ; que l'article 9 de cet arrêté précise que les deux exemplaires de l'acte de recours sont transmis « par le chef de bureau des douanes compétent » au chef du service des douanes, qui le transmet lui-même au comité d'expertise douanière ; qu'en jugeant qu'aucune disposition légale, et notamment l'arrêté n° 1824 D du 3 octobre 1980, ne réservait à l'administration des douanes le monopole de la saisine du comité, qui pouvait être saisi par tout requérant contestant l'appréciation du service des douanes, tandis qu'il résultait de la combinaison de l'article 83 du code des douanes de la Polynésie française et de l'arrêté n° 1824 D du 3 octobre 1980 que seul le service des douanes pouvait saisir le comité d'expertise douanière en cas de contestation portant sur l'espèce, l'origine ou la valeur des marchandises, la cour d'appel a violé ces textes ;
4°) ALORS QUE le président peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, nonobstant l'existence d'une contestation sérieuse ; qu'en se fondant, pour rejeter les demandes de la société Newrest, sur le fait que la position de la Polynésie française, qui subordonne la saisine du comité à la détermination exacte de la marchandise objet de la contestation, qui n'est acquise qu'au moment où l'administration des douanes notifie les infractions douanières, constituerait une contestation sérieuse de l'illicéité manifeste invoquée par la société Newrest, tandis qu'il appartenait à la cour d'appel de se prononcer sur le caractère manifestement illicite ou non du trouble constitué par le refus de l'administration des douanes de saisir le comité d'expertise douanière, sans égard à la « contestation sérieuse » élevée par la Polynésie française sur l'illicéité manifeste de ce trouble, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
5°) ALORS QUE, en tout état de cause, l'article 83 du code des douanes de la Polynésie française prévoit que, dans le cas où le service des douanes conteste, au moment de la vérification des marchandises, les énonciations de la déclaration relatives à l'espèce, à l'origine ou à la valeur et où le déclarant n'accepte pas l'appréciation du service, la contestation est portée devant le comité d'expertise douanière ; que la saisine du comité d'expertise douanière est ainsi permise dès que le service des douanes porte une appréciation quant à l'espèce, l'origine ou la valeur des marchandises vérifiées ; qu'en jugeant néanmoins que la position de la Polynésie française, qui subordonne la saisine du comité à la détermination exacte de la marchandise objet de la contestation, qui n'est acquise qu'au moment où l'administration des douanes notifie les infractions douanières, est une contestation sérieuse de l'illicéité manifeste invoquée par la société Newrest, la cour d'appel a violé l'article 83 du code des douanes de la Polynésie française, ensemble l'article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
6°) ALORS QUE, en toute hypothèse, l'arrêt attaqué a constaté que les infractions douanières reprochées à la société Newrest à la suite du procès-verbal de constat du 18 novembre 2014 lui ont été notifiées par procès-verbal du 28 avril 2015 (arrêt, p. 2 § 3) ; qu'en retenant, pour juger que les demandes de la société Newrest se heurtaient à une contestation sérieuse, que le comité d'expertise douanière ne pouvait être saisi avant la notification des infractions, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que les infractions consécutives aux fausses déclarations reprochées à la société Newrest lui avaient été notifiées le 28 avril 2015, soit avant même que le juge des référés ne statue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 432 du code des douanes.